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C'était en 2007 que débarquait un certain Jean-Philippe Jaworski avec le superbe Janua Vera, un recueil de nouvelles qui allait (déjà) faire grand bruit. Suivi deux ans plus tard par le pavé Gagner la Guerre, l'oeuvre du français allait petit à petit s'imposer dans le paysage imaginaire francophone.
Après un détour dans un autre univers plus celtique avec Les Rois du Monde, Jean-Philippe Jaworski revient enfin au Vieux Royaume avec le Chevalier aux épines, un roman colossal séparé en trois parties pour l'occasion. Avec ce premier volume intitulé le Tournoi des Preux, l'écrivain français nous refait le coup de Gagner la Guerre en reprenant l'un des personnages de Janua Vera, à savoir le chevalier Ædan entrevu dans la nouvelle « Au Service des Dames ».
Situant son action deux ans après les évènements de Gagner la Guerre, le Chevalier aux épines change tout et rien à la fois à la formule Jaworski…pour le plus grand bonheur de ses lecteurs !

Gagner la joute !
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il va nous falloir causer un peu de ce qu'il se passe dans le Chevalier aux épines. Et cela n'a rien d'une mince affaire puisque Jean-Philippe Jaworski procède de la même façon qu'un George R.R. Martin ou qu'un Glen Cook en nous projetant directement au sein de ses royaumes et de ses lignées royales avec profusion de noms, de lieux et de faits historiques. Mais n'ayez crainte, la maestria narrative coutumière du français opère bel et bien pour nous maintenir la tête hors de l'eau. Et une fois que vous avez appris à nager, c'est un vrai bonheur.
Nous sommes cette fois entre le Duché de Bromaël et le Comté de Kimmarc respectivement dirigé par le Duc Ganelon et le Comte Angusel.
Si le premier est le seigneur du second, son vassal n'est pour autant pas très heureux de se plier à la volonté du Duc.
Mais tout cela n'est guère la préoccupation principale du récit au départ puisque celui-ci débute avec des manants qui assistent à un affrontement imprévu entre deux chevaliers : Ædan de Vaumacel et Yvorin de Quéant. L'incompréhension est totale car les gens du Chanevier, le petit village où commence l'action, n'ont aucune querelle avec ceux de la noblesse.
C'est même le contraire puisque le sire Rainfroi, suzerain de ces terres, a offert son concours pour rechercher un jeune garçon du village fraîchement disparu.
Et c'est cette affaire de disparition, dont les gens de Chanevier ne sont pas les seuls à souffrir, qui intéressait la veille sire Ædan !
Ce qu'ils ne savent pas, c'est que le preux Ædan a beaucoup à se faire pardonner. Accusé par le duc Ganelon et sa cour d'avoir déshonoré la duchesse Audéarde en allant bien au-delà de la courtoisie due à son rang. Répudiée et emprisonnée, Audéarde est vite remplacée par Clarissima, fille du souverain de Ciudalia, et l'affaire devient hors de contrôle quand les fils du duc Ganelon, Blancandin et Méléagant, prennent le parti de leur mère trahie. Mais si une chose met tout le monde d'accord, c'est la couardise du sire Ædan de Vaumacel qui n'est même pas venu défendre la duchesse lors de son procès alors qu'il en était l'un des principaux acteurs.
Depuis, tous les preux cherchent à le défier et à le faire prisonnier… ce que tente Yvorin avant de vider les étriers et de comprendre que d'autres raisons expliquent l'absence remarquée d'Ædan.
Il propose alors au chevalier aux épines de trouver le pardon en venant défendre l'honneur de la duchesse lors d'un tournoi à Lyndinas où la fine fleur des chevaliers de Bromaël et du Kimmarc vont s'affronter dans le fracas des armes. Seulement voilà, Ædan doit avant cela résoudre les mystérieuses disparitions d'enfants qui frappent les campagnes du duché et qui pourraient bien à voir avec ces affaires de dames…
Une fois tout cette mise en place terminée, vous comprendrez aisément que Jean-Philippe Jaworski n'a rien perdu de sa manie du détail et de son souci d'univers. le Chevalier aux épines se veut autant fantasy que pinailleur, d'une précision diabolique aux entournures pour composer un ensemble de royaumes plus vrais que nature qui constituent ainsi la toile de fond de l'intrigue.
Une intrigue qui, pourtant, semblent n'avoir rien d'unique de prime abord mais le français a un plan, comme toujours, et les fils de la tapisserie se resserrent lentement sur le lecteur…

