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3.23/5 (sur 20 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris
Biographie :

Alexis de Moulliac est un auteur franco-italien. Il travaille dans les technologies nouvelles, notamment l'intelligence artificielle.
La Descente à la plage" est son premier roman.

Source : Buchet-chastel
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Bibliographie de Alexis de Moulliac   (1)Voir plus

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Citations et extraits (8) Ajouter une citation
Rien ne se passe normalement. Tout est trop gros, trop évident, le hasard fait trop bien les choses. Je passe une journée de merde. T'u apparais de nulle part, tu sais les choses avant qu’elles n’arrivent, en plus tu ne parles même pas comme un vrai enfant. Et puis ton obsession de la plage, là, d’où ça sort? Je suis fatigué de ne pas comprendre. Donc je n’irai pas plus loin si je n’ai pas de réponses.
- C’est quoi ta question ?
- Qu'est-ce qui se passe sur cette foutue île ?
- Rien, c'est juste pas ton jour. p. 79
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(Les premières pages du livre)
J’ai soif. D’eau. En tendant le bras pour atteindre une bouteille, mes doigts n’en frôlent que des couchées. Je les secoue pour deviner leur contenu, sachant très bien que mon lit est à l’orée d’une forêt de San Pellegrino vides. Bouteilles dans lesquelles je trébuche en voulant me lever vers le minibar. Les gling qui s’ensuivent achèvent ce qu’il me restait de sommeil avant d’ouvrir mes yeux plus qu’à moitié. Je fais face à mon auditoire de verre aux fonds tièdes. Il est souvent très varié, parfois encore pétillant, parfois aplati par le temps, parfois plein d’une urine oisive.
Il doit faire un soleil radieux dehors, si l’on en croit les entrebâillures des volets mal fermés zébrant de lumière les mosaïques de la chambre. Ça fait combien de temps déjà ?
Ah oui, longtemps. Mais pas suffisamment. Jamais suffisamment. J’avais un accord avec les femmes de chambre de ne jamais venir me déranger. De toute façon Lina est au courant. Elle tient l’hôtel depuis plus de trente ans, elle a dû en voir des tarés, un de plus un de moins, quelle différence ? « Non mi di’, non domandero 1 », m’avait-elle dit en me filant la clef, la moue complice mais l’œil inquiet.
C’est la chambre la plus éloignée de tout l’hôtel, presque au sommet de l’île. En temps normal elle la loue à sa famille ou ses amis. Faisant partie de la deuxième catégorie, j’en héritais pour nourrir le loup solitaire en paix. Il n’y a que des riverains autour de moi, eux savent respecter la vie privée. Contrairement aux touristes zélés, qui adorent tremper leur truffe dans le potage des autres pour se donner un genre culturellement curieux. Et moi le genre qui prétend vouloir savoir ce que je fous là pour me parler de la raison de son voyage à lui, ça me gonfle.

Je ne suis moi-même pas un local, encore moins un insulaire, alors mon point de vue sur les touristes peut paraître hypocrite. Mais j’ai au moins la décence de ne pas faire semblant. Je les connais bien ici. Depuis quinze ans ils me supportent tous les étés, avec mes sales manies. Et c’est exactement pour ça que je reviens tous les ans.
Il y a un truc sur cette île. Je ne saurais pas expliquer exactement ce que c’est. Peut-être que ce sont les gens. Un shaker où l’on mélange les locaux poisseux et les fêtards chics, et le goût reste le même. Peut-être que c’est la cuisine, ou la flore encore sauvage. Quelque chose de très simple que beaucoup aiment compliquer, comme le fameux Là où va la jet-set pour fuir la jet-set, qui pourrait laisser penser que ce n’est qu’un énième ersatz méconnu de Saint-Tropez ou de Porto Ercole.
C’est un exercice difficile. C’est un peu une question bête, comme choisir son plat ou son film préféré, mais si on ferme les yeux et qu’on accepte les allégories idiotes, Panarea est une figue de Barbarie en pantalon de lin blanc, qui sent l’espadon grillé et qui marche pieds nus.
Et chaque année, je viens mouiller mes os avec elle.
Mais cette fois c’est différent.
Merde, aucune bouteille pleine et le minibar est vide. Pas même une mignonnette qui traîne pour me donner un genre de poète maudit à huit heures du matin.
Bon, direction la salle de bain, ça m’apprendra à finir mes réserves trop vite. J’enfonce ma tête ensommeillée dans le lavabo en cuivre pour anticiper le flot d’eau moyennement potable du mitigeur que je viens de tourner. Rien. Pas même cette unique goutte comique suspendue au bord du robinet en guise de provocation cartoonesque.
Là, on a un problème. Téléphone. Je vais appeler Lina. Elle m’enverra quelqu’un pour déposer des bouteilles devant ma porte. Mais pas de réponse. J’appelle le standard, même punition. Quelle ironie, j’allais dire que je n’ai que mes yeux pour pleurer. Si seulement, au moins je boirais mes larmes pour étancher ma soif.
Que faire. Attendre la femme de chambre ? Elle ne passera jamais, sur mes consignes. Merde. Je vais être obligé de… sortir. Merde. Cazzo. Merde.
1. « Ne me dis pas, je ne demanderai pas. »

