AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,21

sur 8261 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
N'écoutez pas ceux qui ravalent "Les liaisons dangereuses" au rang de roman libertin : assurément, ils ne l'ont pas lu ! Au contraire, l'auteur y démontre combien le libertinage est vain face à l'amour véritable. Rares sont les romans qui, en plus de magnifier la langue française, sondent avec autant d'acuité les rapports humains, et la passion amoureuse en particulier. Voilà pourquoi une oeuvre épistolaire datant de 1782 suscite encore autant d'émotion et d'enthousiasme parmi ses lecteurs.

Le genre épistolaire, qui au premier abord pourrait dissuader certains de commencer la lecture, est la véritable force de cette oeuvre. En effet, il exprime les sentiments des différents protagonistes, dans ce qu'ils ont de plus intime. de plus, c'est un redoutable outil dramatique car il permet, en passant d'un personnage à l'autre, en sautant certaines périodes de temps, de ménager des ellipses et des surprises dans le déroulement de l'intrigue.

Le roman commence comme un jeu entre la marquise de Merteuil et le vicomte De Valmont : pour se venger d'un de ses anciens amants qui doit épouser la jeune Cécile Volanges, la marquise demande à Valmont de séduire la jeune fille avant les noces. Devant le peu d'empressement De Valmont, elle encourage l'inclination de Cécile pour le chevalier Danceny, son professeur de musique. Finalement, Valmont va profiter d'un séjour chez sa tante à la campagne pour s'acquitter de sa tâche, tout en visant une conquête ardue, celle de la pieuse et délicate présidente de Tourvel...

Au fil des 175 lettres qui composent cette histoire, Pierre Choderlos de Laclos réussit à animer ses personnages de manière troublante, au point que l'on se demande parfois s'il ne s'agit pas d'une correspondance réelle. La marquise de Merteuil est une figure forte et complexe – une de celles que j'admire le plus en littérature. Pour une femme du XVIIIe siècle, veuve de surcroît, seule la réputation compte et le secret de la liberté réside dans la dissimulation. La fameuse lettre LXXXI, où la marquise explique au vicomte comment, à force de volonté, elle a acquis une parfaite maîtrise d'elle-même, ce qui lui procure la liberté d'action suffisante pour vivre à sa guise et avoir des liaisons sans que son entourage ne se doute de rien, est la clé de voûte du roman. C'est aussi un accès de sincérité – et de vanité – qui la perdra, lorsque la guerre sera déclarée avec Valmont.

Entre ces deux-là, qui furent amants par le passé, demeure une sorte d'entente fondée sur une estime mutuelle, mais aussi, sans doute, sur des secrets compromettants. Nous n'avons guère de détails sur ce qui les a séparés, mais il est facile d'imaginer que par fierté, aucun des deux n'a osé reconnaître qu'il aimait l'autre, et chacun a continué ses conquêtes de son côté. Or ce qui va briser le pacte, c'est que Valmont tombe amoureux de madame de Tourvel. Lui-même ne s'en rend pas compte tout de suite, à l'inverse de la marquise de Merteuil qui le décrypte instantanément. Alors elle n'aura cesse d'éliminer sa rivale, allant jusqu'à dicter les mots de la rupture à Valmont dans la lettre CXLI, articulée autour du bien connu : « Ce n'est pas ma faute ». Mais cette victoire aura un goût amer, car le dénouement théâtral choisi par Laclos flatte la morale.