Une chevalerie de façade
Pour cette seconde incursion romanesque dans le Vieux Royaume, il semble que Jean-Philippe Jaworski souhaite prendre le contre-pied total de son premier roman, Gagner la Guerre. Exit la Renaissance Italienne et les tribulations de l'assassin Benvenuto Gesufal, nous voici dans une ambiance chevaleresque et courtoise où de nobles héros en armure en viennent aux mains pour l'honneur d'une dame. L'écriture riche et particulièrement généreuse de Jean-Philippe Jaworski pioche dans les récits chevaleresques d'antan, lorgne vers le roman courtois et la matière de Bretagne.
Bref, rien à voir.
… Vraiment ?
Sous ce vernis courtois et particulièrement élégant, où l'on cause d'honneur toutes les deux tirades et où l'on respectent des codes pompeux, Jean-Philippe Jaworski vient insidieusement changer la donne.
Petit à petit, les machinations politiques se mettent en place, les coups bas et les traitrises pleuvent, et la violence, toute drapée de cotte de mailles et de rubans de damoiselles, revient à la charge sans ménager personne.
Le Chevalier aux épines devient vite une image en miroir des machinations de Gagner la Guerre, habillé avec force élégance et orné de bien jolis mots pour donner aux affrontements et aux entourloupes un aspect plus noble et présentable.
Seulement voilà, les hommes restent des hommes.
Par un souci maniaque du détail et un sens du rythme qui n'est plus à démontrer, Jean-Philippe Jaworski installe ses personnages, et notamment Ædan de Vaumachel et Yvorin de Quéant, pour mettre à jour les rouages de la guerre qui s'annonce entre les deux partis. C'est également l'occasion de donner une histoire à cette partie du Vieux Royaume, entre guerres fratricides et révolte sans compter les barbares aux portes du comté de Kimmarc. La profusion de noms seigneuriaux devient petit à petit familière et tout cela culmine dans le fameux tournoi de Lyndinas où Jean-Philippe Jaworski se lance dans la bataille à corps perdu.
Morceau de bravoure littéraire complet, les deux affrontements successifs du roman montre la capacité quasi-surnaturelle de l'auteur français à basculer de la description d'univers et de la construction d'intrigues politiques vers l'épique et le guerrier en quelques pages. le résultat laisse le lecteur cramponner aux pages du roman tout en gardant une fluidité et une lisibilité parfaite de l'action alors que le chaos règne le plus souvent.
Épique mais aussi intime et contemplatif, le Chevalier aux épines alterne les points de vues pour mieux capter la pluralité de ce monde médiéval bien moins courtois que vous ne le penseriez…surtout si vous n'êtes qu'un vilain à la merci des gens d'armes !

Et une touche de magie…
Mais au-delà des machinations ducales et des lances brisées sur le pas de Lyndinas, Jaworski n'en oublie pas la part fantasy de son nouveau roman.
Une fantasy toujours douce et discrète qui passe par plusieurs sous-intrigues bien mystérieuses et qui abordent chacune des peuples/factions aux marges tels que les Elfes ou les dévots du Desséché.
De façon surprenante et audacieuse, c'est un chat, Mirabilis, qui nous guidera la plupart du temps dans les arcanes magiques, se baladant dans la trame du temps à coups de pattes et cavalcades pour débusquer les fils magiques qui se tendent presque invisibles pour le commun des mortels.
À ce stade, Jean-Philippe Jaworski multiplie les mystères : le retour en force d'une faction religieuse sinistre, l'identité du véritable narrateur de l'histoire et ses liens avec une certaine Dame des futaies bleues, un trio de chevaliers elfiques affublés de noms d'oiseaux sans parler d'une certaine Lissandière, magicienne particulièrement proche d'Ædan et d'un autre mystérieux chevalier du Duc. Finement, subtilement, habilement, Jean-Philippe Jaworski rajoute une couche souterraine à son histoire principale, comme si d'autres puissants se tiraient la bourre derrière cette façade mortelle et artificielle.
Ce qui est certain, c'est que l'auteur français n'a rien perdu de sa force évocatrice et de sa manière ténue de disséminer les éléments fantastiques dans un récit qui pourrait autrement paraître fortement réaliste (voire historique si l'on se prend suffisament au jeu).
Enfin, et cela reste chose appréciable, Jean-Philippe Jaworski montre qu'il n'est nullement nécessaire d'être au premier plan pour influencer l'histoire. Non seulement par le fait des éléments fantastiques suscitées mais aussi parce que la quasi-totalité des personnages du Chevalier aux épines ont beau être des hommes, ce sont bel et bien les femmes, bien plus intelligentes et réfléchies, qui provoquent les grands évènements du roman. En coulisses, la gente féminine subit la cruauté et la bêtise de ces hommes qui se disputent leur honneur et leur couche… bien qu'on puisse s'en servir mais cela reste un jeu dangereux qui mène droit au couvent et à l'infâmie. le caprice des hommes, surtout des puissants, restitue une image d'époque où la femme est un prétexte commode à la guerre.
Le jeu des trônes n'a pas encore véritablement commencé lorsque se conclut ce premier volume mais dans le chaos des armes, on sent poindre la trahison et la perfidie, laissant notre bon Ædan dans une posture pour le moins précaire. Nul doute que Jean-Philippe Jaworski, après avoir prouvé une nouvelle fois l'étendue de son talent de jouteur et de poète, nous réserve pas mal de surprises !

