T2
Marceline Desbordes-Valmore
Malheur à moi
Malheur à moi ! Je ne sais plus lui plaire ;
Je ne suis plus le charme de ses yeux ;
Ma voix n'a plus l'accent qui vient des cieux,
Pour attendrir ma jalouse colère ;
Il ne vient plus, saisi d'un vague effroi,
Me demander des serments ou des larmes :
Il veille en paix, il s'endort sans alarmes :
Malheur à moi !
(...)
T2
Charles Bordes
Les aveux ingénus
Beauté, pour qui je soupire
Sous les lois du tendre amour,
(Oserai-je vous le dire !)
Je sens pour vous nuit et jour,
(Ah ! sans alarme
Agréez ce tendre aveu)
Un feu...
De carme.
Hélas ! Si moins inhumaine,
Vous ressentiez les attraits
De ce penchant qui m'entraîne,
Vous me verriez à jamais,
Fidèle et tendre,
Borner mes vœux les plus doux
A vous...
Le prendre.
Rougissez d'être inflexible,
Aux plus tendres sentiments ;
Et que votre âme sensible
Goûte avec moi ces moments
Pleins de délices,
Et laissez à ce soupir
Ouvrir...
Vos cuisses.
Quelle erreur d'être sévère !
Connaissez enfin l'amour
Sous les voiles du mystère.
Ah ! Daignez à votre tour,
Avec ivresse,
Éprouver d'un dieu si doux
Les coups...
De fesse.
Le poisson volant
Certain poisson volant, mécontent de son sort,
Disait à sa vieille grand-mère :
"Je ne sais comment je dois faire
Pour me préserver de la mort.
De nos aigles marins je redoute la serre
Quand je m'élève dans les airs;
Et les requins me font la guerre
Quand je me plonge au fond des mers."
La vieille lui répond : "Mon enfant, dans ce monde,
Lorsqu'on n'est pas aigle ou requin,
Il faut tout doucement suivre un petit chemin,
En nageant près de l'air, et volant près de l'onde."
Florian, 18ème siècle, Anthologie de la poésie française