Dans ce second tome, le navire sur lequel Isaac est peintre met le cap sur le Sud avec pour ambition de revendiquer des terres inconnues. On y trouvera un capitaine Jean Mainbasse toujours plus mégalo, attentif à sa notoriété (la réplique sur l'impuissance associée à la cruauté est géniale) et qui commencera sérieusement à perdre l'esprit. On découvre également et surtout le personnage de Jacques qui aura une importance capitale par la suite.
Ce tome est celui de la décadence et de la résilience. Après avoir subi tous les supplices inimaginables, être devenu alcoolique, avoir frôlé la mort, été défiguré, Isaac se révèlera toujours plus droit, fier, loyal, et amoureux. Pourtant, la distance aidant, il ne sait pas qu'Alice s'éloigne un peu plus de lui.
Un grand BRAVO pour l'épisode de l'aurore boréale, mystérieuse, énigmatique, inconnue.
Un immense GÉNIAL pour l'ambiance qui naît des planches sur les terres glacées, pour le froid qu'elles génèrent, pour les planches à clous, les glissades givrées, la viande de phoque et ce pauvre petit Adhémar (Kwâ !) et ce cher Henri...
D'un côté, dans les glaces, c'est un tome d'Aventures ! de Découvertes ! de Camaraderie.
De l'autre, à la capitale, c'est la décadence qui se dessine, la chute qui se prépare, et l'on n'espère qu'une chose, qu'Isaac ne rentre jamais…
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Mon avis sur la série dans son ensemble et sur l'édition luxe (intégrale des 3 premiers tomes) : J'étais réticent au noir et blanc, j'avais des aprioris sur le style graphique de Christophe Blain, mais j'avoue volontiers que je me fourvoyais. Isaac le pirate est une pépite !
Dans sa réalisation, tout d'abord. le dessin peut être sommaire lorsque l'action défile, précis lorsqu'il nous faut nous appesantir sur des détails ; trop habitué à des planches uniformes et lisses dans leurs réalisations, c'est avec cet album que j'ai pris conscience du poids des dessins sur la lecture et sur l'ambiance générale. Même la plus petite case noire, totalement noire, placée à merveille et pensée à la perfection s'imbrique parfaitement dans la narration et contribue à forger l'ambiance et à faire qu'on ne peut s'arracher à sa lecture. Cette foutue case noire. Géniale. Parfaite.
Dans son histoire et ses personnages, ensuite. Sous ses abords vaniteux, prétentieux, machos et imbu de lui-même, Isaac se révèlera humain, affable, doux et franc, un peu niais ou trop bon, il se laissera entraîner dans une aventure qui le dépassera et qui, certainement, ne le laissera pas indemne. L'aventure est grandiose et théâtrale ; les péripéties nombreuses et variées ; l'ambiance prenante et l'environnement bien dépeint.
Dans sa globalité, enfin. Car on pourrait croire à une fable gentillette, mais c'est tout sauf rendre justice à Christophe Blain. Son oeuvre est profonde, réfléchie, drôle et poignante. Sous couvert d'un humour sarcastique et pincé, de jeux de mots fins et bien choisis, on touche à des ressorts universels tels que, dans le désordre, la loyauté, l'amour, la justice, la folie, le mal-être, la nostalgie, la distance, la solitude, la gaieté, la fidélité, la camaraderie, les manipulations, la vie, la mort, les rêves de grandeur, la religion, l'au-delà, la futilité de l'existence…
Pour se détendre ou pour entamer une réflexion philosophique, pour rire un bon coup ou pour se remettre en question, Isaac le pirate sera là.
D'autant que les aventures rocambolesques de ce petit bonhomme n'ont pas fini de nous réjouir et de nous tenir en haleine.
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La bande dessinée de Christophe Blain […] met en scène les émotions et les sentiments des personnages en comptant moins sur le sens de leurs paroles que sur le sens de leurs actions : courir, regarder, se battre, baisser les yeux, parler…
Lire la critique sur le site : Du9
[Capitaine Jean Mainbasse]
Jacques, ta tambouille est infecte.
[Jacques]
C'est cette bête qui est infecte ! Sa chair est grasse mais elle a un goût de pourri. J'ai essayé tous les assaisonnements possibles, c'est toujours aussi dégueulasse.
[Capitaine Jean Mainbasse]
Regarde, Henri a la mine défaite à force de manger tes saloperies !
[Henri]
Allons ! Ça n'est pas très fameux mais je m'en accomode.
[Jacques]
Tu veux ma main dans ta gueule, Jean ? Tu nous en trouves, toi, des bestioles bonnes à rôtir ? Elles sont où tes terres de richesse ? Perdues dans le brouillard ? Et nous, où sommes-nous ?
