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Le Futur au pluriel : Réparer la science-fict..

La Science-fiction, un univers littéraire riche, qui pense les possibles, des avenirs plus ou moins radieux, qui ne se donne aucune limite... Vraiment ? Hé bien, non, car comme tout milieu, elle est le reflet de celleux qui la créent. Or, constat de Ketty Steward, pendant longtemps, le profil type de l'auteurice de SF était un homme, blanc, hétéro, qui nous promettait un monde guerrier, bâti sur la domination, heureusement protégé par un bel élu, trop fort, collectionnant les conquêtes féminines dont les pensées étaient moins attrayantes que leurs désirs insatiables fantasmés. Bref, un monde finalement assez restreint en apparence, mais qui a surtout longtemps invisibilisé d'autres voix, riches d'expériences diverses qu'enfin, depuis quelques années, on entend davantage...



J'ai découvert cet essai au détour d'un podcast de @cestplusquedelasf et je me suis immédiatement reconnue dans les propos de Ketty Steward. La découverte de la SF fut une claque il y a 25 ans, mais qui m'a rapidement laissée sur ma faim, notamment face au manque d'imagination quant aux personnages présentés. Je ne savais pas alors que le monde de la SF ne se cantonnait pas à cet univers de combats permanents, si peu soucieux de l'autre, qui reproduisait à travers l'espace et le temps ce que l'Histoire contait déjà, sans oublier les litanies des "Moi Tarzan, toi Jane!". Que ces voix différentes existaient, mais qu'on ne les entendait pas, ou à peine. Heureusement, il suffit parfois de quelques rencontres livresques sur des sujets qui interpellent, sur cette pluralité de points de vue que l'autrice évoque dans son ouvrage, pour que soudain l'envie de "penser demain" revienne!

Merci donc, Ketty Steward, pour votre démarche et cet essai passionnant, car oui, la SF est plurielle, elle est le miroir de nos sociétés. Il est donc, en effet, temps que les auteurices et lecteurice qui se reconnaissent ou s'intéressent à la marge de la marge, s'y sentent aussi bien que les autres.
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Le Futur au pluriel : Réparer la science-fict..

Incisif, provocateur et salutaire, un essai qui dresse un cinglant constat d’échec et de repli sur soi d’une certaine science-fiction française, et qui propose de robustes pistes pour en sortir – en s’ouvrant à une authentique pluralité. Une lecture indispensable pour les amatrices et amateurs de littérature et de politique, entre autres.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/09/15/note-de-lecture-le-futur-au-pluriel-reparer-la-science-fiction-ketty-steward/



Bien qu’elle s’appuie lorsque nécessaire, dans son introduction, sur des travaux comme ceux d’Émilie Notéris (« La fiction réparatrice », 2017) ou d’Alexandre Gefen (« Réparer le monde », 2017), ce n’est pas de fictions pour réparer mais bien de fictions à réparer – et plus spécifiquement de fabrique française de science-fiction à aérer et revigorer – que se propose de nous entretenir Ketty Steward dans ce tonique essai, publié en mai 2023 aux jeunes éditions de l’Inframonde.



Autrice reconnue de science-fiction (« Connexions interrompues » en 2011 ou « Saletés d’hormones et autres complications » en 2023, par exemple), de ses frontières subtiles (« Confessions d’une séancière » en 2018 ou « L’Évangile selon Myriam » en 2021, par exemple), mais aussi de poésie autobiographique (« Deux saisons en enfer », 2020) et d’autobiographie poétique (« Noir sur blanc », 2012), personnalité particulièrement appréciée sur ce blog, puise ici dans ses lectures de fiction et de non-fiction, bien entendu, mais aussi sur de nombreuses discussions et expériences de toute première main, en tant que femme et noire ayant eu à évoluer au sein d’un milieu littéraire se piquant d’ouverture mais ne la pratiquant pas toujours, loin de là.



Elle dresse ainsi d’abord un double triste constat, celui de la sclérose imaginative d’un genre qui devrait au contraire porter toujours toute son imagination dehors et celui du repli sur un entre-soi bien confortable.



Elle propose ensuite, fort heureusement – en appelant de ses vœux une construction collective avec les collègues, les lectrices et les lecteurs – une robuste esquisse de pistes de solutions, du côté de ce qui existe ou a existé ailleurs (en termes de pluralité imaginative, bien entendu) comme de ce qui germe ou grouille vivement, salutairement, ici même, sous nos yeux ou presque, pour peu qu’ils soient ouverts et un peu encourageants.



