Au titre et à l'auteur, je pensais lire un petit livre léger et amusant. Ce ne fût pas le cas... mais je n'en suis aucunement déçue. J'ai trouvé dans ce texte quelque chose de beaucoup plus profond, de plus tendre et de touchant. Dans l'esprit de l'Edouard Baer que j'ai pu croiser sur les ondes de France Inter.
Ce texte est la transcription littéraire d'une pièce de théâtre écrite et jouée par l'auteur en 2020. Je vous conseille de le lire d'une traite, comme si vous assistiez au spectacle. Ce que je n'ai pas fait. Chaque fois je regrettais de quitter la pièce mais aussi de l'avoir quittée au moment où je devais de nouveau entrer dans l'histoire. Car en effet, il se dégage de ce texte une atmosphère intimiste et touchante, une grande proximité avec le narrateur, Edouard, que l'on peine à quitter.
Nous sommes au théâtre et tout à coup débarque sur scène un acteur enfuit du théâtre d'à côté. Edouard arrive sur scène, à travers la salle et les spectateurs, et vient s'attabler dans le décor, avec le régisseur. S'ensuit un dialogue intérieur et avec des auteurs qui constituent le panthéon d'Edouard, pour s'expliquer cette fuite et cette crainte de se confronter à la réalité de l'existence et à la raison de sa présence à cette place à ce moment.
J'ai été conquise par ce texte, qui navigue entre deux pièces de théâtre, celle à laquelle nous sommes sensés assister et celle qui s'invite par la venue sur scène d'Edouard... et une troisième, celle à laquelle nous assistons vraiment. J'ai été emportée par le dialogue de l'acteur / auteur avec lui-même, ses questions existentielles, mais aussi par ses échanges avec Jean Rochefort à travers à vrai/faux téléphone de théâtre. Un échange imaginé qui se passe dans la pièce avec un faux téléphone, de vraies discussions avec un régisseur et une épouse faisant partie d'un autre spectacle. Ces mises en abîme constantes sont troublantes et jouissives ! Et je crois que le fait de lire cette pièce en ajoute un niveau.
Les très nombreuses références littéraires intégrées par Edouard Baer dans son texte, et citées par son personnage, Edouard, au cours de la pièce sont tellement justes et éclairantes autant que troublantes. Il y est question de ces choses que l'on n'a pas faites, de nos lâchetés du quotidien, ou d'autres, plus dramatiques, de la manière dont on fait face à nos actes et comment l'on se comporte avec courage.
Rochefort, Brassens, Bukowski, Sartre, Thomas Bernhard, Malraux... et même Napoléon, tous viennent éclairer cette pièce d'une lumière un peu burlesque et décalée. Qu'est-ce qu'on fait tous là, chacun, à la place à laquelle où on se trouve ? Où est vraiment notre vie ?
A lire absolument... aussi pour les très beaux dessins de Stéphane Manel.
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