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Citations de Raphaël Gaillard (24)


La question n'est pas de savoir si l'augmentation de l'homme par la technologie est possible. Cette révolution qui voit s'hybrider l'être humain et la technologie par des interfaces cerveau-machine est déjà en marche. La question n'est pas de choisir son camp entre les zélotes et les contempteurs de cette hybridation, entre ceux qui s'enthousiasment sur les réseaux sociaux et ceux qui la conspuent dans les salons littéraires. Ces réactions à l'emporte-pièce sont celles d'êtres humains qui, à l'évidence, ne bénéficie pas encore du surcroit d'intelligence que promet cette hybridation. Les seules questions qui vaillent et que nous explorerons ici sont pragmatiques : quelle est la réalité du phénomène à ce jour, quelles sont les perspectives, quelles sont les possibles effets indésirables, comment se prémunir de ces derniers, et plus généralement comment accompagner au mieux ce mouvement inéluctable ?
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Aussi étrange que nous apparaisse la folie, elle ne nous est jamais tout à fait étrangère.
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Le monde du langage, ce que notre cerveau a rendu possible au cours de l'Évolution, c'est de suspendre le temps plutôt que le voir défiler. En la matière quelques secondes constituent déjà une éternité.
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Les hopitaux sont des enclaves de vie et de mort au milieu des villes, que le commun des mortels veille scrupuleusement à éviter. Il ne s'y rend que contraint et forcé par la maladie qui le frappe, ou à reculons pour visiter un proche. L'hôpital n'existe pas pour la personne bien portante, devient le lieu qui polarise son existence lorsqu'elle nécessite des soins, puis disparaît aussitôt la rémission obtenue. De sorte que la topographie même de l'hôpital subit des mouvements imaginaires de négation, d'expansion à l'infini, et de rétraction, tout aussi extrêmes au gré du recours au soin.
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Dans cette seconde hypothèse, c'est l'effort d'intelligence qui rendrait vulnérable à la dépression. La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil : cette maxime de René Char, répétée à l'envi, en serait une possible illustration. Celui qui regarde le monde avec les yeux de l'intelligence est un être blessé. Il s'expose à la chute d'Icare en brûlant ses ailes à la chaleur du soleil. Pourquoi ne pas privilégier cette lecture des possibles liens de causalité entre dépression et trajectoire exceptionnelle, la seconde déterminant la première plutôt que l'inverse? Plus fondamentalement, nous pouvons nous interroger sur le passage de la corrélation à la causalité : l'existence d'un lien entre deux phénomènes (ce qui n'est pas même évident en l'occurrence pour ce qui est de la dépression et de la créativité) n'implique pas que l'un soit la cause de l'autre.
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L'IA a fait des progrès inouis en imitant notre cerveau, au travers des réseaux de neurones artificiels et de l'apprentissage profond (le deep learning). Ce mimétisme biologique a révolutionné le champ, donnant naissance à ce qu'il faut bien considérer comme une intelligence. Mais ce n'est que le début de l'histoire, qui s'arrête ici à l'encéphale, et d'ailleurs à ses couches les plus superficielles. Pour réellement donner à un texte sa puissance, il faut les couches les plus profondes de ce cerveau, ces structures limbiques qui portent nos émotíons, et bien évidemment le corps tout entier qui incarne ces émotions. Sans cette pondération corporelle, nous n'avons affaire qu'à l'écume de la vague, dont le miroitement est certes spectaculaire mais qui n'a guère de portée. Les textes composés par ChatGPT continueront de nous donner l'impression de singer maladroitement un style, faute de l'incarner. De même que l'art des adverbes chez Flaubert passe totalement au-dessus - ou bien en dessous - de la tête de I'IA, aucun texte ne saura vraiment donner leur profondeur aux mots, dont les effets sur les sens prédominent sur le sens, ou dont celui-ci passe par ceux-ci. Tentez donc l'usage du verbe "s'emmitoufler" sans ressentír le contraste entre le froid qui vous entoure et l'épaisseur des étoffes et tissus, la densité des plumes qui vous en sépare comme autant de lettres au point de vouloir doubler le f, ou encore tintinnabuler sans entendre cette cloche tinter à votre oreille : il ne restera rien de ces mots.
