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Critiques de Camille Laurens (770)
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Fille

Merci Pour cette Masse critique privilégiée, Babelio et Gallimard, je ne savais pas à quoi m'attendre, si ce n'est que j'aime bien l'auteure, son style.



Fille.

F.

F comme Féminin

F comme Femme,

F comme Femelle,

F comme Fente, on n'est pas si loin de Fiente. C'est peut-être ce que certains pensaient dans les années 60, quand Laurence est née.



Le F qui fait mâle,

Le F qui oscille entre Faiblesse et Force.

Le F qui Foudroie de sa Flèche, parce que naître Fille, c'est n'être moins que rien, moins que lui, encore parfois aujourd'hui, dans certains pays, et même ici.



C'est une Fille, et pour ça, on la pense Facile.

On peut lui Farfouiller l'intimité, Forniquer, Forcer, tout Foutre dedans, et s'en Foutre.



C'est une Fille, quelle est sa Faute ? Être né Garçon, c'était juste une lettre après, dans l'alphabet. C'est bête, mais c'est ainsi.



Laurence va composer avec cette absence d'attributs, toute sa vie, se construire, se chercher, se trouver, transmettre à son tour. Nous allons vivre sa vie.



L'intrigue ne m'a pas semblé assez solide, mais j'ai beaucoup aimé le style, et le sujet, bien sûr, de l'identité et de la transmission, consciente ou non.



F comme Fin.



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Fille

Tout est dit dans ce récit, dévoré d’une traite. Etre une fille ou une femme : toute une aventure.



Même ce que peut en dire notre langue est remarquable, dans sa pauvreté lexicale pour définir une bonne moitié de l’humanité, et dans le machisme des règles grammaticales. Camille Laurens ne laisse passer aucun manquement, tant les mots sont le reflet de la place accordée aux femmes dans la société. C’est l’occasion de pointer du doigt des anomalies que l’on ne relèverait pas, tant l’habitude et les automatismes nous en cachent le sens profond.



Dans ce récit qui débute à la fin des années cinquante, on découvre l’univers de Laurence, ni pitoyable ni exceptionnel, père médecin, mère au foyer. Mais dès le départ, à sa naissance, c’est clair que la déception est là « une fille, c’est bien aussi. », même si l’ainée a hérité d’un prénom épicène. Laurence naît sous le signe la double déconvenue.



De l’enfance à la maturité et à la condition de mère à son tour, l'auteur décline tous les chapitres qui marquent l’évolution d’un destin ordinaire mais aussi du regard de la société sur le statut de la femme. Et les contradictions et ambiguïtés que masque un progrès paradoxal.



Etre fille, femme, mère, autant d’étapes cruciales que certains événements ont marquées au fer rouge : agressions sexuelles, perte d’un enfant, déconvenues amoureuses.



La génération née au 21è siècle saura-t-elle faire la part des choses et affirmer bien haut sa liberté et son indépendance. C’est ce que laisse entendre la dernière partie.





Très belle écriture, et magnifique récit, premier coup de coeur de 2021 !


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Fille

Ouvrage reçu lors d'une Masse Critique Privilège, je tiens tout d'abord à remercier babelio ainsi que les éditions Gallimard pour l'envoi de cet ouvrage car, sans ceux, je ne l'aurais probablement jamais découvert et cela aurait été bien dommage ! Cependant, petite réserve au départ car jusqu'à la toute dernière page, je n'ai pas réellement su si j'allais aimer cette lecture ou pas et puis, finalement de fil en aiguille, j'ai bien vu que ma lecture progressait -pas à pas certes mais que plus j'avançais dance cette dernière (découverte à la fois de l'ouvrage mais aussi de l'auteure) et de plus en plus, je me laissais griser par ce que j'étais en train de lire.



Camille Laurens, prénom et nom à la fois féminin et masculin...et bien voilà un sujet de roman tout trouvé ! cella de l'appartenance à tel ou tel monde (homme ou femme ? Fille ou garçon ?). Laurence, notre héroïne, est une fille, vous l'aurez compris, mais pour ses parents, c'est "encore" une fille". Elle suit la naissance, à quelques années près, de sa soeur Claude (encore un prénom ambivalent). Notre héroïne narratrice n'aura de cesse de se battre pour exister pleinement en tant que personne à part entière, et non pas seulement comme la fille de, la soeur de et plus tard encore l'épouse de. L'on suit ici son enfance, son adolescence puis son passage à son tout au statut de mère, celle d'une fille après qu'elle a perdu dès l'accouchement, son premier né, un garçon, et dont elle ne fera jamais réellement le deuil (d'ailleurs, peut-il en être autrement pour une mère ?).

Sa propre fille, Alice, elle s'est toujours senti dans la peau d'un garçon et ce, depuis sa plus tendre enfance mais pour quelle raison ? Laurence l'ignore...est-ce inconscient de la part de cette dernière, comme si elle voulait combler le vide de l'enfant mâle disparu prématurément ?