Le libertinage n'est donc qu'un prétexte, un trait d'époque, pour planter une intrigue cruelle et haletante qui met en scène des personnages mus, au fond, par une soif d'amour qu'ils refusent d'admettre, ou alors trop tard. Pour compléter ou revivre cette lecture, je vous conseille l'excellent film de Stephen Frears, avec John Malkovitch dans le rôle De Valmont et Glenn Close dans celui de la marquise de Merteuil. Des costumes au jeu des acteurs, en passant par une musique délicieuse, c'est un chef d'oeuvre digne de celui De Laclos.
Commenter  J’apprécie          24026
Pierre Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses - 1782 : Choderlos de laclos était officier dans l'armée sous Louis XVI au moment où il écrivit ce livre. On en sera pas étonné tant la tactique mise en place par Valmont pour conquérir la trop belle madame de Tourvel prenait un tour militaire avec ses assauts directs préparés par des attaques de diversion et ses retraits stratégiques audacieux. Mais loin de donner de la mitraille ce sont les mots qui occasionnaient les pires des blessures. L'amour que Valmont et la machiavélique Mme de Merteuil utilisait pour nuire devenait entre leurs mains une arme encore plus meurtrière que l'acier et les flammes. Pour se venger d'un ancien compagnon et par pur cruauté Mme de Merteuil encourageait le marquis à pervertir une jeune femme innocente et à détourner de son mari la plus vertueuse des épouses. Valmont inféodé à la plupart de ses exigences par un passé en commun sulfureux s'appliquait avec toute la force de son charme à lui donner satisfaction. S'en suivait le déshonneur pour l'une, le désespoir et la mort pour l'autre. L'ignoble marionnettiste des turpitudes humaines trouvait en madame de Merteuil une représentante zélée. le libertinage à l'époque des lumières était ils vraiment aussi cruel ? Écrasait il ainsi sans pitié les existences sur l'autel du bon mot, de la formule cinglante, de l'orgueil mal placé ? Car enjolivé dans une langue magnifique se jouait un drame terrible que le lecteur suivait à travers les correspondances rendues publiques par le chevalier Danceny, un autre protagoniste de cette affaire floué par les deux intrigants. Valmont poussé lui aussi par l'impitoyable madame de Merteuil à détruire son plus bel amour cherchait la mort dans un duel d'honneur sous le fer de ce jeune chevalier dont il avait fait son protégé pour mieux servir ses coupables desseins. La misère qui frappait le monde rural de l'époque ne présageait en rien celle qui décimait une noblesse inoccupée qui versait par sa légèreté dans les plus ignobles égarements. L'auteur étalait dans ces pages la tragique décomposition d'une société ayant perdue tous ses repères. Entre les mariages forcés, les jeux de conquête au mépris des sentiments humains, le piétinement de toute dignité, il y avait bien là un danger que les situations envieuses et l'argent ne pouvaient empêcher. Et si dans le peuple on mourrait encore facilement de la faim, chez les privilégiés on mourrait tout aussi facilement des suites d'un amour bafoué. le roman mettait en exergue le style épistolaire dont il deviendra un modèle reconnu. C'était aussi par le scandale qu'il souleva dans une opinion déjà largement remonté contre les nobles un élément à charge supplémentaire pour les hommes et les femmes qui mettront bientôt à bas les murs de la Bastille et ceux de la royauté... une oeuvre majeur
