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Critique de Lucilou


En 1897, Edmond Rostand est un doux rêveur, un poète sublunaire qui semble tout droit débarqué d'un autre siècle ou au moins du printemps 1835, un écrivaillon qui se pâme pour les vers d'un Musset, pour les drames d'un Hugo ou d'un Dumas.
Pire encore: un plumitif qui lorgne vers les amours tristes d'un Jauffré Rudel.
En un mot comme en cent, c'est un ringard, un looser dont les vers ampoulés sont aussi démodés qu'une coupe mulet en 2021 et ne séduisent plus personne…
Ni le public, qui préfère à sa "Princesse lointaine" les pièces de Courteline ou de Feydeau -ces deux-là n'ont pas le triomphe modeste, les crétins!- ni Rosemonde, son épouse qui se soucie plus de l'entretien du ménage et de leurs deux enfants que de poésie.

Quand s'ouvre le premier acte Edmond flirte dangereusement avec la neurasthénie. Son ami Léo en personne ne parvient même plus à ne lui arracher ne serait-ce qu'un pauvre sourire.
Non, décidément, Edmond broie du noir et ne croit plus en rien.
Heureusement, d'autres croient en lui et c'est ainsi que le grand Coquelin, par le truchement de la tonitruante Sarah Bernhardt, s'en vient lui commander une pièce pour le français. Une comédie.
S'il est d'abord tenté de refuser (les comédies, ce n'est pas sa tasse de verveine), notre dramaturge, pressé par sa femme et ses créanciers accepte la commande alors que l'inspiration le boude résolument et que l'angoisse de la page blanche le tenaille encore et toujours.

Mais c'était sans compter sur un cafetier non dénué de noblesse, une costumière un peu fleur bleue, un séducteur invétéré et l'urgence d'un délai beaucoup trop court.

Cette pièce est une réussite, un miracle, un tour de magie, une nuit passée à rire et à danser, un clair de lune évanescent, un fracas gascon, un arc-en-ciel Belle Epoque.

Il fallait en avoir, de l'audace, du panache pour s'attaquer à l'une des pièces les plus fameuses de la langue française.
Il en fallait du talent pour ériger Edmond Rostand en personnage et tous les autres avec lui.
Il en fallait de la fantaisie, un bon grain de folie même, pour imaginer les prémices et la création de "Cyrano de Bergerac".

Par chance et par bonheur Alexis Michalik ne manque d'aucune de ces trois qualités: panache, talent et fantaisie sont résolument de son côté, comme elles étaient du côté d'Edmond Rostand, même si lui-même ne le savait pas.
Et comme les trois mousquetaires qui étaient quatre, il en fallait une quatrième, de qualité pour réussir le miracle qu'est "Edmond": il fallait du coeur, il fallait aimer "Cyrano de Bergerac" pour parvenir à ce fabuleux résultat. Ce bijou.

Que les dieux de la littérature et du théâtre en soient remerciés: Alexis Michalik aime Cyrano de Bergerac et lui rend ici un hommage virevoltant et virtuose, en même temps qu'il rend hommage au théâtre et aux comédiens, à ce monde du spectacle et de la culture sans lequel la vie serait atrocement maussade (!) que j'ai eu la chance d'aller applaudir trois fois au Théâtre du Palais Royal (excessive moi?), que j'ai aimé au cinéma (obsessionnelle? Jamais!) et qu'enfin j'ai lu avec plaisir, avec délectation, peuplant avec bonheur mon salon des personnages hauts en couleurs et des répliques enlevées créées par l'auteur.

En attendant d'y retourner.
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