Formidable retour dans le Vieux Royaume, le Chevalier aux Épines prend un abord complètement différent pour un résultat au moins aussi fantastique que son illustre prédécesseur. Jean-Philippe Jaworski domine la fantasy francophone de la tête et des épaules, imposant une écriture extraordinaire et des personnages captivants pour servir un monde d'une richesse toujours plus grande. Voilà ce que l'on appelle un retour gagnant !
Lien : https://justaword.fr/le-chev..
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En 2007 paraissait « Janua Vera », recueil de nouvelles salué tant par la critique que le public et introduisant pour la première fois l'univers du Vieux Royaume. Deux ans plus tard, « Gagner la guerre » rencontrait un succès remarquable, propulsant Jean-Philippe Jaworski au rang des plumes les plus populaires et les plus talentueuses de l'imaginaire français. Après une série totalement différente consacrée cette fois aux Celtes de l'âge du fer (« Rois du monde ») et ayant rencontré quelques déboires éditoriaux, l'auteur revient en ce début d'année à son univers de prédilection. de la même manière que « Gagner la guerre » poursuivait l'intrigue mise en place dans « Mauvaise donne » en reprenant le personnage de Benvenuto, « Le chevalier aux épines » se veut la suite logique de la nouvelle « Le service de ces dames ». On y retrouve donc pour protagoniste Ædan de Vaumacel dont la réputation dans le Vieux Royaume a considérablement pâti de son absence lors du procès d'Audéarde de Bromael où il était attendu de lui qu'il défende l'honneur de la duchesse et réfute les accusations d'adultère les concernant tous deux. La répudiation et l'emprisonnement de la noble dame, et son remplacement par une nouvelle épouse venue de Ciudalia, sont d'ailleurs loin d'être passés inaperçus, la duchesse pouvant compter sur le soutien d'un grand nombre de partisans, à commencer par ses deux fils. C'est justement l'un d'eux, le plus jeune, qui, après avoir quitté brusquement l'ordre religieux qu'il servait afin de venir au secours de sa mère, croisera par hasard la route du chevalier aux épines. Ce dernier, navré de n'avoir pu se présenter au procès mais désireux de restaurer l'honneur de la duchesse, accepte alors de se joindre au parti du fils du duc lors d'un tournoi déterminant réunissant la fine fleur de la chevalerie du royaume. Alors que le duc aimerait laisser cette histoire de répudiation derrière lui afin de réunir ses vassaux en vue d'une attaque de grande ampleur contre les Ouroumans qui menace ses frontières, d'autres sont bien décidés à laver l'affront fait à Audéarde, quitte à précipiter le royaume dans la guerre civile.

Du côté de l'histoire en elle-même, on retrouve les mêmes qualités que dans « Gagner la guerre », avec notamment un soin particulier accordé aux intrigues de cour et des personnages machiavéliques qui multiplient coups bas et coups de théâtre. On pense beaucoup aux oeuvres de G. R. R. Martin et Maurice Druon dans la mesure où le récit se focalise avant tout sur les relations entretenues entre les grands de ce monde et sur les conséquences que leurs querelles peuvent avoir sur l'ensemble du royaume. Jeux d'alliances, trahisons, ruses, leurres, rancunes anciennes… : on retrouve les ficelles narratives classiquement employées dans ce type de récit mais il faut admettre que Jean-Philippe Jaworski le fait ici avec beaucoup d'astuce et d'élégance. Tout ce qui concerne la guerre civile en préparation et le jeu des deux partis pour attiser ou au contraire apaiser les tensions est donc parfaitement réussi. Toutefois, le roman comprend également d'autres trames narratives qui, elles, sont plus brouillonnes. le principal enjeu du récit (le tournoi et la contestation de la répudiation de la duchesse) met par exemple du temps à être exposé, les premiers chapitres étant consacré à une sous-intrigue mettant en scène le chevalier de Vaumacel poursuivant de mystérieux voleurs d'enfants. Loin d'être inintéressante, cette enquête nous permet de quitter brièvement les châteaux et belles demeures pour plonger dans le quotidien des classes laborieuses, la plupart du temps totalement invisibilisées. Seulement ces investigations occupent dans les premiers temps une place prépondérante, laissant présager qu'il puisse s'agir de l'intrigue principale. La rencontre entre Vaumacel et Blancandin finit par nous aiguiller sur le véritable enjeu mais la confusion née du flou entretenu lors des premiers chapitres persiste encore quelque temps, celle-ci étant d'autant plus renforcée que les recherches du chevalier aux épines sont brusquement laissées de côté avant que l'auteur n'y revienne finalement de façon très expéditive.

Je suis également un peu plus circonspecte concernant d'autres aspects de l'histoire, notamment ceux mettant en scène du surnaturel. En parallèle aux tractations et machinations ourdies par le parti du duc ou de la duchesse, l'auteur glisse de temps à autre des références à différentes formes de magie pratiquées dans le Vieux Royaume, qu'elles aient à voir avec le culte du Desséché, et se rapproche alors davantage de la nécromancie, ou qu'elles concernent des sortilèges plus « classiques » et, semble-t-il, communément admis par tous. Certains personnages énigmatiques naviguent également dans la trame du récit sans que l'on puisse pour le moment véritablement cerner leurs motivations ni même parfois leur identité. C'est le cas par exemple du narrateur dont on comprend qu'il s'agit d'une sorte de divinité et qui, de temps à autre, prend du recul sur le récit qu'il est en train de narrer pour nous livrer alors de curieux détails sur sa situation ou celle d'entités visiblement similaires à lui. Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls êtres non humains qui arpentent le Vieux Royaume puisqu'on rencontre à nouveau des Elfes, dont certains déjà mis en scène dans « Gagner la guerre » ou « Janua Vera », oeuvres envers lesquelles l'auteur se fend à plusieurs reprises de discrets clins d'oeil. Bien que toutes ces sous-intrigues ne manquent pas d'attrait, leur juxtaposition porte parfois préjudice au roman que l'on ne peut s'empêcher de trouver par moment légèrement brouillon. le changement multiple de points de vue contribue parfois à renforcer cette impression, certains personnages se retrouvant soudainement mis sur le devant de la scène sans qu'on en comprenne immédiatement les raisons (les passages narrés du point de vue d'un chat – certes d'un genre un peu particulier – sont notamment un peu déroutants). L'auteur finit toutefois toujours par retomber sur ses pattes et c'est avec satisfaction que l'on voit finalement la plupart des pièces du puzzle s'emboîter.

