La guéguerre entre Isa et Estienne de Viaroux a causé un sacré bazar, suffisamment pour que le roi du Dahomey souhaite juger le cas de cette « femelle » qui ose tenir la dragée haute aux hommes qui l'accompagnent. Isa va mener sa barque avec habileté et diplomatie et gagner des points. Elle espère retrouver le magicien qui a participé à l'empoisonnement d'Hoel, son chéri, afin d'inverser le sort. Mais rien n'est simple dans ce royaume où les femmes sont maintenues dans leur statut de reproductrices, où les animaux sauvages peuvent vous sauter à la gorge à tout moment et où les sables mouvants peuvent vous avaler avant que vous ayez le temps de dire ouf.
On s'enfonce dans les terres sauvages d'Afrique dans ce tome, et l'air de la mer n'arrive plus à rafraîchir les esprits. L'histoire est toujours aussi envoutante mais malgré les nombreux traits d'humour gris on sent la sueur empoisser les comportements et nous les faire considérer plus cruels encore : des femmes africaines sont condamnées à être dévorées par des fourmis, un père s'apprête à mettre une balle dans la tête de son bébé, on parque les esclaves comme des poulets dans un élevage industriel, etc.
La palme va à Jasmin. Ce nouveau personnage français nous émeut car il a été abandonné par ses compatriotes et a passé huit ans de captivité au Dahomey. Physiquement c'est une épave mais sa verve a encore du ressort. Il va pouvoir repartir avec notre équipe. Pensez-vous que ses mésaventures aient gravé dans sa philosophie personnelle un sillon d'humanité ? Tu parles ! Sitôt libre, il affirme que les Noirs ne sont que des bêtes qui ne méritent que l'esclavage et cherche à violer tous les jupons qui passent. Une pourriture.
Ce tome est parfois dur à avaler. Bourgeon ne fait pas dans le Bisounours mais c'est toujours excellent. Je lui adresse une palme spéciale pour l'énorme travail de documentation qu'il a dû abattre sur l'Afrique Occidentale du 18ème siècle.
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Hoël mourant à petit feu, Varois pleutre et obséquieux, John virant fou : les hommes qui entourent Isa et Mary ne pèsent pas lourd au début de ce tome 4. Toujours sur le continent, L'Heure du Serpent ouvre encore plus profond le coeur de l'Afrique, sa jungle sauvage et les ténèbres de l'esclavage. On sait que les blancs chassent et exploitent les noirs mais, les noirs aussi. Alors, quid de la justice à rendre par le roi d'Abomey, lui qui court aussi après les faveurs, les armes et l'argent des hommes blancs ?
Ce tome 4 de la saga est un des meilleurs de la série. Par son suspense, son action et son point de vue magnifiquement porté et illustré par ses dessins.
Quid du sort de Hoël dont les jours et les nuits défilent plus près de la mort que de la vie ? Quid du sort de John qui cherche dans la folie et ses leurres l'oubli de son déshonneur avec la Navy et ses malheurs avec Mary ? Et quid de Viaroux prêt à tout pour faire payer à Isa son pari raté et ses faveurs manquées ?
Ce 4ème album ne manque pas de noeuds à dénouer. Et il ne manque pas non plus de surprises et rebondissements pour y arriver. On ne s'ennuie pas une seconde. Jamais peut-être l'écriture de Bourgeon n'a aussi bien croisé le roman d'aventure et le roman-feuilleton. Alternant aussi de riches dialogues - comme dans le 3 - avec des planches où la nature incite à se taire.
Le dessin est une splendeur qui nous donne à voir l'Afrique sous tous ses jours et toutes ses nuits. Les visages et les attitudes nous disent aussi toute l'histoire de ce peuple, sa force, son lien avec la nature et sa noblesse ô combien plus ancienne que celle perruquée qui y pointe le bout de son nez et de ses guêtres. le découpage et la mise en scène appuient une action tirée au cordeau. du jugement du roi africain à l'attaque de celui de la jungle. Bourgeon joue avec nos nerfs, la nature et les personnages qu'il a créés, sans en ajouter. Ah, ce duel dans les sables mouvants !
Enfin et surtout Bourgeon imagine un trio qui dit l'essentiel et le fond de son propos. Entre Isa qui prend ses notes pour Saint-Quentin et les abolitionnistes, Varois le teneur de livres du comptoir de Juda et François qu'on retrouve à la fin à la plume du journal de bord de la Marie-Caroline, tout est dit. Écrit. Bourgeon navigue entre ces trois points de vue avec délice, habileté et bonheur. Sans hésiter à nous faire épouser celui de son héroïne plus étroitement que les autres.
Un des meilleurs sinon le meilleur album de la saga, avec bien sûr et après - dans l'ordre ! - le 3. L'auteur y joue même avec de grandes références de la bd et de la littérature : l'indigène compagnon du héros ou de l'héroïne, la marche dans les marécages, etc. On pense autant à Jungle Jim, Tintin, que Flash Gordon ou Corto Maltese. Un sommet !
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En maniant aussi bien le verbe que l'arme à feu, Isa a su s'attirer l'amitié du roi du Dahomey mais cela au prix d'une rivalité bien plus grande avec de Viaroux. Nous faisons plus ample connaissance avec un autre personnage terriblement attachant , le très caustique Aouan qui va se faire l'ombre de Isa.
Entre la maladie de Hoel et la folie grandissante de John, cet album est riche en rebondissements et les scènes terribles succèdent aux phrases glaçantes.
Un excellent tome qui ne sera pas sans heurter certaines sensibilités...mais ni l'époque ni le lieu ne se prêtent à l'émotivité.
Côté dessin, chaque tome est meilleurs que le précédent, je n'ai rien à redire
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- C'est une idée fixe, vos épées ! … Vous ne pouvez donc pas lessiver votre honneur autrement ? Le boxe ou le bras de fer … C'est tout aussi con mais moins endommageant !
Il y a dix ans, j'avais presque toutes mes dents, Madame! Ce putain de scorbut ne m'en a pas laissé une! Elles sont parties chacune avec de tels fragments osseux que j'ai dans le palais des trous par lesquels on doit bien entrevoir mon cerveau! Vous voulez regarder?
- J'ai admiré avec quelle habileté vous avez mis en balance votre attitude et celle des malheureuses qui ont déplu au Roi. Cependant leur tromperie l'a sans doute rendu d'humeur un tantinet misogyne et il serait souhaitable que le teneur de livres ne puisse prendre, devant lui, votre sincérité en défaut.
Mary: D'abord, Mary, elle se donne pas un petit peu à tout le monde, mais toute entière à chacun!...
Ensuite, essaye simplement voir de me poser ton patte dessus, et tu comprendras promptement que "chacun" n'est pas le même chose que "n'importe qui"!!
- Les blancs ont toujours raison ! Surtout ceux comme Mamisa qui savent écouter les conseils d'Aouan qui a très souvent raison surtout lorsque les blancs on tort …
François Bourgeon, au naturel