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Critiques de Rutger Bregman (89)
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Humanité : Une histoire optimiste

" L'ouvrage de Rutger Bregman m'a fait voir l'humanité sous un nouveau jour", c'est la phrase prononcée par Yuval Noah Harari, auteur de Sapiens, Homo deus et 21 leçons pour le XXIe siècle, à propos du livre Humanité - Une histoire optimiste de Rutger Bregman. Je me joins complètement à son avis !

Dans le prologue, exemple est pris durant la deuxième Guerre mondiale. Gustave Le Bon, l'un des intellectuels les plus influents de son époque dans son livre "Psychologie des foules", lu par Hitler, Mussolini, Staline, Churchill et Roosevelt, expliquait que dans les situations d'urgence, l'homme descend de plusieurs degrés sur l'échelle de la civilisation. Or, que ce soit lors du Blitz ou lors de la riposte des britanniques en Allemagne, les bombardements ont été un fiasco selon les scientifiques. Il n'y a eu aucune preuve d'abattement du moral des civils et une solidarité du voisinage s'est au contraire aussitôt mise en place. En fait, le peuple s'était précisément élevé de quelque degrés sur l'échelle de la civilisation.

Cet essai porte sur une idée qui va à l'encontre de ce que nous croyons : "La plupart des gens sont des gens bien" et l'auteur se demande pourquoi nous avons une vision aussi négative du monde.

À l'époque où nous vivons, où nous n'avons jamais été aussi riches, en sécurité et en bonne santé, les infos ne parlent que d'attentats, de violences, de catastrophes car plus un événement est exceptionnel et plus il a de chances de faire la une. " La part de bonté de l'être humain a donc le dessous dans les médias". Pas étonnant alors que nous pensions majoritairement que le monde va de plus en plus mal.

L'auteur va ressortir des expériences comme celles de Stanford ou de Stanley Milgram et la machine à électrochocs, des faits divers comme la mort de Catherine Susan Genovese (Kitty) morte, poignardée à New York, dont les conclusions donnaient une vision négative de l'humanité. Il va rechercher des témoins sur ces événements, enquêter, et réussir à montrer comment les conclusions qui en avaient été tirées qui étaient de véritables pièces à charge, étaient fausses.

Avec ces démonstrations très documentées et très étayées, en se basant également sur des exemples historiques, l'essayiste néerlandais met à mal de nombreuses idées préconçues dont la fameuse : L'homme est un loup pour l'homme.

Il rejoint Hannah Arrendt "L'être humain se laisse séduire par le mal qui prend le visage du bien ".

De même, Rutger Bregman développe l'évolution des comportements humains. Il apparaît que c'est depuis que l'être humain s'est fixé sur un territoire, a développé l'agriculture, a inventé la propriété privée que l'instinct de groupe a perdu de son innocence.

Stopper la progression du cynisme dans notre société et la possibilité de sauver la démocratie ne sont pas de vains slogans. Des exemples dont on ne parle jamais existent et l'auteur les décortique et les analyse.

De même, la confiance spontanée en l'autre, le contact peuvent améliorer significativement les rapports humains.

Rutger Bregman nous offre dans son épilogue dix préceptes que je vous laisserai le soin de découvrir en lisant Humanité - Une histoire optimiste et ne vous en citerai qu'un seul : "En cas de doute, partez du principe que l'autre vous veut du bien".

Grâce aux éditions du Seuil et à Masse critique de Babelio, j'ai ainsi plongé dans un livre étonnant qui va à l'encontre de toutes les idées reçues et qui met vraiment du baume au cœur. Cet essai m'a conquise, non seulement par le message qu'il véhicule : "les plus belles choses dans la vie sont celles dont on reçoit davantage à mesure qu'on les donne : la confiance, l'amitié, la paix", mais aussi par la rigueur dont a fait preuve l'auteur pour l'écrire.

Un livre qui réconcilie avec l'humanité.

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Humanité : Une histoire optimiste

« le mal est puissant mais le bien est plus répandu. »

Par cette simple phrase, Rutger Bregman résume tout son livre : Humanité, une histoire optimiste, livre que j'ai eu la chance de lire grâce à Babelio (Masse critique) et aux éditions du Seuil.

Déjà, le titre de son précédent ouvrage était éloquent : Utopies réalistes. Ici, l'auteur qui est historien et journaliste, développe une brillante démonstration qui m'a fait beaucoup réfléchir au monde dans lequel nous vivons. Maintenant, dès que j'entends un bulletin d'informations, je réagis en disant : « Voilà encore des nouvelles tristes, terribles, tragiques ! » Celles-ci sont systématiquement mises en avant parce qu'on croit qu'elles excitent l'attention alors que les bonnes nouvelles seraient légion.

Il y a beaucoup de choses qui fonctionnent bien sur notre planète mais dont on ne parle jamais. Alors, Rutger Bregman, auteur néerlandais, plonge d'emblée son lecteur dans les bombardements de la Seconde guerre mondiale. Allemands et Alliés se sont acharnés à lâcher leurs bombes sur les populations civiles dans l'espoir de les démoraliser. C'est tout le contraire qui s'est produit. À chaque fois, les gens se sont serrés les coudes, démontrant une résistance typiquement humaine.

Jamais ennuyeuse, la lecture d'Humanité est truffée d'histoires, d'événements, d'enquêtes, tout cela étayé des références nécessaires. L'auteur, pour cela, a accompli un travail énorme de recherche, démontant souvent des conclusions hâtives, non vérifiées, destinées à frapper les esprits et à prouver toute la noirceur de l'être humain.

Pour lutter contre de tels a priori ou contre certaines expériences à succès comme les électrochocs de Milgram. Rutger Bregman ne ménage pas sa peine et c'est passionnant de pouvoir aller au fond des choses et retrouver enfin confiance en notre humanité.

Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs sont à l'honneur et la civilisation en prend un coup mais c'est pour dégager ce qu'il y a de positif en nous. Cette prise de conscience est fondamentale, loin de tout angélisme. Plus nous nous tenons loin des gens, moins nous les comprenons et nous sommes donc prêts pour les haïr. Colonisations, esclavage, génocides, viols collectifs, meurtres, les exemples tragiques ne manquent pas mais l'auteur s'en empare et sa démonstration, si elle est longue, est convaincante.

Bien sûr, la pandémie actuelle pousse au repli sur soi mais attention aux infos et aux réseaux sociaux qui permettent à certains de déverser la haine dans l'anonymat. Rutger Bregman nous invite à faire le bien, cite un peu trop Jésus, mais son chapitre sur Nelson Mandela et les frères Viljoen, hélas méconnus, est admirable.

Il termine son essai par dix préceptes qui ont l'avantage de reprendre l'ensemble de sa démonstration. J'en dégagerai un seul qui m'a intrigué d'abord puis convaincu ensuite : « Tempérez votre empathie, entraînez plutôt votre compassion. » La distinction entre les deux est importante. Surtout, en cas de doute, il faut toujours penser que l'autre vous veut du bien.

Que ce soit dans les prisons ou dans les écoles, la carotte et le bâton, ça ne marche qu'un temps et cela donne toujours de désastreux résultats.

Faire émerger ce qu'il y a de mieux en chacun de nous, prouver que nous sommes d'abord faits pour donner du bonheur autour de nous, Rutger Bregman a parfaitement réussi à le démontrer et j'espère que son livre sera lu par le plus grand nombre.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Humanité : Une histoire optimiste

.

" Nous devons être idéalistes — car ainsi nous nous retrouvons à être les vrais réalistes " *



Vous avez quatre heures !

J'ai mis quatre jours pour assimiler cet essai pantagruélique.

A l'heure actuelle , quand on prétend que " la plupart des gens sont bons ", mieux vaut avoir sérieusement potassé le sujet pour être crédible !

C'est ce qu'a fait Rutger Bregman .



S'appuyant sur les travaux d'éminents scientifiques , philosophes , anthropologues , historiens , psychologues , l'auteur présente un ouvrage sur l'évolution de l'humanité depuis l'apparition du vivant .

Il propose une synthèse d'une multitude de théories scientifiques et philosophiques tentant à expliquer la naissance de tous les maux des civilisations : tous seraient nés de la sédentarisation .



Il cite souvent Darwin et Rousseau mais il n'est pas d'idée émise sans que les sources ne soient mentionnées : les références sont d'une richesse impressionnante tout comme les thèmes d'ailleurs .

Dans le désordre, ceux qui me restent en mémoire : l'évolution de l'humanité , les retours vers la préhistoire et l'antiquité , l'esclavagisme , le comportement des gens lors des guerres ( sujet très approfondi ) , l'empathie , le progrès , la corruption , le terrorisme , les rapports de pouvoir entre les gens , les dirigeants etc...



Je retiens surtout les théories sur la manipulation de la pensée individuelle et collective . Les médias et les réseaux sociaux n'ont pas le beau rôle :

" Si nous croyons que la plupart des gens sont mauvais , c'est ainsi que nous allons nous traiter mutuellement . du coup , nous allons flatter chez chacun et chacune les plus vils instincts " ( p. 28 )



Pour présenter le livre , je souhaite éviter de noyer le billet de détails , le texte est si dense et si riche ! J'imagine que chaque lecteur absorbe les données selon ses propres convictions .

J'ai beaucoup apprécié de trouver ici une mise en mots claire de sentiments personnels diffus , de doutes , de suspicions .

Un livre qui stimule la réflexion , qui vous secoue les neurones !



Mais , cet ouvrage didactique reste une étude très ouverte à la pluralité des opinions .

La lecture est rendue vivante par l'alternance de données scientifiques , d'expériences et de récits , d'histoires vécues, de faits divers , d'anecdotes , de témoignages , d'illustrations aussi .