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C'est d'ailleurs lorsqu'il devient plus difficile de parcourir le monde, que la lecture permet tous les voyages. J'ai évoqué le terme de psychonaute inventé par le flower power pour décrire le trip, le voyage donc, des psychédéliques. Mais tout lecteur est un psychonaute. Par la magie des mots, le voici dans la province de La Mancha en 1605 dans le bourg de Yonville au milieu du XIX° siècle, ou dans le bureau d'un président russe qu'aujourd'hui plus personne ne parvient à comprendre. Il voyage dans toutes les époques, aux quatre coins de l'univers, il voit, entend, touche, goûte, sent, et ressent jusqu'aux plaisirs de la chair le temps de la lecture, et au-delà.
Plus encore que les lieux, ce sont les femmes et les hommes que l'on visite en lisant. Les universitaires et les critiques littéraires nomment illusion référentielle cette propension à considérer qu'une fiction renvoie à un hors-texte, un monde bien réel. Le lecteur sait bien que ce qu'il lit est le fruit de l'imagination du romancier, mais le temps de sa lecture, il réagit au récit comme si les événements étaient bien survenus. Ce phénomène contribue à donner vie à ces êtres de papier que sont les personnages, pour lesquels nous éprouvons les émotions les plus diverses, dont nous empruntons l'identité pour mieux en comprendre le dessein, et qui sont autant de compagnons imaginaires. Ce qui m'importe ici n'est pas la théorie littéraire, en opposant lecture naive et lecture savante, c'est l'efficacité de ce processus - du reste, il en est de l'illusion référentielle comme de ces tours de magie dont connaître le truc n'abolit pas l'illusion. Ce que nous éduquons ainsi, c'est notre empathie, cette faculté de nous représenter les émotions d'autrui tout en restant conscients de la source de cette expérience. Il ne s'agit pas d'une simple résonance émotionnelle - pour laquelle le terme sympathie, au sens étymologique, serait plus adapté -, la capacité d'aller et venir entre autrui et soi étant décisive, permettant tout à la fois de provoquer cette résonance et de s'en distancier. Du : "je suis l'autre" de Nerval au "Je est un autre" de Rimbaud, et à l'aspiration à "s'autruifier" chez Pessoa, il s'agit d'incarner d'autres que soi, et d'hybrider avec ces personnalités en revêtant leurs habits, leurs amours et leurs failles.
Un enfant fait ainsi grandir et mûrir la palette de ses émotions.
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Apprendre à lire, et entrer ainsi en chevalerie, c'est apprendre bien davantage que les déclinaisons latines. C'est apprendre toutes les déclinaisons des émotions, et les articuler avec nos pensées, et demain avec notre technologie. Il faut avoir vu un enfant lire pour comprendre que c'est ainsi qu'il accorde une à une ses propres émotions, comme le fait un violoniste des cordes de son instrument. J'ai été bouleversé d'observer mes filles s'y livrer comme on livre bataille, le visage assombri par la tristesse ou fendu par un sourire lumineux au tournant d'une page, les yeux humides ou écarquillés au coœur de l'action dépeinte, le corps prêt à bondir et pourtant immobile. Je les ai vues apprendre à relever la tête de ce livre dans lequel l'instant d'avant elles avaient sombré, pour mieux y revenir, mais fortes d'elles-mêmes. Elles ont été Jo March, Harry Potter, Goupil, Sophie de Réan, Don Quichotte et tant d'autres, et persiste en elles non le souvenir explicite de chacune et de chacun, mais ce dont elles sont désormais intrinsèquement instituées et constituées. Par hybridations successives. Lire, affûté et d'aplomb pour grandir, s'armer et chevaucher vers bien d'autres hybridations.
