" Du recul, je n'en ai pas. Des envies de meurtres, oui, je méprise la névrosée qui piétine les vies comme on piétine des plates bandes."
" je pense avec un pincement au cœur que s'il gère son retour aussi bien que son départ, je ne suis pas tirée d'affaire."
Toute la nuit je lutte contre le sommeil parce que dès que je ferme les yeux je cauchemarde et quand je me réveille la réalité dépasse le cauchemar. Alors pour tuer le temps et les vilaines pensées qui me collent la migraine, j’écoute les cris des parturientes, les vagissements des nouveau-nés, les appels angoissés des primipares, le va-et-vient plus ou moins feutré des infirmières et de leur chariot qui bringuebale.
Je viens de fêter mes quarante ans, le tic-tac rassurant de mon horloge biologique s’est arrêté et je suis brusquement passée de l’autre côté du miroir.
Dormir je n’y arrive plus, manger non plus, de l’anorexie mentale on appelle ça, je commence à maigrir, le bébé, lui, grossit toujours. Je me dis qu’avec un peu de chance, je retrouverai plus vite ma ligne après l’accouchement. Il verra bien que je suis redevenue comme avant. Avant qu’il tombe dans les filets de l’autre, la méchante avec ses larmes de crocodile qui a profité de mes kilos en trop et de ma confiance aveugle pour le vamper entre la poire et le fromage, la glace au thé vert et l’assortiment de sushis, le tiramisu et l’escalope milanaise.