Les spécialistes de stratégie d’entreprise (dont nous savons qu’ils et elles sont nombreuses à fréquenter ce blog) noteront au passage et avec une certaine émotion rétrospective que, en guise de métaphore centrale devant servir de fil rouge à son propos décapant, Ketty Steward a choisi la célèbre fable des aveugles et de l’éléphant, comme l’avait pratiqué Henry Mintzberg dans son ouvrage essentiel au décapage de bien des scléroses corporate en matière de pensée (et d’absence de pensée) du long terme (« Safari en pays stratégie », 2005).



Résumant ainsi le fatal paradoxe forgé par l’habitude qui empêche la science-fiction française d’offrir à toutes et à tous le véritable et précieux rayonnement dont elle serait capable, on y voit divers aveugles (souvent mâles blancs de – largement – plus de cinquante ans, mais pas uniquement, loin s’en faut) prétendre savoir ce qu’est et ce que doit être ce genre littéraire / éléphant – éminemment politique, on le sait -, en prêchant chacun pour sa paroisse partielle et parcellaire (mais dominée de facto par, selon le mot savoureux de l’autrice, « la littérature du genou », toute petite partie érigée en tout par des gardiens auto-proclamés de ce temple-là).



Pour indiquer des chemins vers les pluralités des mondes possibles, Ketty Steward parcourt donc logiquement les littératures issues des dominées et dominés, en n’y limitant pas évidemment leur essence : femmes face à un monde d’hommes avec leurs boys’ clubs si caractéristiques, et parfois leurs mains baladeuses (en citant notamment, pour sa valeur emblématique, l’inénarrable Gérard Klein et sa préface à « La captive du temps perdu » de Vernor Vinge, expliquant pourquoi les femmes ne comprennent pas vraiment la SF… qui plus est en 2000, et non en 1950 – Catherine Dufour, dans sa lumineuse préface à ce livre-ci, soulignera ce trait avec son humour caustique bien connu), où l’on retrouve, si longtemps isolée à son niveau, Ursula K. Le Guin (on se souviendra d’ailleurs du magnifique article que lui consacrait Ketty Steward dans la récente anthologie critique dirigée par David Meulemans, ici), fluidités de genre (avec par exemple un bel exergue issu des « Tentacules » de Rita Indiana), afrodescendantes et racisées de toutes origines, avec des mentions particulières pour Octavia Butler et Nalo Hopkinson (dont on attend toujours qu’un éditeur fasse reprendre la traduction si massacrée en français du magnifique « La ronde des esprits » pour pouvoir le rééditer), et écarts à la norme, d’une façon générale (l’échange avec Li-Cam qui filtre de ces pages – et que l’on peut lire intégralement en annexe – est particulièrement incisif, à peine moins que le discours de Léo Henry en 2021 qui figure également, redoutable, en annexe).



Après avoir parcouru de prometteurs avant-postes, puis recensé les principales impasses dans lesquelles se complaisent les récits dominants au sein du genre science-fictif (même lorsqu’ils tentent d’échapper à l’emprise du « folklore fossilisé » – selon le mot de l’autrice – qui habite le genre, corpus figé que dénonçait d’ailleurs il y a déjà quelques années Thomas Disch), Ketty Steward évoque avec une certaine fougue, en repoussant les tentations de la pensée positive incantatoire, en nourrissant sa propre utopie, ouverte et progressive, des travaux de Fredric Jameson et d’Ariel Kyrou (et en résonance manifeste avec ceux d’Alice Carabédian), la pluralité des formes littéraires qui pourrait – qui devrait – accompagner cette volonté d’aération (la nouvelle fait figure de résistante valeureuse dans la science-fiction, comparée au sort qu’elle connaît en littérature dite « générale », mais que dire en effet du théâtre, et de la poésie surtout – qui valut à la SF son premier prix Nobel, celui d’Harry Martinson et de son « Aniara », avant celui de Doris Lessing et de son « Canopus dans Argo : Archives » -, poésie dont la langue magique pourrait bien irriguer davantage ces spéculations nécessaires ?).