L'auteure aborde ici des sujets extrêmement sensibles (eh oui, même de nos jours), mais sur un ton léger et très agréable à lire ! Mêlant humour, roman et sujet de société, voilà un beau panache qui résume à merveille cet ouvrage que je ne peux que fortement vous recommander même si j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans en raison de certains passages trop sensibles à mon goût mais je vous laisse les découvrir par vous-même car cela est probablement dû à ma sensiblerie (diront certains mais je le reconnais moi-même, donc il n'y a pas de soucis) de femme trop à fleur de peau dès que l'on traite de tels sujets.
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La petite danseuse de quatorze ans

Elle est insolite cette petite danseuse, affichant un calme détaché, une nonchalance étudiée, les mains jointes dans son dos. Sculpture habillée de vrai tulle, je me souviens de notre première rencontre, au Jeu de Paume qui abritait alors les impressionnistes. Elle et Olympia m'avaient ce jour de sortie scolaire subjuguée par leur présence évidente, naturelle.



Alors depuis la rentrée (littéraire), je tourne je vire j'hésite autour de ce bouquin. Est-il bien nécessaire de décrypter encore une trajectoire d'artiste, Edgar Degas, l'origine d'une oeuvre d'art aussi célèbre soit-elle, la sculpture de la Petite Danseuse de quatorze ans, achevée en 1881 ?



Si vous lisez ce billet, c'est bien sûr que j'ai craqué. Il faut dire qu'une exposition « Degas Danse Dessin » commence aujourd'hui au musée d'Orsay (un des mes préférés), que la danse m'a toujours passionnée, et surtout, après Celle que vous croyez, son dernier roman très apprécié, j'avais envie de lire Camille Laurens dans un autre registre.



Résultat : un texte court et passionnant, fruit d'une véritable enquête de plus de deux ans extrêmement bien documentée. Camille Laurens est partie sur les traces ténues de Marie van Goethem, petit rat inconnu à l'Opéra de Paris, qui fût le modèle pour cette sculpture, tout en s'efforçant, elle le précise en fin d'ouvrage, « de ne pas séparer le modèle de l'artiste, d'attraper si possible un peu de leur lien, d'où est né l'une des grandes oeuvres modernes. »



L'intérêt de ce récit est double. Il est à la fois très érudit ET néanmoins personnel, sans doute parce que au-delà de l'étude sociologique du milieu de la danse au XIXe siècle, du destin couramment tragique des danseuses le plus souvent réduites à se prostituer pour survivre, l'auteur éprouve une affection particulière pour Marie, pour sa pénible vie minuscule. « Chaque détail prend une place démesurée dans l'esprit, tout fait signe comme dans une histoire d'amour, tout est matière à interprétation, à obsession. »

C'est aussi ce qui fait que ce récit est original, prenant, comme le fut cette sculpture en son temps, dérangeante et résolument moderne.



Je sais que la petite danseuse m'attend à Orsay. Je sais aussi que je ne la regarderai plus de la même façon grâce à vous Madame Laurens. C'est bien cela, le pouvoir de l'art, déranger, faire réfléchir, emmener plus loin, émouvoir.

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Celle que vous croyez

Captivant, drôle, féroce, brillant, incisif, habile, multiple, surprenant, mais aussi réfléchi, lucide et diablement bien construit. Bref, ce roman est un bijou de narration et de réflexion à entrées multiples et héroïne déroutante.



J'avoue, il m'a été difficile de lâcher le livre une fois le récit commencé. La tension y est palpable en permanence et la succession de plusieurs « histoires dans l'histoire » maintient l'intérêt jusqu'au bout.

A l'heure de la cinquantaine, Claire Millecam ( inversion de Camille ! ) doute. Elle doute de son amant, de son pouvoir de séduction, alors elle décide de s'inventer un profil Facebook fantasmé. Plus jeune et donc plus belle…elle séduit virtuellement mais pour de bon l'ami en voulant surveiller l'amant.

L'imbroglio commence avec son cortège de faux-semblants et mensonges, et le piège ne tarde pas à se resserrer dangereusement autour de Claire, une femme déboussolée, en apparence.

Voilà pour le début de l'intrigue !



Réflexion sur le temps qui passe, vertige du sentiment amoureux, désir d'une femme qui ne veut pas renoncer à vivre tout simplement. Oui, « Celle que vous croyez » c'est bien tout cela, mais pas seulement. La plongée dans les mondes virtuels qu'ils soient connectés ou romancés est passionnante et savamment imbriquée :

« Nous inventons tous notre vie. La différence, c'est que moi, cette vie que j'invente, je la vis. »



Invention de l'auteur, réalité autobiographique si tendance ? Où se trouve la vérité ? Ce sera bien sûr celle que vous croirez, même si on ne peut éviter de se poser la question au cours du récit, car « Se faire un roman, c'est se bâtir un asile. »

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Fille

Laurence Barraqué naît dans les années soixante dans une famille où un garçon est attendu.

Camille Laurens nous livre son parcours de "fille" et elle nous en donne tous les sens du terme avec émotion et humour, dans un style étonnant, très agréable à lire.

Dans sa petite enfance, elle emploie la première personne pour présenter sa famille.

Son père, médecin, a peu de respect pour sa mère.

Sa mère, ménagère, coquette et infidèle, est entourée affectivement et financièrement par sa mère et sa grand-mère.

Les deux filles, Claude et Laurence évoluent dans un milieu rassurant jusqu'au jour où, à la campagne, Laurence vit un évènement traumatisant.

Elle pourra le raconter mais les femmes de la famille veulent absolument taire le fait.

A partir de ce moment, le monde devient plus réel et Laurence utilise la narration à la troisième personne en parlant d'elle.

Se déroule alors son adolescence où elle se rapproche de Claude, sa sœur et aussi des garçons.