Commenter  J’apprécie          17130
Quand, sous l'Ancien Régime, un improbable militaire de haute noblesse empoigne sa plume pour rédiger un improbable roman épistolaire devisant d'amours libertines, on parle de curiosité.
Quand ce singulier roman, plus de deux siècles plus tard, malgré les changements de tous ordres et le fossé des classes sociales arrive encore à émouvoir jusques aux tréfonds de la moelle une insignifiante créature roturière de tout juste dix-huit ans, qui sait à peine ce que le mot "littérature" veut dire, on parle de chef-d'oeuvre.
Quand, à travers les époques, ils sont des millions, de tous âges, de tous sexes, de toutes sensibilités, de toutes confessions, nationalités ou conditions sociales à avoir éprouvé un émoi comparable en tous points à celui de l'insignifiante roturière, on vénère l'un des plus grands patrimoines mondiaux de la littérature.
Aaaah ! Combien plus belle, combien plus grande eut été votre contribution aux choses de la littérature qu'à celles des armées, Monsieur le Général Choderlos de Laclos !
La Bruyère écrivait que: "Qui peut, avec les plus rares talents et le plus excellent mérite, n'être pas convaincu de son inutilité, quand il considère qu'il laisse en mourant un monde qui ne se sent pas de sa perte, et où tant de gens se trouvent pour le remplacer ? Combien d'hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts sans qu'on en ait parlé ! Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont on ne parlera jamais !"
Certes, vous n'êtes pas mort sans nous rien laisser, Monsieur de Laclos, mais un seul, un seul malheureux et orphelin petit roman, c'est bien peu, c'est trop peu, quand on sait faire autant.
Que dire maintenant? L'histoire? tout le monde la connaît et si, par chance, vous l'ignoriez encore, ce serait sacrilège que de vous la déflorer. Les turpitudes du Vicomte de Valmont et de la Marquise de Merteuil auprès de la Présidente de Tourvel, sont, je suppose, à peu près connues de tous. Les dommages collatéraux également. Lisez-la, c'est la meilleure chose que vous ayez à faire. Qu'est-ce que vous risquez? Juste une superbe émotion dont vous vous réjouirez encore dans des décennies. Au pire, de l'indifférence... Si! Tous comptes faits, si! Il faut que je vous dise quelque chose, lorsque du haut de mes dix-huit ans, ignorante de tout et même de mon niveau d'ignorance, je lisais ces lettres, j'ignorais la classification des titres de noblesse. Aussi, peut-il être intéressant que je vous glisse cette information qui peut avoir son importance pour la bonne intelligence de deux ou trois subtilités. le titre de noblesse le plus bas est celui de Chevalier, puis Banneret, puis Baron, puis Vicomte, puis Comte, puis Marquis et enfin, le plus élevé, Duc. Président n'est normalement pas un titre de noblesse, mais il peut être utilisé pour désigner une personne noble occupant un emploi élevé, par exemple dans la magistrature. Quant à "Madame", c'est la version féminine de Sire ou Monseigneur et évoque un titre de noblesse accompagné d'un apparentement avec une famille royale, impériale ou princière. Autre précision d'importance, ce roman n'est ABSOLUMENT PAS pro libertinage et n'a ABSOLUMENT RIEN à voir avec les écrits de Sade.
Sachez, pour conclure, que si aujourd'hui je lis des romans, vous y êtes vraisemblablement pour quelque chose, mes trois vibrants mousquetaires, Hugo, Laclos & Corneille. A vous trois, merci, et respect.