C'est bien écrit , aéré ,solidement étayé , parfois ludique même .

Passionnant .



En revanche , n'étant ni scientifique , ni philosophe encore moins historienne , je ne fais part ici que de mon ressenti de lectrice profane .



" l'heure est venue de changer notre vision de l'humanité . Place à un nouveau réalisme ." ( p.422 )

Une bouteille à la mer est lancée .



Voilà un livre que je n'aurais peut-être pas lu sans la proposition de Masse Critique Privilégiée . Je remercie grandement l'équipe de Babelio et les éditions du Seuil pour ce cadeau .



* p.273 Viktor Frankl (1905 -1997 )



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Humanité : Une histoire optimiste

Ce livre n'est pas un livre ! Humanité une histoire optimiste de Rutger Bregman est un médicament, une thérapie de groupe, un remède de grand-mère contre la morosité ambiante.

Pensez donc : il repose, sur le postulat que la plupart des gens sont des gens bien ! Et à partir de cette proposition iconoclaste, l'auteur entraine le lecteur sur la route de la vraie nature de l'homme, débat philosophique jamais tranché, qui oppose encore aujourd'hui la vision hobbesienne et rousseauiste ; d'un côté, il a toujours été fondamentalement mauvais, égoïste, seul le carcan social contient ses penchants destructeurs, de l'autre, il nait bon, mais la société le corrompt.

Dans la première et deuxième partie de l'ouvrage, en partant de la période durant laquelle Homo Sapiens était un chasseur-cueilleur, l'auteur illustre, à partir de faits divers, d'évènements connus ou moins connus de notre histoire, comment la perception de la nature de l'homme est faussée par un biais cognitif entretenu par les élites dominantes, parce qu'il sert leur pouvoir de contrôle sur les masses, soutenu par les médias avides d'informations, de chocs des images, de poids larmoyants de témoignages, qui s'ils sont réels, n'en demeurent pas moins des récits exceptionnels ; par des chercheurs en sciences sociales ou en psychologie, qui furent sous les feux de la rampe à la fin du vingtième siècle, comme Zimbardo ou Milgram dont les résultats des expériences s'avèrent aujourd'hui avoir été bidonnés par leur désir de gloire et de reconnaissance. On pourrait rétorquer qu'il ne s'agit là, aussi, que de contre-exemples, mais leur saveur universelle a emporté ma raison vers l'argumentation de Rutger Bregman.

Il tente ensuite de nous expliquer pourquoi, si son postulat se vérifie, malgré tout, les mauvaises actions humaines perdurent en occupant trop souvent une place démesurée, — je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec la crise de la Covid-19 —, et quelle pourrait être une société qui s'appuierait sur la bonté plutôt que sur l'égoïsme libéral, sur l'épanouissement personnel plutôt que sur l'apprentissage de la compétition dès le plus jeune âge, sur la gestion démocratique et populaire des biens communs de la planète plutôt que par une élite endogame préoccupée uniquement de la maximisation des profits.

En refermant ce livre, j'ai eu envie d'y croire à nouveau. Et si un monde meilleur était vraiment possible !

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Utopies réalistes

Je m’excuse d’avance pour l’une sinon la plus longue critique que j’ai postée ici, mon but n’est pas tant de donner mon avis que de résumer pour vous cet ouvrage (un peu comme je l’ai fait avec Bernard Manin et « Les principes du gouvernement représentatif » ouvrage indispensable à qui voit le jour sous nos institutions actuelles).

Lors d’un diner, d’une pause-café ou autour d’un verre lorsque nous émettons des inquiétudes sur l’avenir des acquis sociaux ou sociétaux, durement arrachés, au prix de la vie d’une poignée de « radicalisés » à l’époque, et qui profitent désormais à tous y compris aux mêmes qui les condamnaient, nous avons tous déjà entendu cette phrase « de quoi tu te plains, ça pourrait être pire, dans d’autres pays… »



Le constat de départ est simple : la mort des utopies. L’utopie est morte de s’être réalisée, l’auteur reprend en pagaille, à grand renfort de chiffres, les innombrables enjambées des 200 dernières années (sécurité, nutrition, santé, éducation, économie…) et y voit une généalogie avec les utopies du Moyen-âge.

Les utopies en disent davantage sur les époques qui les rendent possibles que sur l’évolution des communautés humaines. L’auteur s’interroge sur l’état d’esprit général (invoquant Oscar Wilde et sa recherche permanente de la progression) qui - au lieu de s’appuyer sur ses acquis et continuer rigoureusement l’œuvre initiée en vue d’une vie toujours meilleure – estime que ses enfants vivront moins bien et ne juge pas nécessaire de continuer à œuvrer pour une amélioration de la vie.



Le jeune historien néerlandais problématise son ouvrage dans ces termes (en substance) : pourquoi alors que nous avons tant acquis, nous ne désirons plus acquérir davantage.

Pour Bregman, la politique est en panne.

En effet, les différences entre la droite et la gauche sont réduites à quelques points d’imposition, les politiciens sont relégués à de simples conseillers en gestion et les publicités influencent nos modes de vies davantage que les religions.

L’industrie publicitaire passe son temps à créer de nouveaux besoins artificiels dont les politiques ne font qu’atténuer les symptômes sans oser toucher aux causes : publicité pour manger toujours plus gras, plus sucré, et politiques publiques de distribution de médicaments de l’industrie pharmaceutique pour ne prendre qu’un exemple.

Les nouvelles générations naissent dans ce monde apolitique et n’ont plus d’horizon, ainsi la baisse des inégalités et de la misère n’est pas une priorité. Bregman encourage l’émergence non pas d’une mais de plusieurs utopies qui pourront grâce à leurs collisions remettre la politique en mouvement.



Sur la forme, Rugter Bregman fait preuve d’une grande rigueur, à grand renfort de sources et d’études dans tous les domaines abordés. C’est une exigence salutaire car nombreux seront tentés de saper ces propositions dérangeantes. Certaines affirmations, malgré tout l’optimisme de leur auteur, restent néanmoins en manque d’argumentation. L’ouvrage est écrit sur le ton journalistique et si la langue n’est pas littéraire, le style reste divertissant, drôle, truffé d’anecdotes historiques et accessibles.



Rutger Bregman dit d’ailleurs que si on ne sait pas faire comprendre ses idées, sans infatuation, sans faribole, à un enfant de 12 ans d’intelligence commune ce n’est pas forcément qu’il est stupide, c’est peut-être qu’on ne sait pas s’exprimer…



****



Parmi les propositions de l’auteur :



Donner de l’argent aux gens : Bregman s’appuie sur des études menées à Londres auprès des sans-abris, des mesures de dons d’argent sans contreparties qui se sont avérées salutaires pour les sans-abris mais plus étonnamment pour le contribuable également. Tordant le cou aux idées reçues sur les pauvres qui ne savent pas gérer leur argent. D’ailleurs, en Ouganda également, des études montrent que le niveau de vie et la croissance s’améliorent par ces initiatives. L’auteur retrace ensuite la longue bataille pour l’instauration d’un revenu universel aux Etats Unis, précédée par plusieurs essais pilotes dont il ne reste qu’un vestige, l’état d’Alaska où le revenu universel - qui ne soit pas corrélé à la situation financière des bénéficiaires et sans contrepartie - existe. Contre ceux qui jugent vaine cette mesure il rétorque que les utopies, comme la démocratie, sont toujours jugées irréalistes avant qu’elles arrivent et qu’elles soient immédiatement considérées comme des lieux communs.



« Partout où l’on trouve des indigents, on trouve aussi des gens aisés pour échafauder des théories sur leur infériorité et leurs dysfonctionnements »

La fin de la pauvreté : les pauvres font les mauvais choix, fument davantage, raisonnent à court terme, ne se cultivent pas…tout est question de contexte, en associant les théories économiques et psychologiques de la rareté des études montrent qu’une personne dans la pauvreté ou dans la richesse raisonne différemment, anticipe différemment, les personnes en situation de précarité ont 13 à 14 points de Q.I en moins que le reste de la population, mais tout cela est réversible lorsqu’elles atteignent un certain confort financier. Les économies pour les Etats sont de grande échelle, notamment les dépenses de santé. Nous raisonnons à l’envers, nous voulons d’abord éduquer or il est prouvé que cela n’a pas ou peu d’impact sur la pauvreté, il faut d’abord sortir les gens de la pauvreté pour qu’ils puissent ensuite prendre ce temps de l’éducation. Les personnes en situation de pauvreté passent tout leur temps à trouver des solutions à court terme pour survivre ce qui absorbe toute leur « bande mentale », il n’y a jamais de pause avec la pauvreté. A l’aide d’expériences menées dans l’Angleterre du XIXe siècle, dans l’Utah conservateur, dans les casinos cherokees, d’ouvriers en Inde ou de sans-abris, l’auteur nous montre que le problème de la pauvreté c’est le manque d’argent, de même que celui du sdf est l’absence de logement, alors allons droit au but. L’Etat surveillance et les calculs du PIB ne font qu’encourager la situation délétère.



La semaine de travail à 15 heures : là encore, Bregman nous dit « si vous n’avez pas de cœur vous avez au moins un porte-monnaie ! » Et la diminution du temps de travail a longtemps été l’horizon politique et économique. De Keynes à Marx, de Nixon à Franklin, en passant par Henri Ford, tous s’accordaient sur la nécessité de diminuer le temps de travail, face à la robotisation galopante, l’accroissement des richesses, l’augmentation de la productivité et de la consommation en dépendait également, sans parler de l’investissement dans la vie citoyenne. Déjà au Moyen Âge le temps de travail était moindre et le nombre de jours fériés cumulaient à presque six mois dans des pays comme la France ou l’Espagne. Jusque dans les années 80 le temps de travail diminuait partout en Occident, c’était la promesse phare et les sociologues prédisaient une semaine de 10 à 15 heures en 2030. Que s’est-il passé depuis ?