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Ce que consacre la schizophrénie, c'est ce pouvoir qu'ont les hommes de construire la réalité. Elle met en scène le jeu infini du langage, dans un univers diffracté par son ambiguïté intrinsèque.
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La "frustration relative" est elle aussi dévastatrice : elle transforme chacun en voyeur, à la fois aussi dévoré par l'envie face à l'opulence dans laquelle s'affiche telle ou telle célébrité, voire lointaine connaissance, et frustré par le fait que même avec la toute dernière version de téléphone ou de tablette, il n'a qu'un écran en main, et ne peut décidément se rafraîchir dans I'eau turquoise de ce lagon ou s'alanguir sur le moelleux de la banquette de cette berline de luxe qu'il admire sur Instagram. La connexion à des centaines sinon des milliers d'amis sur un réseau social rend d'autant plus vulnérable à leur jugement que cette prétendue amitié ferait se retourner Cicéron dans sa tombe et dans sa toge : dépourvue de toute chaleur, filtrée par les algorithmes pour battre au pouls des likes et commentaires d'autant plus impersonnels qu'ils sont laissés sur un mur, elle ne résulte plus d'une rencontre avec l'altérité ni de l'effort réciproque pour bâtir des liens à l'épreuve des vicissitudes. Le débat démocratique est compromis par les effets de bulle inhérents aux réseaux sociaux: on n'y fréquente que les personnes ayant à peu près les mêmes idées de sorte que les croyances les plus troubles s'en trouvent confortées. De débat, il n'en est d'ailleurs point, car il est confisqué par quelques-uns : aux États-Unis, 25 % des utilisateurs de Twitter génèrent 97% des messages, ce qui transposé en France signifie que 3 millions de personnes, soit 4,5% de la population française, pretendaient définir l'actualité d'une nation. L'ensemble prend des allures de gigantesque défouloir, l'anonymat exacerbant la violence des propos, sous forme de "shit storms" pouvant broyer la réputation d'une femme ou d'un homme, en simplifiant à outrance tout propos, pourvu qu'il permette à son commentateur de se donner l'illusion d'être un gladiateur, sans jamais descendre dans l'arène, sans combattre les lions ou ses semblables au risque de sa vie, sans avoir à gagner sa liberté par le sang versé.
Ainsi l'homo sapiens connecté semble t-il avoir le souffle et le neurone courts quand il s'agit de penser, le cœur gros de ressentiment quand il observe ses congénères, et les doigts chargés de fiel et d'acide quand il tapote sur son clavier.
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Ce que révèle crûment l'usage du langage dans la schizophrénie, c'est la nature même du langage. Son ambiguïté tout d'abord, que le contexte peut venir lever. La schizophrénie vient perturber cette prise en compte du contexte, et plus précisément la prise en compte de l'intention de l'interlocuteur.
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(p. 64)
Il se peut en effet que le lien de causalité établi de l'un à l'autre ne soit pas pertinent, mais que l'une et l'autre de ces caractéristiques traduisent un ferment commun. Pourquoi pas un tempérament, d'ailleurs, dans le droit fil de la pensée d'Aristote. Dans cette hypothèse, ce n'est donc pas la dépression qui fait les grands hommes, pas plus que les grandes trajectoires individuelles ne font le lit de la dépression. Il existerait plutôt un déterminant commun à la dépression et à ce qui rend les hommes exceptionnels, pour reprendre les mots d'Aristote.
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Alors que chez le singe les phénomènes de synchronisation entre neurones distants garantissent une forme de solidité de l’échange, chez l’homme la quantité d’informations échangées est plus importante mais elle est moins fiable. En substance, notre cerveau a renoncé à la robustesse pour privilégier la quantité d’informations codées.

