J'avais déjà découvert le travail de Xavier dans la série Toxic Boy, et j'avais pu échanger un peu avec lui. Il avait annoncé travailler sur cette BD et je l'ai vu ensuite exposé en vitrine de mon libraire. J'ai été tiraillé entre l'envie de la lire et mon éco-anxiété (ce qui m'a toujours retenu de lire "Un monde sans fin" d'ailleurs). J'ai finalement pris mon courage à deux mains pour l'acheter, arguant que c'était pour enrichir BDthèque. Et alors, qu'en penser ? Que si vous cherchez un remède à l'éco-anxiété, c'est pas ici que vous l'aurez. Mais que ça ne risque pas de l'aggraver non plus. Disons que ça aide. Un peu.
Le bouquin est dense, plus de 300 pages, mais salutaire. En l'état, c'est une synthèse (et non un résumé) du rapport du GIEC avec commentaires pour en comprendre la portée et le sens. Et je trouve ça génial.
Le GIEC, on en entend souvent parler (en bien ou en mal) sans trop savoir ce que c'est, ce qu'il font, pourquoi et comment. Et son existence tourne autour d'une seule et unique chose : le changement climatique. Pour l'étudier correctement, le GIEC produit régulièrement des rapports, le dernier en date étant celui de 2021 et a fait quelque peu de bruit. Malheureusement pas assez ...
C'est pour cela que ce genre de BD existe : essayer de synthétiser l'essentiel dans une publication destinée au grand public. Parce que le rapport complet fait un nombre de pages colossales et que son résumé fait 87 pages (35 pour celui à destination des décideurs). Il parait assez fou de le lire alors qu'on est néophyte du genre et au vu de la spécialisation de ce qui y est décrit. S'atteler à la lourde tâche de le vulgariser est à la fois louable et impressionnant ! Mais
Xavier Henrion s'est adjoint le concours d'une spécialiste, et tant mieux !
En effet, la BD est une série d'échanges avec des spécialistes du climat, chacun étant spécialiste d'un aspect spécifique. Les échanges permettent de retracer les grandes lignes du rapport du GIEC, qui est découpé en trois grandes parties. Et si le résumé surtout connu est "C'est grave la merde", il y a tout un pan important occulté : celui de l'action et des stratégies à adopter. Une note finale qui évite à la BD de plomber l'ambiance, même si elle alourdit bien le ton dès le début.
Une des originalités de la BD, outre ses échanges en tout sens incroyablement riches, est d'avoir présenté le récit entre Iris et Xavier. Ce dernier ne connait rien au GIEC tandis qu'elle travaille dans le milieu. le pauvre Xavier est alors trimballé de rencontres en rencontres pour se prendre de plein fouet la réalité dans la gueule. Réalité qui fait mal et conduit à la dépression, ce que j'ai personnellement expérimenté. Et le moment où il regarde par la fenêtre en pensant, à chaque avion qui passe, que c'est foutu, je peux totalement le comprendre. C'est là où la BD fait mouche : elle nous met aussi face à ce que ce rapport provoque. Et elle rappelle que la peur est un inhibiteur d'action, nous empêchant d'agir alors qu'il le faut.
D'ailleurs la BD rappelle à la fin que si le changement est 100 % d'origine humaine, cela signifie que nous sommes 100? la solution. Un rappel du rôle crucial que nous jouons tous.
Niveau dessin, j'ai retrouvé des tics et expressions que l'auteur avait utilisé dans Toxic Boy mais il s'essaye avec un très bon résultat à la vulgarisation des graphiques et courbes, aux explications du fonctionnement ou encore à la métaphore. C'est dynamique et aéré dans la mise en page, même si la lecture est dense (et éprouvante). Ne vous y lancez pas pour vous détendre, il faut s'accrocher pour s'y plonger complètement.
Donc voila, c'est pas la BD qui vous rassurera, mais en tout cas elle fait tout pour ne pas avoir le tableau le plus sombre possible. Je pense qu'elle est essentielle à tout CDI et à toute bibliothèque pour que tout à chacun comprenne l'importance de ce rapport du GIEC et que l'écologie sans lutte des classes, c'est du jardinage. Faut qu'on se bouge comme jamais auparavant, plus vite qu'on ne l'imagine, et tous ensemble. Une BD qui incite à agir et c'est exactement ce dont on a besoin.