J'ai beaucoup aimé le moment où le père des deux filles leur fait une leçon d'éducation sexuelle avec le seul but qu'elles se préservent pour le mariage. Il m'est devenu soudain beaucoup plus sympathique de par son implication envers ses filles.

La réflexion de l'auteure au sujet des filles qui se préservent et des garçons qui se forgent une expérience, sur le rôle de la femme aussi qui a sans cesse besoin de la protection de son mari ressortent très fort dans le livre.

On chemine dans le livre jusqu'au point fort où Laurence , devenue femme, dialogue avec sa fille : un point très important du livre.

Un très beau roman qui a prolongé ma réflexion sur ma condition de "femme" .

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Fille

Nous assistons « en direct » à la naissance de Laurence, alors que la religieuse qui fait office de sage-femme fait remarquer qu’il ne s’agit que d’une fille. Or le père de famille, le Dr Barraqué voulait absolument un garçon, que l’aînée soit une fille, passe encore, mais que le scenario se répète, c’est une infamie et en plus la femme d’un de se amis vient d’accoucher d’un garçon, il en est réduit à raser les murs, en sortant de l’hôpital ! Notons au passage que nous sommes en 1959 !



Ensuite vient le choix du prénom, mais avait-on vraiment prévu un prénom féminin ? Ce sera donc Laurence (l’aînée a hérité d’un prénom non genré : Claude!)



Ton père va le matin à la mairie déclarer la naissance, la « née-sans ».



Le couple repart donc avec une fille sous le bras, comme un paquet encombrant. Le père va briller durant toute l’enfance puis l’adolescence par son absence, son épouse qui a l’importance d’un meuble dans la famille, ne s’en occupera guère plus. Il n’est là que pour régenter, donner des ordres, des règles, formater ses filles en gros, comme il semble avoir formaté sa femme…



Cette lecture n’a pas été une partie de plaisir pour moi, car ce père a déclenché une puissante aversion, et page 158, quand j’ai vu comment il se comportait pendant la grossesse de Laurence, le roman a failli m’échapper des mains : j’aurais eu une Kalachnikov, à portée de main, je l’aurais trucidé… Mais j’ai tenu à terminer ce livre pour voir jusqu’où cela pouvait aller… mentir pour imposer comme gynécologue-obstétricien à sa propre fille, un véritable boucher, et le plaindre parce qu’il a mal géré, alors que c ‘est sa fille la victime … Cela se voyait au début du XXe siècle cf. « Corps et âme » de Maxence Van der Mersch, à l’époque des « Mandarins » …



Très vite, Laurence fait ce qu’on attend d’elle, mais elle se réfugie dans les fantasmes, ses rêves sont là pour pallier les manques, les souffrances, car de surcroît, elle n’a rien à attendre de sa sœur, qui la traite aussi mal que le patriarche…



Quoi qu’il en soit, comment se construire, s’épanouir, trouver un sens à sa vie, être une femme, (mais qu’est-ce qu’une femme dans une telle famille?) quand on a grandi dans un tel milieu et aussi, quel couple peut-on former et quelles valeurs transmettre à ses propres enfants ensuite… être une mère, quand on n’a jamais reçu de marques d’affection de la sienne ? Laurence est-elle une femme, une pseudo-femme, un pseudo-homme ? De plus on ne peut pas dire que le nom de famille choisi par l’auteure « Barraqué » puisse être susceptible d’aider…



L’auteure nous livre une scène d’anthologie : quand le père, médecin je le rappelle, tente de leur expliquer la sexualité, l’importance de rester vierge et qui se termine ainsi :



« Bon, en définitive, poursuit le père, ce n’est pas compliqué, résumons-nous : il suffit d’être sages et d’obéir à votre père. Les filles ont leurs règles et elles suivent les règles, c’est tout. »



Camille Laurens nous livre ici une description au vitriol du machisme, et un plaidoyer pour le féminisme style MLF des années soixante-dix… Je suis née presque dix ans avant (le roman se situe en 1959, et je n’ai pas du tout vécu cela : dans la famille naître fille n’était pas un handicap, l’école primaire, puis secondaire était sous le signe de les filles dans une école les garçons de l’autre, certes, mais cela ne nous dérangeait pas. Ce que demandaient les parents, c’était bien travailler à l’école, faire des études, avoir un métier. Bien-sûr, nos mères étaient des femmes au foyer et ne s’épanouissaient pas au mieux mais on ne percevait pas une revanche à prendre à tout prix pour leurs filles…



Je suppose que l’auteure a choisi volontairement, pour illustrer son propos, ce père tout-puissant, méprisant, qui veut tout régenter et elle a réussi à le rendre exécrable, mais à force de le rendre antipathique, on en oublierait presque que la mère ne s’interpose jamais : les filles doivent subir, même si elle sont victimes d’attouchement, elles doivent se taire, c’est forcément de leur faute, et puis c’est connu le grand-oncle a les mains baladeuses …



J’ai remarqué en lisant ce roman, que l’auteure portait un prénom épicène pour reprendre la formule d’Amélie Nothomb et que son nom de famille était aussi une version dérivée de Laurence, et vue la manière dont le père est décrit, son comportement oppresseur oppressant oppressif, j’en déduis qu’il s’agit d’une autofiction … Or l’autofiction n’est pas un « genre », au sens littéraire bien-sûr, que j’affectionne.