Là où le roman se distingue véritablement du reste de la production littéraire actuelle, c'est en ce qui concerne le style. Non pas que certains auteurs ne prennent pas garde à soigner leur plume, mais dans le cas de Jean-Philippe Jaworski, on est tout de même un cran au-dessus en terme d'attention portée au caractère littéraire de son oeuvre. « Le chevalier aux épines » est en effet largement inspiré des romans courtois qui fleurirent en France au XIe et XIIe siècle, or ce genre possède un certain nombre de codes et de règles que l'auteur tentent ici de s'approprier. le registre de langue utilisé est, par conséquent, particulièrement soutenu, ce qui peut parfois rendre le texte un peu ardu mais aussi remarquablement beau à d'autres moments. On le savait depuis « Janua Vera », Jean-Philippe Jaworski possède une très belle plume et n'hésite pas à multiplier discrètement les jeux littéraires au sein de ses oeuvres. On trouve ainsi dans le roman deux fabliaux écrits par l'auteur et reprenant tous les codes de ces petits récits médiévaux écrits en vers. Au-delà du plaisir pris par le lecteur de se confronter à des historiettes aussi joliment tournées, ce type de passage a surtout pour conséquence donner davantage de profondeur à cet univers du Vieux Royaume dont le passé, la culture et la littérature ne nous semblent ainsi qu'esquissés. La chevalerie se situant au coeur des romans courtois, l'auteur a également pris grand soin de se documenter sur tous les aspects du sujet afin de se montrer le plus précis possible dès lors que sont évoqués l'équipement des chevaliers ou encore leurs techniques d'affrontement. le roman fourmille par conséquent de termes techniques ce qui peut parfois alourdir les descriptions mais a pour mérite de renforcer l'immersion. le tournoi mis en scène ici et s'étalant sur près d'une centaine de pages est très impressionnant, peut-être moins épique que ceux du « Bâtard de Kosigan » ou de « L'épée lige » mais plus documenté et donc plus réalise. L'intégralité du texte ne repose cependant pas sur le même registre de langue, notre héros étant amené à côtoyer diverses personnalités aux modes d'expressions radicalement différents, mélange d'argot et de termes familiers pour les rançonneurs rencontrés en route, ou au contraire paroles musicales et solennelles dès lors qu'il est question des elfes.

Et les personnages dans tout cela ? Autant dire qu'avec ces preux chevaliers avides de plaire aux dames et respectant un code d'honneur rigide, on est très loin du Benvenuto, le mercenaire gouailleur et roué de « Gagner la guerre ». Vaumacel est un héros ambivalent sur lequel l'auteur entretient constamment le flou, le rendant par conséquent difficile à cerner. On connaît peu de choses de son passé si ce n'est de vagues commentaires évasifs d'anciennes connaissances, quant à son caractère, la discipline stricte qu'il semble s'appliquer ainsi que son côté un peu guindé permettent rarement de s'en faire une véritable idée. le jeune chevalier désargenté Yvorin, coincé entre sa parole et sa vassalité, est plus attachant car plus transparent et moins prompt à juguler ses émotions. Il en va de même de Blancandin, le fils du duc, dont le charisme et le respect qu'il parvient à imposer à ses hommes nous le rendent vite sympathique. Et les femmes ? Elles sont bien là, toutes de nobles naissance, qu'il s'agisse de l'épouse répudiée Audéarde, de sa belle-fille Azalaïs ou encore de la redoutable duchesse de Bregor. Si leur rôle ne se limite pas toujours à celui qui est le leur dans les romans courtois (même si c'est le cas par exemple d'Heluise, la dame pour laquelle Yvorin se meurt d'amour), on ne peut pas pour autant dire qu'elles occupent un rôle majeur dans l'intrigue. Certes, c'est le sort de la duchesse qui est la cause de tous ces bouleversements, et certes, cette dernière manigance pour renforcer son parti au dépend de celui de son ancien époux, néanmoins leurs marges de manoeuvre restent très limitées, celles-ci se réduisant à utiliser de braves chevaliers éperdus d'amour pour régler leurs comptes à leur place. Leurs profils ne sont également pas assez variés, les personnages oscillant entre la belle et jeune ingénue ou la belle et redoutable manipulatrice. Seule la religieuse mise en scène dans la dernière partie du roman rompt quelque peu avec ce schéma.