Soif
Le premier truc sympa ici, c’est le sol. Quand je disais que les gens marchent pieds nus, c’est surtout parce que les mosaïques gardent bien la chaleur, sans pour autant cramer nos plantes. Ça fait partie de l’expérience. Et puis je déteste les tongs. C’est donc la première fois depuis… Depuis combien de temps déjà ? C’est la première fois depuis des lustres que mes pieds foulent ces dessins siciliens tièdes.
Je bouge bien mes orteils dessus, ce pas est important. Il marque ma première coupure avec le monde de ma chambre. Celui que je m’étais construit maladroitement, comme une cabane d’enfants faite avec des draps.
Et je viens de l’ouvrir, on m’y a obligé.
Rien n’a vraiment bougé dehors. Je ne sais pas à quoi je m’attendais, peut-être que le monde ait changé en mon absence ? Une étendue de cactus desséchés, de la fumée s’élevant des villas blanches, des navires échoués sur Dattilo, le gros rocher en dent de requin au large ? L’apocalypse.
Un pas après l’autre, je rentre dans mon monde d’après. Et il commence par un « hey ! ».
Je tourne légèrement la tête et il est là. Un jeune garçon d’une dizaine d’années, en train de dodeliner sur un rebord de rue. Il mouline avec ses pieds et me regarde fixement.
Exactement ce que je cherchais à éviter, des contacts. Et pour couronner le tout, il fallait que ce soit un gosse. Il a un truc spécial, cela dit. C’est sur son visage. Il a les yeux plissés à cause du soleil, des petites lunettes rondes, un marcel blanc taché et des traces de chocolat au bord des lèvres. L’archétype du sale mioche. C’est certain, il va me poser des questions, ou pire, me suivre. Il va me coller aux basques, c’est écrit sur sa gueule.
Je fais mine de l’ignorer et entame mon périple vers les commerces plus bas. On va commencer par Da Filippo, la supérette. Il aura sûrement ce qu’il me faut, c’est à deux pas. Voilà, je lui prendrai un pack de bouteilles, je rentrerai et basta. Mission rapide, ce n’est qu’un mauvais moment à passer.
« C’est fermé », dit le garçon.
Je m’arrête. Je vais devoir lui demander, n’est-ce pas ? Je vais devoir accepter sa présence et lui accorder une existence à côté de moi ? C’est pas vrai…
Je l’ignore de nouveau. J’ai dû mal entendre, impossible.
Je me retourne vaguement en m’éloignant, il ne me suit pas, tout va bien. Ça doit être la déshydratation, ça me rend parano. Je garde mon cap.
Je me fais à peine la réflexion que les rues sont vides. Pas trop de touristes lève-tôt cette année on dirait. Ça attriste l’amoureux du coin que je suis, mais ça arrange beaucoup le sociopathe. On n’entend même pas le moteur électrique des voiturettes de golf d’Angela, seul moyen de locomotion de l’île. Là, mon premier et dernier arrêt se trouve juste à l’angle. Sauf qu’il est fermé. Je reste comme un imbécile devant l’entrée barrée, à chercher Filippo ou l’un de ses sbires du regard. Personne. Pas une âme. Sur la porte, un message manuscrit avec une rature au stylo : « Torno fra un’orà ». Il me pose dramatiquement problème pour deux raisons, ce message.
La première c’est la formulation, qui n’indique en rien une heure de retour. Je reviens dans une heure, mais est-il parti il y a cinq minutes ou cinquante-cinq ? Vais-je attendre ici à l’aveugle le retour incertain de cette andouille ?
La deuxième c’est qu’il commence à faire chaud pour une matinée. Et les maisons sont basses, donc trouver de l’ombre va devenir compliqué.
Ma bouche se fait pâteuse comme celle d’un labrador. N’ayant en revanche pas la patience légendaire de l’animal, je dois partir trouver de l’eau au plus vite.