Commenter  J’apprécie          1514
J'ai défloré l'année 2021 avec les Liaisons dangereuses. On se réchauffe comme on peut.
L'année risquant d'être plus pandémique qu'érotique, j'ai ouvert le courrier du Vicomte de Valmont et de la marquise de Merteuil. Je sais, ça ne se fait pas mais bon sang, cela change des factures et des publicités pour les bûches de Noel. Avec de telles correspondances, la Poste pourrait relancer la vente de ses carnets de timbres.
Par la grâce des films tirés de cette oeuvre de Chaud Chaud Choderlos de Laclos, inutile de trop déniaiser l'histoire, tout le monde la connaît.
L'action se situe dans les alcôves des cercles aristocratiques ; elle est centrée sur Valmont, un impitoyable et irrésistible libertin, et sur la venimeuse Merteuil, rivale, ex amante, qui fait bonne figure en société mais profite de son veuvage pour balayer tous les tabous devant la porte de sa chambre. Les deux âmes damnées ont passé un pacte marqué par le sceau du vice qui fait la chasse à cour à la vertu.
Valmont est fortuné et occupe son temps libre en séduisant des femmes naïves et innocentes de la bonne société. Parmi elles, la jeune Cécile et la dévote Présidente de Tourvel dont il est épris. Il ne jouit que de sa mauvaise réputation.
Coquin et Coquine, par jalousie et pour surpasser l'autre, se lancent des défis que la morale réprouve, trahissant, mentant, manipulant, jouant avec les sentiments comme d'autres jouent aux dés. C'est jubilatoire.
Cruauté exquise servie un style raffiné, une langue aussi mauvaise que magnifique au service du mauvais esprit, on finit par détester les malheureuses victimes pour leur naïveté et l'auteur fait du lecteur le complice voyeur des turpitudes des deux manipulateurs.
La construction épistolaire est millimétrée, l'histoire avançant au fil des correspondances, sans redite ni ennui. La conquête amoureuse est décrite comme une conquête militaire, faite de stratégie, de parades, d'engagements farouches. Pas de quartiers… sauf de noblesse. Garde à vous.
Dans ce brâme précieux, nul ne couche le premier soir. On laisse Tinder aux vulgaires. On biffe le kiffe. Une lettre sépare campagne de compagne mais il faut faire le tour de l'alphabet pour passer de l'une à l'autre.
L'épistolaire au pistolet. Ecrit par un militaire titillé par sa plume, qui s'ennuyait ferme dans sa garnison et dont ce fut le seul roman, les liaisons, dangereuses par définition, est un classique qui prend son lecteur en otage.
Point de crudités dans le menu, laissons la salade aux lapins empressés, le roman est plus machiavélique que libertin. Valmont est trop douillet pour se frotter au sadisme. Il partage davantage avec la Marquise le goût de la conquête que celui de la victoire, car elle précède chez eux le désintérêt et la lassitude. Don Juan a fait des émules.
Pour la petite histoire, Choderlos de Laclos échappât de très peu à la guillotine lors de la révolution et mourut général. La chance de la canaille.
Roucoulez mes bons amis devant ce chef d'oeuvre de perfidie.
Commenter  J’apprécie          15025
Subtil ..

