Le titre ouvertement provocateur de
Pauline Harmange est à dépasser pour pouvoir pleinement en intégrer le contenu.
La misandrie que décrit en fait l'autrice se dirige contre, et je cite, "les hommes cisgenres socialisés comme tels, jouissant de leurs privilèges sans les remettre en question". Et ils représentent une majorité dans leur genre, et ça, ce n'est pas tellement à discuter, c'est un fait sociologique.
Aucun appel à la guerre civile ou au meurtre massif, loin s'en faut, d'une catégorie de la population. Juste un appel à la remise en question des privilèges de chacun, pour une société plus juste et plus apaisée.
Pauline Harmange déteste les hommes qui ont accepté ce que cela signifie d'être un homme dans une culture ancestrale: blindé de privilèges, de pouvoir, méprisant la parole des femmes que parfois même inconsciemment, ils considèrent comme traditionnellement intellectuellement inférieures à eux, considérant comme normales ou comme un atout les difficultés qu'elles rencontrent quotidiennement et auxquelles eux ne sont pas directement confrontés.
Pourquoi ce livre fera forcément du bien aux femmes et aux hommes et à toutes les personnes qui le liront ?
1. Parce qu'il donne des clés aux hommes pour comprendre leurs privilèges, comprendre comment dans notre société aux avancées pourtant nombreuses pour les femmes, elles souffrent encore terriblement, parfois mortellement, de leur différence de statut. N'importe quel homme curieux et avec une envie sincère de penser la société dans une optique d'égalité sera reconnaissant, je crois, de voir noir sur blanc sur quels points il y a encore du boulot. de vraies billes sont fournies pour les personnes qui veulent faire changer les choses pour le bien de tou•te•s.
2. Elle met au clair le concept de misandrie en rappelant que l'impact statistique de la misandrie est ridicule face à la violence de l'impact de la misogynie bien plus répandue que la misandrie.
3. le but de ce livre n'est pas de convaincre les femmes que les hommes sont des êtres répugnants ni de convaincre les hommes qu'ils le sont. Il est de poser avec beaucoup d'intelligence et de chiffres d'études la systémisation de la misogynie et les conséquences dans la vie quotidienne des femmes et des hommes. Je continue à aimer infiniment les hommes que j'aime tout en comprenant qu'ils participent chacun à leur manière au patriarcat, et qu'il leur suffirait, -j'ai la chance de ne pas douter de l'intelligence et de la curiosité des hommes que j'aime- de lire deux-trois trucs écrits par des féministes du type de
Pauline Harmange pour pouvoir petit à petit s'en détacher, pour leur bien et le nôtre. Mais je continue à me méfier légitimement des hommes que je ne connais pas. Et ce n'est pas ma faute, c'est même ce que mon père, mes frères m'ont appris à faire car les hommes se méfient autant des hommes pour leurs filles, leurs compagnes et leurs soeurs qu'elles-même. Et tout le monde sait pourquoi.
4. Il explique aux hommes ET AUX FEMMES la nécessité des amitiés entre femmes, de la solidarité , de l'écoute, de l'entraide et du soutien qu'en tant qu'opprimées on ne peut se fournir que les unes aux autres. Il rappelle l'importance du lien bienveillant entre femmes quand nous avons été élevées en rivales. Ce lien ne saurait être menaçant pour celui qui ne craint pas la paix et l'abolition d'une domination quelconque d'une partie de la population sur une autre. Il ouvre le champ des possibles plutôt qu'il les ferme.
5. Lire une femme en colère, ça soulage et ça apaise. Ça rappelle qu'on est tous et toutes des humains avec des émotions et quand on est en souffrance, on est toutes et tous légitimes à l'exprimer et à la rejeter.
Pour moi ce livre doit être lu par les femmes et les hommes car il nous apprend à mieux nous comprendre, mieux nous aimer, mieux nous soutenir, afin que la misandrie (uniquement induite par la misogynie) n'ait plus de raison d'être et ce pour le bien de toutes et de tous. C'est un voeu pieux d'amour et d'égalité entre les sexes et les genres, une ode à la sororité et à l'intelligence, à la curiosité et à la remise en question.