Chez le singe, il existe donc des mécanismes de vérification de l’information transmise entre neurones distants du fait d’aller et retour rapides entre ces différents neurones. Chez l’homme, la lourdeur de ces vérifications est réduite, pour permettre d’échanger davantage d’informations entre neurones distants. Quel est l’effet d’une telle évolution, privilégiant la quantité d’informations échangées sur la robustesse de ces informations ? Les chercheurs israéliens y voient un avantage crucial, celui d’une plus grande flexibilité et donc d’une meilleure adaptation à l’environnement. Mais ils soulignent également que cela pourrait ne pas être étranger aux troubles mentaux : renoncer à la robustesse pourrait avoir un lien avec la vulnérabilité aux troubles mentaux.

Ainsi notre cerveau a-t-il subi de profondes transformations, pour le meilleur essentiellement, mais non sans inconvénients. Vulnérabilité à certaines maladies classiquement liées au vieillissement, fragilité des informations échangées entre neurones, les performances de notre cerveau nous exposent à des risques. Tout se passe comme si la machine avait été poussée à un tel point de surrégime que des failles ont fini par surgir. À certains égards, les capacités prodigieuses de notre cerveau l’exposent à un bug, comme on le dirait d’un ordinateur dont la mémoire de travail est saturée. Notre cerveau rencontre ainsi certaines de ses limites : il ne se supporte plus.
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L’écriture et la lecture comme modèles primordiaux d’hybridation

Voilà l’hypothèse centrale du présent essai : nous n’avons pas attendu les interfaces cerveau-machine pour nous hybrider, le livre, cet objet associant écriture et lecture, constitue la grande hybridation de l’humanité. Les nouvelles technologies sont, pour ainsi dire, un nouveau chapitre de cette aventure initiée il y a 5 000 ans.

Du reste, en amont de l’effet Google, nous aurions pu nous interroger sur le concept d’hypertexte, et arriver à la même conclusion d’une hybridation première par l’écriture et la lecture. Le terme hypertexte a été inventé en 1965 par le sociologue Ted Nelson :

« Permettez-moi d’introduire le mot “Hypertexte” pour désigner un ensemble de documents écrits ou iconographiques interconnectés d’une manière si complexe qu’ils ne pourraient pas être présentés ou représentés sur papier. »
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Raphaël Gaillard
(p. 117)
Comme le pointe Judith Schlesinger [*] dans sa féroce critique de cette méthode, les auteurs de ces travaux n'utilisent pas de méthode consensuelle pour porter un diagnostique et leurs travaux souffrent d'un biais de sélection : les écrivains sont choisis en fonction de l'hypothèse d'un risque plus élevé de troubles mentaux et une fréquence élevée de troubles mentaux est par conséquent mise en évidence. En suivant cette méthode, les chercheurs sont comme des entomologistes qui collectionneraient des papillons selon les dessins et couleurs de leurs ailes, en ignorant la grande majorité des papillons, dépourvue de telles caractéristiques. C'est ainsi qu'ils n'intègrent pas dans leurs analyses ou collections les papillons de nuit, dont les couleurs sont le plus souvent ternes, et qu'ils concluent à la grande fréquence des couleurs vives sur les ailes des papillons. Et pourtant tout un chacun sait que nombreux sont les papillons de nuit chez les artistes !

[*] Schlesinger, J. The insanity hoax : exposing the myth of the mad genius - 2012
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(p. 67)
Nous observons aux siècles suivants les réminiscences de ce lien entre folie et inspiration, et ainsi il n'est pas selon Diderot de grand artiste sans "un petit coup de hache dans la tête" :

"Nos qualités, certaines du moins, tiennent de près à nos défauts. La plupart des honnêtes femmes ont de l'humeur. Les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête; presque toutes les femmes galantes sont généreuses; les dévotes, les bonnes même ne sont pas ennemies de la médisance, il est difficile à un maître qui sent qu'il fait le bien, de n'être pas un peu despote. [...]".

"Né du même œuf, avec des goûts différents" : ce que Diderot souligne en citant Horace, c'est la matrice partagée de la folie et de l'inspiration, leur commune origine sous le sceau d'un déséquilibre que consacre leur énergie.
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pour rendre compte du trouble il faut penser possible cet envahissement, et c'est précisément ce qu'un système clos a vocation à interdire. En somme il faudrait se garder de toute pureté, du corps comme de la pensée, pour penser le trouble...Nombreux sont les raisonnements et théories qu'il nous faudra fréquenter pour mener notre réflexion.
Aucun et aucune ne sauraient résoudre parfaitement notre égnime, sous peine d'en annuler les termes: la condition du trouble. De sorte qu'il nous faudra accepter et même revendiquer de n'y jamais vraiment parvenir.
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[ surchauffe du cerveau humain ]

D’un côté, celui du primate non humain, le codage est robuste, garanti par une plus grande synchronisation entre neurones. De l’autre, celui des hommes, le codage permet une plus grande informativité, c’est-à-dire un contenu plus riche des communications cérébrales, mais au prix de leur fiabilité. Nous aurions donc fait le choix de la complexité plutôt que de la robustesse. Ou plus exactement, l’Évolution nous aurait conduits sur ce chemin, pour de plus grandes facultés cognitives mais en risquant des défaillances du cerveau. Selon les chercheurs israéliens ayant mené ces travaux, ces bugs, c’est ce dont nous ferions l’expérience sous la forme des troubles mentaux : la folie comme prix à payer pour notre statut d’Homo sapiens.