L’auteure présente une description de l’hystérie au XIXe siècle à la Salpêtrière qui est très réductrice aussi… et n’oublions pas que l’hystérie existe aussi chez l’homme, mais cette « maladie » a été littéralement explosée : histrionisme c’est plus adapté aux hommes Ah ! Ah !



J’ai ressenti un profond malaise durant cette lecture, et je ne suis pas convaincue… d’ailleurs j’ai eu un mal fou à rédiger cette chronique (et sans lire les autres chroniques pour rester au plus près de mon ressenti), que j’ai dû refaire trois fois et qui ne me convient toujours pas en fait …



Je trouve par contre que Camille Laurens maîtrise très bien la langue et joue avec les mots, les associations d’idées, (l’opposition garce-garçon par exemple) Lacan aurait peut-être apprécié. Je n’ai lu que « celle que vous croyez » de Camille Laurens et il m’a laissé un meilleur souvenir. Par contre, je sens que celui-ci va me hanter quelques temps…



Un grand merci à Babelio et aux éditions Gallimard qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de l’auteure…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Celle que vous croyez

Maître de conférence, divorcée, Claire Millecam, proche de la cinquantaine, a un amant, Jo. Volage. Pour pouvoir le surveiller, elle se crée un faux profil Facebook, devient Claire Antanès, une jeune femme brune de 24 ans, passionnée de photographie et travaillant dans la mode. Elle entre alors en contact avec Chris, photographe, et ami de Jo. Elle commence à échanger avec lui. Une relation virtuelle qui s'intensifie au point que Chris tombe amoureux de la jeune femme. Elle-même finit par croire à ses mensonges...



Dans ce roman d'autofiction, Camille Laurens nous plonge dans un jeu de miroir parfaitement maîtrisé. Un roman intense dans lequel elle se pose en défenseur de la femme, passé un certain âge, du désir qui l'anime encore, de la difficulté à être désirable, met en avant la place laissée aux femmes dans ce monde d'hommes, l'injustice liée à son sexe ainsi que les relations entretenues à travers nos écrans. En trois parties distinctes, donnant la parole à Claire, puis à Marc, son psychiatre, et enfin à Camille, un écrivain, elle joue sur les faux-semblants, nous manipule et entremêle la fiction et le réel. Un roman captivant, intelligent, dense et original, servi par une écriture envoûtante.

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La petite danseuse de quatorze ans

Quelle rentrée... pleine de pépites et de promesses... dont cet ouvrage de Camille Laurens, où j'ai eu d'emblée un coup de coeur pour le sujet !

Je méconnais cette auteure , j'ai lu il y a fort longtemps "Dans ces bras-là", avais assisté à une rencontre avec l'écrivaine à cette parution, mais je n' en ai guère de souvenirs; en revanche, j'ai lu plus tard un texte qui m'avait passionnée, il s'agit du "Grain des mots",

une réflexion vivante, jubilatoire, poétique sur les mots et la langue....



Dans ce dernier texte captivant , le sujet interpelle vivement le lecteur !

En plus des informations sur l'histoire de l'art, et plus spécifiquement sur une sculpture de Edgar Degas, "La petite danseuse"... Il est à la fois question des codes, des normes esthétiques de l'époque, mais aussi de tout le contexte social , dont les conditions de vie terrible pour les enfants pauvres qui doivent travailler, ou plus exactement "trimer" ... Nous prenons connaissance des coulisses des modèles qui posent sur les artistes, dont cette adolescente, marie Van Goethem, petit rat à l'Opéra de Paris, existence quotidienne qui se situe bien loin des paillettes !!



"Marie Van Goethem n'est qu'une jeune ouvrière de la danse et une petite fille seule, solitaire. Personne ne se soucie de son sort. Degas la modèle dans sa simplicité, dans son dénuement. La sculpture permet de figurer le vide autour d'elle : pas de décor, pas de compagnie. (...) Degas désire abattre le stéréotype, asséner une vérité que la société ignore- veut ignorer. La danse n'est pas un conte de fées, c'est un métier pénible. Cendrillons sans

marraine, les petits rats ne deviennent pas des princesses, et leurs cochers sans carrosse restent des souris grises comme le coutil de leurs chaussons." (p. 47)





Très bel ouvrage... qui ne me fera plus jamais regarder une sculpture de la même manière. J'aimais cette sculpture de Degas... mais après la lecture du texte incroyable de Camille Laurens, je me rends compte que mon regard manquait d'attention et de véritable profondeur...Je regardais, admirais sans vraiment voir ni comprendre la densité de cette oeuvre !



Comme son auteure... j'ai du mal à quitter ce livre et cette jeune danseuse si vaillante...





En plus des côtés artistique et sociologique, c'est aussi l'occasion pour l'écrivaine d'évoquer des souvenirs plus intimes, sa grand-mère [ qui aurait pu rencontrer

cette petite danseuse], issue aussi des classes pauvres, pour qui elle éprouvait beaucoup de tendresse, comme ses souvenirs d'enfance, ses propres leçons de danse avec sa soeur, prises avec un horrible professeur, plutôt "tortionnaire" qu'enseignant bienveillant !!