Chloé Delaume, dans un domaine voisin (on songera en souriant à son superbe « La nuit je suis Buffy Summers »), ouvrait son « Mes bien chères sœurs » de 2019 par les mots : « Désolée, ça sent le fauve, il est temps d’aérer ». Avec une belle complicité de sorcière, qui ne saurait surprendre de la part de celle qui a su composer un recueil autour des tours et détours de la bonne et de la mauvaise quimboiseuse, Ketty Steward, nous incite à l’aider de toutes nos forces de lectrices et de lecteurs, à procéder de même en science-fiction et en imaginaire, avec le mélange salutaire d’humilité et d’assurance d’une psychologue clinicienne.



Touche personnelle que je ne pouvais occulter, comme le rappelle avec une immense gentillesse Ketty Steward dans ses remerciements : je suis très fier et très heureux d’avoir été en partie à l’origine de cet ouvrage, fût-ce par le détour malencontreux d’un malentendu afrofuturiste, justement 😊. Et il vous faut bien entendu absolument profiter du compte-rendu de la rencontre chez Charybde autour de ce « Le Futur au pluriel : réparer la science-fiction », le 5 juillet dernier, ici (très bientôt).


Lien : https://charybde2.wordpress...
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Le Futur au pluriel : Réparer la science-fict..

Cet essai m'a été conseillé sur un discord d'écrivains que je fréquente et tout de suite j'ai été attiré par son sujet. Comme beaucoup je consomme de la fiction littéraire, principalement de la science-fiction et de la fantasy (en somme de la SFFF), et comme beaucoup cela reste sur les mêmes auteurs, les mêmes dinosaures qui sont mis sur un piédestal depuis des décennies, parfois grandement à raison, parfois un peu moins (que ce soit pour la relative qualité de leurs écrits ou pour des comportements personnels douteux pour le mieux et criminels pour le pire).

A vrai dire, je cherche de plus en plus à étendre mes horizons, à lire des histoires provenant de personnes à qui l'on silence la voix, que ce soit les éditeurs, mais aussi les lecteurs (dans lequel je m'inclue). Pour ne serait-ce qu'espérer changer les choses, changer le status-quo dans lequel le monde, et plus précisément ici le monde de l'édition de littérature de l'imaginaire française, il faut aussi savoir faire son auto-critique et admettre que l'on pourrait faire mieux, que l'on devrait faire mieux.



A la lecture de cet essai, j'y ai trouvé ce que je cherchais, la parole d'une autrice minorisée, de son vécu au sein de l'industrie, de ses observations après presque vingt ans de discussion, de discrimination, de doute et de tentatives pour faire changer les choses.

Ketty Stewart nous parle donc des auteurices qui sont au mieux édités, mais peu promus et donc invisibilisés, ou bien édités pour les mauvaises raisons, pour surfer sur une vague d'exotisme culturelle qui ne cherche en aucun cas à les mettre en avant pour les bonnes raisons, et au pire sur ce spectre, l'entre soi d'une gente masculine cis qui réduit au silence tous ceux qui ne correspondent pas à leur norme, cette norme qui n'est jamais dite.



Je m'attendais à cette partie, néanmoins, ne parler que de cela m'aurait peut-être laissé sur ma faim, mais l'essai ne s'arrête pas là. S'attaquer aux personnes concernées, et malheureusement invisibilisés, Stewart n'oublie pas également de parler de la forme que la science-fiction pourrait prendre dans le futur. Pourquoi se contenter d'un sacro-saint roman ? Pourquoi ne rechercher que cette forme d'expression en France ? Pourquoi ne pas s'inspirer de nos voisins anglo-saxons chez qui la nouvelle a un essor bien supérieure qu'ici ? Pourquoi se contenter de l'éternelle recueil de nouvelles lié par une thématique ? Pourquoi ne pas envisager les écritures à plusieurs mains ?

Cette partie permet de découvrir des initiatives qui cherchent à repousser les carcans de la science-fiction telle qu'on la connait.



Peut-être le seul défaut, si on peut l'appeler ainsi, de cet essai est que ses lecteurs et lectrices auront déjà l'envie de repousser leur monde et une haine du conservatisme qui continue de s'installer et de cadenasser notre société et le monde de l'édition française. J'ai du mal à imaginer un auteur ou un éditeur en position dominante se remettre en question ou même se diriger vers ce type d'essai. Bien entendu, cet état de fait n'est en rien à mettre une critique de l'oeuvre ou de son autrice. On ne change pas le monde seul, mais grâce à des personnes telles que Ketty Stewart qui ne cesse de se battre, nous serons toujours plus proches du basculement que si rien n'était fait !
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