« Nous jetons de plus en plus nos ressources, y compris la crème de notre jeunesse, dans des activités financières éloignées de la production de biens et de services, des activités qui génèrent des bénéfices individuels disproportionnés par rapport à leur productivité sociale » James Tobin



Les banquiers qui s’enrichissent au détriment des fonds de pensions, les avocats (17 fois plus d’avocats par habitant aux USA qu’au Japon, sont-ils mieux protégés ?) qui rachètent des brevets qu’ils ne développeront jamais juste pour entamer des actions en contrefaçons et consultants en tout genre sont désormais les métiers les mieux rémunérés, or, une grève de consultants en webmarketing aura-t-elle le même impact qu’une grève d’éboueurs comme New York en a connu au début des années 70 ? Ces métiers ne créent pas toujours de la richesse et parfois en détruisent, mais c’est la règle de l’offre et de la demande de notre économie de marché. L’offre de nourriture, du fait de la productivité record, est tellement importante que les agriculteurs sont les moins bien rémunérés. Ces paradoxes aberrants remontent déjà à l’époque du Moyen Âge où il était indécent de travailler pour les nobles qui vivaient du labeur des ouvriers, comme aujourd’hui on spécule sur les matières premières et parfois ces nobles détruisaient carrément les richesses durement produites dans des guerres.

« Le travail acharné est le refuge des gens qui n’ont rien d’autre à faire dans la vie » Oscar Wilde. Les richesses concentrées par les secteurs les moins utiles, notamment le secteur bancaire et financier, où se concentrent les gens les plus intelligents, maitrisant toute une novlangue, se persuadent parfois qu’ils créées eux-mêmes la valeur mais il s’agit en réalité d’une nouvelle forme de taxation des richesses produites par les autres. Les seigneurs féodaux, assis sur les richesses produites par leurs paysans, n’allaient pas jusqu’à se persuader qu’ils avaient créés ces richesses. De même que la consommation de masse est rendue possible par les robots et les esclaves du tiers monde.

La grève des banquiers qui dura 6 mois en Irlande dans les années 70 ne laissa pas de traces négatives pour l’économie du pays, contrairement à celle des éboueurs de New York. Les gens qui dans nos sociétés gagnent le plus d’argent sont ceux qui produisent le moins de choses ayant une valeur tangible pour la société. Plus nous sommes diplômés, référencés plus on peut se passer de nous. Les citoyens eux-mêmes sont conscients de ce paradoxe et un tiers des actifs en Grande Bretagne, mais dans bien d’autres pays occidentaux, déclarent occuper un « bullshit job » ou « métiers de merde ». C'est-à-dire qu’ils sont conscients que leur travail n’apporte à peu près rien à la société, mais les écarts de salaires avec les métiers utiles (agriculteur, enseignant, policier, infirmière) sont tels qu’ils ne peuvent se résoudre à changer d’emploi. Cela revient à dire à ces métiers utiles « vous avez la chance d’occuper un vrai emploi, alors ne réclamez pas en sus un bon salaire, une couverture maladie complémentaire et une retraite décente ! ».

Alors que le XXe siècle nous a apporté la pilule, les réfrigérateurs et le lave-vaisselle, nous avons désormais Twitter. Si les génies de Harvard sont plus nombreux à aller dans la finance que dans la recherche c’est parce que ne pas innover amène désormais plus de profit, alors même que des études montrent que les richesses accumulées par les banquiers se traduisent par des destructions de richesses dans le monde, ce sont des externalités négatives. Pensez à ces téléphones portables qui changent tous les deux ans et qui en réalité n’ont qu’une petite application supplémentaire. A l’époque, Engels relevait que les ouvriers ne se rebellaient pas car leur vision était tronquée par la religion et le nationalisme. Désormais, Bregman s’interroge sur la vision tronquée de nos élites, tronquées par tous les zéros à la fin de leurs salaires, par les plans de retraite dorés etc.

Quitte à réorienter les richesses déportées vers ces secteurs, l’auteur plaide pour la taxation des transactions financières. A l’heure où les paradis fiscaux se multiplient et que pour gagner quelques millièmes de secondes dans la transmission des informations de bourse entre Londres et New York, des centaines de millions d’euros sont investis.

Parlant d’orientation de l’économie, l’école peut être un levier, les objectifs en termes de compétence, de savoir-faire ne font qu’accompagner une économie plus égoïste. L’école devraient redonner de la perspective car en définitive ce n’est ni le marché, ni la technologie mais la société qui oriente et qui créé un modèle socio-économique, autrement dit des valeurs, et en termes de création de valeurs pour la société nouvelle il ne serait plus forcément payant d’être banquier.



La course contre les machines : jusqu’à très récemment les parts de richesses allouées au travail et au capital étaient constantes. Deux tiers pour le travail et un pour le capital. Mais désormais ce n’est plus le cas, la part des richesses qui va au travail diminue. En cause, bien sur la mondialisation et ses délocalisations, la faible taxation des hauts revenus etc mais surtout le progrès technologique. Pour chaque route construite, chaque moyen de transport, de logistique destiné à rapprocher les hommes c’est davantage d’oligopole, de concentration des richesses. Il y a de moins en moins de gens qui « tirent leur épingle du jeu » c’est un phénomène appelé « le gagnant rafle la mise » pour un géant comme Amazon, ce sont des millions d’emplois dans la distribution et les petits commerces de détails qui disparaissent. Ce qui est inquiétant c’est que ce phénomène de remplacement par les machines ne touche pas seulement nos bras, mais aussi nos cerveaux, si un « computeur » était autrefois un métier, désormais c’est un ordinateur capable d’intelligence et de calcul supérieur à l’homme. Seuls les emplois très qualifiés de la Sillicon Valley et les emplois peu qualifiés dans les fastfoods et les maisons de retraites semblent assurés pour l’heure. Cela est la conséquence d’un délitement lent mais continu du socle des démocraties modernes : les classes moyennes.



Les politiques de développement sont parfois inadaptées et il faut mettre en place des solutions de contrôle. Pour l’auteur, études à l’appui, les frontières sont un frein au développement économique des pays riches et pauvres.



L’auteur aborde la question de la dissonance cognitive pour esquisser une explication au fait que les idées ont du mal, même prouvées, à faire changer les mentalités. L’auteur lui-même n’échappe pas à une introspection. Comment réagit-on face à des preuves contraires à nos croyances ? Suffisent-elles à les faire vaciller ? Pas toujours. Rappelons-nous que traiter son adversaire d’utopiste, le ridiculiser et le réduire au silence et un moyen de préserver le statu quo. Les libéraux étaient traités d’utopistes il y a un demi-siècle et aujourd’hui ils dominent « scientifiquement » la scène politique.



Un flash « communication politique » se glisse dans l’épilogue : en effet l’auteur reprend l’explication de la fenêtre d’Overton : il existe une fenêtre au sein de laquelle sont les décisions et propositions politiques et plus on s’éloigne du centre de la fenêtre plus les idées sont jugées « radicales », « déraisonnables » voire « irréalistes » notamment par les médias, craintifs gardiens de la fenêtre. Est-ce à dire que nous sommes condamnés à entendre les mêmes gens raconter les mêmes choses ? Non ! comme on le voit avec Donald Trump, Boris Johnson ou Marine Le Pen, un politique peut faire une proposition tellement radicale qu’il ne sera pas pris au sérieux par le système médiatique et par conséquent par l’opinion publique, mais ces saillies répétées vont tirer progressivement la fenêtre vers lui c’est exactement le processus qui est à l’œuvre en ce moment avec la « droitisation » de la vie politique en Europe et aux Etats Unis. La faute également à une gauche perdante, drapée dans sa bonne conscience et sa novlangue pseudo intellectuelle, dans son « je vous avais prévenu » et économiquement convertie aux idées libérales et capitalistes.

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Humanité : Une histoire optimiste

Devons-nous croire en l'homo mignon ? Où devons-nous croire en la méchanceté de l'homme ?

Rutger Bregman s'est lancé dans un drôle de challenge, à une époque nous sommes surmédiatisés et où le sensationnel , le noir, l'anxiogène font recettes.

Pourtant à l'aide de nombreuses recherches, il va nous démontrer que les chercheurs, les philosophes, les exemples abondent dans son sens. Et quels exemples ! Des tests parfois dirigés dans un sens car certains scientifiques sont mauvais perdants, des exemples où les chiffres sont mal sélectionnées. Et puis une histoire à suspense avec de nombreux rebondissements ; celle de l'île de Pâques. Et vient le tour de la guerre, des combats avec un passage étonnant sur les tireurs d'élite. Tout est est passé au crible par Rutger Bregman et il nous affirme que l'homme est gentil.

Donc « L'humanité : une histoire optimiste » n'est pas un mythe, un mirage c'est bien réel, nous sommes des homo mignons. Seulement parfois un trop plein d'obéissance, d'empathie, de désir d'être comme les autres le rend capable du pire. C'est pourquoi l'auteur nous laisse un épilogue sous forme de préceptes afin de ne pas oublier notre vraie nature.

Si j'ai apprécié ce livre et y ai trouvé des réponses aux questions qu'il posait, je ne peux m'empêcher deux penser à deux citations que l'auteur à choisies et qui semblent se répondre.