Premier tome de ce qui semblerait être une trilogie (en espérant qu'elle ne subira pas des mêmes déboires éditoriaux que « Rois du monde »), « Le Chevalier aux épines » est un roman exigeant et loin d'être exempt de défauts mais néanmoins remarquable par bien des aspects. le soin apporté à la forme, d'abord, est impressionnant tant l'auteur a tenté de coller au plus près aux codes du roman courtois dont il s'inspire. L'intrigue, ensuite, est palpitante, et ce dépit de quelques digressions ou longueurs, étoffant encore un peu plus l'univers du Vieux Royaume et mettant en scène son lent basculement dans la guerre civile. le deuxième volume (« Le conte de l'assassin ») est d'ores et déjà annoncé pour l'été 2023 et sa suite pour début 2024. Espérons que l'éditeur ne nous fasse pas une fausse joie car j'ai hâte de découvrir la suite.
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Je suis en léger embarras.
Moi qui attendais avec fièvre le retour du Vieux Royaume, je suis obligé de dire, et croyez-bien que ça me pose un sérieux cas de conscience, que je ne suis pas complètement conquis par ce Tournoi des preux.
Pourquoi un cas de conscience ?
Parce que ça reste du Jaworski : excellemment bien écrit, avec un lexique d'orfèvre, de la poésie, de l'épique. L'hommage au roman de chevalerie est puissant, et la reconstitution d'un tournoi de chevalerie tel qu'il se faisait vraiment au moyen-âge la plupart du temps (c'est-à-dire pas sous forme de joutes à un contre un dans une lice, comme le cinéma nous l'a trop souvent enseigné) est criante de vérité. le gars a dû se farcir du Georges Duby et du Legoff plutôt deux fois qu'une, ce qui fait qu'à part les rares allusions à des "enchantements", ce n'est pour ainsi dire un roman de fantasy que parce que l'auteur n'a pas voulu s'embarrasser de références historiques, mais pour un peu, le Duc de Bromael aurait pu être le Duc de Bourgogne et le comte de Kimmarc celui de Nevers (tout comme dans ce roman, les deux étaient voisins, l'un étant vassal de l'autre, et ils ne pouvaient pas se saquer).
Dès le début, je suis rentré là-dedans comme dans du beurre et dès les premières scènes, j'ai crié au génie... Puis une sorte de train train s'est installé, parfois rehaussé de scènes formidables, mais toutefois, j'ai trouvé que si ses descriptions étaient bien souvent magnifiques, il finissait pas en faire trop, parfois pour pas grand-chose. L'impression de lourdeur s'est aggravée avec l'arrivée incessante de nouveaux personnages, et cette lourdeur était proportionnelle au poids de leur armure car il s'agissait très souvent de chevaliers avec des noms à coucher dehors, pas toujours bien différenciés en termes de tempérament (il faut dire que ce n'est pas facile quand ils font tous le même métier), de sorte qu'il est devenu bien difficile de les différencier et de se souvenir de toutes leurs petites affaires familiales, amoureuses, successorales, etc.
L'intrigue est à la fois complexe et très bien pensée, sans doute, et là encore on voit que l'auteur a bossé, car j'y ai retrouvé nombre de conflits familiaux et de vassalité lus dans diverses chroniques médiévales, mais toutes ces quêtes entrecroisées sont difficiles à suivre et il faut s'accrocher bien plus que dans Gagner la guerre, d'autant que Jaworski est pour le moment le seul à savoir où il va, et que certaines scènes, qui prendront sans doute du sens dans les tomes à venir, apparaissent pour le moment comme des digressions, tant l'auteur ménage son mystère.
Heureusement, la courbe générale remonte vers la fin du livre, avec l'arrivée du tournoi proprement dit, fort bien décrit, à un moment du livre où on commence enfin à se familiariser avec les très nombreux personnages principaux et leurs motivations diverses et variées.
Le cliffhanger final est cruel pour le personnage comme pour le lecteur, et aurait probablement valu une pluie d'oeufs pourris à Jaworski s'il n'y avait heureusement la perspective de lire la suite dans quatre mois.
En bref, même si j'ai bien compris que c'était le début d'une trilogie et qu'il fallait poser des jalons et mettre le kriegspiel en place pour la suite, le ventre du milieu est resté un peu trop mou et indigeste à mon goût.
Mais quand même, pfiou, quel talent !
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Oyez, oyez , Gentes Dames et Nobles Damoiseau, je me fais le héraut d'une grande nouvelle qui ravira les amateurs de la plume de Jean-Philippe Jaworski.

En effet, en janvier 2023, le célèbre auteur de fantasy française repose ses valises au Vieux Royaume pour nous entraîner dans une nouvelle aventure épique portée par votre serviteur du Service des dames et où un illustre spadassin de votre connaissance pourrait y faire quelques apparitions.

Après avoir fait faux bond à la duchesse Audéarde de Bromael lors de son procès, le chevalier Ædan de Vaumacel semble bien décidé, un an après les faits, à vouloir restaurer son honneur et celui de la dame. Or, cela tombe bien car un tournoi est organisé par les fils de la duchesse déchue afin de confronter les partisans du duc de Bromael, alors notre célèbre chevalier va donc pouvoir y défendre les couleurs d'Audéarde. Seulement, il semble encore une fois accaparé par une affaire des plus pressantes, la disparition de quelques enfants de manants. Toutes à ses préoccupations, arrivera-t-il à temps pour honorer ses joutes ? D'autant que l'instant n'est pas tellement à la liesse avec des esprits qui s'échauffent vite et menacent même la fragile paix instaurée.

Changement d'ambiance avec le Chevalier aux Épines où Jean-Philippe Jaworski nous immerge dans un récit épique qui prend la suite de son roman, le Service des dames. Pour n'avoir lu, pour le moment, que Gagner la Guerre, lire cette fantasy chevaleresque a été une nouvelle expérience littéraire pour moi. Clairement, le Chevalier aux Épines se nourrie autant de la matière de Bretagne que de la Chanson de Geste. Sur le modèle du cycle arthurien qui nous conte les aventures de la classe noble et guerrière à l'époque du légendaire roi Arthur, Jean-Philippe Jaworski s'en est inspiré pour tisser son intrigue autour des rivalités des puissants du Vieux Royaume. A coup de tournois ou de quête héroïque, les protagonistes de cette histoire nous transportent dans un tourbillon de péripéties à l'issue belliqueuse inéluctable. Par ces descriptions très précises du déroulement des tournois, le respect des règles de la chevalerie ou encore la notion d'amour courtois, on ressent pleinement l'influence des textes de tradition celtique. Une appréciation renforcée ici par l'irruption du merveilleux trahissant ainsi le mysticisme propre à l'héritage celte.

