On ne meurt que deux fois

Ce qui se passait dans cette maison où régnait l’opulence avait manifestement mis ses résidents privilégiés à rude épreuve. Une épouse qui semblait exténuée. Un mari qui avait commencé la journée en prétendant être un cadavre et qui avait fini par en devenir un…

Dans son sommeil. Vous vous êtes discrètement introduite dans sa chambre et vous lui avez planté un couteau dans le dos. Parce que le rendre fou ne vous soulageait pas, n’est-ce pas, Paulette ? Quoi que vous fassiez, il était aimé. Il avait tout ce dont il vous avait privée. Et cela vous était devenu intolérable.

Rédiger un faux certificat de décès, abandonner une enfant : autant de méfaits certainement passibles de poursuites pénales. Comme ils avaient été commis à l’étranger, ils ne relevaient cependant pas de sa juridiction.

En temps normal, le moment serait venu d’arrêter leur suspecte. Mais les affaires les plus étranges conduisent apparemment à des dénouements tout aussi insolites, si bien qu’ils se retrouvaient à regarder Mme LaToile consoler la femme qui avait assassiné son mari. Pendant que celle-ci pleurait toutes les larmes de son corps.

Elle n’arrêtait pas de l’aimer. Et de lui pardonner ! Il a été jusqu’à essayer de l’étrangler et elle lui a quand même pardonné ! Comment avez-vous pu, comment pouvez-vous… C’était un être malfaisant ! Il m’avait tuée.

C’était un jeu d’enfant pour vous : tout ce dont il se servait vous passait entre les mains. Et vous connaissiez mieux que personne le syndrome de Cotard. Premier symptôme : perte de contact avec le monde. Alors vous baissez les lumières, vous remplacez ses repas par des portions insipides, vous changez son savon et ses produits d’hygiène.

Je n’avais aucun souvenir de lui… j’ignorais tout ce qu’il m’avait fait. Jusqu’à aujourd’hui, quand je l’ai entendu discuter avec Mme LaToile dans le salon. J’ai commencé à comprendre. Et à voir clairement tout ce qui devait être fait. »
Autrement dit, le docteur était venu s’ajouter à la liste des personnes à abattre.

C’est difficile de refaire surface quand on a été… un légume. Les muscles sont atrophiés. Il y a des retards de développement. J’ai passé des années en thérapie. Physique, mentale. Tout le monde m’appelait Paulette ; je suis devenue Paulette.

« Je me suis réveillée seule. Sous un nom qui n’était pas le mien. Dans un pays qui n’était pas le mien. Où tout le monde parlait une langue qui n’était pas la mienne. Il m’a fallu de nombreux mois pour comprendre ce qui avait pu se passer. Et quand j’y suis arrivée… Ma fatigue s’est envolée. Le monde n’était plus gris, il avait une couleur. Le rouge. Un rouge sans mélange, couleur de vengeance.

Avoir rédigé un faux certificat de décès pour une adolescente de quinze ans ou abandonner cette même jeune fille encore vivante à Bruxelles ? Car elle ne pouvait pas rester à la clinique. Cela aurait suscité trop de questions. Vous lui avez donc fait établir des papiers sous un faux nom, comme à une malheureuse enfant perdue, sans identité ni famille, puis vous avez fait admettre ce soi-disant “cadavre en sursis” dans un hôpital. Et vous n’avez plus jamais regardé en arrière. »