Une étude clinique des libertins , du libertinage et du vice comme de la vertu . Une réflexion servie par un texte somptueux et une langue absolument superbe .

Enormément de subtilité dans les nuances du texte qui font de cette prose un sommet dans la profusion des détails et dans l'intensité.
L'époque est puissamment ressentie et son atmosphère rayonne littéralement .
A bien y réfléchir c'est avant tout un essai sur la nature humaine .. le jeux ... la passion ... la ruse et la joute .
A force de simuler la guerre on finit par se la faire .
A force de manipuler et de calculer on déshumanise l'objet de ses attentions et de son affection , alors que l'on s'atteint soi-même dans la même mesure ?
Le libertinage est moins promu et pesé dans ce texte que la nature humaine examinée . Alors que l'innocence et la vertu ne sont pas plus respectable en soit que le vice, car elles apparaissent comme une faiblesse et une quasi inadaptation et finalement comme un obstacle au bonheur , à l'équilibre et à la raison .
Ce que Laclos espérait démontrer à mon humble avis et entre autres , c'est que seule la rigueur et la mesure couplés à la volonté et au discernement conduisent quelque part .
C'est un grand moment de langue et de civilisation française que ce roman.
Une sorte de grand siècle exquis de subtilités , d'exigences et d'ampleur .
Chaque phrase est un délice de rythme , d'intensité et de calcul .
Commenter  J’apprécie          1344
Madame,
Vous m'avez demandé de vous donner mon ressenti d'une récente lecture en trois mots, à savoir Les Liaisons dangereuses, d'un certain Pierre Choderlos de Laclos. Trois mots, c'est beaucoup et peu à la fois. Allons, puisqu'il le faut, Madame, je citerai trois adjectifs : intelligent, audacieux et beau.
Quoi ? Vous voulez que je développe mon propos ? Allons, c'est une délicieuse invitation à aller plus loin, que je ne saurais refuser...
Je vous ferai grâce de l'intrigue puisqu'elle est connue de tous ici sauf des sots peut-être et de ceux qui n'ont pas lu le livre bien sûr.
Qu'un homme dont le métier était dédié aux armes ait su parler de la chose amoureuse de manière si délicieuse et admirable en dit long autant sur l'avenir de nos armées que sur une certaine vision de l'amour.
Ce que j'ai aimé c'est tout d'abord le genre, épistolaire dirons-nous. Cela ne vous aura pas échappé.
C'est sa richesse, c'est un procédé inouï, dont bien des écrivains médiocres devraient s'inspirer. Toute la force suggérée du roman est là, prodigieuse et suggestive, par ellipses successives...
Ici, ce sont des lettres qu'on écrit, qu'on envoie, qu'on lit, parfois qu'on retourne à l'expéditeur ou bien qu'on brûle...
Parfois ces missives sont de véritables sarbacanes qui touchent au coeur.
J'ai aimé l'élégance des mots qui disent avec la même délicatesse « Je t'aime » et « Adieu ».
Il y a ici des mots qui se posent comme de la soie sur la peau.
Des mots peut-être transgressifs par moments puisque l'audace de franchir des frontières inconnues s'invite dans ce paysage épistolaire presque à chaque page...
J'ai lu dans ces lettres un coeur égaré que déjà trop d'amour enivrait, j'ai vu des amours qui épuisaient des forces dans un combat inégal.
J'y ai vu cette sensibilité qui embellit la beauté.
J'y ai vu aussi cette confusion douloureuse entre l'amitié et l'amour et je pourrais vous en parler, Madame, durant des pages et des heures...
« L'amour aurait-il ce tort d'exclure l'amitié ». Il y a en effet, Madame, une amitié qui autorise l'amour et l'inverse aussi.
Cependant, ici, on ne va pas s'en cacher, l'amitié exprimée par certains hommes à l'égard de certaines femmes a bon dos pour permettre d'approcher mieux un coeur innocent à prendre dans sa nasse... Ces lettres ne disent-elles pas en creux le danger qui détournent les rêveries de jeunes filles vertueuses et solitaires ?
Parfois le désir devient une récompense au lieu d'être une consolation. J'ai aimé entendre cela dans ces lettres.
J'ai aimé lire ici les impatiences de l'amour, les vivre dans ces lettres brûlantes comme des braises...
Puisque vous m'invitez à parler des personnages, je ne les citerai pas tous, deux forcément retiennent mon attention : la marquise de Merteuil et le vicomte De Valmont dans cette joute épistolaire incroyable...
Je ne saurais dire pourquoi leur relation forte aura tant reposé sur une sorte de malentendu.
La marquise de Merteuil est selon moi le plus beau personnage de ce livre et donne à voir toute sa féminité, mais aussi ce que l'on imagine moins, sa solitude. Bien plus encore, ses toutes dernières lettres adressées au vicomte De Valmont révèlent un acte féministe foudroyant et un besoin d'amour inconsolable. Elle dispose de son coeur et de son corps comme elle l'entend et l'écrit, transformant la vanité des hommes en de cruelles défaites. En ce sens, ce roman du XVIIIème siècle est d'une exquise modernité.
Valmont a-t-il été une sorte de marionnette dans les mains de la marquise de Merteuil ? Mais ne l'a-t-il pas cherché aussi, bon sang ?
Ainsi je terminerai sur l'intelligence, Madame, puisque vous m'y invitez. Ce livre ne délivre aucune leçon de morale. Il ne faut pas être dupe des mauvaises intentions que l'on peut faire de ce roman, même s'il faut s'attrister du nombre de victimes laissées sur le champ de bataille à la fin de l'histoire. La marquise de Merteuil n'aura pas en définitive le monopole de la cruauté, je vous l'accorde, faut-il ici tout prendre à la lettre ? Pierre Choderlos de Laclos dénonce dans ces jeux de l'amour avec un cynisme débridé l'éducation des femmes dans l'aristocratie de son époque.
Madame, avant de conclure ce billet, je voudrais croire que ce roman ne parle que d'une seule chose et vous l'aurez compris : il s'agit ici d'amour, tout simplement d'amour, mais aussi de la liberté d'agir en tant que femme, pour qui le consentement n'est pas une simple vue de l'esprit.
À force, je me suis demandé quelle détresse avait pu abîmer à ce point le coeur de Mme de Merteuil pour le rendre si méchant...
On nous dit qu'à la fin de sa vie, Pierre Choderlos de Laclos faillit perdre la tête : pas à cause des choses de l'amour mais pour des faits politiques, nous voilà rassurés.
Avec toute ma profonde affection et mes plus sincères respects, chère marquise...
Commenter  J’apprécie          7332
La première lecture de ce roman épistolaire remonte, mais elle a été suivie de bien d'autres, et ce, même si ce livre propose un suspens qui donne forcément du sel à la découverte initiale.