« C'est un vrai miracle que je n'ai pas abandonné tous mes espoirs, car ils semblent absurdes et irréalisables. Néanmoins je les garde car je crois encore à la bonté innée des hommes. » Anne Franck (1929-1945)



« L'être humain deviendra meilleur lorsque vous lui aurez montré qui il est. » Anton Tchekhov (1860-1904)

Je veux y croire.

Merci aux éditions Seuil et à Babelio pour ces pages d'espoir.

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Utopies réalistes

- Tu y crois à ça ?

- A quoi ?

- Bah, à ton bouquin-là ! Tu crois que c'est possible : le revenu universel, l'indice de bien être économique durable, le partage du travail... ?

- C'est réalisable et cela a été réalisé dans certains pays à titre d'expérimentation ou de façon durable. Les résultats sont sans appel : non seulement la situation personnelle des gens s'en est trouvée grandement améliorée mais cela a été créateur de richesses pour la société entière. Et pour un coût moindre que toutes les politiques sociales existantes.

- J'ai pas tout lu, mais j'ai parcouru, ça a l'air de se tenir. Mais il reste un problème essentiel dans cette idée humaniste : Si on donne aux pauvres le moyen de subvenir à leurs besoins élémentaires, qui ira faire les boulots pourris auxquels la précarité les contraint ? Tu crois qu'ils iront tous demain ramasser nos poubelles et nos merdes ? Tu crois qu'ils iront pointés à l'usine pour souder, découper, assembler toujours les mêmes choses dans le bruit et des cadences infernales ? Et je ne te parle même pas de ce qui se passe ailleurs, tous ces pays qui fabriquent nos fringues, nos iPhones et tous ces gadgets qu'on nous vend un fric dingue alors qu'on paye des ouvriers-esclaves une misère pour les réaliser dans des conditions sanitaires exécrables.

- Bien sûr que non ! C'est évident ! Toi comme moi savons bien qu'on échangerait jamais nos jobs pour un de ceux-là. Mais, posons le problème autrement : Demain, personne n'est plus contraint par la nécessité à exercer une activité qu'il n'a pas choisie, un boulot de merde pour parler clairement. Et entre nous, il y a aussi beaucoup de boulots à la con en haut de la pyramide et avec des salaires confortables à la clef. Combien d'ingénieurs ou de cadres sup', qui exploitent ou empoisonnent le monde, partent avec leur pécule pour cultiver du bio en Ardèche et regarder pousser leurs mômes ? Enfin, c'est encore un autre problème... Je reprends là où j'en étais : Demain, on ne trouve plus personne pour faire ces boulots. Que se passera-t-il ?



1) On fera le tri rapidement entre les activités réellement nécessaires et utiles à notre société et celles qui ne le sont pas.



2) On sera dans l'obligation de rendre attractives les activités nécessaires à nos besoins fondamentaux. Peut-être tout simplement en faisant enfin coïncider le montant des salaires avec les véritables valeurs ? Nettoyer les rues, ramasser les poubelles, nourrir le monde sainement, éduquer la jeunesse, soigner et assurer la protection et la garantie des libertés de chacun (et non plus seulement des biens), ... la liste est longue. Tous ces métiers devront être rétribués à la hauteur du service rendu à la collectivité. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Si demain, il est plus rémunérateur de recycler les déchets, d'enseigner ou de soigner que de courir après un ballon ou de fermer une entreprise pour augmenter le profit de ses actionnaires, les volontaires se bousculeront au portillon. Et non pas seulement pour le salaire, mais aussi parce que tous ces métiers dépréciés et méprisés aujourd'hui seront porteurs de valeurs et de reconnaissance...



- ça y est, Liza, tu recommences avec les Bisounours. Tu crois réellement que nos politiques, culs et chemises avec les sbires de la finance, véritables dirigeants et décideurs de ce monde, laisseront faire cela ?

- Bien sûr que non, ils ne nous laisseront pas faire ! Cela fait des années que nos politiques ont enterré le Bien Commun sans fleur ni couronne et qu'ils nous engluent petit à petit dans un système qui nous contraint à l'acceptation, tu sais le TINA de Thatcher ! There is no alternative ! Ce bouquin, comme tu dis, il nous en donne des alternatives et des pistes pour y arriver. Rutger Bregman nous prouve qu'une autre réalité peut être possible. Il suffit peut-être seulement de la vouloir et de s'organiser pour la faire advenir ?



"Si nous voulons changer le monde, il nous faut être irréalistes, déraisonnables et impossibles. Rappeler-vous : ceux qui appelaient à l'abolition de l'esclavage, au droit de vote des femmes et au mariage pour tous, eux aussi étaient traités de fous. Jusqu'à ce que l'histoire leur donne raison."



- A qui l'histoire donnera-t-elle raison, Liza ?

- Commence par lire ce livre et on en reparle juste après...
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Humanité : Une histoire optimiste

Publier en 2020 une « histoire optimiste » de l'humanité prouve qu'il existe des auteurs aimant ramer à contre-courant. Une pandémie mondiale, une crise environnementale planétaire, une récession globale, des bruits de bottes qui redoublent un peu partout, etc : le futur s'effrite un peu plus chaque jour, et il faut vraiment se forcer pour garder le moral...

C'est pour cette raison que le livre de Bregman m'a tout de suite paru sympathique et que j'ai demandé à le recevoir dans le cadre de Masse Critique. J'espérais bien y trouver un regard différent sur notre monde, mais il me faut être sincère, j'étais également prêt à dégainer le lance-roquettes à l'idée de découvrir un préchi-précha de coaching feel-good à la con (pour parler en bon français).

Fort heureusement, rien de tout cela dans le livre, et je remercie vivement Babelio et les éditions Seuil de m'avoir permis la découverte de ce texte.



Peut-être faut-il commencer par se garder d'un malentendu : en dépit de son sous-titre, Humanité n'est pas un livre d'histoire. L'Histoire n'a pas à être optimiste ou pessimiste, elle doit seulement s'efforcer d'être objective et impartiale. Bregman, lui, n'est pas impartial et il ne s'en cache absolument pas : son essai est un livre à thèse.

Le postulat est le suivant : par une sorte de victoire de Hobbes sur Rousseau, on considère depuis deux siècles que l'Homme à l'état de nature est une créature malfaisante et égoïste, que seuls la civilisation et le « progrès » ont été capables de transformer, tant bien que mal, en animal social. Mais que survienne la moindre crise, et le vernis civilisationnel craque de toutes parts pour laisser reparaître la brute originelle qui sommeille en chacun de nous, libérant de la sorte nos pires instincts. Chaque être humain aurait ainsi une aptitude naturelle à faire le mal sans même y distinguer de problème moral. En d'autres termes, la planète serait peuplée de 7,5 milliards de mini-Eichmann en puissance.

Bregman explique qu'une large majorité d'individus considèrent cette assertion comme fausse pour eux-mêmes et leur entourage, mais vraie pour le reste de l'humanité, paradoxe qui devrait interroger tout misanthrope moderne. Or cette misanthropie, nous dit Bregman, est une construction culturelle, construction que son livre se propose précisément d'éclairer.

Sans prétendre à l'exhaustivité, l'auteur s'attache à quelques oeuvres célèbres et à certaines études de psychologie sociale dont l'impact a été retentissant dans la seconde moitié du XXème siècle. Il démonte aussi bien Sa Majesté des mouches, de William Golding, que la thèse de Jared Diamond sur la régression civilisationnelle de l'île de Pâque. Et le voici également qui s'attaque à la fameuse expérience de Zimbardo à l'université de Stanford, celle de Milgram à Yale, ou encore à la célébrissime affaire Kitty Genovese. Dans chaque cas, Bregman souligne l'importance de la contextualisation, pointe les incohérences, les interprétations discutables voire les bidonnages purs et simples.



On se dira : mais qui est donc ce petit journaliste qui se permet de remettre ainsi en cause tant d'études fondatrices et des cas d'école si apparemment indiscutables ? En réalité, Bregman ne remet rien en cause : la déconstruction de ces mythes est déjà faite depuis des années. L'auteur se contente pour sa part de faire la synthèse de travaux universitaires qu'il cite et sur lesquels il s'appuie, un peu à la manière d'un Yuval Noah Harari. Et le vrai problème, nous dit Bregman, est que ces mythes continuent de perdurer pour le grand public, alors même que leur valeur scientifique est remise en question depuis longtemps. Son livre est sur ce point très efficace et profondément déstabilisant pour quelqu'un qui, comme moi, fait partie de ce grand public en matière de psychologie sociale.



Au-delà de ces différents cas, Bregman interroge les raisons pour lesquelles ce mythe de la malfaisance naturelle est encore entretenu. Son ouvrage prend ici une tournure incontestablement politique. Si Bregman accorde à l'être humain des qualités insoupçonnées de bienveillance, de solidarité et d'esprit de coopération, la bonté fondamentale de l'individu ne change malheureusement rien à l'affaire : L Histoire reste ce qu'elle est, à savoir un enchaînement impressionnant d'atrocités et de massacres au cours des siècles.

L'Homme fait donc le mal, soit, mais toujours en croyant sincèrement faire le bien. Bregman ne réhabilite pas Rousseau sur ce point, et il ne lui vient pas à l'idée de condamner la société pour glorifier l'état de nature. le problème, dit-il, vient de la structure du pouvoir et de la soumission volontaire de la personne à l'autorité : celle de l'État, celle de la religion, celle de l'idéologie, etc. La question principale est donc de déterminer qui exerce l'autorité et pour quelles raisons. Là-dessus, Bregman considère assez clairement que le simple fait qu'un individu cherche à exercer le pouvoir signale aussitôt qu'il n'est probablement pas apte à le faire pour le bien de la communauté. Vouloir le pouvoir, en effet, c'est déjà relever de la psychopathologie.



