AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


Étonnant cet Alfred de Musset ! Étonnant, vraiment, car on croirait dur comme fer que sa pièce a été écrite au XVIIème siècle par un dramaturge espagnol à la Lope de Vega.

Il a l'art de remettre au goût du jour (au goût de SON jour, s'entend, c'est-à-dire la première moitié du XIXième siècle) des styles et des formes désuètes comme le genre théâtral du proverbe, dont il signe ici l'un des plus grands opus.

(Pour ceux que cela intéresse, le proverbe, au théâtre, est une sorte de comédie, le plus souvent en un acte, à l'origine destiné à être représenté dans les salons mondains et dont le public — un cercle d'invités — devait retrouver à quel adage, dicton ou maxime cette petite farce faisait référence. Alfred de Musset a su donner quelque relief au genre qui, bien qu'assez populaire à une époque — XVIIè puis XVIIIè s. —, n'a jamais vraiment livré à la postérité une bien longue descendance.)

Il faudra attendre la fin du siècle pour que quelqu'un sache faire encore mieux que Musset dans le maniement d'un style suranné tombé en totale désuétude, (mais c'est tellement exceptionnel que c'est du registre de " l'exception qui confirme la règle "), je pense évidemment à l'immense Cyrano d'Edmond Rostand.

Ce que réussit Musset avec On Ne Badine Pas Avec L'Amour (ou Rostand avec Cyrano de Bergerac) est tout à fait comparable au récent succès du film muet The Artist de Michel Hazanavicius avec Jean Dujardin et Bérénice Bejo dans les rôles titres, en allant tout à fait à contre-courant du style du moment.

C'est osé, donc, quant à la forme. le fond est forcément largement contraint par l'intitulé même du proverbe « on ne badine pas avec l'amour ». Mais pour donner du relief et de l'épaisseur à la chute forcément connue, l'auteur s'ingénie premièrement à greffer une assez longue introduction, deuxièmement à créer des personnages secondaires qui portent le comique, et troisièmement à tendre les ressorts tragiques au maximum, si bien que de la modeste forme du proverbe, on arrive à une pièce en trois actes qui fait très fortement penser aux tragi-comédies espagnoles du siècle d'or et qui s'inscrit pleinement dans la mouvance romantique du moment, sans être caricaturale à l'excès. Chapeau bas, Monsieur de Musset, car c'était une vrai gageure.

Je crois qu'il est grand temps que je vous parle un brin du synopsis car je m'enfonce par trop dans des considérations personnelles. Nous voici donc avec un baron, homme d'importance, probablement dans la capitale, mais aussi détenteur d'un domaine en province où se déroule l'action.

Il est aux anges notre brave baron car c'est aujourd'hui que son fils Perdican, fraîchement promu docteur en droit, littérature, botanique et je-ne-sais-plus-quoi encore, vient d'accéder à la majorité (21 ans à l'époque et ce jusqu'à Giscard d'Estaing) et semble donc bon à marier.

La fiancée toute désignée est sa cousine Camille, qui elle aussi précisément sort du couvent où elle a reçu une éducation sérieuse et stricte, notamment sur la morale. tout doit aller pour le mieux, ils s'adoraient enfants, il est beau comme l'air, elle est belle comme l'aube, comment pourrait-il en être autrement ?

Mais voilà, ce vilain couvent avec ses pièces froides et austères, n'abritant que des nones ou des femmes déçues du monde, ce vilain couvent, dis-je, a injecté dans le cerveau de Camille des préceptes incompatibles avec un mariage terrestre. Et donc, la damoiselle, s'attendant fatalement à souffrir des amours humaines, en vient à exposer à Perdican qu'elle envisage de prendre le voile, et par la même, de mettre les voiles et de s'échapper dès le lendemain, direction couvent, destination paradis.

Perdican, forcément est un peu piqué par la chose, car il sent bien qu'il l'aime, et mieux encore, il sent bien qu'elle l'aime un peu aussi, elle, et que ce sont ces vieilles punaises de sacristies qui lui ont bourré le crâne avec cette mauvaise farce.

Celui-ci décide donc de titiller la fibre de la jalousie de sa dévote cousine en prétendant s'en fiche comme de l'an quarante et d'être tout disposé à épouser sa soeur de lait, paysanne certes, mais elle aussi belle à croquer et probablement bien plus facile à vivre et à satisfaire…

Vous en savez déjà bien assez. Il me reste à vous avouer que cette lecture m'a paru très plaisante mais qu'elle ne m'a tout de même pas emmenée dans les confins stellaires telles que d'autres lectures ont eu le pouvoir de le faire, d'où mes quatre étoiles et non cinq, mais sachez qu'on ne badine pas avec les étoiles et que ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1294



Ont apprécié cette critique (98)voir plus




{* *}