Faculty@Ashoka: Prof. Janice Pariat
Je me souviens d'un soir à la Saint-Sylvestre; je te remarque de l'autre côté du feu. A la lueur des flammes, tu irradies la douceur. Je roule un joint et tes yeux croisent les miens. S'ennsuivent une myriade de regards en coins, un ou deux légers sourires, des rires. Un changement de place lorsque les gens se lèvent pour remplir leur verre, aller aux toilettes, cherche cigarettes et alumettes. Nous nous retrouvons côte à côte. Je te passe un joint, tu en tires des bouffés avec délicatesse, l'essentiel de la fumée s'échappe de ta bouche. J'aimerais sortir un mot d'esprit, quelque chose d'intelligent, une citation, n'importe quoi en guise d'amorce d'un futur échange, qu'il soit pérenne ou fugace. Sauf que je m'entends te dire au moment où tu me rends le joint:
-C'est de la bonne, non ?
En l'espace d'un instant, tout devient trivial.
C'est affreusement ringard, pas tant que ça pendant ce trajet, aussi étrange que cela paraisse. Je sais qu'il n'y a pas d'avenir avec toi. Nous nous sommes rencontrés, nous allons nous séparer. Ce n'est qu'ici et maintenant, malgré les promesses pour l'avenir que recèle notre intimité. Je ne comprends par comment tu refuses de t'en rendre compte. Cela ne peut pas exister, n'est-ce-pas ? Je n'ai qu'une chose à faire, l'ignorer. Il me faut néanmoins reconnaître que cela apporte quelque chose au fossé entre nous. Tu l'as comblé d'espoir. Voilà la terrible lueur que je distingue dans tes yeux. L'espoir.
J'entends par là que nous avons le sentiment que c'est le bon moment de tomber amoureux... le bon âge, la bonne saison... et je ne sais quoi encore. Du coup, la personne a une importance secondaire.
Il y a une grenouille dans ta chambre. Elle est minuscule, mais tu as horreur des grenouilles. Tu montre le coin du doigt. Le traducteur et moi la chassons de conserve, en tapant du pieds et dans nos mains, en riant. Nous te taquinons; ta gêne est attendrissante. Avant de partir, je m'attarde sur le seuil, jette un regard en arrière, sur toi, à ta chambre, où flotte ton odeur mêlée à des effluves acidulés.
Je voudrais qu'il y ait une grenouille dans ta chambre tous les soirs.
Je voudrais être la grenouille dans ta chambre.
Pourquoi faut-il toujours souhaiter davantage que le présent ?
- Alors ce que j'essaie de représenter, ça n'a pas d'importance ? Interroge un autre élève.
- Si, mais tu ne peux pas contrôler ce que ceux qui regardent choisissent de voir.