LES COUPS DE CUR DES LIBRAIRES - 11-02-2024
D'autres iront s'en prendre aux villageois démunis, aux villageois démunis, aux plus faible, nous, c'est aux généraux qu'on s'attaque,lorsqu'ils sont à terre, qu'ils nous tournent le dos. Ces gradés, ces capitaines d'industrie, ces guerriers du CAC 40 déciment leurs propres citoyens pour se nourrir, nourri ,leur cause, leur promotion, leur soif de puissance, de pouvoir. Ces enfoirés vont pousser des mecs au suicide, à la rue, aux restos du cœur. Nous, on braque des postes, des banques, des truc assurés. On fait chier personne. On prend des risques, des putains de risques. Pour les emmerder, c'est vrai. (page 123)
Le grain tombe et l'écorce s'envole, grommelle le flic entre les dents.
Alcoolique, ouais, ça ne signifiait rien pour lui. Ce qu'il voyait, ce qu'il désirait, c'était un châtiment. S'empoisonner, se noyer, se blesser, jusqu'à se rendre malade, gerber. Tous les jours que Dieu fait, des braises de l'aube jusqu'à la dernier lueur du crépuscule, il buvait. Un besoin de se détruire, pour se punir. Comme ces moines extrémistes en pénitence, il se fouettait le cœur, jusqu'à le noyer dans son propre sang.
Elle se concentra. Pour que cela passe, pour évacuer la frustration, le sentiment de déception, la rage au cœur qui la prenaient dans ces moments-là. Comme si son cerveau se découpait en deux parties. Dans l’une, soufflaient, grondaient et tremblaient la violence, le goût du sang et l’envie de frapper; dans l’autre, le calme plat de la concentration sur une tâche professionnelle qui arrivait à masquer, sinon à calmer, les pics de douleur qu’elle ressentait dans sa chair. Son cerveau émettait des signaux d’alerte et sa conscience prenait le relais en appliquant la procédure de secours.
La nuit a envahi la ville. Les trottoirs sont recouverts de petits parapluies transparents, une masse de Japonais qui ondule comme le dos d’un gros dragon recouvert d’écailles de plastique qui pétillent sous la pluie. On ne se sent jamais aussi seule qu’au milieu d’une foule. Je frissonne dans mon uniforme Air France, la foule est si compacte, elle avance si vite que je n’arrive pas à y pénétrer. C’est la mauvaise heure pour déambuler, et, en même temps, c’est le meilleur moment lorsqu’on cherche quelqu’un
Notre histoire avait duré près de deux ans, pour se terminer par un drame. Nous avons perdu notre fils, âgé de six mois et demi. Nous n’en parlons pas, même s’il traîne un air mélancolique qui me fait culpabiliser. Encore une des raisons qui me poussent à penser que je suis un monstre. Parce que, de mon côté, je ne ressens rien, aucun vrai chagrin, aucune douleur. Ce moment de ma vie est, comment dire, émotionnellement effacé de ma mémoire. Je sais exactement ce qu’il s’est passé, mais je n’arrive pas à le revivre. Il s’agit sans doute d’une protection trouvée par mon inconscient pour contrer l’horreur. Je me retrouve à espérer que personne ne s’en est jamais rendu compte, je sais que ce n’est pas normal pour une mère, pas humain.
Le Monstre n'a plus que quelques pas à faire. Il ne pense à rien, il respire les mouvements des hommes dans la petite pièce, certains assis, d'autres debout à s'échanger une bouteille, ils parlent une langue inconnue. Ils crieront dans une langue inconnue.
Deux petites têtes blondes aux yeux bleus qui grandirent exactement de la même façon. Deux clones, à une toute petite différence près. Nous avions pratiquement fusionné dans le ventre de notre mère, fesse contre fesse, quatre petits centimètres de peau qui s’étaient soudés, pour se décoller au moment de la naissance. Laissant une petite empreinte, une tache sanguine pour moi, et blanche comme le lait pour la bien nommée Bianca, dont mon père disait qu’elles avaient la forme de la Norvège. Située sur le milieu de ma fesse droite, et de la gauche pour Bianca.
Dans six mois, cela fera dix ans que ma jumelle a disparu, et l’administration la considérera définitivement comme morte. Pourtant, plus la date fatidique approche, plus je sens monter en moi l’espoir de la retrouver. L’espoir qui cache le désespoir…
On s’embrasse, et je retourne au foyer en pensant à ma sœur. Ma vraie sœur, Bianca, ma jumelle que j’ai perdue il y a dix ans.