La machine, c’est-à-dire nous, aurait ainsi été poussée à l’extrême, au risque de dérailler, délirer, se mettre en veille prolongée. Cette surchauffe de notre encéphale ne se mesurerait pas seulement au fait qu’il consomme 20 % de notre énergie pour 2 % de notre poids, mais à cette fragilité constitutionnelle. Si notre cerveau ne se supporte déjà plus, qu’en sera-t-il en l’hybridant ? Il y a fort à parier que les mêmes causes conduiront aux mêmes effets. Ce que nous pouvons anticiper, c’est une augmentation de la fréquence des troubles mentaux : une épidémie à venir.
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Nous attendons ainsi de nos patients qu'ils puissent créer, comme si leur folie devait s'accomplir par des actes de création. Au-delà de la question du statut de l'art brut, c'est cette exigence vis-à-vis des patients qui doit nous inquiéter : celle d'une forme de créativité. De sorte que ceux-ci se voient frappés d'une double peine : les affres d'un trouble mental en même temps que l'impératif d'en faire quelque chose. Malheur à celui qui se contente de souffrir sans y trouver la matière d'une oeuvre! Aussi évidente que puisse sembler cette double peine en tant que telle, elle infiltre bien des attitudes dans le champ de la santé mentale. Je prétends même qu'elle colore inévitablement le regard porté sur la réalité des hôpitaux psychiatriques. La fascination pour la folie se double ainsi d'une immanquable déception, celle de ne pas voir la psychiatrie accompagner ses patients dans leur vocation d'artiste.
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[ Don Quichotte ]

Côté face, le cerveau. Et avec le cerveau, un homme déconstruit, un homme atomisé. Les interfaces cerveau-machine, en prenant appui sur cette atomisation, viennent en quelque sorte la magnifier. L’homme augmenté aura des compétences exceptionnelles, mais dans des domaines spécifiques, correspondant aux structures cérébrales accessibles à cette hybridation. Il y gagnera en puissance, assurément, mais il y perdra en harmonie, en équilibre. Un certain nombre y perdront même la raison.

Côté pile, le livre. Parce qu’il n’est de découverte qui ne puisse être contée, et que c’est même cette épopée qui en fait la substance. Il faudrait pouvoir raconter l’ingéniosité, les trouvailles, les effets de hasard, la persévérance, les doutes qui sont le quotidien des médecins et chercheurs qui travaillent à cette aventure, sans parfois en comprendre la portée. Il faudrait par ce récit rendre perceptibles le décalage avec le cours du monde, les guerres picrocholines autour d’un axiome ou d’une méthode, les obstinations déraisonnables ou au contraire les palinodies qui égayent cette communauté scientifique. La recherche n’a rien d’un long fleuve tranquille, elle a au contraire ses rapides et ses chutes, ses eaux stagnantes et ses marigots, son tumulte, ses écluses. Elle a sa part de déraison, et cette déraison n’est pas étrangère à ses réussites et ses effets de vérité. Bref, il faudrait rendre compte de ce que la recherche doit à Don Quichotte.

Plus fondamentalement, il se pourrait bien que le livre soit le seul à même de nous conserver entiers dans cette puissante transformation par la technologie. Comme s’il était le garant d’une forme de continuité de l’homme. Il faut dire que l’écriture – et donc la lecture – est la grande affaire de l’humanité. Elle ne signe pas seulement le passage de la Préhistoire à l’Histoire, elle constitue notre hybridation première. Un livre, de plomb ou de papier, c’est déjà une annexe de notre cerveau, une prothèse cérébrale, un hors-de-soi que nous acceptons de partager, et qui en retour nous transforme. En passant de la tradition orale à la tradition écrite, nous avons consacré cet objet comme réceptacle et comme don de nos savoirs, de nos sentiments, de nos identités. Il se pourrait bien que cette hybridation, l’écriture, porte en elle toutes les autres. Il se pourrait bien qu’elle en soit la propédeutique.
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