J'ai du mal à terminer ce livre, car j'ai du mal à quitter Marie. Je ne pensais pas formuler jamais une telle phrase. "Je suis triste de quitter mon personnage. Il m'obsède. Je continue

de penser à lui, à elle..." D'habitude, les auteurs qui prétendent cela m'exaspèrent, je les trouve

conventionnels, hypocrites, ridicules. Pourtant, c'est ce que j'éprouve aujourd'hui avec la petite danseuse, avec -ma- petite danseuse, ai-je failli écrire.

c'est peut-être parce qu'elle a un corps; fût-il en cire ou en bronze sous mes yeux, ce corps a existé, il a traversé des rues de Paris où je peux suivre sa trace aujourd'hui (p. 149)"



Une lecture très riche, multiple... que je trouve pleine d'émotion et d'informations sur une période de l'histoire de l'art et sur ce peintre-sculpteur, au caractère complexe, intransigeant, que Camille Laurens a appris , à défaut d'aimer sans réserve, du moins à le comprendre mieux dans ses exigences et dans son art !
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Fille

Laurence est née dans les années 50. Ses parents, enfin surtout son père, auraient préféré un garçon. Normal Laurence a déjà une soeur. Mais est-ce si normal ? Comme le dira plus tard Christian, le mari de Laurence, devant leur nouveau-né fille : Une fille c'est bien aussi, pour se reprendre aussitôt et ajouter : une fille c'est aussi bien...



Une fille née à une époque où les femmes sont par la loi (insupportablement) dépendantes de leur mari (pour ouvrir un compte en banque, travailler etc.) est presque par force en porte-à-faux avec son statut de fille. Un statut qui s'il a évolué n'est pas à l'égal de celui des hommes aujourd'hui encore. C'est ce que raconte Camille Laurens, avec tout le talent qu'on lui connaît, irrésistiblement crue, incisive, émouvante et drôle.



« Parfois je trouve un homme qui comprend qu'être à quatre pattes dans un lit ne signifie pas qu'on l'est dans la vie. Mais c'est rare. »
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La petite danseuse de quatorze ans



Je viens de découvrir les coulisses pas lisses du tout de l'Opéra, et les rats ne sont pas toujours ceux que l'on pense.

Ah les petits tutus qui ont fait fantasmer bien des messieurs, la bonne société se tait, et dans l'arrière-salle il se passe des choses bien sales. Enfin, à l'époque de Degas, et de sa « petite danseuse ». Ce monde ne m'a jamais fait rêver petite, alors je ne m'y suis jamais intéressée plus que ça, mais les pastels de l'artiste, si, et depuis fort longtemps.



Camille Laurens a écrit là un essai des plus justes et complets possible sur cette muse qui n'amuse pas du tout tant sa vie a semblé sordide, et sa mort anonyme. Elle s'est documentée jusqu'à l'obsession pendant plus de deux ans pour lui rendre hommage, et tenter de percer son mystère… fallait-il le taire ? Enfants misérables, exploitées pour des dessous de ballets de l'Opéra, puis d'un coup de balai, allez ouste, dehors les rats, répandre la syphilis ailleurs.

Elles prenaient la pose pour trois sous de plus et l'honneur en moins.

La statue de Marie Geneviève Van Goethem aux USA, et ses copies de bronze sont de bien tristes compensations... mais l'Art est à ce prix. Quant à Degas, on ne sait pas trop ce qu'il a fait avec sa poupée au juste.... 14 ans à peine qui en paraissait 12.
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Fille

En toute décontraction, j'ai commencé la lecture de fille de Camille Laurens… pourtant une amie babéliote, m'avait prévenue !



Tout d'abord, j'ai été subjuguée par l'écriture de cette auteure, sa précision, sa maîtrise, elle joue avec les mots, elle bouscule et elle nous amène au goût amer d'une mère et surtout d'un père qui aurait préféré au moins un garçon.



Quand la vie, donne deux filles à la famille Barraqué, on imagine vu le portrait du père médecin, qu'il n'aurait pas été gêné que la cadette s'enroule le cordon autour du cou…



Laurence va prendre cher, d'être née fille, abusée par son oncle en toute impunité, elle va être en quête d'absolu pour vivre son enfance pour plaire à ses parents, elle est sous la domination de ce père si imposant et face à cette mère, si tolérante qui banalise. Laurence oscille entre l'empreinte protectrice et destructrice de ce père.



Elle va d'abord engendrer la mort avant de pouvoir donner la vie. Je n'en dévoilerai pas plus.



Cette histoire a été pour moi pesante, j'ai fait un saut dans mon passé auquel je ne m'attendais pas.



Alors oui, je dois en convenir je suis sortie de ma zone de confort, et j'ai bu ses paroles dans la deuxième partie du livre, bouleversée aux larmes.



Je me suis interrogée sur la transmission à nos enfants, sur le poids de notre passé qui peut rejaillir sur notre descendance et ses conséquences pour leur vie.



Il n'y a pas de parents parfaits, la difficulté réside dans notre capacité à s'affranchir de l'emprise, du joug qui nous fait courber l'échine, de la culpabilité de vouloir être libre d'être une femme.



L'admiration de nos parents se mêle souvent à la colère de ne pas avoir été l'enfant que nous aurions voulu être à leur yeux. C'est un long chemin d'acceptation et de deuils.



C'est pointure souffrance, mais à un moment il faut parvenir à retirer nos souliers qui nous enserrent pieds et poings liés. La fille en attente d'un père, d'une mère est prête à tout pour transformer ce lien en cordage d'amour.



Etre libre de l'amour de nos parents, c'est se délivrer de toutes nos attentes, de cet héritage de les avoir idéalisés au regard duquel nous devions être une fille parfaite à défaut d'être née garçon.