Une touche fabuleuse qui surgit de manière inattendue pour venir influencer les événements en prenant, par exemple, la forme d'une enchanteresse. Dans son récit, l'auteur démontre son attachement au cycle arthurien en parsemant notamment son texte de clins d'oeil ou d'emprunts au mythe, à l'image de ce Méléagant qui, lui aussi, se fait le ravisseur d'une dame. A grand renfort de longs poèmes dignes des plus belles Chansons de Geste, la plume de Jean-Philippe Jaworski se montre une nouvelle fois très stylisée pour nous conter des hauts faits qui ont marqué la Léomance.

Contrairement au récit de Gagner la Guerre qui était construit sur un point de vue unifocal, le Chevalier aux Épines est, quant à lui, un roman choral dans lequel l'auteur passe d'un personnage à l'autre pour nous donner une vision globale de l'histoire. On y suit donc différents fils narratifs qui nous font prendre de la hauteur pour appréhender au mieux les enjeux de ce texte. Parfois, on découvre d'ailleurs les faits par l'entremise de protagonistes pour le moins surprenants. Par ce choix narratif, le récit se fait moins complice avec son lectorat puisqu'on ne bénéficie pas comme dans Gagner la Guerre d'une relation exclusive avec un personnage qui ne cesse d'interpeller le lecteur tout au long du livre. Néanmoins, chacun des narrateurs du Chevalier aux Épines est source de secrets et de non-dits qui réservent son lot de rebondissements étonnants et nous promet une lecture des plus addictive.

Le Chevalier aux Épines m'a donc permis de découvrir la facette épique de la plume de Jean-Philippe Jaworski qui s'est réapproprié avec beaucoup de justesse le legs celtique. Une première lecture enthousiasmante qui en appellera d'autres, au regard de la bibliographie déjà bien fournie de l'auteur sur ce sujet. A suivre !

Plus sur Fantasy à la Carte.


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Encore une lecture qui m'a été conseillée pour cette année ! Jean-Philippe Jaworski est un auteur dont j'apprécie l'écriture travaillée, j'étais curieuse de découvrir sa saga qui se situe dans le même univers que Gagner la Guerre. Qu'ai-je pensé du tournoi des preux ?

Le roman m'a beaucoup séduit grâce à son ambiance qui m'a rappelé les romans de chevalerie que j'ai lus quand j'étais plus jeune. le tournoi des preux est dans le même univers que Gagner la guerre, mais l'on quitte les rues de Ciudalia pour découvrir une culture qui s'approche plus de la chevalerie arthurienne. Honneur des dames (même si l'auteur semble avoir toujours un peu de mal à incorporer des personnages féminins avec l'épaisseur à ses récits), chevaliers courageux mais aussi rumeurs et luttes de pouvoir. Jean-Philippe Jaworski reprend parfaitement les codes culturels mais aussi langagiers de l'époque, ce qui rend l'immersion facilitée. L'introduction du merveilleux est dans cette veine, avec l'apparition de chevaliers à l'identité cachée, aux ordres d'une enchanteresse aux desseins mystérieux.

J'ai eu un peu de mal avec le début du roman, que j'ai trouvé un peu lent à se mettre en place. Cette première partie permet de bien comprendre le contexte historique qui inspire le roman : nous sommes sur des terres à majorité exploitées par des vilains ou des serfs. Ils sont sous la houlette d'un Seigneur qui n'a aucune considération pour eux. Mais petit à petit, les enjeux et les parties prenantes se dessinent. Entre manipulation, coups de couteau (parfois littéraux), le masque social de la courtoisie laisse place à des échanges bien moins policés et bien plus létaux.

En vérité, la lenteur de la première partie du roman se dépasse facilement grâce au style relié du roman. le tournois des preux bénéficie d'une écriture travaillée, qui sait se faire sarcastique, enjôleuse ou épique selon le moment. Chaque est choisi avec soin et puise dans le vocabulaire du roman de chevalerie pour proposer un style unique et bien tourné. Ainsi, l'auteur décrit avec talent les scènes de joute, qui sont prenantes, tout comme les joutes verbales, pleines de fiel à peine dissimulé. Cela retranscrit bien les carcans et les règles d'une société dont le code d'honneur impose des règles sociales rigides, l'épée à la main, comme avec les Dames.

Mais là où le récit excelle, c'est dans la trame précise des politiques entre les différentes parties du roman. Ce n'est pas forcément le roman le plus accessible de jean-Philippe Jaworski, mais la dernière partie du livre est prenante. On découvre plus en avant les différents personnages qui prennent sur l'échiquier politique, de la nouvelle épouse ciudalienne du Duc, des deux fils de Dame Aubéarde, dont la répudiation intervint à un moment étrangement opportun, ou d'un trio de chevaliers mystérieux mais talentueux, alliés au fameux chevalier aux épines. Beaucoup des personnages sont construits avec une certaine subtilité dans leurs caractères. J'ai une préférence pour l'attachant Yvorin, courageux jeune chevalier mais sans doute trop naïf pour une cour peuplée de serpents.

