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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Au premier abord on pourrait se dire "tiens, encore une bande-dessinée témoignage", mais cette BD est bien plus : une question ouverte sur la violence de la diffamation, l'amplification par les réseaux sociaux et la nécessité grandissante de sensibiliser sur leur puissance et leur impact. Derrière l'hommage rendu à Samuel Paty, on retrouve aussi celui à son travail : enseigner, développer l'esprit critique.

Une lecture à mettre entre toutes les mains.
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Samuel Paty a eu une vie exemplaire, guidée par son professionnalisme et son vœu est exaucé : « vivre et mourir pour servir à quelque chose ». C'était un être entier, proche de ses élèves, très apprécié et plein de sensibilité.Cela a-t-il contribué à stigmatiser la haine et le mépris des Islamistes radicaux et obscurantistes de tout poil ? Les réseaux sociaux ont contribué à refermer le piège mortel, avec le bras d'un jeune radicalisé et influençable.

Le roman graphique de Valérie Igounet illustré par Guy Le Besnerais est une mine de détails documentaires qui nous aident à comprendre ce parcours fatal du meilleur mais le plus exposé des enseignants du collège du Bois d'Aulne de Conflans-ste-Honorine. M, Paty n'a jamais failli, il a juste commis la maladresse de faire sortir de classe quelques élèves, et selon leur choix. Les auteurs nous montrent aussi que la police a toujours un temps de retard, et que la justice, avec ses maigres moyens, a tout de même son utilité pour croire à la reconstruction. Et on peut pointer du doigt sans état d'âme l'attitude ministérielle de l'époque qui garde surtout le réflexe « pas de vagues » (ce qui fait penser au film récent, avec ce titre « pas de vagues » et qui dénonce les réseaux sociaux implacables pour s'enflammer sur une maladresse dans collège).

Détail glauque : l'éducation « manquée » d'une élève qui a menti aux autorités et déclenché la polémique (une copine lui dit : « tu as trop de la chance d'avoir des parents séparés »). Détail d'espoir : les parents musulmans très attachés à l'Ecole Républicaine soutiennent à fond la méthode d'enseignement de Samuel Paty. Détail glaçant : il faut un mental et un courage hors du commun pour pousser ses idées laïques jusqu'au bout. Une fois de plus, les profs se désolidarisent avec la peur d'affronter l'intolérance. Il faut avant tout les soutenir, mais comment, dans ce monde qui se fissure et dénigre tout ce qui touche à la République ? Vaste sujet, très bien traité par les deux auteurs de cette BD. Ils ont rassemblé un volume considérable de documents vidéos, oraux et écrits et parfaitement retranscrits. Une réussite.
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

« Le problème avec cet attentat, c’est que Samuel Paty n’a pas été assassiné parce qu’il a montré les caricatures du prophète. Entre parenthèses, cela faisait 4 ans qu’il faisait ce cours. Ce n’est pas ça l’objet. Il a été assassiné parce qu’une jeune fille a menti à son père qui a préféré croire la version de sa fille plutôt que celle de l’institution. Le rôle des réseaux sociaux est central. Samuel a été victime d’une forme de harcèlement très lourde. » Eric, un des profs.



Je ne reviendrai pas sur le terrible assassinat de Samuel Paty. C’est un drame que l’on conserve tous en mémoire.



Je voudrai seulement saluer cette reconstitution bien documentée, pédagogique, rigoureuse et en même temps, très accessible.

Pour rappel, Valérie Igounet est une historienne et politologue, spécialiste du négationnisme et de l’extrême droite en France.

Mention spéciale pour le graphisme qui convient parfaitement à une salle de classe, à une progression dramatique et funeste, telle qu’on la connaît. Les expressions, les attitudes de chacun sont « croquées » avec beaucoup de précision et de talent par Guy le Besnerais.



Plusieurs thèmes sont particulièrement bien traités :

- Une réflexion sensible et intelligente sur le métier de prof. Samuel Paty était un amoureux de l’enseignement. Faire comprendre, transmettre, apporter la curiosité et l’envie d’en savoir plus. Développer l’esprit critique, même en interpellant et en choquant par les questions qui réveillent.



Dans l’hommage à Samuel Paty le 21 octobre 2020, Christophe Capuano, un de ses amis les plus proches, cite J. Jaurès. (Entre parenthèses, dans tous les épisodes tragiques, il y a toujours quelqu’un pour citer Hugo ou Jaurès)

« En 1888, Jean Jaurès écrit aux instituteurs (rices) : Vous tenez entre vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie.

Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire, à faire une addition ou une multiplication.

Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits elle leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin, ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme. »



- L’accent est mis également sur la notion de liberté. Jusqu’où pouvons-nous aller et cette question est essentielle pour la diffusion des caricatures.

« Comment formuler une définition de la liberté à la lumière de l’exemple de la liberté de presse …Et poursuivre notre réflexion sur le dilemme de Charlie hebdo ?

La liberté est un droit qui consiste à faire ce qu’on veut en respectant la loi, sans nuire aux autres. »



- L’accent est mis également sur le rôle de l’administration qui a traité le problème sans en percevoir la gravité. L’avocate de la famille Paty le résume en un souci de « pas de vagues. »

« Le référent laïcité a été clair : Mr Paty est fondé à utiliser les caricatures qui sont un matériel comme un autre. Mais selon lui, c’est une erreur d’avoir fait sortir des élèves. Même avec une bonne intention, cela constitue une entorse au principe de laïcité. »(…)

« Il (le référent laïcité) ne s’attarde pas sur la campagne de dénigrement contre Samuel Paty que mène Brahim Chnina auprès des musulmans. »



- Ce qui est magistralement démontré, est le rôle des réseaux sociaux, propagateurs de rumeurs mensongères les plus folles. Ils se nourrissent de la facilité, de la paresse intellectuelle, de violence et de l’absence totale de sens critique. Exactement ce que combattait Samuel Paty….



Le plus sidérant, et le plus absurde aussi dans cette tragédie, c’est que l’assassin n’avait pas de cible. C’est les réseaux sociaux qui lui ont désigné sa proie.



Une BD à lire pour ne pas oublier, pour ne pas recommencer.

Mais ça, c’est un autre débat et on a vu que les individus ont souvent la mémoire courte, et qu’ils sont prêts à croire tout ce qui est facile et exagéré.



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