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La petite danseuse de quatorze ans

Je m’attendais à un roman. Nenni, c’est un peu plus compliqué. Cette récente publication de Camille Laurens tiendrait plutôt de l’essai, de l’enquête, et accessoirement de l’autofiction.



Une enquête avant tout, axe essentiel du cheminement de ces pages. Une réhabilitation aussi, comme un hommage envers celle qui servit de modèle à Edgar Degas, Marie, dont l’existence minuscule et laborieuse affleure sous cette sculpture hyperréaliste du maître, la célèbre « Petite Danseuse de quatorze ans ».



J’attendais donc le roman de Marie, petit rat de l’Opéra de Paris, mais au fur et à mesure de ses recherches Camille Laurens a pris le parti de ne pas romancer à outrance le destin de cette enfant dont elle a fébrilement suivi la trace, jusqu’au vertige de bouleversantes convergences avec sa propre histoire. Et finalement c’est Camille qui s’adresse à Marie, en un tête-à-tête particulier et infiniment touchant.



La fillette pourtant conserve encore des bribes de mystère, mais au fil de cette rencontre qui insensiblement monte en puissance, l’on découvre aussi l’énigmatique Degas et les mœurs de son époque dans une passionnante évocation de notre capitale en ce début de vingtième siècle.



Inévitablement l’on contemplera la Petite Danseuse d’un œil différent désormais. D’ailleurs aussitôt dit aussitôt fait, je vous laisse, je file au musée d’Orsay.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Fille



'J' ai lu Fille de Camille Laurens il y a plus d'un mois déjà, j'ai vu passer beaucoup de posts à son sujet alors qu'en dire de plus ?



Juste que si ma fille était un peu plus âgée, je mettrai ce livre sur le pouf qui est juste à côté de son lit et je lui dirai :



"Lis le, pour comprendre quelle était la place de la femme dans les années 60 et comment en se battant, elle peut évoluer. Pas de compte bancaire, pas de possiblité de faire un chèque, la nécessité de demander l'autorisation de son mari pour travailler il n'y a pas si longtemps;"



" Lis le, parce que la plume de Camille Laurens est à la fois drôle et juste, parce qu'elle sait si bien souligner l'importance du langage et de l'éducation sur la position des filles dans la société. "



"Lis le, parce que si l'histoire se répète souvent, ce roman raconte l'émancipation des femmes et que je compte sur toi pour continuer à affirmer ta liberté et ne jamais te laisser dicter ta tenue, ton comportement ou ton rôle."



Peut être qu'elle le lira dans quelques années et qu'elle se souviendra de ce conseil...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Celle que vous croyez

Je n'avais lu qu'un livre de Camille Laurens,"Dans ces bras-là" et n'avais pas aimé du tout...ni la prose...ni le sujet.Ici pareille, ce genre de prose que je trouve un mélange de genres ,labyrinthique ("Je faisais attention à ce que j’écrivais, je rajoutais des fautes d’orthographe (et ça m’était très difficile, vraiment, je prenais sur moi : je n’aime pas voir la langue maltraitée. La langue est le reflet de ma vie. Quand je voudrai mourir tout à fait, je me tairai)"....),n'est pas de mon goût,et le sujet,bof ça ne me dit pas grand chose.

Une certaine Claire Millecame, femme de quarante-huit ans, deux enfants, séparé du mari et un amant plus jeune qu'elle. Confiance en soi chez la Millecame, zéro, donc jouet facile pour l'amant....elle raconte à son psy , "c'était moi l'enfant". Bon déjà à quarante-huit ans c'est trop tard ou trop tôt pour retourner à l'enfance ( pourtant un trés bel âge, encore que faudrait en être consciente.....) . Quand aux rôles d'hommes, l'amant, son copain..., aux diminutifs bien choisis,Chris, Jo, font rêver à de beaux grands garçons sportifs, américains ....donc tout baigne pour eux....alors que pour ces pauvres femmes à la cinquantaine....(surtout que la notre est obsédée par son âge et la peur de perdre son pouvoir de séduction et autres,j'en passe...).

Bref, La Millecame s'engrène dans une histoire de Facebook avec un faux profil, histoire de se restaurer sa sécurité intérieure à la Mata Hari, version net,...ca va l'entraîner loin....trop loin.....C.L.nous emboîte les histoires à la manière des poupées russes, "essayant" de brouiller les pistes...

Pas vraiment été impressionnée , et sur le thème de fond,j'ai lu mieux l'année dernière (D'après une histoire vraie/ L'imposteur).



Bon...je ne vais pas m'y acharner,je pense que vous avez compris....surtout par respect pour la critique de ma copine babeliote Piatka....bravo et 5+1 étoiles à sa super critique qui m'a lancée dans ce livre à une vitesse éclaire,un livre qui ne m'attirait pas du tout ( finalement ça s'est révélée juste,mais No problem Piatka!). Laurens à beaucoup de chance d'avoir une lectrice comme elle,quand à moi vaut mieux pour C.L.que je reste chez moi avec mes Gallay,Adam,Blondel,Lafon,Ferney et autres....dans l'attente d'une nouvelle pépite.



P.s. Quelques citations ,"Nous les femmes, nous sommes toutes des boîtes de conserve. Du jour au lendemain, impropres à la consommation", "Être folle ?.....C'est voir le monde comme il est.", dit la Millecame ou C.L?.....No comment.....ça ne m'étonne pas qu'elle ait fini chez les......



