Faites-vous plaisir…
Un peu mon neveu 😉 En ces temps où, comme dit dans ma précédente chronique, rien ne trouve grâce à mes yeux, je me suis lancée dans la lecture de ce petit essai. 33 pages. Finger in the nose.
Pourquoi ne jouis-je pas de la lecture en ce moment ? En aurais-je marre du missionnaire ? N'aurais-je pas trouvé mon clito ?
Le postulat de départ de
Clémentine Beauvais est intéressant : comparer la lecture au plaisir sexuel, en citant «
Au-delà de la pénétration » de
Martin Page, et en conclure que vraiment, il y a énormément de choses à explorer et qu'on ne nous a jamais appris à le faire ! Qu'on se contente d'un plaisir plan-plan « construit, conditionné et culturel » alors qu'il faudrait une éducation à la jouissance (livresque) !
Alors, par où commencer pour prendre son pied ? Déjà, dire qu'on a dévoré un livre, qu'il nous a transporté, qu'on a eu un coup de coeur pour lui ou qu'il nous a mis une claque, c'est cliché et quand on dit ça on ne parle pas du lien entre le texte et le plaisir. On se contente de se ranger dans une des deux catégories de discours sur le plaisir de lire décrétées par
Clémentine Beauvais : le discours réac, qui classe les livres selon une hiérarchie bien définie, que l'on retrouve dans la culture dominante et dans le système éducatif (et où on retrouve
Proust,
Flaubert, Hugo) ou le discours de la lecture plaisir, à l'opposé, qui se veut bienveillant, répandu dans les milieux progressistes, qui ne juge pas, tant qu'on prend plaisir à lire et qu'on choisit ses lectures.
Les deux discours sont décriés par l'autrice, le premier en raison de son snobisme intellectuel, le second en raison de sa complaisance avec l'industrie culturelle.
Bon alors on déconstruit tout ça (c'est à la mode), non aux bouquins chiants comme la pluie, non aux lectures imposées qui fabriquent des générations de lecteurs traumatisés, non aux plaisirs faciles, addictifs mais peu gratifiants !
Oui aux mille plaisirs de lire : passion expurgatoire, jouissance, aspiration fantasmatique, plénitude existentielle, galvanisation politique, extase linguistique… mais aussi « plaisir de voir ses émotions reflétées, plaisir d'une bonne histoire, plaisir d'anticiper des péripéties, plaisir de comprendre, de découvrir une autre époque, une autre culture ».
Certains plaisirs sont connus, d'autres demandent des explorations, aucun n'est inintéressant en lui-même. Il faut se poser la question de ce que suscite un texte en nous, de quel plaisir nous avons besoin, quels plaisirs nouveaux nous souhaiterions découvrir. Et ces questions doivent se poser dès le plus jeune âge pour construire notre éducation littéraire car « apprendre à jouir de la lecture n'a rien à voir avec la culture dominante. Bien au contraire. C'est devenir, par la jouissance, capable de s'en libérer ».
Le plaisir de lire est aussi politique. Il faut réfléchir à ce que nous lisons, prendre du recul sur ce que « nous dévorons » et que nous trouvons « merveilleusement écrit » car ce n'est pas suffisant : il faut « explorer ce que dissimulent nos jouissances ». Bref, se poser des questions sur ce qu'on lit.
Cette petite lecture est vivifiante, intelligente et piquante juste ce qu'il faut, l'autrice donne son avis tranché et argumenté sur ce qu'est une bonne lecture, sur ce que devrait être une bonne lecture pour chacun. C'est très intéressant pour tout ceux, ici, qui chroniquent leurs lectures, moi la première, car je trouve toujours difficile de dire pourquoi j'ai aimé un livre. Il parait que c'est normal, on ne nous a jamais appris à le dire…
Bon, au prochain livre, c'est décidé, je vise l'orgasme !