On ne saurait donner tout à fait tort à l'auteur quand on observe l'histoire du monde. Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'humanité a été dirigée par les êtres les moins empathiques et les plus brutaux : les siècles ont toujours regorgé de monstres froids du type Xi Jinping, Poutine, Kim, Maduro, Hassad et autres Loukachenko, plus ou moins machiavéliques, plus ou moins mégalomanes, plus ou moins crédibles. Mais c'est une étrangeté de notre temps que de voir des citoyens confier librement leur destinée à des Trump, Bolsonaro, Orban, Modi, Johnson, Erdogan, Netanyahou, etc. Par quelle aberration le pouvoir peut-il en effet revenir à ceux qui sont non seulement les plus dénués de qualités humaine mais aussi dépourvus de qualités intellectuelles, certains évoluant même aux limites de la crétinerie irrécupérable ?

Bien sûr, j'écris ceci depuis mon petit bout de paradis français, car la France demeure malgré tout un paradis, même si ce n'est pas vrai pour tout le monde. En France, nous n'avons pas de monstres froids et pas trop de crétins de compétition. Comme partout, nous avons pourtant notre lot en matière d'arrivistes, d'opportunistes, d'incompétents, d'irresponsables et d'autoritaires bornés. Et ce ne sont pas les Macron, Véran, Blanquer et consorts qui pourraient me faire changer d'avis, hélas.

Le gouvernement par les pires, voilà en somme le mécanisme infernal auquel les peuples semblent condamnés. Bregman insiste dans la dernière partie de son livre sur la possibilité de briser ces chaînes et sur la façon de s'y prendre, et on n'est pas loin ici de l'anarchisme et de la désobéissance civile. On ne peut pourtant s'empêcher de mesurer honnêtement la distance abyssale qui nous sépare d'un tel retournement.



Cette histoire de l'humanité n'est pas si optimiste, en fin de compte. Toutes les solutions sont là, entre nos mains, mais notre brave troupeau naïf continue d'obéir aux plus vindicatifs et aux plus imbéciles, en bêlant à qui mieux-mieux (ce que je fais d'ailleurs ici).

Le livre était censé me laisser le sourire aux lèvres. Il m'a plutôt mis l'amertume au coeur. Ce n'est sans doute pas inutile, après tout.
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Humanité : Une histoire optimiste

J’étais très curieuse de lire « Humanité une histoire optimiste » de l’historien et journaliste Rutger Bregman car un pessimisme persistant me colle à la peau renforcé en ces moments particulièrement anxiogènes. Je voulais à tout prix savoir si j'allais réussir à changer mon regard sur le monde après l’avoir lu.

Le postulat du livre est simple mais sensationnel, il peut faire sourire ou hausser les sourcils, « la plupart des gens sont des gens bien ».

Je ne vais pas raconter cet essai que je qualifierais de discours extrêmement bien réussi tant il est clair et accessible à tous, intelligemment brillant et très convaincant car les arguments de l’auteur sont appuyés par des exemples concrets et connus. Assurément, le journaliste Rutger Bregman a fait un énorme et excellent travail d’investigations et de recherches dans des domaines aussi variés que la psychologie sociale, le droit pénal, l’éducation, l’économie, le monde du travail et de la politique, la médecine, la philosophie, la sociologie, l’archéologie. Et tout ceci à l’échelle planétaire.



Son ouvrage est passionnant, instructif et m’a ouvert les yeux sur bien des réalités voilées par l’obscurantisme bien pensant ou par l’information de masse qui utilise les pires catastrophes pour faire augmenter son audimat. Le pire et l’horrible attirent l’aimant de notre part sombre et confortent l’idée que l’autre est foncièrement méchant , mais qu’en est-il vraiment ?



J’ai été rivée à ma lecture, entrecoupée par ma voix intérieure de «  ah mais oui bien sûr » et ravie, enchantée, oui absolument ravie et enchantée. Par exemple, je ne porterai plus le même regard sur le livre de William Golding « Sa majesté des Mouches » (qui m’avait personnellement horrifiée) et présenté comme un ouvrage fictionnel « réaliste » aux élèves notamment mon fils au collège alors qu’il est tout droit sorti de l’imagination torturée de l’écrivain.



J’ai été fascinée et complètement happée par la vraie histoire de l’île de Pâques et de ses habitants racontée par l’auteur de manière passionnante comme s’il s’agissait d’un grand film d’aventures. On y rencontre aussi au gré des pages, des philosophes comme Rousseau ou Thomas Hobbes. Des scientifiques renommés comme Milgram et son expérience dans les années 60 des fausses décharges électriques qui fait froid dans le dos.

La manière dont l’auteur explique les origines de la propriété privée et le début de la sédentarisation qui va de pair avec la suspicion vis à vis de l’autre est totalement révolutionnaire. De la même manière, l’auteur invite à la réflexion sur l’organisation de l’État, du pouvoir et de l’autorité dont les plus anciennes traces proviennent du code de Hammurabi (j’aime beaucoup tout ce qui à trait à l’archéologie, j’ai été ravie que l’auteur y puise certaines de ses sources).



C’est un ouvrage de vulgarisation extrêmement bien écrit, bien ancré dans le mal du siècle d’une société et d’un monde à bout de souffle. Il nous enjoint à bâtir un nouveau réalisme celui qui est en nous et dans tout un chacun, il est à notre portée. Cet ouvrage m'a rassurée dans l'idée d'un monde meilleur. Je le partagerai autour de moi, mon fils 14 ans est déjà en train de le lire.



Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour m'avoir fait découvrir ce livre dans le cadre d'une Masse Critique.
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Humanité : Une histoire optimiste

Le monde est en perpétuel changement. Il évolue, à l'image de ce que l'on en fait, mais aussi de ce que l'on montre... Cet essai est particulièrement intéressant, son message est fort et bienveillant : le monde est rempli de plus de positivité que ce que l'on croit, mais surtout de ce que l'on voit. Aujourd'hui, lorsqu'on allume les chaînes d'informations, le journal télévisé, en boucle, nous serine les événements traumatisants, appuyant sur la négativité ambiante de la société. Mais qu'en est il de toute la beauté que l'on ne montre pas ?



Il y a quelques années, j'ai fait le choix de ne plus regarder les informations. Je choisis les articles que je lis, fais en sorte qu'ils soient parfois à l'opposé les uns des autres, mais surtout, un œil ouvert sur le monde : les avancées scientifiques, les actions sociales et courageuses, les actions écologiques, les connaissances sur le fonctionnement du monde ou du corps humain, partout dans le monde... Il y a une recherche de connaissance, mais il y a surtout le besoin de ne plus voir le monde en noir, mais avec toutes les nuances qu'il contient.



Nous avons la chance de vivre dans un pays sécurisé, nous avons accès à l'eau potable, nous nous lavons à l'eau potable, nous avons à manger, accès à la santé et à l'éducation. Attention, rien n'est parfait et nous pourrions confronter de nombreuses idées et suggestions totalement légitimes. Mais nous ne vivons pas dans un pays en guerre par exemple, il n'y a pas de catastrophes naturelles, d'éruption volcanique ou de tsunami tous les jours. Nous voyons les choses en noir, car les médias, la société s'attarde davantage sur cela.



Il y a un siècle, l'information, bonne ou mauvaise, circulait très lentement. À l'heure des réseaux sociaux, du sensationnel, de l'immédiateté, du "tout, tout de suite", des "buzz", Rutger Bergman nous propose ici une réflexion ouverte au monde : il nous plonge directement dans des événements sombres, mais pour mettre en lumière ce qui en est sorti de bon aussi. Il met en avant cette idée simple, avec dérision, mais grand sérieux, qu'il y a du bon en ce monde et les gens le portent bien.



En bref :



Un livre qui nous sort de notre zone de confort, donne une nouvelle lecture à la réflexion, d'autres perceptions du monde et qui fait du bien. Absorbons l'optimisme, nourrissons nous des bonnes nouvelles, mais sans occulter la noirceur du monde.
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Humanité : Une histoire optimiste

Voici remis au goût du jour un débat qui court déjà depuis quelques siècles : L'Homme est-il naturellement bon ou mauvais ? La société l'a-t-il corrompu ou au contraire sauvé de ses funestes pulsions ? L'opposition, toujours aussi passionnante entre la thèse de Rousseau (l'homme est bon naturellement et c'est la société qui l'a corrompu) et Hobbes (l'homme est un loup pour l'homme) se voit ici développée à la lumière de notre modernité. Et pourtant, fondamentalement, les réflexions et les problématiques ne semblent pas avoir évoluées tant que cela…



« L'idée selon laquelle les gens seraient naturellement égoïstes, agressifs et portés à la panique est un mythe tenace. le biologiste Frans de Waal appelle cela la "théorie du vernis". La civilisation ne serait qu'une mince couche qui se craquellerait à la moindre anicroche. En réalité, c'est l'inverse : c'est précisément lorsque les bombes tombent du ciel ou lorsque les digues rompent que le meilleur en nous affleure à la surface. »



Rutger Bergman se lance dans un défi difficile : défendre la bonté naturelle de l'homme et en faire une des clefs pour sortir du marasme actuel (le délitement de nos démocraties, notre planète à bout de souffle, la gouvernance de quelques-uns aux dépens de tous les autres…) ;

Et ça marche ! Vous le suivez dans ses développements, et il vous embarque dans cette vision positive qui vous fait dire « oui, c'est possible ! ». Malheureusement, la réalité nous engagerait plutôt à penser l'égal opposé de ce que Rutger Bergman défend. Mais n'est-ce pas là tout l'enjeu de ce livre ? Nous faire appréhender nos difficultés, nos conflits, nos relations humaines... différemment, avec toujours une vision, une énergie positive.