"Comment, pourquoi tout ce cirque ?"

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Celle que vous croyez

Claire, quarante-huit ans, professeur et divorcée ne voit que des inconvénients à être une femme. Que des injustices dans le sort réservé aux femmes au regard de celui des hommes. Surtout aux femmes vieillissantes pour qui vieillir peut signifier perdre sa capacité de séduction et être abandonnée. Une crainte tellement élevée chez certaines qu'elles sont prêtent à toutes les manipulations, comme Claire qui s'inscrit sur Facebook sous un faux profil, masquant son âge et conséquemment son physique, pour pister son amant par des échanges avec Chris, le colocataire et ami de celui-ci. Un scénario dans lequel Claire n'a malencontreusement pas prévu qu'elle s'éprenne de Chris et lui d'elle, ou plutôt de son profil - empêchant par là toute relation autre que virtuelle.



Quelques mois d'une relation virtuelle qui vont conduire la narratrice au bord de la folie. Et voilà bien le problème, imaginer sa vie plutôt que de la vivre, une possibilité offerte par internet, dans laquelle certains s'engouffrent et se perdent. Bon, mais ce n'est pas tout, l'histoire est un peu plus compliquée, car Celle que vous croyez, à la manière de D'Après une histoire vraie de Delphine de Vigan, est aussi une autofiction. Une mise en abyme efficace qui, bien qu'un peu trop tarabiscotée, manipule habilement le lecteur jusqu'au mot ultime.
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Fille

C'est pourtant un livre bien écrit dont le thème est intéressant. Naitre fille, être une fille c'est quoi. Une bonne nouvelle ou non ? En lisant le livre de Camille Laurens on pourrait penser que c'est une catastrophe. Des parents ont une première fille qu'ils appellent "Claude", prénom épicene qui n'échappe à personne. Une seconde fille suit peut de temps après. La première passe encore mais une seconde fille, c'est pire que tout, une véritable malédiction ! Cette seconde fille s'appellera "Laurence". On a même pas pensé à un prénom féminin, le premier qui vient à l'esprit...

Laurence est née en 1959 et nous décrit sa vie de fille puis de femme. Elle n'est franchement pas de la fête cette gamine...Et sa vie future ne sera pas meilleure.

Ce qui m'a plu : l'écriture de l'autrice, que j'aime bien. J'avais lu auparavant "Dans ces bras-là" et " Celle que vous croyez" qui sont aussi des romans qui marquent.

Ce qui ne m'a pas plu : il me mets franchement mal à l'aise. Je suis un peu plus jeune, née au milieu des années 60, et j'ai dû mal à croire que "naître fille" était une catastrophe voire une malédiction. Je ne sais pas si l'autrice à vécue la même chose mais pour moi ce n'est pas un roman. Ce sont plutôt des chroniques de la vie de Laurence. Elles m'ont soient mises mal à l'aise soit ennuyées. J'ai malheureusement abandonné ce livre.
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Fille

Pour être parfaitement honnête, je ne suis pas une fan de Camille Laurens:Ces bras-là, lu il y a longtemps me l'avaient assez injustement fait cataloguer dans les auto biographies ou auto fictions narcissico-exhibitionnistes dans le goût du jour, qui généralement m'exaspèrent parce qu'elles me donnent un sentiment de voyeurisme et, si elles se lisent effectivement facilement, n'apportent pas grand chose à la littérature. Mais il ne faut jamais juger un écrivain sur un livre. J'ai trouvé Fille dans une librairie comme je les aime, où les livres sur les étagères et sur les présentoirs sont les fruits d'un choix et d'une passion et dessinent le portrait en creux du ou de la libraire. La boutique, attenante à un café alternatif lui aussi très sympa, allait fermer. Fille me tendait les bras, au milieu de plein de titres rares, peu connus mais que j'avais lus et adorés. Un signe ! J'ai donc redonné sa chance à Camille Laurens et ne l'ai pas regretté.



Fille est un très bon bouquin. L'autofiction y sert plus de trame que de sujet. L'entrée de lecture principale est le féminin dans tous ses états. de la naissance à l'âge adulte, du bébé à la femme, de la fille à la mère, de la vierge à l'amante, de la jeune à la vieille, de la solitaire à l'abandonnée, de la fidèle à la libertine.



Et l'ecrivain, avec rigueur, humour, cruauté et intransigeance, élabore tout un lexique, toute une grammaire de la féminité.



Rien que la polysémie du mot- titre est tout un programme.



La fille à force de servir à tout ne se définit par rien. Sa naissance est une déception, un pis aller. Son parcours, une série d'épreuves qu'elle est contrainte par son entourage d' intérioriser- l'agression sexuelle patente , tout enfant, par un proche coutumier du fait , l'avortement tardif et traumatisant, la perte d'un enfant à cause de l'erreur médicale d'un médecin imposé par ses parents- sans espérer en obtenir réparation, sans même avoir le droit d'en parler.



Certes le constat est à présent très légèrement obsolète... Et être fille, ici, depuis quelque temps est sans doute un peu plus facile ou plus gratifiant.. Mais les filles nées à la fin des années 50 sont les grands mères d'aujourd'hui. Tout cela n'est pas si loin. Et pour parodier Aragon, rien n'est jamais acquis à la fille et quand elle croit ouvrir ses ailes, patatras !.. Voyez les femmes américaines contraintes de repartir pour un combat qu'elles ont cru gagné depuis des décennies !