« le Tournoi des Preux » de Jean-Philippe Jaworski offre une plongée captivante dans un univers de chevalerie empreint de mystère et de luttes de pouvoir. Tout en conservant les codes culturels et linguistiques de l'époque, l'auteur nous transporte dans un récit où l'honneur, la manipulation et les complots se mêlent habilement. Malgré une première partie qui peut sembler un peu lente, l'écriture travaillée et le style précis du roman captivent rapidement le lecteur. Les scènes de joute, aussi bien verbales que physiques, sont saisissantes et contribuent à l'immersion dans cet univers complexe où les règles sociales rigides sont imposées, souvent au prix de l'épée.
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Si vous aviez un doute, rassurez-vous, Jaworski-l'unique n'a pas changé : le plaisir est au rendez-vous comme à chaque fois.
Nous découvrons ici une autre région du Vieux Royaume, avec un personnage que ceux qui ont lu Janua Vera connaissent déjà, le chevalier aux épines (Le service des dames). Un héros un peu froid et énigmatique : il met en avant son honneur et le service des dames mais on ne sait trop rien de ses allégeances et il peut tuer avec indifférence.
Ici l'auteur s'inspire des romans courtois où les chevaliers s'affrontent en tournois mais où les machinations politiques et fantastiques se laissent voir. Les enjeux politiques et humains sont compliqués et nous n'en savons pas encore l'étendue lorsque le texte s'interrompt.
Un monde complet émerge peu à peu de la narration complexe, détaillée (c'est du Jaworski, n'est-ce pas ?), faite par un narrateur dont on ignore tout mais qui a des relations aussi bien avec les humains qu'avec les êtres fantastiques.
L'écriture précise, riche et extraordinaire de Jaworski nous entraîne dans les méandres de ce monde et de ces personnages avec des digressions parfois qui sont des morceaux d'anthologie.
Dans un autre registre, Arrrgh ! le cliff hanger ! Avec ma PAL aux dimensions du Mont Olympe, j'ai perdu l'habitude de lire les livres au moment de leur sortie et j'évite donc les problèmes d'attente. Mais là, je me trouve coincée… et frustrée de devoir attendre la suite !
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Jean-Philippe Jaworski est un créateur de mondes imaginaires, plus ou moins proches de la réalité historique. La série de romans intitulée "Chasse royale" se situe dans un monde gaulois pré-romain reconstitué, tandis que "Le Chevalier aux épines" prend place dans le Vieux Royaume, univers inspiré de notre Moyen-Age tardif et doté d'une géographie et d'une histoire propres. Nous avons connu la république "italienne" de Ciudalia avec le grand roman "Gagner la guerre", mais ici l'action se déroule dans le duché féodal de Bromaël. le lecteur aura droit à sa ration de joutes, de défis et de combats aussi brutaux que chevaleresques, livrés pour l'honneur d'une dame que les uns croient calomniée, les autres justement répudiée. Jaworski a-t-il voulu reprendre la tradition des romans de chevalerie ? On pourrait le croire un instant, mais il se garde de toute idéalisation et de tout manichéisme : sa duchesse répudiée est une politicienne cruelle et retorse, ses nobles chevaliers ont leurs défauts de gens de guerre, et l'auteur n'oublie pas de signaler les souffrances et les peines des "vilains", des petites gens qui n'ont pas leur place dans la littérature chevaleresque idéalisée dont se moque le Don Quichotte de Cervantès. En outre, le romancier n'oublie pas de donner à son récit une dimension discrètement surnaturelle, de percer des fenêtres vers l'infra-monde, mais toujours avec discrétion et doigté. Il sait ménager avec talent le suspense et le mystère, ne livrant au lecteur que le strict minimum et lui laissant entendre que la somme de choses qu'il ignore (par exemple sur le narrateur et sur le chat Mirabilis) est bien supérieure à ce qu'il sait.

C'est donc un roman agréable, souvent prenant, plein d'action et de rebondissements, doté d'un sens descriptif de la nature étonnant. On reconnaîtra la patte de Jaworski à son goût pour les termes rares et archaïques, dont il abuse parfois en les accumulant de façon fatigante. L'effet d'exotisme temporel repose exclusivement sur le vocabulaire, qui fait parfois obstacle à la compréhension claire, jusqu'à ce que l'on s'habitue. Cette esthétique de la quantité n'est pas recommandable.
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Pour accompagner Steven dans sa découverte de la plume si riche en couleur de Jean-Philippe Jaworski, j'ai fait une petite entorse à mes envies et je me suis donc attaquée à la dernière « série » de l'auteur plutôt qu'à sa précédente, Rois du monde qui m'attend aussi sagement dans ma PAL. Une riche idée ? Peut-être pas.

J'ai découvert l'auteur, un été il y a 4 ans, avec les Récits du vieux royaume : Janua Vera et Gagner la guerre. J'avais été totalement emportée par la plume et le souffle de l'auteur aussi que son humour grinçant et j'ai recommandé cette fantasy crapuleuse un peu partout autour de moi. J'attendais juste que soit disponible intégralement en poche sa vaste Les Rois du monde pour m'y lancer également, mais celle-ci a donc été doublée ici par le chevalier aux épines. Ce dernier se déroulant aussi dans l'univers du Vieux Royaume, je pensais que ce serait un mal pour un bien.

Cependant passé un premier chapitre, que Steven et moi avons tout deux trouvé fort engageant pour débuter cette aventure, nous avons vite déchanté, même si le terme est un peu fort. Nous avons apprécié la plume très haute en couleur de l'auteur, que pour ma part je trouve fantastique dans sa capacité à se mouler et se fondre au type d'histoire qu'il souhaite raconter : ici la chanson de geste, le récit de chevalerie ou plutôt de chevaliers. Nous avons apprécié sa capacité à nous décrire un Moyen Âge fictif plus vrai que nature grâce à de riches et nombreuses descriptions faisant revivre tous les aspects croisés de celui-ci (malgré un ou deux anachronismes dans l'utilisation d'expressions que j'ai pu noter). Ce fut réellement très immersif et réaliste. Ce fut peut-être là le défaut de ce texte. J'attends une chanson de geste, un récit de chevalerie avec peut-être un zeste de magie et cela n'est arrivé que dans les 100 dernières pages, sur un ouvrage copieux de plus de 700, ça fait mal… J'ai malheureusement plus eu l'impression d'un auteur se faisant plaisir à décrire et mettre en scène une époque qui le faisait rêver, que d'un auteur conteur d'une histoire, et moi je venais pour une histoire pas pour la description trèèès longue d'un Moyen Âge fictif.

