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La Ville Neuve

On sait assez peu de choses sur Marcel Frager. Bien qu'il se soit toujours présenté comme un archéologue, alors qu'il ne fut guère plus qu'un employé lors de fouilles archéologiques en Afrique du Nord, il ne semble avoir réellement été qu'un petit gratte-papier de la Bibliothèque Nationale, sincèrement intéressé par l'Afrique, mais se donnant des faux airs d'aventurier blasé.

Sur le plan littéraire, Marcel Frager fut un écrivain très occasionnel. Son premier roman, « Près des Tombeaux d'Amour » (1911), situé en Tunisie, attira modestement l'attention. Son second roman, « La Ville Neuve » ne parut qu'en 1924, sous l'impulsion de Jean-José Frappa, figure majeure d'un pan "naturaliste" de la littérature coloniale française.

Par la suite, Marcel Frager ne revint en littérature qu'à partir de 1939, et se consacra exclusivement à des biographies de figures féminines de l'Ancien Régime, sans plus aborder aucunement la question coloniale, ni même l'Afrique.

Difficile donc de se faire une idée précise de cet homme qui semble avoir beaucoup menti toute sa vie, non pour cacher une existence fabuleuse mais bien plus sûrement pour dissimuler le quotidien morne d'un petit fonctionnaire qui se raccrochait aux quelques séjours africains de sa jeunesse, et a su en tirer deux romans étranges et incongrus, dont « La Ville Neuve », dédié à Lucien Descaves, ce qui accrédite par ailleurs la parenté naturaliste et libertaire.

« La Ville Neuve » présente deux intérêts notables : outre que c'est un témoignage grandement réaliste d'une certaine déliquescence de la présence française en Afrique, c'est l'un des très rares romans français qui se déroule en Mauritanie.

La Mauritanie fut un protectorat, puis une colonie française, de 1903 à 1960. Située sur la côte nord ouest de l'Afrique, un peu au-dessus du Sénégal, et au sud-ouest de l'Algérie, la Mauritanie est - même encore aujourd'hui - un pays désolé, partiellement recouvert par les sables du Sahara. Même le sud n'est qu'un vaste désert de sable rouge, ponctué par des oasis.

L'aridité du climat, la très grande ruralité des natifs, font de la Mauritanie l'un des pays les plus pauvres du monde, vivant principalement d'agriculture, d'élevage et de pêche. C'est seulement après l'indépendance donnée à ce pays que l'on y découvrit plusieurs mines de fer. Mais durant tout le temps de la présence française, on s'arracha les cheveux au Ministère des Colonies pour savoir quoi faire de cet enfer de sable, tandis que malgré tout, un embryon d'existence coloniale s'y développait tant bien que mal, grâce à une ribambelle d'aventuriers, de trafiquants et d'autres individus douteux. « La Ville Neuve » narre le bref destin de l'un d'entre eux, entre 1912 et 1919.

Antonin Fignol est un petit voyou parisien, principalement souteneur. Beau garçon, imbu de lui-même, viscéralement égoïste, entendant bien réussir par les femmes, il est souvent enclin à la maladresse et à l'insouciance que provoque une trop grande confiance en soi. Plusieurs fois arrêté et emprisonné, il est pisté par la police. Même ses gagneuses le fuient. Il lui faudrait quitter la capitale pour poursuivre ses coupables activités. Mais pour aller où ?

Dans la rue, Antonin croise Lise Clapier, une prostituée qui lui annonce partir prochainement pour la Mauritanie. Là-bas, tout est à construire, rien n'est tellement cher et pour les quelques français qui y sont implantés, une femme blanche pas farouche, et sachant monnayer ses charmes auprès des riches colons, devient rapidement un puissant vecteur de mondanité. Lise compte bien ouvrir là-bas un bordel ou un tripot. Elle invite Antonin à l'accompagner. D'abord réticent, Antonin se laisse tenter quand Lise lui révèle que Bérengère, une de ses anciennes gagneuses, fera partie du voyage.

À vrai dire, Antonin ne se fie pas aux rêves de grandeur de Lise. Pour lui l'aventure mauritanienne ne l'intéresse que s'il peut continuer à jouer les souteneurs, et la petite Bérengère serait un bon capital de départ. Comme celle-ci s'est inventée un nom de famille à particule, Bérengère d'Asty, Antonin Fignol, qui sait son propre nom un peu ridicule, se rebaptise Antonin de Lestaque. C'est sous ce nom-là qu'il va bâtir sa fortune en Mauritanie.