Un très grand livre, une oeuvre superbe et marquante, tant par l'excellence de l'écriture (soyons honnête, la même chose écrit à coup de tweets n'aurait pas le même cachet!), qui n'a rien d'alambiquée, que par la manière dont l'histoire progresse. le choix de l'épistolaire était audacieux mais finalement s'avère payant, car le livre est vif, les lettres permettent une exploration profonde des pensées des personnages, de leurs travers, et nous permettent à nous d'être voyeuristes (ou complices, c'est selon l'humeur!).

Non dénué d'un certain humour, volontiers méchantes et cruelles, ces Liaisons dangereuses sont la représentation de la vie même, et même si elles dépeignent une société qui a beaucoup changé (quoique), elles en conservent un caractère universel qui les rendent étonnamment modernes. Cela sûrement leur a donné cette postérité exceptionnelle pour un livre du XVIIIe siècle, quand tant d'autres sont tombés dans l'oubli (au moins auprès du grand public).

Un très bon livre à lire, et sûrement LE roman épistolaire à lire pour s'essayer au genre. Un incontournable.
Commenter  J’apprécie          690
Honte à moi. Même si je connaissais l'histoire, tellement elle a donné lieu à des adaptations, je n'avais jamais lu Les liaisons dangereuses. Si l'on veut jouer sur les mots, je ne l'ai toujours pas lu, puisqu'il s'agit ici d'une écoute. Et une écoute de plusieurs narrateurs, chacun interprétant un des personnages, ce qui permet de les identifier à la voix, en plus bien sûr de l'intitulé de chaque lettre, très utile dans le cas d'une écoute que l'on est parfois contraint d'arrêter au milieu d'une lettre. J'aurais juste un léger reproche pour la voix de la marquise de Merteuil, non par le ton employé, mais parce que la narratrice a un accent régional, qui au début m'a heurtée, et auquel j'ai fini par m'habituer.
Je craignais d'être parfois un peu perdue, d'avoir parfois du mal à suivre, pour cette écoute, forcément plus fractionnée qu'une lecture, d'un texte datant du XVIIIème siècle. Je peux rassurer ceux qui n'ont toujours pas lu ce chef d'oeuvre, la langue est magnifique, d'une fluidité remarquable, un bonheur déjà à écouter ces mots, la manière dont ils sont agencés, ces formules utilisées pour dire les choses, clairement, mais avec beaucoup de virtuosité. Et plus fort encore, la langue utilisée par ce militaire s'adapte à chaque personnage, et non seulement dans mon cas, le narrateur, mais aussi le style du texte permettait sans aucune difficulté d'identifier l'auteur de chacune des lettres.

Oui, vous avez bien lu, l'auteur de cette merveille de la littérature française était un militaire. Je suis époustouflée de sa capacité à nous décrire des personnages aussi justes, aussi fouillés, et très différents les uns des autres. Comment cet homme, à une époque où la séparation entre hommes et femmes était beaucoup plus forte qu'aujourd'hui, a-t-il pu ainsi pénétrer les mystères de l'âme féminine et en décrire toutes les facettes dans ces différentes femmes, dont l'histoire hélas bien malheureuse nous est contée par ces lettres.

Car c'est l'autre particularité de ce roman et ce qui contribue à l'attrait qu'il a exercé sur moi. C'est un roman épistolaire. Ce procédé permet d'éviter de se perdre en discours inutiles sur les circonstances, les actes des personnages, les détails de la vie de tous les jours de chacun. L'auteur nous permet ainsi pour chacun des protagonistes d'aller à l'essentiel, et de mieux les comprendre, d'aller plus avant dans leur intimité, que si l'on était face à un narrateur unique. Et ces lettres qui s'échangent, dont l'auteur et le destinataire varient à chaque fois, permettent aussi de susciter l'attente, le désir toujours renouvelé d'en savoir plus. J'ai été surprise par mon attachement aux personnages, par l'empathie suscitée en moi, par le désir de savoir comment cela allait se terminer. Plus exactement, puisque la fin m'était connue, de savoir comment l'auteur allait y arriver. Et mon intérêt n'a pas faibli une seule minute durant toute cette écoute.

Alors qu'en est-il de cette histoire et des différents personnages ? Je ne reviendrais pas sur les détails, puisque je pense que la majeure partie d'entre vous les connaissent déjà, et pour ceux qui ne les connaissent pas, je leur laisse la joie de les découvrir par eux-mêmes. Sachez qu'ils sont tous complexes, nuancés, qu'il n'y a pas les bons et les méchants, mais des personnages qui parviennent tous à un moment ou un autre à nous émouvoir, malgré ce qui au départ pouvait paraitre rédhibitoire, exagéré, ainsi la candeur et la naïveté de la jeune Cécile, la dévotion de la présidente de Tourvel, la rigidité de Madame Volanges, sans parler de l'absence de scrupules et la perfidie De Valmont et de la marquise.
Sachez seulement qu'il y est question de libertinage bien sûr, c'est la réputation de ce livre, mais aussi et surtout d'amour. Il y est aussi surtout question de femmes, de femmes à une époque où elles avaient surtout des devoirs des contraintes, et où l'on avait vite fait de les déclarer fautives. Et certaines vont en mourir.
Je crois que ma lettre préférée de ce roman est celle où la marquise de Merteuil explique au vicomte De Valmont, lettre qui lui sera fatale, comment elle a dû procéder, comment elle a dû acquérir la faculté de composer un personnage et des émotions ou au contraire de les dissimuler, pour parvenir à vivre la vie qu'elle désirait, ce qu'un homme pouvait choisir sans aucun risque. La réputation d'une femme était à cette époque une nécessité plus vitale que tout le reste. La marquise de Merteuil est de loin le personnage le plus complexe de ce livre, et malgré toutes ses manigances, tous ses mensonges, je n'ai pu la détester, bien au contraire. Je l'ai admirée pour sa volonté de ne pas se restreindre au carcan imposé aux femmes de son siècle.