J'ai lu Fille d'une traite, avec intérêt, avec empathie, avec joie et parfois avec colère.



Non, il ne faut pas juger un écrivain sur un livre, et celui-ci, intelligent, sensible, critique m'a réconciliée avec son auteure dont j'ai depuis découvert d'autres facettes. Mais chaque chose en son temps, Fille est un livre que toutes les filles devraient lire...et pas mal de garçons aussi !



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La petite danseuse de quatorze ans

La première fois que j'ai entendu parler de 'la Petite danseuse de quatorze ans' d'Edgar Degas, c'était fin janvier, grâce à Artips, ma dose d'art tri-hebdo. Comme souvent, l'article m'a donné envie d'en savoir davantage sur l'oeuvre, l'artiste et son modèle, Marie Geneviève Van Goethem.

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Dans cet ouvrage passionnant, Camille Laurens évoque la famille de la jeune fille, les conditions des petits rats de l'Opéra d'alors - également appelées 'marcheuses', ce qui en dit long sur leur boulot d'appoint ou leur reconversion si elles n'ont pas le talent nécessaire pour devenir danseuses. Issues de familles pauvres, elles répètent une dizaine d'heures par jour. Et c'est d'autant plus difficile qu'elles sont affaiblies par le manque d'hygiène (nourriture, soins...). Leurs mères sont de véritables maquerelles puisqu'elles espèrent, en les inscrivant à l'Opéra, que des hommes leur proposent des 'extras', voire qu'un riche devienne leur 'protecteur', et leur assure une rente à vie. Cela dit, si elles sont proxénètes, elles ne sont pas au service de pédophiles, juridiquement parlant, malgré la jeunesse de leurs filles : « La majorité sexuelle a été fixée à treize ans par la loi de 1863 - elle l'était auparavant à onze. » Affreux !

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L'auteur s'interroge aussi, bien sûr, sur Edgar Degas - l'artiste, mais aussi l'homme « seul, intransigeant, sarcastique, tendre rarement », sur les relations qu'il a pu entretenir avec Marie Geneviève et ses autres jeunes modèles (chastes, apparemment, mais froides et distantes). Elle se demande ce qui l'a conduit à façonner cette sculpture, de cette façon-là, qui a tant choqué à l'époque. Pour cela, Camille Laurens situe le contexte socio-historique, artistique (réalisme en littérature), scientifique (anthropologie criminelle, thèses sur la supériorité de certaines 'races'). On découvre le 'beau monde' élitiste, misogyne et friand de chair fraîche de la fin du XIXe siècle…

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Cet ouvrage documenté et riche se lit comme un roman, d'autant qu'on y sent la passion et la fascination de l'auteur pour ses sujets.

Accessible sans pré-requis, pour tous les curieux.

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▪️ Merci à Babelio, Gallimard et Folio.
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Celle que vous croyez

Cela commence par des confidences sur le divan. Celles d’une femme mûre, qui n’accepte pas volontiers de renoncer aux privilèges de la jeunesse, et en particulier à la séduction. Notre époque offre l’avantage de se construire des profils rêvés et aussi virtuels que sublimés. Mais la démarche de la narratrice est encore plus tordue que ça puisque le but initial avoué lorsqu’elle se crée un faux profil Facebook pour entrer en contact avec Jo, est de surveiller les agissements de son ex, Chris, avec qui il est ami. Jo, Chris, Jocrisse, ce n’est pas un hasard, si?

Sauf que Jo mord vraiment à l’hameçon et tombe raide dingue de la jeune brune sexy avec laquelle il croit échanger. De quoi péter les plombs que l’on soit grugeur ou grugé…



Rupture de narration avec la deuxième partie, qui donne la parole au psy qui recueillait les confidences de notre cyber-cougar, et qui avait dû faire l’impasse au cours de ses études sur le sujet du contre-transfert…



La construction est fort habile, car le discours discrètement délirant de la narratrice distille peu à peu les éléments d’une histoire machiavélique qui dépasse rapidement les acteurs, et les conduit à improviser des parades qui elles mêmes….. « Celui qui dit un mensonge ne prévoit point le travail qu'il entreprend ; car il faudra qu'il en invente mille autres pour soutenir le premier » dit Alexander Pope. A ce petit jeu là, rien d’étonnant que l’on soit dépassé par les événements.



La déstabilisation est un petit jeu qui semble convenir à l’auteur qui met en scène dans un troisième volet, une autre femme, qui exerce le métier d’écrivain, et anime des ateliers d’écriture dans l’établissement spécialisé qui accueille la narratrice……



Les personnages de ce drame psychologique sont ambigus à souhait, et c’est autour leurs fragilités qui s’élabore une intrigue psychologique assez envoutante.





Si l’on en croit Anatole France le mensonge  est un subterfuge qui apporte de la fantaisie aux hommes :  



« J ’aime la vérité. Je crois que l'humanité en a besoin ; mais elle a bien plus grand besoin encore du mensonge qui la flatte, la console, lui donne des espérances infinies. Sans le mensonge, elle périrait de désespoir et d’ennui ».



Et bien, quand Camille Laurens se saisit du procédé, on peut lui donner raison, car on ne s’ennuie pas une seconde sur ce court roman, bien écrit et captivant.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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