Mais dès son arrivée, les choses se présentent plutôt mal. En effet, Bérengère sait exactement quelle est sa nouvelle valeur en cette terre exclusivement masculine, et cette valeur la place très au-dessus du pauvre Antonin, qu'elle snobe et abandonne rapidement à son sort. Humilié, froissé dans son orgueil, ne sachant rien du pays dans lequel il est venu, Antonin se retrouve rapidement dans une misère noire. Réussir à créer quelque chose, à se placer quelque part, devient rapidement une question de vie ou de mort, alors qu'il ne dispose plus de suffisamment d'argent pour rentrer en France.

Il n'y a rien à attendre des Mauritaniens eux-mêmes. Dans ce pays au mode de vie encore tribal, il n'y a aucun contact poussé entre colons et indigènes, aucun pouvoir central, aucune structure d'accueil pour les immigrants. Antonin peine à trouver une situation, d'autant plus qu'il n'inspire pas confiance : c'est en vérité un pauvre type, égoïste et mesquin, un petit maquereau sans envergure, affublé d'un nom aristocratique qui sied à son égo, mais qui fait ressortir davantage ses manières viles et sa vulgarité. Chacun le perçoit immédiatement pour ce qu'il est : un minable, un orgueilleux, et surtout, un bon à rien.

Lise Clapier, en effet, n'a pas menti : tout est à bâtir en Mauritanie, mais à condition d'avoir de l'argent à miser et de travailler dur. Pour l'instant, il n'y a rien encore pour les profiteurs et les incapables.

Antonin se retrouve obligé de repartir au bas de l'échelle afin de lentement construire l'empire dont il rêve. Il a peu de talents, mais c'est un beau parleur, un charmeur, qui a le contact facile. Après sa déconvenue avec Bérengère au village portuaire de Tindja, Antonin rejoint Lise Clapier à Darbeda. Celle-ci, pas rancunière d'avoir été lâchée, lui trouve une place à « L'Impéria », une sorte de lieu de convivialité qui fait à la fois bar, restaurant, cabaret, théâtre et hôtel de passe. le personnel y est particulièrement polyvalent, les serveuses sont aussi chanteuses, actrices et prostituées. Antonin y devient homme à tout faire, et "entraîneur", au sens premier du terme, le même qui a donné le mot "entraîneuse" : il "entraîne" les passants à venir à l'intérieur du tripot, puis à boire sans compter, en les abrutissant de sa conversation. Ce métier lui donne l'occasion de sympathiser avec des clients réguliers, dont deux aventuriers d'une toute autre trempe que la sienne, Lerbier et Ferrant, fréquentant conjointement l'une des prostituées de « L'Impéria », Julia Descamps, dite "Lilia".

Lerbier et Ferrant sont deux de ses anciennes passes, dont elle a fait, l'un après l'autre, ses petits amis, mais qui se sont détachés d'elle doucement. Tous deux se préparent à ouvrir ensemble une manufacture dans la petite ville voisine de Merèqch, et font leurs adieux à Lilia, laquelle, mélancolique se raccroche alors à Antonin. Ce dernier aurait préféré que Lerbier et Ferrant le mettent dans le coup, mais ceux-ci, comme tout le monde, n'ont guère confiance en ce petit vaniteux, et l'abandonnent à son triste sort.

Antonin se met donc en ménage avec Lilia, mais il découvre affligé que cette authentique artiste scénique, tombée directement de ses rêves de gloire dans la prostitution, possède une âme tendre, dénuée de toute ambition, qui l'incline à rester fidèle à son homme, quel qu'il soit. Antonin, qui espérait bien en faire sa gagneuse, est déçu, et finalement la laisse tomber pour Ninon, une autre prostituée de « L'Impéria » qui, elle, veut raccrocher son métier pour ouvrir, avec ses économies, un bar-tripot sur une route passante, quelques dizaines de kilomètres plus loin. Mais Ninon est seule, il lui faut un homme comme associé mais aussi comme compagnon. Antonin est d'abord assez peu motivé, mais Ninon est la première personne à lui proposer de rentrer à 50% dans une affaire. C'est là tout ce qui l'intéresse, et il saisit donc cette opportunité.