Un roman surprenant, tant par son contenu que par son auteur, tant par le fond que par la forme, que j'aurais dû découvrir beaucoup plus tôt. Un roman dont la réputation de chef-d'oeuvre n'est pas usurpée.
Commenter  J’apprécie          6743
Pour moi comme pour beaucoup de lecteurs, le roman De Laclos est le commencement de tout. Commencement de ma passion de lire, d'écrire, de creuser L Histoire... Commencement de ma curiosité littéraire. Commencement de réponse concernant la nature profonde de l'Homme. Commencement de compréhension de la passion amoureuse et du violent sentiment de vengeance...

Cette oeuvre n'est pas une oeuvre ; c'est une Bible.
Comme je regretterai toujours que Mozart soit mort à 35 ans et nous ait privés de tout le génie prématurément parti avec lui et qui aurait pu s'épanouir jusqu'à un âge avancé pour le plus grand bénéfice de la postérité, je regretterai toujours que Laclos n'eût pu être plus prolixe...

Dire ce que "Les Liaisons Dangereuses" représentent pour moi est quasi impossible, c'est comme si l'on me demandait de décrire le bien-être que j'ai connu in utero.

Une seule chose m'est possible d'exprimer : il FAUT le lire dans sa vie !

Relu en août 2021 pour :
Challenge MULTI-DEFIS 2021
Challenge PAVES 2021
Challenge COEUR d'ARTICHAUT 2021
Challenge des 50 objets 2021
Commenter  J’apprécie          642
J'ai redécouvert récemment ce chef-d'oeuvre lu à l'époque où j'étais étudiante grâce à Audible. Quel bonheur ! Grâce à l'interprétation remarquable des acteurs (en particulier Karine Viard lisant les lettres de la marquise de Merteuil et Thibaut de Montalembert lisant celles du vicomte De Valmont), le texte gagne en relief et en profondeur, et m'a frappée par son intelligence, son audace et sa beauté. Je connaissais l'intrigue par coeur ou presque, ayant vu et revu les adaptations qu'en ont faites pour le cinéma Stephen Frears ou Milos Forman. Pourtant, j'ai eu largement l'impression de découvrir Les liaisons dangereuses pour la premières fois.
J'ai été totalement séduite par la beauté de la langue, si pure, si élégante, pas du tout ampoulée, étonnamment moderne si tant est que ce terme ait un sens. Sans doute la fluidité du style est-elle servie par le fait que le roman repose entièrement sur les lettres échangées par les protagonistes de l'histoire. On évite ainsi les longues descriptions, les lourdeurs qu'implique parfois l'intrusion d'un narrateur. Dans un dialogue ou un échange, même s'il est épistolaire, même s'il date du dix-huitième siècle, on fait forcément appel à un langage plus direct, on se perd moins en digressions que dans un roman de facture classique.
J'ai été très frappée de voir si finement dépeint le point de vue féminin qui, du reste, tient la première place dans ce récit. L'auteur parvient de façon surprenante à camper des personnages féminins aussi diamétralement opposés que la marquise de Merteuil et madame de Tourvel. Superficiellement, c'est l'éternel combat du vice contre la vertu, mais intimement, ce sont bien deux personnages vivants et crédibles avec leurs doutes, leurs faiblesses et leurs forces, pas de simples archétypes. La marquise de Merteuil ne se résume pas au monstre de cynisme qu'elle est devenue, elle est avant tout une femme qui revendique les mêmes droits que les hommes; madame de Tourvel n'est pas une simple dévote confite en religion, c'est une femme passionnée et authentique.
