Un beau matin, Joseph K. se réveille dans son appartement et y découvre des policiers venus l'arrêter. Pour quelle raison ? Qu'a-t-il fait ? Ça, on ne le sait pas. Mais on l'arrête, point barre. Son procès se tiendra bientôt. Sur quels motifs ? Pourquoi demander, de toute façon il est libre. Alors, bien qu'interloqué et frustré, K. va suivre ce procès, tenter de prouver son innocence, se lancer dans une course sans nom et sans but précis. Contre qui ? Contre quoi ? Il ne le saura jamais...
Ce roman est perturbant, à bien des points de vue. Ne pas savoir de quoi est accusé le personnage principal constitue le coeur même de cet ouvrage, qui se veut angoissant et mystérieux. K. se laisse entraîner dans les méandres d'un système qui n'a ni fond ni entité définie, joue le jeu pas si malgré lui que ça d'une sombre mascarade qui lui enlève toute dignité et raison, ainsi que lui vole son statut et sa vie. La première absurdité est que la curiosité de K. est bien plus forte que son jugement, et bien qu'il comprenne assez vite que la situation n'a ni queue ni tête et certainement aucune raison d'être, il plonge tête la première dans un foutoir sans nom sous prétexte de vouloir démêler le vrai du faux d'une situation qu'il sait déjà fabriquée. K. dit qu'il est innocent. Oh certes, il se dit bien que telle ou telle action aurait pu être condamnable moralement, mais pas de quoi créer tout ce tintamarre. Pourquoi ne pas le croire, une culpabilité donnant clairement au texte une portée moins puissante ?
L'absurde de la situation continue plus on avance dans le récit, et le malaise s'installe chez le lecteur dès lors que K. a totalement intégré le fait qu'il a un procès et qu'il passe de lieux en lieux et de rencontres en rencontres tout aussi dérangeants les uns que les autres, vu qu'on ne sait vraiment où tout cela nous mène. Joseph K. en prend clairement son parti, détruit de lui-même son statut à la banque, n'étant plus intéressé par ses affaires et préférant courir à droite à gauche sans pourtant jamais vraiment savoir où aller et pourquoi.
Partout où il va, quelles que soient les personnes qu'il rencontre, tout le ramène au procès, presque comme un complot. Et Kafka nous plonge donc dans une atmosphère étouffante dont on ne peut se sortir, quoi qu'on fasse. Les personnages annexes ont tous un discours presque incompréhensible, semblent tous connaître la Loi qui échappe totalement au couple K./Lecteur. L'oppression créée et le labyrinthe de semblants d'indices ou d'explications dans lequel se promène l'accusé a de quoi laisser dubitatif et gêné.
Il est dur de tout saisir à la lecture de ce récit. Les argumentations à la fois contradictoires et logiques se succèdent sans jamais aider vraiment à la compréhension, bien que celles-ci participent intensément à l'effet de brouillard constant certainement voulu par l'auteur pour coller à son histoire. La justice ? Mais quelle Justice ? Pour qui ? Pour quoi ? Et comment ? Que retenir de ces procès sans fin et sans fondement dont on ne peut se dépêtrer ? Puisque les accusés ne la voient jamais et n'y comprennent rien, cela signifie-t-il qu'elle aurait presque un statut divin, qui juge de ses voies impénétrables ?
Et que faire de cet accusé, Joseph K., qui n'est même pas attachant ou à qui l'on ne peut vraiment s'identifier ? Sa propension à utiliser les femmes et les séduire (et vice-versa leur propension intrigante à être systématiquement attirées par lui) rajoute sans conteste au trouble général que génère la situation. Tous ceux à qui il s'adresse, toujours dans l'optique de son affaire (Melle Bürstner, l'Avocat, l'huissier, Leni, M. Block...), ne cessent de lui (nous) servir des discours décousus, incomplets, dont on attend sans cesse un éclaircissement qui ne viendra pourtant jamais.
Tout le récit reste dans la logique d'une nébuleuse sans fin que seul le personnage principal semble accepter, jusqu'au terme de sa vie. Un autre aspect qui peut empoisonner l'esprit du lecteur justement, c'est ce consentement, lui-même absurde, quasi obligé néanmoins, et en outre général puisque tous les accusés fonctionnent de la même manière et se laissent tous manger/piéger par ce système impénétrable.
Au final c'est le tout qui dérange, même si on n'a pas bien tout saisi ou suivi. Malgré une écriture fluide et travaillée, il est souvent difficile d'enchaîner beaucoup de pages à la fois, le désarroi étant généralement trop fort.
Lien :
http://livriotheque.free.fr/..