Le couple vit plutôt confortablement durant quelques mois, dans ce nouvel établissement qui ne désemplit pas, mais un soir, alors qu'Antonin s'est absenté pour aller chercher des fûts de bière, il retrouve, en revenant, son bar dévasté, incendié, et Ninon, morte, après avoir été violée, suppliciée et mutilée. Ni elle ni Antonin n'étaient au courant qu'une bande de brigands venus du Mali semait la terreur dans la région…

Antonin revient donc à Darbeda dans un état de choc qui a durablement entamé sa confiance, mais pas son ambition. Durant ses quelques mois de bonheur avec Ninon, il a pris goût au métier d'entrepreneur et de "patron", et il n'a guère envie de retrouver son job d'entraîneur à « L'Impéria ». Cependant, désormais ruiné, il y traîne et sympathise avec des colons venus pour investir en Mauritanie, afin de les amener à financer pour lui un nouvel établissement. Hélas, le premier qui semble décidé à mettre ses billes dans une affaire, et accepte de se faire conduire au lieu repéré par Antonin, est brutalement assassiné par le charretier-taxi qui les a menés sur place, après qu'il ait malencontreusement entendu sa victime dire qu'elle avait 7000 francs sur elle. Dans un tardif réflexe de survie, Antonin abat avec son révolver le charretier criminel, mais il ne s'en retrouve pas moins avec deux cadavres sur les bras. Comment sortir de cette nouvelle débâcle ?

Il n'y a qu'une solution : partir à nouveau. Où cela ? À Merèqch, où Lerbier et Ferrant doivent prospérer depuis leur départ de Darbeda. Avec un peu de chances, à défaut de le vouloir pour associé, ils pourront peut-être le recommander quelque part...

En réalité, Antonin tombe à pic. Lerbier, ayant rencontré une jeune femme très politisée, s'est brusquement converti au socialisme, ce qui est plutôt conflictuel quand on est chef d'entreprise. Il décide donc d'abandonner la manufacture à Maurice Ferrant, et rentre en France pour y fonder un journal politique.

Resté seul, Ferrant a donc besoin d'un nouvel associé, place que prend Antonin avec un zèle et une honnêteté irréprochables. Il retrouve sur place Lilia qui, elle aussi, fatiguée de se vendre, a rejoint Ferrant et s'est remise en couple avec lui. Antonin est surpris de découvrir, jour après jour, la jeune femme plus mûre, plus sérieuse, plus intelligente, même, et nourrit quelques regrets de l'avoir mal jugée quelques mois plus tôt.

Tout pourrait fort bien se passer, car l'entreprise est florissante, mais voilà qu'à l'été 1914, la France déclare la guerre à la Prusse. Maurice Ferrant, citoyen français, est mobilisé. Antonin, porté disparu en France, inconnu sous sa nouvelle identité, n'est pas inquiété. Ferrant laisse donc les rênes de son entreprise à Antonin, et rejoint l'armée française pour combattre les Prussiens. Quelques mois plus tard, il est tué dans les Ardennes.

Antonin reste donc seul aux commandes de ce qui devient automatiquement sa manufacture à lui. Il propose même à Lilia de l'épouser, mais chagrinée par la mort de Ferrant, et ayant bien compris quel genre d'homme est Antonin, elle refuse sa proposition, lui abandonne l'entreprise, et part mener son destin ailleurs.

Nullement attristé, Antonin peut jubiler : la première pierre de son empire ne lui aura pas coûté grand-chose et c'est un sacré piédestal. Hélas pour lui, Maurice Ferrant avait une famille en France, et une famille qui n'hésite pas à descendre jusqu'en Mauritanie pour récupérer l'entreprise fondée par le petit dernier. Antonin est bien contrarié, mais il ne peut rien faire pour empêcher qu'on lui confisque ce qui ne lui appartient pas. Il tente bien de négocier son maintien dans la manufacture avec les héritiers, mais sa tête ne leur revient pas. Antonin est brutalement congédié.

Heureusement pour lui, durant ces deux années, Antonin s'est fait des relations, on connaît sa valeur en tant que dirigeant, on sait qu'il est fiable et compétent. Un colon financier lui propose de créer ce qui peut réellement dynamiser la Mauritanie : une banque. le pari est osé, mais Antonin n'a pas d'autre choix que de le relever. Et pour une fois, sa démarche va être couronnée de succès !

En quelques mois, il devient un notable, un puissant banquier, lui l'ancien souteneur du quartier Pigalle ! Antonin de Lestaque épouse même une jeune aristocrate. C'est purement un mariage d'intérêt, et d'ailleurs, son épouse lui fait durablement sentir qu'il sera toujours inférieur à elle, mais il n'en a que faire. En revanche, malgré son lignage, la désormais Mme de Lestaque se fait volontiers culbuter par toute l'intelligentsia coloniale. Avec ironie, Antonin se dit qu'il a enfin trouvé sa gagneuse, mais hélas, au moment où il n'en a plus besoin.