J'ai beaucoup aimé cette lecture. L'auteur est clair et alimente son propos d'exemples qui ancrent sa pensée dans la réalité. Sa vision des médias et de leurs impacts négatifs sur nos vies et notre santé mentale est assez puissante et nous fait regretter d'autant plus le travail d'enquête et d'information qui devrait être le souci premier de tout journaliste.

Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour l'envoi de ce livre !
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Humanité : Une histoire optimiste

Je remercie Babelio qui m'a permis de découvrir cet auteur et cet ouvrage via une Masse Critique Privilégiée dont je ressors en fin de compte pleinement ravi !

Voilà un livre qui ne laisse pas indifférent au sujet des comportements de ses semblables. Telle est l'impression générale qui ressort de ma lecture.

En effet, "Humanité - Une Histoire optimiste" est une analyse tout à la fois captivante et inspirante, ce qui lui a valu d'être un réel succès partout dans le monde. Cette étude de nos moeurs présente non sans humour, mais avec un réel sérieux et un sens avéré de pédagogie et beaucoup de rationalisme, de nouveaux horizons. Et si au final nous étions plutôt bons ? Tel est le constat de ce livre qui très honnêtement permet de jeter un regard plus éclairé sur nos concitoyens et donner un peu de couleurs à une période actuelle plutôt sombre.

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Utopies réalistes

Françaises, Français!

Européens, Européennes!

Citoyens du monde!

Le temps est venu de faire la peau aux néo-libéraux.

Aux fanatiques de l'économie de marché, plus dogmatiques et sectaires que des intégristes raëliens.



Depuis l'effondrement idéologique et politique des pays d'obédience communiste, le Capitalisme triomphe partout.

Il n'a jamais été aussi arrogant, écrasant, dominant. Il délocalise, il précarise, il paupérise, il tire les ficelles de l'économie mondiale pour le plus grand profit de quelques richissimes multinationales qui additionnent les milliards pendant que d'autres survivent avec trois cacahuètes.

Le Capitalisme se nourrit de la misère. Il s'est nourri du sang des esclaves dans les colonies, de la chair des enfants dans les mines et les usines, de la sueur des travailleurs à la chaine, de la faim des paysans exploités, de la peur des pauvres, de la honte des chômeurs, du désespoir des sans logis.

Les profits ne sont jamais redistribués. Ils échappent à l'impôt, se cachent dans les "niches fiscales"; se faufilent dans les "paradis fiscaux"; se dissimulent dans des sociétés offshore, disparaissent comme par enchantement au fond des coffres de banques bien discrètes. Rien de plus facile si on est un poil astucieux, et surtout absolument pas scrupuleux.



Pendant ce temps, des économistes bardés de diplômes nous persuadent "qu'il n'y a pas d'alternative". Ils sont les augures qui président à notre destinée. Ils se prosternent devant le Veau d'Or, et propagent le mythe du PIB, instrument de l'infaillibilité de leurs prophéties.



Pendant ce temps, les quelques socialistes encore animés d'un souffle de vie essaient vainement de grappiller quelques miettes de subventions, d'empêcher des fermetures d'usine, et font des discours pour défendre les exclus et les déshérités.



Pendant ce temps, on voit affluer les migrants, on ouvre des gymnases pour héberger des SDF, on distribue des repas, on collecte des dons, on verse des allocations misérables et on attend la prochaine crise mondiale.

Qu'est-ce qu'on attend pour prendre l'argent là où il est? Pour taxer les transactions des spéculateurs? Pour récupérer les milliards de l'évasion fiscale? Pour faire des lois qui réglementent le Marché, plutôt que de laisser le Marché faire la loi?

Avant 1789, la République était une Utopie.

Avant 1848, l'abolition de l'esclavage était une Utopie.

Avant 1881, l'école gratuite pour tous était une Utopie.

Avant 1958, le suffrage (vraiment) universel était une Utopie.



Aujourd'hui le Revenu Universel et la libre circulation des personnes sont des Utopies.



Les Utopies sont d'abord des idées neuves. Elles ne font que préparer le Monde de demain.

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Humanité : Une histoire optimiste

Merci à Babelio et aux Éditions Seuil pour l’envoi de cet ouvrage dont je ressors de la lecture avec toujours cette même envie de croire en l’être humain.

A l’heure où nous sommes bombardés par des informations mettant en avant tout ce qui est négatif et si comme moi vous en avez ras le bol et bien voici un livre qui va vous réconcilier avec l’être humain, un livre positif, cet essai qui va à l’encontre de ce que l’on veut bien nous faire croire, l’être humain n’est pas bon, et bien l’auteur va vous démontrer que cette vision négative du monde est fausse.

L’Homo mignon n’est pas que gentil, nous ne vivons pas dans un monde de idéal, surtout depuis que nous nous sommes sédentarisés, que nous avons développé l’agriculture, sans oublier l’invention de la propriété privée tout cela à modifier le comportement de l’Humanité, en passant par les guerres, les camps de la mort, la bombe atomique, comment pourrions-nous croire que l’être est bon ?

Et bien cet ouvrage est là pour répondre à nos questionnements, il s’appuie sur de nombreuses expériences, qu’elles soient biologiques, anthropologique …sur des ouvrages littéraires, philosophiques, c’est une lecture vivifiante, sérieuse et très accessible, avec beaucoup de malice, un ouvrage qui fait du bien et qui réconcilie avec l'humanité.

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Humanité : Une histoire optimiste

Je remercie chaleureusement les Éditions Le Seuil ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance.



Les grandes religions monothéistes ont introduites l'idée d'une humanité pécheresse, fautive, qui aurait rompu l'accord passé avec Dieu depuis qu'Adam a croqué au jardin d'Éden la pomme, le fruit défendu. Pendant des siècles cette idée que l'homme était plutôt enclin au mal qu'au bien sembla être une évidence. Les philosophes et penseurs comme Thucydide, saint Augustin, Machiavel, Hobbes, Luther, Nietzsche, Freud souscriront à cette idée que seul un vernis de la civilisation pouvait faire sortir l'homme de sa fange. Ainsi le monde de la pensée se divisa entre les partisans de Hobbes et sa certitude que l'homme est foncièrement mauvais, la lutte de tous contre tous en somme, s'il n'a pas le cadre de la civilisation et une autre opinion, celle de Jean Jacques Rousseau pour qui c'est la civilisation qui a perverti l'homme et transformé ce dernier en un être ployant sous les contraintes et l'arbitraire des États. « Humanité une Histoire optimiste » de Rutger Bregman publié aux éditions le Seuil (historien et journaliste néerlandais) débute par une citation de Anton Tchekhov (1860-1904) qui donne le ton et la couleur de cet essai : « L'être humain deviendra meilleur lorsque vous lui aurez montré qui il est ». le pourquoi de ce livre est ici exprimé parfaitement. Tel un explorateur, nous partons donc à la quête d'une autre façon d'appréhender le monde et l'humanité. Nous allons au devant de découvertes qui mettent à mal nos certitudes et les enseignements que nous avons eu jusque là. Ce livre remet en cause nos préjugés, nous fait réfléchir, nous interroge, nous qui sommes les héritiers des Lumières. La pensée occidentale présente une remarquable continuité dans sa perception, sa conception de l'humanité. Déjà auteur du succès mondial « Utopies réalistes », Rutger Bregman récidive et porte l'estoc aux pessimistes de tout bord qui ont le vent en poupe avec la montée des populismes et cette idée prégnante que notre modèle civilisationnel est en crise. L'auteur ne nie pas cela mais il avance des éléments qui redonnent foi en la capacité de l'homme de réinventer nos modèles politiques démocratiques. Avec Rutger Bregman c'est à une plongée vertigineuse et passionnante dans les méandres de la psyché humaine auquel nous assistons avec plaisir. Dans « Humanité, une histoire optimiste » l'élément central et le but ultime est de changer le sens attaché au mot « réalisme ». Aujourd'hui, « être réaliste » est devenu le synonyme de « cynique » et représente une personne ayant une vision pessimiste de l'humanité. Rutger Bregman l'écrit : « la naïveté d'aujourd'hui peut-être la lucidité de demain » ou bien encore cet appel « L'heure est venue de changer notre vision de l'humanité. Place à un nouveau réalisme ». Attention, ce livre n'est surtout pas un livre de développement personnel. Dans la lignée des écrits de l'historien et penseur israélien Yuval Noah Harari, auteur entre autres de « Sapiens », les idées exprimées par Rutger Bregman font l'effet d'ouvrir nos horizons, de mettre à bas nos perceptions du monde non pas tel qu'il est, mais tel qu'on nous l'a enseigné. Jamais redondant, parfois provocateur mais jamais outrancier, on voyage et j'ai songé à maintes reprises à l'allégorie de Platon sur la « Caverne ». Sans doute, ce livre, à sa manière, a t'il pour but de nous réveiller, de nous faire prendre conscience de nos chaînes et de nous amener à nous libérer des préjugés depuis trop longtemps ancrés en nous. Pendant des dizaines de milliers d'années, en nomade nous ne faisions pas la guerre. Les premières traces archéologiques de l'existence de guerres datent d'il y a dix millénaires, époque où sont inventées la propriété privée et l'agriculture. On a retrouvé des scènes nombreuses de chasse représentées par les chasseurs cueilleurs mais pas de scènes de guerre. C'est étonnant et cela démontre le lien entre avènement de la civilisation et naissance de nouveaux devoirs pour l'être humain. Dans la première partie de l'ouvrage, on s'attache à répondre aux questions que se posaient déjà Hobbes et Rousseau : « Qu'est ce qui est inné ? Qu'est ce qui relève de l'acquis ? Sommes nous bons ou mauvais par nature ? ». Les puissants pensent que le « genre humain est à leur propre image ». C'est aussi la faute des médias qui présentent le monde sous un angle unanimement pessimiste. L'auteur nous donne l'exemple de la Nouvelle Orléans avec l'ouragan Katrina en août 2005. Des choses peuvent devenir vraies si nous y croyons, on parle alors en sociologie de prophétie autoréalisatrice. Nous avons besoin de contact comme notre corps a besoin de nourriture. Il insiste sur l'importance de la sociabilité. Jean Jacques Rousseau avait-il raison ? L'être humain est-il naturellement bon, la civilisation est-elle une malédiction tout comme la sédentarisation ? Dans son ouvrage révolutionnaire « Homo Domesticus » (2017), l'anthropologue James C. Scott indique que des chefs d'oeuvre comme l'Iliade et l'odyssée sont issus du Moyen âge grec (1110 à 700 av. J.C.) alors que la civilisation mycénienne venait de s'effondrer. L'histoire étant écrite par les vainqueurs, notre vison, notre perception de l'histoire est déformée. La civilisation est devenue synonyme de progrès, tandis que la vie sauvage équivaut à la guerre et au déclin. En ré alité, pendant la majeure partie de notre histoire, cela a plutôt été le contraire. Thomas Hobbes décrivait la vie de nos ancêtres comme « dégoûtante, animale et brève » alors qu'elle était plutôt solidaire, paisible et saine. le véritable progrès est un phénomène très récent. Jusqu'en l'an 1800, plus de 90 % de la population travaillaient dans l'agriculture et plus de 80% vivaient dans une extrême pauvreté. On a le sentiment de lire une enquête sur des questionnements essentiels. Ainsi, Rutger Bregman se demande comme le plus grand crime de l'histoire de l'humanité a t'il été possible ? Comment expliqué Auschwitz, les rafles, les pogroms, les génocides et les camps de concentration ? Qui étaient les bourreaux complaisants aux ordres de Hitler ? de Staline ? de Mao ? de Pol Pot ? C'est sans aucun doute la partie la plus passionnante de ce livre. de William Golding « Sa majesté des mouches » à Richard Dawkins et son « Gène égoïste » en passant par Philip Zimbardo et Stanley Milgram, Hannah Arendt, les exemples et les sources sont riches ce qui rend la lecture passionnante. L'ouvrage est accessible et Rutger Bregman s'inscrit comme un véritable pédagogue au service de la pensée. Il soulève également avec brio, malice, les maux qui gangrènent la démocratie contemporaine et nous démontre que d'autres modèles existent. Un message d'espérance et de fraternité qui ne peut être que bienvenue. Si vous êtes curieux et que vous avez envie d'entendre une voix dissonante, ce livre est fait pour vous. Une réussite.
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Humanité : Une histoire optimiste