Mais j’entends une voix familière derrière moi.
« Je te l’avais dit que c’était fermé. »
Le petit garçon de tout à l’heure est de nouveau ici, dans la même position, comme téléporté.
Je me retourne et décide de lui parler.
« Comment tu as deviné que j’allais ici ?
– L’intuition j’imagine.
– Tu me suis ?
– Non, je me balade.
– Tu te balades drôlement près de moi. Tu ne veux pas aller voir ailleurs ? »
Au même moment, je remarque qu’il tient une petite bouteille d’eau à la main.
« Dis-moi gamin, je te donne cinq euros pour cette bouteille et cinq pour que tu disparaisses de ma vue, ça te va ?
– Je viens de la finir, désolé.
– Tu sais où je peux en trouver ?
– Au bar du Cincotta je crois. Ils sont ouverts tôt le matin pour le petit déjeuner.
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Difficile d'imaginer le bonhomme jeune. Je soupçonne qu'il ait pris cette apparence à l'enfance, et qu'elle n'est jamais été perturbée depuis, tant son vieillissement est figé.
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— Je déteste la plage, blondin
— Pourquoi?
La plage, la cuvette des chiottes de l’île. Des îles en général. Du monde entier. La source la plus attractive d’eau non potable, le carrefour de toutes les angoisses. Qu’il soit blanc Comme à Porquerolles, ou noir comme à Stromboli, vous qui enfoncez vos pieds dans ce sable, abandonnez tout espoir. Personnellement, je n’ai pas eu ce besoin. Dans cette litière bouillante, de l’espoir, je n’en ai jamais eu. p. 48
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J'accepte. Comme Caravage, de mêler le clair à l'obscur.
De répandre ma tristesse dans la vaste mer sans cœur,
D'inutiles larmes d'argent, sans éclat, dans la noirceur.
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Incipit :
J’ai soif. D’eau. En tendant le bras pour l’atteindre une bouteille, mes doigts n’en frôlent que des couchées. Je les secoue pour deviner leur contenu, sachant très bien que mon lit est à l’orée d’une forêt de San Pellegrino vides. Bouteilles dans lesquelles je trébuche en voulant me lever vers le minibar. Les gling qui s’ensuivent achèvent ce qu’il me restait de sommeil avant d’ouvrir mes yeux plus qu’à moitié. Je fais face à mon auditoire de verre aux fonds tièdes. Il est souvent très varié, parfois encore pétillant, parfois aplati par le temps, parfois plein d’une urine oisive.
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Au début, ce n’était que quelques gouttes. Maintenant, le déluge. Le soleil éclaire toujours le ciel, mais un nuage unique s’est positionné au-dessus de nous nous arrosant copieusement. Enfin. Enfin de l’eau. Virgilio me voit m’arrêter.
- Je sais ce que tu penses. Laisse-moi juste te dire que tu as tort.
- Fous-mois la paix, je suis desséché.
- Ce n’est pas une bonne idée.
Je ne l’écoute pas. Comme un enfant. J’ouvre la bouche, je tire la langue vers le ciel. C’est à ce moment-là que je l’ai senti. Un goût âpre, amer et acide. Je ne pensais pas un jour goûter une chose pareille. On dirait de la sciure de bois mélangée à de la bile. Je recrache immédiatement, manquant de m’étouffer avec la substance.
- Je te l’avais bien dit.
- Qu’est-ce que c’est ?
- De la pluie. Rien de plus.
- Pourquoi est-ce qu’elle a ce goût ?
- Les pluies acides, c’est assez fréquent de nos jours, tu sais.
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Et s’il y a une chose que je déteste encore plus que les enfants, ce sont les plages.
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