Le Royaume de Prusse vaincu, la paix signée, les puissants amis de Monsieur de Lestaque lui font la surprise de demander pour lui, à la République Française, la Légion d'Honneur, pour services rendus à la nation en des temps difficiles. Mais même si sa candidature est examinée avec une inclination favorable, Antonin ne peut hélas pas accepter la prestigieuse décoration, car il faut pour cela présenter des pièces d'identité en règle. Or, il n'en possède aucune, puisque Antonin de Lestaque n'est pas son vrai nom.

Cependant, cette mésaventure protocolaire mine son moral. Petit à petit, Antonin réalise qu'autour de lui, les regards ont certes changé parce que l'on admire sa réussite, mais chacun, y compris sa propre femme, ne voit rien d'autre en lui qu'un habile fumiste qui a su saisir sa chance.

Pauvre, Antonin était méprisé. Riche, il l'est davantage.

Pris alors d'un brusque spleen, Antonin cherche à revoir Lilia, devenue infirmière à l'hôpital nouvellement érigé de Merèqch. Il s'épanche sur son amertume, et sur sa grande solitude. Faute de pouvoir désormais l'épouser, il propose à Lilia de redevenir son amant, et se dispose à lui offrir tout ce qu'elle désire. Mais froide et distante, Lilia lui répond qu'elle aime son métier d'infirmière, qu'elle se sent enfin utile à venir en aide majoritairement à des soldats démobilisés, blessés ou mutilés, comme elle aurait aimé venir en aide à Maurice Ferrant, celui qui restera pour toujours dans son coeur le seul homme qu'elle ait jamais aimé.

Lilia rappelle aussi à Antonin que par rapport aux gens qui sont dans cet hôpital, il n'a pas le droit de se plaindre. Il a passé tant d'années à courir après la réussite matérielle. Désormais, il est l'un des hommes les plus fortunés de Mauritanie. de quoi se plaint-il ? Si quelque chose d'autre l'intéressait dans la vie, quelque chose de sentimental ou de philosophique, il aurait dû y penser bien avant…

En réalité, il n'en est rien. Antonin est véritablement dépressif, mais d'abord parce qu'il ne fait que s'apitoyer sur lui-même et parce qu'il ne comprend pas que le mépris des autres vient de sa totale incapacité à faire preuve d'empathie ou de sollicitude. C'est en égoïste qu'il souffre confusément de voir sa reconnaissance sociale achevée. Il n'a plus désormais qu'à se laisser vivre, et il a trop longtemps couru après la fortune pour être capable de prendre du plaisir à faire autre chose.

Antonin s'ennuie terriblement de la vie. Il sombre peu à peu dans l'alcoolisme, traîne le soir de bar en bar, et un matin, un balayeur des rues le découvre mort sur le trottoir, un couteau enfoncé dans le coeur par un quelconque brigand, qui l'a tué pour lui voler son portefeuille. Malgré son exil, malgré sa réussite, Antonin Fignol aura connu la fin qui l'attendait de toutes manières sur les trottoirs de Paris...

Bien que manquant un peu de rythme, alourdi par un style qui ne trouve pas le juste équilibre entre noirceur descriptive et narration vivace, « La Ville Neuve » est un portrait réaliste et impitoyable de toute une génération d'aventuriers marginaux, d'âmes égarées, de perdants de la vie, qui, par leurs actes et leur fantasmes, ont secrètement contribué à l'effort colonial français, tout en accélérant sa chute, de par l'image désastreuse qu'ils ont donné aux populations locales.

Suivant les règles du naturalisme, pourtant passées de mode durant les années 20, Marcel Frager signe un roman décadent et malsain, désespéré et nihiliste, mais qui n'est cependant pas totalement exempt de morale, puisqu'il brocarde ouvertement le colonialisme, tout comme le libéralisme et le capitalisme qui en furent les instruments de conquête.

On ne reprochera à Marcel Frager que quelques écoeurantes pages où, caché derrière la duplicité de son personnage, il exprime à plusieurs reprises des opinions antisémites, en ressassant les éternels clichés du juif affairiste, cupide, cauteleux, escroc mondain, implanté partout comme un parasite. Ces propos sont déjà abjects à la base; ils sont en plus totalement absurdes dans ce contexte, où, mis à part la douce Lilia, tous les personnages sans exceptions sont eux-mêmes des aventuriers cupides et affairistes, sans être « hébraïques » [sic] pour autant. Ces pages inutiles, pleines d'une rancoeur stupide, rendraient hélas impossible la réédition de ce roman, lequel décrit pourtant, avec une âpre connaissance de la médiocrité humaine, des bas-instincts qui demeurent intemporels et qui, un siècle après, nous semblent encore tristement d'actualité.
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Jean-Christophe, tome 6 : Antoinette

6ème tome de Jean Christophe terminé. Et si ce n'était le challenge Nobel et la curiosité de lire ces romans du début du 20ème siècle qui étaient portés aux nues, je pense que je me serais arrêtée après la première partie. Car au fur et à mesure des tomes, les déclarations sur la "race" et sur le manichéisme de certains personnages devient lassant.



