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Citation de Charybde2


Il était une heure du matin. C’était samedi. Après avoir rapidement zappé, Gabriel vérifia que toutes les chaînes privées étaient sans signal. Seule la télévision publique continuait à émettre.
L’image qui emplissait l’écran avait été prise depuis la terrasse de la chaîne nationale. Gabriel le savait parce qu’il s’y était rendu plusieurs fois. La caméra-robot visait la partie est de la ville. Les images que l’appareil enregistrait étaient en général utilisées pour commenter la météo au cours des matinales et des journaux télévisés.
Gabriel se concentra sur l’information qu’il pouvait extraire de cette image statique.
La plupart des lumières de Santiago étaient éteintes, mais son cœur fit un bond dans sa poitrine quand il vit, sur la ligne d’horizon, les trois gratte-ciel les plus élevés de la capitale, regroupés dans la même zone, tels les doigts de la main d’un géant coincée dans le béton : le Titanium, à gauche ; celui du Costanera Center, nommé la Gran Torre de Santiago, à droite ; et entre les deux, le plus grand de tous, le Valhalla, celui que les habitants de la ville, en raison de sa taille et de sa situation, avaient surnommé « le doigt d’honneur ».
Gabriel pensait que ce nom, comme c’est le cas en général des surnoms, n’était ni gratuit ni aussi arbitraire qu’il semblait. Le Valhalla comme la Gran Torre de Santiago étaient tous deux visibles depuis des villes éloignées, telle Recoleta, parce que leur silhouette se dressait au-dessus du mont San Cristóbal. Dans un pays dépourvu de pyramides ou de châteaux, dont la nature est le principal patrimoine, les groupes immobiliers avaient complètement gâché l’horizon et prouvé que la majesté des sommets urbains et de la cordillère des Andes ne comptait pour rien. Personne n’aurait eu l’idée en France de construire un gratte-ciel à côté de la tour Eiffel. Mais masquer la vue sur la cordillère des Andes n’était pas un crime à Santiago. Comme pour tant d’autres choses, personne n’en avait cure. Le Valhalla était un grand doigt d’honneur dressé face à la nature, un geste de mépris que l’homme le plus riche du pays, doté de l’une des plus grandes fortunes de la planète, adressait au paysage, lui qui se sentait dans son droit en modelant son environnement, en imposant ses goûts en matière d’architecture et son idée de la beauté à la moitié de la population du pays, composée par des gens qui vivaient serrés comme des sardines dans la vallée polluée que traversaient les eaux du Mapocho.
En observant attentivement les contours du Valhalla, Gabriel découvrit que les lumières du penthouse fonctionnaient toujours grâce à un groupe électrogène de secours. Un étage plus bas se trouvait la salle de réunion de l’équipe de direction du holding propriétaire du bâtiment, récemment aménagée.
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