« L'être humain deviendra meilleur lorsque vous lui aurez montré qui il est. »

ANTON TCHEKHOV (1860-1904)



« Le mal est plus puissant, mais le bien est plus répandu. Le bien est contagieux. »



Beaucoup beaucoup de bon sens dans cet essai proposé par Rutger Bregman. J'avais entendu tellement de bien d'"Utopies réalistes", son précédent livre, que j'ai accepté sans hésiter la proposition de Babelio et des éditions Seuil de recevoir ce livre. Un grand merci à vous.

Et à Rutger Bregman, bien entendu, car cette lecture fut un très bon moment de lecture.

Ça fait du bien de lire sur l'évolution de l'être humain, de découvrir le résultat de recherches, d'études, d'expériences qui démontrent que l'humain n'est pas si mauvais que ça, de revenir au temps des chasseurs-cueilleurs, de prendre du recul sur le regard que l'on pose sur autrui, de l'analyser et de se dire que l'idée que l'on se fait de la mauvaiseté de l'homme est peut-être préconçue, de se faire conter des histoires de solidarité, des anecdotes sur des hommes bons, de penser positif, de penser OPTIMISTE. Oui ça fait du bien !

Cette lecture est arrivée à point nommé.

Ce livre est très riche, dense, très fouillé. Il va m'accompagner un moment, c'est certain, de même que les dix préceptes énoncés dans le dernier chapitre. Faire du bien naturellement, sans que la compétition rentre en jeu tout le temps, avoir confiance en son prochain, opter pour un scénario du gagnant-gagnant, ne pas laisser la haine et la rancune nous ronger ... ce sont plutôt de bonnes idées, non ?

« Ne fais pas aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fassent ; leurs goûts peuvent être différents. » La règle platine. Ne pas présumer de ce que les autres ont besoin, c'est aussi une règle intéressante.



Et pourquoi ne pas se dire que « [...] la naïveté d'aujourd'hui peut être la lucidité de demain. » ?

Tout comme les outils que proposent la sophrologie, les idées de Rutger Bregman demandent à mon avis de l'entrainement avant de se les approprier. Mais ça en vaut la peine.



« La plupart des gens sont bons. », j'ai envie d'y croire. C'est sûr que quand on vient de lire Et toujours les forêts de Sandrine Collette, on a moyennement confiance en l'être humain ;-)

Mais bon, je suis de nature déjà plutôt optimiste, et même si je ne suis pas tout à fait (encore) à 100% d'accord avec l'auteur, j'avoue que j'ai envie d'y réfléchir ! Et continuer à rester le plus possible éloigner des journaux télévisés, ça oui !

Un livre à chérir, à lire/relire, à conseiller, à offrir, bref un livre à mettre entre toutes les mains !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Humanité : Une histoire optimiste

Rutger Bregman, journaliste néerlandais, se propose dans cet opus de montrer et même de démontrer que l'homme est foncièrement bon, solidaire et sociable et non mauvais, cynique et proche de la bête féroce comme nous le donne à penser l'image si souvent véhiculée par les livres d'Histoire et l'actualité judiciaire. En d'autres termes, Bregman développe la thèse que le débat qui oppose depuis des siècles Hobbes à Rousseau peut être tranché en faveur du philosophe des Lumières. Même si l’ambition d’une telle tâche peut paraître vertigineuse pour ne pas dire prométhéenne, lorsqu'on démarre la lecture, on se prend à rêver que l'auteur va parvenir à ses fins et nous convaincre que tel est bien le cas. Les premiers chapitres sont une réelle bouffée d’air frais !



Pourtant, le lecteur se rend assez vite compte que Bregman mobilise des connaissances intéressantes et originales mais très parcellaires et le doute s’installe. Certes il recourt à une bibliographie impressionnante (mal référencée d'ailleurs), mais il s'affranchit allègrement des principes méthodologiques élémentaires qu'appelle une telle entreprise et fait ce que la langue anglaise nomme du "cherry picking" (en bon français, il fait son marché) : il retient dans l'ensemble des connaissances qu'il a réunies toutes celles qui militent en faveur de la conclusion qu'il souhaite démontrer. Et minore sans vergogne tous les éléments de connaissance - soit parce qu'il les ignore, soit parce qu'il ne les comprend pas - qui ne vont pas dans le sens qu'il souhaite. En philosophie, on dirait qu'il résonne en termes de causes finales. En science, on parle de raisonnement par téléonomie.



Procédé démonstratif peu acceptable.



Par exemple, et sans entrer dans trop de détail, la plus grande faille épistémologique de son raisonnement vient du recours aux travaux de deux chercheurs soviétiques qui, dans les années soixante, ont lancé une expérience de domestication de renards argentés vivant en Sibérie et que Bregman interprète comme preuve que l'homme est foncièrement bon. Les deux scientifiques croisent à marche forcée les renardeaux les plus dociles de chaque génération et observent, à partir de la quatrième génération, des changements d'apparence physique et de comportements significatifs. Puis en continuant l'expérience, ils remarquent que les descendants n'ont plus grand chose en commun avec leurs très sauvages et très agressifs ancêtres. Ils sont devenus d’adorables peluches. L’auteur affirme alors que les hommes ont dû pratiquer le même type de sélection sur leurs propres descendants et qu'en réalité nous sommes devenus des êtres de plus en plus gentils et de plus en plus dociles. Et que c’est ce qui nous a permis de devenir "bons" et de vivre heureux dans les sociétés primitives.



D'où peuvent venir de telles affirmations et de telles conclusions ? Car c’est là que la bât blesse.



Cette expérience constitue un assez banal exemple de ce qu'on appelle, en biologie évolutive, la sélection forcée : on fait se croiser les animaux offrant les caractéristiques comportementales ou physiques recherchées ce qui permet au bout de quelques générations de créer des descendants dotés des phénotypes désirés. Tous les animaux domestiques que nous connaissons aujourd'hui sur notre planète (chevaux, vaches, cochons, chiens, poules....) sont issus de ce processus déjà fort ancien. C'est la raison pour laquelle Darwin avait baptisé la sélection qu'opère la nature aveuglément sélection naturelle par opposition à la sélection forcée pratiquée par tous les paysans éleveurs du monde depuis des millénaires. Comment affirmer que nos ancêtres aient pratiqué cette sélection forcée sur leurs propres enfants sans citer aucune étude ou aucune source ? Et même en l’absence de références, il suffit de raisonner à partir de ce que l'on sait : la mortalité infantile était telle dans les temps préhistoriques qu'il est inconcevable que les Homo sapiens se soient livrés à des telles pratiques (éliminer un enfant agressif pour l’empêcher de grandir et de se reproduire). Une pratique dont nous n'avons aucune trace. Le raisonnement de Bregman, aussi sympathique qu'il puisse être, pèche par ignorance ou par le recours au mécanisme de cause finale. Le procédé est peu acceptable.