Heureusement, Jean-Philippe Jaworski a une plume très fluide, avec laquelle on prend plaisir à lire ces pages et ces pages de descriptions qui noyaient l'intrigue, cela nous a aidé à tenir et à chercher celle-ci. Quand quelques maigres pages nous l'offraient, c'était le paradis ! J'ai adoré les premiers chapitres avec l'introduction des personnages et des querelles qui motiveront cette histoire. J'ai trouvé dans celles-ci un écho au film de Ridley Scott, le dernier duel, qui m'avait bien remuée. J'ai aimé les personnages phares de ce récit qui ont tous un sacré charisme sous sa plume, en particulier la courageuse duchesse Audéarde de Bromael, la femme accusée et jugée pour adultère qui sera répudiée et emprisonnée, déclenchant toute cette agitation de cour. J'ai également été attrapée par le charme de chevalier et de palabreur de son ancien champion, Aedan de Vaumacel. Autour d'eux gravitent des personnages hauts en couleur, de la soeur poétesse qui détient Audéarde, en passant par le page pas si sage d'Aedan. Jaworski a imaginé un joli univers sombre, gouailleur et batailleur, malheureusement trop noyé.

D'ailleurs, ce qui m'a également donné ce sentiment de noyade, de flou chez mon ami Steven, c'est la foultitude de personnages croisés au fil de l'intrigue sans rien pour nous aider à nous raccrocher. L'objet livre manque cruellement d'une carte pour situer les lieux impliqués dans cette querelle, prétexte à une bataille rangée entre puissants et moins puissants, ainsi que d'un glossaire des personnages pour bien resituer qui est qui à chaque fois, surtout qu'un coup ils sont mentionnés par leur nom, un coup par leur titre… Au secours ! Je veux bien qu'un texte soit exigeant mais n'est-ce pas trop poussé l'exercice quand il faut à côté se faire son propre glossaire pour s'en sortir alors que cela aurait pu être évité très simplement par l'éditeur ?

Force m'est cependant de reconnaître que c'est un bel hommage aux récits de chevalerie avec des passages de tournoi et duels justement sensationnels dans leur écriture dans les détails hyper riches de l'auteur les rendent pointus et immersifs. Force m'est de reconnaître que les quelques passages évoquant la chanson de geste m'ont diablement fait penser au récit arthurien avec une pointe de Guenièvre, Lancelot et Arthur mais écrit bien plus subtilement encore tant la politique est derrière tout ça. Et que dire de la magie ? Celle-ci se glisse subtilement et subrepticement au détour de la mention d'un Elfe, d'un narrateur chat
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Encore une fois, avec Jean-Philippe Jaworski, on se retrouve à dévorer un ouvrage dont la prose est exigeante, minutieuse, riche et recherchée.
Il est fortement recommandé de se munir d'un dictionnaire et de patience car l'amour de la précision de l'auteur nous promet des pages descriptives, qui même si elles ne sont pas dénuées de poésie n'en possèdent pas moins un caractère légèrement soporifique. Parfois on se perd dans l'accumulation de lieux, les personnages multiples et foisonnants.
Et on se dit comme ça, de manière impulsive, qu'une bonne chevauchée débridée afin d'aller découenner à coup de hache deux ou trois malappris sans une once de finesse nous réveillerait d'une légère torpeur insidieuse. Oui...Mais non. Jaworski a l'art de pousser dans ses retranchements le lecteur avide de ses histoires bien menées, il le fait languir savamment.
Rassurez-vous, ça marave sévère quand même, et les intrigues se font subtiles dans cette histoire.
Car une histoire, il y en a une. Elle se met doucement en place, et nous, tel un cheval fougueux, nous rongeons notre frein.
En bref, qu'est-ce qu'on a ? le vieux royaume, le Duché de Bromaël, une duchesse manipulée (manipulatrice?), une famille déchirée, un duché en passe de l'être, de la magie, des intérêts, des manigances, des conflits, des trahisons, des secrets, des ambitions...mais aussi des personnages hauts en couleur, le Chevalier de Vaumacel, le Grand Bâtard FitzGanelon, Mirabilis l'énigmatique chat...

Que la langue française est fine et généreuse sous la plume de Jaworski !

A lire absolument.
Pour les amoureux du beau verbe, des histoires bien ficelées, de la chevalerie, de la fantasy. de préférence au calme dans un fauteuil douillet et confortable.

Lu dans le cadre du challenge mauvais genres 2023
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Je suis vraiment étonné de ne lire que des chroniques dithyrambiques sur le Chevalier Aux Epines, oui c'est un bel exercice de style, mais mince alors, je m'y suis ennuyé ferme. le roman s'étire pour finalement ne pas raconter grand chose, il s'éparpille et nous perd entre moultes personnages auprès desquels on ne se raccroche pas, hormis peut être le chat Mirabilis. Fan inconditionnel de Gagner la Guerre, j'ai attendu vaillamment qu'il se passe quelque chose qui me fasse tressaillir ne serait-ce qu'un brin, et en dehors d'un chapitre consacré au dit tournoi, je n'ai que peu vibré. Nous sommes loin des aventures rocambolesques au rythme haletant que Jean Philippe Jaworski sait pourtant si bien narrer, c'est dommage.
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