Dans ce volume où Christophe est quasi absent, on apprend à connaitre la famille Jeannin... Voici la phrase d'introduction :



"Les Jeannin étaient une de ces vieilles familles françaises, qui, depuis des siècles, restent fixées au même coin de province, et pures de tout alliage étranger. "



Et si il n'y a pas eu de mélange, cela n'a pas aidé la famille comme l'écrit l'auteur :



"Cependant, la catastrophe arrivait.



Tôt ou tard, il en vient une dans la vie de ces vieilles familles bourgeoises qui depuis des siècles sont incrustées dans le même carré de terre, et en ont épuisé tous les sucs. Elles sommeillent tranquillement, et se croient aussi éternelles que le sol qui les porte. Mais le sol est mort sous elles, et il n’y a plus de racines : il suffit d’un coup de pioche pour tout arracher. Alors, on parle de malchance, de malheur imprévu. Il n’y eût pas eu de malchance, si l’arbre eût été plus résistant ; ou, du moins, l’épreuve n’eût fait que passer, comme une tourmente, qui arrache quelques branches, mais n’ébranle point l’arbre."



Car le père d'Antoinette (la jeune fille française rencontrée par Christophe dans le 3ème volume) va faire une faillite retentissante qui va changer le cours de la vie de ses enfants. C'est une longue descente aux enfers. Mais Antoinette se révèle être une sainte. Elle se dévoue au bonheur de son jeune frère Olivier qui s'avère être un ingrat doublé d'un grande sensiblerie comme il en sera question par la suite.



L'auteur présente le dévouement d'Antoinette sous la forme du sacerdoce. Et si ce n'est le style de l'auteur, il y parfois de très belles formules, on pourrait s'étonner d'un tel étalage de vertus. Autant pour R Rolland qui qualifiait Zola de Romantisme boueux, que dire de lui un Romantisme pleurnichard?



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Jean-Christophe, tome 6 : Antoinette

Après quelques 700 pages, Nous faisons une pause dans la suite de la vie de Christophe pour s'attacher à suivre la famille Jeanin.

Même si Rolland avait réussis à adoucir le coté assommant que peut avoir la linéarité de la biographie de son personnage dans les tomes 4 et 5, je trouve cet entracte bienvenue. D'autant que nous avons déjà rencontré Antoinette et ces regards croisés sont bienvenue.



Nous suivons donc la disgrâce d'une famille bourgeoise de province. Initialement sans qualité particulière si ce n'est la sympathie facile des gens qui ont beaucoup reçu sans effort, arrivée des épreuves révèlera la ténacité et la générosité de certains des membres de la famille.

Le père banquier, sans talent pour la gestion d'argent d'ailleurs, se suicidera suite au déshonneur causé par sa ruine. Le drame familial révèlera la générosité et l'oubli de soi de sa femme puis d'Antoinette, qui concourra au final à la réussite scolaire d'Olivier.



Ce roman est éminemment moral, il parle de la beauté du sacrifice. Depuis le temps qu'on suit l'auteur de Jean-Christophe on n'est aps vraiment surpris.

Malgré tout, la plume de Roland est spécialement agréable. On a peu de dialogue, la narration est plus rapide que dans les tomes précédents. Mais l'histoire est assez peu compliquée et laisse beaucoup de place aux descriptions de la campagne, de l'ambiance du village, de la dureté de la vie à Paris. On y parle moins de musique, plus de littérature et de politique , un peu à l'image du tome précédent



Au Paris élitiste snob et vide de la Foire sur la Place (tome 5), On découvre aussi une autre France, travailleuse, noble dans son abnégation. intellectuelle comme l'est Olivier Jeanin mais sans snobisme. Le tome suivant servira d'ailleurs à continuer l'analyse du peuple français à laquelle se livre Roland, malgré ce manichéisme légèrement forcé.



Vu que ce roman fleuve a été pensé 10 ans avant le début de sa rédaction par son auteur, je ne doute pas qu'un certains nombre des éléments posé dans ce tome resserve dans les 4 tomes restant.
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