L'exemple pourrait être répété pour l'ensemble du livre. L'épisode des fraternisations de soldats sur le front pendant la Grande guerre est un de ces nombreux cas mis en avant par l'auteur et qui ne prouvent rien, en particulier qui n'explique en rien la sauvagerie des combats si souvent observés.



Résultat ?



Un style plaisant, une ballade dans des histoires sympathiques et parfois drôles (l’humour anglais pendant le Blitz...). Quelques passages salutaires sur le triste penchant des médias à ne s'intéresser qu'aux trains qui arrivent en retard et sur le voyeurisme généralisé qui nous fait préférer toujours la tragédie à la légèreté de la vie.



Mais sur le fond, une démonstration peu convaincante. Qui laisse de côté des pans entiers de l'Histoire des hommes et fait l'impasse sur certains faits saillants dont on se demande comment l'auteur a fait pour ne pas en tenir compte. Bregman convoque la moitié seulement de l'Histoire. Celle qui l'intéresse. Comble de la modestie, Il achève son livre par un chapitre intitulé "Dix règles de vie". Certaines sont bien vues même si elles ne sont pas d’une grande originalité, mais on ne peut s'empêcher de penser à ces Dix commandements édictés par le dieu des Hébreux à un certain Moïse et dont ces règles ne constitueraient qu'une ressemblance forcément fortuite... Tout auteur devrait garder chevillée au corps une trace de modestie !



Au fond, ce livre s'inscrit davantage dans la lignée des productions journalistiques traitant du bien-être, de la zénitude, du calme new-age que dans celle de travaux philosophiques ou épistémologiques... N'est pas Yuval Noah Harari (l'auteur de Sapiens - Une brève Histoire de l'humanité) qui veut !



Dommage pour le lecteur et pour l'Homo sapiens que nous sommes tous, bien sûr, et dont nous rêvons, il va sans dire, qu'il fût bon seulement !



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Humanité : Une histoire optimiste

Merci à Masse critique et aux éditions du Seuil pour cet essai plein d’optimisme !

***

Dans son essai Humanité : Une histoire optimiste, Rutger Bregman propose une lecture du monde en général et de l’homme en particulier qu’on trouve en partie chez Rousseau, à savoir, en schématisant : l’Homme est naturellement bon et libre, c’est la civilisation qui le corrompt et le contraint. Comme beaucoup d’autres auteurs, il lui oppose la vision de Hobbes, à savoir, je schématise encore plus si c’est possible : l’Homme est un loup pour l’Homme, c’est la civilisation et un État fort qui l’empêchent de dévorer tout ce qui bouge autour de lui. Bregman part de l’idée qu’Homo sapiens a vécu une sorte de période idyllique grâce à certains facteurs (petite communautés, déplacements permanents, accueils des étrangers, responsabilité commune des enfants, etc.) Il a fallu que les chasseurs-cueilleurs deviennent sédentaires pour que ce monde idéal bascule : domestication des animaux, naissance de l’agriculture et de la propriété, besoin d’un chef, début de la corruption, guerres de pouvoir, etc. Bregman estime que Rousseau a raison : l’homme est naturellement bon. Il apportera des preuves pour présenter à son lecteur une image de ce qu’il appelle un Homo mignon infiniment sympathique : les hommes sont généreux altruistes, incroyablement serviables à condition qu’ils ne soient pas sous la coupe d’un leader négatif. Même (surtout ?) dans les situations de crise, les hommes livrés à eux-mêmes savent s’entendre, résoudre leurs conflits pacifiquement, s’entraider et prendre soin de leurs semblables. Notre vision du monde est erronée. Il faudrait revoir notre système en nous basant sur la bonté intrinsèque des individus.

***

Pour prouver ce qu’il avance, Bregman se base sur quantité d’anecdotes et d’histoires connues et moins connues qu’il choisit dans différentes parties du monde et à différentes époques. Par exemple, dès le prologue, après avoir décrit le courage, l’entraide, la résilience et l’humour des londoniens pendant le Blitz, il relate l’histoire vraie de six jeunes garçons naufragés dans les îles Tongas, dans les années 60. Ils vivront plus d’un an sur une île déserte, avec difficulté, mais en bonne entente. Il compare leur expérience positive avec les horreurs que raconte le roman de William Golding, Sa majesté des mouches, et se désole, sans doute avec raison, que l’on ne présente pas les deux versions aux jeunes. Dans les trois premières parties, l’auteur continue à enrichir sa thèse grâce à de nombreuses anecdotes qu’il me semble vain d’énumérer ici. Je me permets quand même de citer l’expérience de Milgram (une pensée nostalgique pour Montand dans I comme Icare), revue et corrigée efficacement ici… Dans la quatrième partie, Bregman refait le point sur les effets placebo et nocebo, et appelle à la rescousse de nombreux contemporains qui abondent dans son sens et partagent ses convictions. La cinquième partie nous emmène dans un monde « sirupeux » (c’est lui-même qui le dit, p. 334) : il nous présentera un héros et nous racontera la fameuse histoire de la trêve de Noël, dans les tranchées, pendant la Première Guerre mondiale. L’épilogue donne 10 préceptes pour mieux vivre, changer notre vision des choses, et pourquoi pas, changer le monde.

***

Je n’ai aucune formation d’historienne ni de philosophe ; beaucoup des noms que cite Bregman me sont totalement inconnus, surtout parmi les « modernes », et j’ai pourtant lu ce livre en quelques jours : ce n’est vraiment pas difficile d’accès. Le sujet m’a intéressée, parfois amusée, et m’a poussée à remettre en question pas mal d’idées reçues. Pourtant, je dois avouer que plusieurs détails m’ont dérangée. La première chose que j’aurais aimé, tant en lisant cet essai qu’après l’avoir terminé, c’est une bibliographie ! Comment s’y retrouver dans une telle quantité de notes de bas de page : tous ces auteurs, articles de journaux, travaux universitaires publiés ou non, émission de télévision, entrevues à la radio, citation de citations, etc., sans une bibliographie en bonne et due forme. C’est un premier bémol. Le deuxième concerne ce qui pourrait presque passer pour un tic d’écriture. Sur la pléthore d’auteurs cités, nombreux sont présentés ainsi : Machin Truc, le plus célèbre philosophe (historien, sociologue, anthropologue, etc.) de son époque, ou encore Bidule Untel, le professeur (etc.) le plus respecté… J’avoue aussi avoir été agacée par l’assimilation quasi permanente des réalistes aux cyniques, sans aucun doute parce que je suis souvent reconnue dans le portrait qu’il en fait ! Mais faites-vous votre opinion : lisez ce livre, il y a matière à réfléchir et certains passages tirent résolument vers un optimisme qui n'est pas béat, ce dont on a tous bien besoin, je crois.

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Humanité : Une histoire optimiste

Les humains ont une certaine fascination pour les pires de leurs semblables : les tueurs en série sont bien étudiés que les saints, les faits divers violents ont toujours la cote dans les journaux (papier et télévisés), et encore tout récemment on jubilait à l’idée de voir nos voisins se battre à mort pour un rouleau de papier toilette. Aussi la proposition de Rutger Bregman semble d’une naïveté navrante à première vue ; l’être humain serait bon par nature, et ne ferait le mal que par ignorance, ou par accident.



Une fois la surprise passée cependant, il faut bien reconnaître que la démonstration semble tenir la route : l’auteur apporte des éléments issus de l’éthologie (l’étude du comportement animal), de l’histoire, et la psychologie, … pour mettre en évidence les comportements altruistes. Il apporte également un éclairage nouveau sur d’autres expériences (de Milgram, de Stanford, …), en soulignant leurs biais et les nombreuses critiques qui leur ont été adressées (sans que ces critiques n’atteignent jamais la popularité des expériences …)



Seulement, à la longue, on se rend compte qu’il y a des trous dans la défense. L’auteur sélectionne les faits qui vont dans le sens de ses idées, mais botte en touche pour le reste. Il contourne soigneusement le sujet de la Shoah, après avoir pourtant déclaré que c’était « la question fatidique ». À un moindre niveau, on ne parlera non lus, par exemple, du harcèlement scolaire, qui met quand même un sacré coup à l’angélisme des enfants. Certains arguments vont même à contresens, comme le fait que la plupart des terroristes ne seraient pas des idéologues fanatiques, mais voudraient seulement s’assurer le respect de leurs proches : à titre personnel, ça me paraît bien pire !



J’ai apprécié ce livre dans l’ensemble, pour sa volonté de dépoussiérer les vieux mythes et d’apporter des éléments neufs, et sans doute plus fiables. Je n’ai pas de doutes sur la véracité des faits que l’auteur présente, mais le biais de sélection est plus gênant. J’ai rapproché un moment ce livre de « L’entraide » de Kropotkine : agacé par le darwinisme social omniprésent dans la société, il avait compilé dans un livre tous les faits possibles qui mettaient à mal cette idée. Mais l’auteur russe avait clairement expliqué sa démarche, et reconnu dès le départ que la vérité se situait vraisemblablement à mi-chemin. Les choses sont moins claires avec Humanité : une histoire optimiste.



Un livre à conseiller aux personnes qui ont désespérément besoin d’une bonne bouffée d’optimisme, ou aux lecteurs prêts à remettre en question leurs a priori, mais avec un esprit critique bien aiguisé.
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Humanité : Une histoire optimiste

Un essaie très intéressant sur la nature humaine, dans lequel l'auteur part du postulat que l'Homme est profondément bon, mais que la société modèle et pervertit. Dommage que les redondances soient trop importantes. Arrivé au 2/3 on se lasse pour finalement lire en diagonal...
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