Que Choderlos de Laclos, un militaire de carrière dont on ne sait à peu près rien, soit l'auteur d'un tel livre ajoute à son mystère. J'ai lu qu'il aurait été très influencé par J-J Rousseau et par la lecture de la nouvelle Héloïse, également un roman épistolaire, dont on trouve d'ailleurs quelques discrètes allusions dans Les liaisons dangereuses. Il a laissé un traité inachevé à sa mort intitulé « De l'éducation des femmes ». L'éducation des jeunes filles de l'époque, l'ignorance dans laquelle on maintenait les femmes issues de l'aristocratie semblent avoir été au coeur de ses réflexions. Elles le révoltaient pour des raisons évidentes d'élémentaire justice, mais aussi parce qu'elles étaient cause de désordres pour la société tout entière. Et en effet, tout le livre peut se lire comme l'illustration des dégâts effroyables dont l'inégalité entre les sexes est la cause. Car dès lors qu'il n'y a rien de plus essentiel pour une femme bien née que de préserver sa vertu, tandis que rien de comparable n'est exigé d'un homme, que reste-t-il à une femme aspirant aux mêmes droits que les hommes? Dans le cas de la marquise de Merteuil qui veut vivre en libertine mais ne peut en aucun cas risquer de perdre sa réputation car la perdre, c'est tout perdre, il reste la ruse et la dissimulation, et leur corollaire : un cynisme à toute épreuve.
« Si cependant vous m'avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies; ôter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nuire; si (…) ma réputation s'est pourtant conservée pure; n'avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre, j'avais su me créer des moyens inconnus jusqu'à moi ? »
Ainsi à peu près tout ce que vivent ou subissent les personnages a été désiré et voulu par la marquise. Même Valmont, son alter ego, n'est qu'un pantin entre ses mains. Dans ces conditions, tout aurait dû se dérouler conformément aux voeux de la marquise de Merteuil. Mais quelque chose d'imprévisible se glisse dans la mécanique bien huilée qu'elle a mise en oeuvre, et ce quelque chose, c'est l'amour. L'amour, imprévisible et échappant à toute maîtrise, marque véritablement l'intrusion du tragique dans une histoire qui était jusque-là plus badine que tragique. Il fait irruption de manière impromptue et vient se fracasser contre la vanité des personnages. S'il y a une morale dans cette histoire, elle réside peut-être dans la mise en lumière des conséquences dramatiques engendrées par la vanité, celle de la marquise de Merteuil et du vicomte De Valmont en premier lieu. C'est en effet sa vanité qui pousse la marquise à imaginer l'odieux stratagème menant pupille, l'ingénue Cécile Volanges, à se retrouver engrossée par Valmont. Ceci, afin de ridiculiser l'un de ses anciens amants, le comte de Gercourt, qui doit épouser la jeune fille. C'est encore par vanité et en jouant sur celle du vicomte que la marquise obtient de celui-ci qu'il abandonne madame de Tourvel après l'avoir séduite.
« Oui, Vicomte, vous aimiez beaucoup Madame de Tourvel, et même vous l'aimez encore; vous l'aimez comme un fou: mais parce que je m'amusais à vous en faire honte, vous l'avez bravement sacrifiée. Vous en auriez sacrifié mille, plutôt que de souffrir une plaisanterie. Où nous conduit pourtant la vanité ! Le Sage a bien raison, quand il dit qu'elle est l'ennemie du bonheur. »

L'inégalité entre les hommes et les femmes et plus généralement entre les êtres, l'amour et l'humilité qu'il requiert, la vanité et l'inauthenticité, le cynisme, le pouvoir, tous ces thèmes sont toujours aussi actuels puisqu'ils sont profondément humains. Voilà pourquoi la lecture de ce chef-d'oeuvre du dix-huitième siècle reste si passionnante aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          5819




Lecteurs (30419) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Liaisons dangereuses

Durant quel siècle "Les liaisons dangereuses" furent-elles publiées ?

XXème siècle
XIXème siècle
XVIIIème siècle
XVIIème siècle

12 questions
1193 lecteurs ont répondu
Thème : Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de LaclosCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..