Je n'en ai jamais vu, ce qu'on appelle la neige. Ma mère m'a raconté, c'est quelque chose de blanc, léger et vaporeux, qui fond lorsqu'on la touche. Il a neigé, une fois, quand elle était petite. Mais je connais la grêle, qui s'abat sans prévenir durant les mois d'hiver et décime les récoltes qui ne sont pas sous serre.
Les outils du langage viennent fixer ce qu'ils peuvent de l'expérience humaine. Souvent, c'est moins le sens des mots qui rend pleinement ce qu'ils tentent de décrire, que le rythme qu'ils prennent à l'oreille qui entend, sans même qu'on les prononce.
Qu’elle écrive la fin toute seule maintenant. Je deviens page blanche et ma rage est muette, elle n’aura pas un mot.
Maman sait tricoter les mots mieux que les pulls. Elle sait jouer du piano mieux qu’elle sait cuisiner. Maman se démène entre les fourneaux, le petit frère à emmener à ses cours de solfège et de basket, le repassage à terminer, le piano électrique qui attend, les mots qu’elle garde en elle et ceux qu’elle écrit pour moi, pour le monde, qu’elle trouve malgré tout le temps de dérouler de son fuseau sans se piquer. Le temps d’une femme au foyer est toujours compté. Mais Maman a trouvé le temps d’écrire deux livres. C’est une orfèvre, une passionnée.
J'observe l'enfant qui a six ans et je m'étonne qu'il soit si facile d'être heureuse. Il suffit de vivre dans l'ignorance de qui a vécu là avant nous. De ce qui existait et n'est plus.
Les mots écrits ont du pouvoir. Il suffit parfois d’écrire la réalité pour pouvoir l’accepter.
La mère, la sainte et la putain pleurent au centre de moi l’oracle de la pythie qu’elles n’ont pas su déjouer.
Parce que les histoires vieilles comme le monde, on ne peut pas les réinventer.
Pour se faire un peu oublier, pour demander pardon de leur existence, les femmes se sont spécialisées dans le travail d’assistance et du soin à autrui. Infirmières, sages-femmes, épouses, secrétaires, putains, mères et amantes ; même combat.
Il me reste des années passées au lit, malade, l'immense gratitude d'avoir été soigné, d'avoir été aimé, d'avoir repris des forces grâce à tes soins constants. Je n'en ai pas conçu le goût d'être puissant, mais la conscience aiguë que sans le soin des femmes, les hommes ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, et pourtant la plupart méprisent où trouvent cela normal, puisque c'est un acquis, qu'on s'occupe ainsi d'eux, comme de leurs enfants. Je ne suis pas de ceux qui trouvent cela banal qu'une femme sacrifie son temps chaque jour de sa vie, sa santé, ses envies et souvent ses besoins les plus élémentaires, pour élever des enfants.
Nos premiers baisers ont eu le goût d'une eau venant désaltérer un immense incendie.
Le grand génie de notre époque et de ceux qui la gouvernent, c'est de nous avoir fait croire que nous vivions en paix quand ils lâchent des bombes sur d'autres continents.