[Henri]
Pardon, messieurs, je vais rendre visite à Adhémar. Le pauvre est bien mal en point. Je crois que la compagnie des siens lui manque cruellement. Je laisse mon assiette à qui veut la finir.
Je suis devenu un misérable médecin dans la marine marchande (bien pratique on n'est pas regardant sur les antécédents dans la marine marchande). J'étais un très bon médecin avant, savez-vous? On me demandait de très loin, on se pressait même chez moi...Mon bateau a rencontré celui de Jean et voilà...hahaha!...assez! Je vous raconterai ça mieux une autre fois.
Vous m'en voulez de vous avoir embarqué là-dedans?
Tu ne me parles plus beaucoup d'Isaac. Il y a un autre garçon? S'il y a un autre garçon, je te comprends, ma chérie. Mais quand Isaac reviendra, tu ne lui diras rien, n'est ce pas? Jamais!...jamais ma chérie.
Le dessin n'est pas un travail. C'est une forme de prière.
Tu dois voir ça de près. Si on en réchappe, tu t'en souviendras bien pour le peindre.
Chaque mois, un grand nom de la littérature française contemporaine est invité par la BnF, le Centre national du livre et France Culture à parler de sa pratique de l'écriture. L'auteur Jean-Claude Mourlevat est à l'honneur de cette nouvelle séance.
Cette vidéo ne sera accessible que durant la durée de la conférence.
Né en 1964, Emmanuel Guibert fréquente les Arts Déco de Paris. En 1994, il fait deux rencontres importantes ; celle d'Alan Ingram Cope, un ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale, retraité sur l'île de Ré, et celle de David B, qui l'introduit dans un cercle de jeunes auteurs cherchant à renouveler les pratiques de la bande dessinée. Il rejoint un atelier collectif que fréquentent Joann Sfar, Christophe Blain, Emile Bravo, Marjane Satrapi et bien d'autres, où il travaille pendant cinq ans. Sa collaboration avec la maison d'édition l'Association marque une évolution vers un style épuré au service des récits vécus de son ami Alan Cope. Dans cette série biographique, toujours en cours, on trouve La guerre d'Alan (3 volumes), L'enfance d'Alan et Martha & Alan. Il poursuit dans cette veine avec le Photographe (chez Dupuis), d'après des entretiens avec Didier Lefèvre, reporter-photographe en Afghanistan dans les années 1980. Cette trilogie, traduite en 20 langues, vaut à ses auteurs (Guibert-Lefèvre-Lemercier) des récompenses dans le monde entier. Puis il crée plusieurs séries ou albums uniques, notamment Sardine de l'espace (14 volumes) et Les Olives noires (3 volumes). Avec Marc Boutavant, autre camarade rencontré à l'atelier, il lance la série Ariol, chez Bayard, qui totalise à ce jour 20 volumes traduits en de nombreuses langues. Il crée également des chansons en partenariat avec le guitariste Dominique Cravic. Son intérêt pour la musique de jazz lui fait élaborer, avec le graphiste et producteur Philippe Ghielmetti, toutes les pochettes du label Vision Fugitive. En 2007, il est lauréat de la Villa Kujoyama. de cette récompense naîtra l'album Japonais en 2008, recueils de peintures, dessins et nouvelles. Avec un collectif d'amis auteurs, il visite des grottes préhistoriques ornées en France. de cette expérience naissent le volume collectif Rupestres chez Futuropolis et la réalisation de fresques pariétales dans une grotte du Parc Régional des Causses du Quercy. En 2017, il est lauréat du prix René Goscinny pour l'ensemble de son oeuvre de scénariste au festival d'Angoulême. Il mène depuis quinze ans une activité discontinue mais fidèle de visiteur hospitalier et a rejoint Christine Géricot à l'association Sur un lit de couleurs, qu'il vice-préside. Cette association installe et supervise des ateliers d'arts plastiques animés par des enseignants dans les hôpitaux en France. Emmanuel Guibert a reçu le Grand Prix de la ville d'Angoulême lors du Festival international de la bande dessinée en 2020.
Animés par des producteurs et productrices de France Culture, les entretiens du cycle « En lisant, en écrivant » sont réalisés en public à la BnF, puis diffusés dans la grille d'été de France Culture et disponibles en podcast. Genèse des oeuvres, sources d'inspiration, aléas de la vie quotidienne d'un auteur ou d'une autrice, édition et réception des textes – autant de sujets que ces rencontres permettent d'aborder, au plus près de la création littéraire.
Rencontre animée par Arnaud Laporte, producteur chez France Culture
En savoir plus sur les Master classes : https://www.bnf.fr/fr/agenda/masterclasses-en-lisant-en-ecrivant
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