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Citations sur Sauvage (121)

Il semble que tout le monde ait oublié une loi fondamentale : la littérature est une affaire de forme bien avant d'être une histoire de fond. Tout a déjà été dit, tout a déjà été. Nous savons à peu près ce qu'est la vie, parce que nous la vivons. Ce que nous allons chercher dans la littérature, ce que nous devons y chercher, ce n'est pas ce que nous connaissons, mais ce que nous ne connaissons pas. C'est le dépaysement
qui est précieux - le désemparement. Nous
ne venons pas à la littérature pour nous y sentir familiers, mais, au contraire, déplacés. Nous venons écouter une histoire et nous attendons que les mots soient agencés selon un ordre nouveau. Des sujets, nous n'en manquerons jamais, ou bien nous en manquerons toujours, c'est une question de point de vue seulement. Mais la littérature compose avec les lettres et leur ordonnance, la syntaxe, la grammaire, l'architecture. C'est de ça qu'il est question et je ne voudrais pas qu'on l'oublie. Il n'y a rien de prosaïque. Il y a les mots posés les uns après les autres, patiemment, cherchant la justesse.
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Dans les messages qu’il m’envoyait et auxquels je ne répondais jamais, il m’écrivait qu’il s’était trompé, et que toute sa vie en avait été bouleversée. Qu’il avait pensé que le désir passerait, que ce n’était pas arrivé. Que poème disait « Cette fois – cette fois, ne me rate pas ? « Un homme du passé, c’était bien ça. C’était un homme surgi du passé venu me chercher, riche de ses erreurs, pour m’apprendre quelque chose que j’ignorais. Il n’était pas venu apporter le chaos, plutôt son frère jumeau, le doute.
Depuis tout ce temps, j’avais avancé droit, pagayant avec mes paumes en coupe, comme tout le monde. Je n’avais pas regardé exagérément derrière mon épaule. Mais voilà que le passé était revenu comme lui était revenu, surgissant par surprise, partie remise.
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Du soleil et de l'eau. Coupoles dorées dans la distance. Toits verrières au bord de la Seine. Grand Palais, Petit Palais, musée de l'Orangerie. Bateaux-Mouches. Taxis. Vastes allées sablées du jardin du Luxembourg. Bassin. Platanes, marronniers, tilleuls. Des mots mystérieux comme place des Victoires ou café crème ou les Tuileries ou rue des Abbesses ou croque-monsieur ou bateau-lavoir ou Père-Lachaise ou chausson aux pommes ou exposition universelle ou guillotine. Pâte feuilletée. Serviettes en papier. Rouge à lèvres. Paris. Marc Chagall. La tour Eiffel. La galerie des Glaces à Versailles. Calèche. Paris. Les barricades. Marie-Antoinette. Qu'ils mangent de la brioche. Le regard matois de la Joconde. Les macarons Ladurée. Sofia Coppola. Le soleil se lève aussi. Victor Hugo. Coco Chanel. Place de la Rotonde. C'était le genre de choses auxquelles je pensais quand je pensais à Paris, et j'y pensais de plus en plus.
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Avec Marina, un soir au restaurant, on avait eu un client solitaire. Il était arrivé tôt, on l'avait installé près de la fenêtre, et il avait demandé s'il pouvait plutôt avoir la table près des cuisines. Il avait fait des choix étonnants dans sa commande, mais je ne m'étais pas méfiée. A la fin du repas, il était venu payer au bar où je buvais un verre d'eau avant le deuxième service, et il s'était présenté à moi en disant Bensch. C'était le premier mot que j'avais entendu sortir de sa bouche, si bien que dix ans plus tard je l'appelais encore par son nom de famille, même après que ce nom était aussi devenu celui de nos enfants.
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[ La recette des rigatonis romains à la pagliata ]

Ton père, c'est un homme de la ville, il a chaud, il a froid, c'est la princesse au petit pois, et je l'avais crue, et pourtant c'était faux - dans sa cuisine mon père était d'une résistance et d'une compétence hors du commun. Il savait ce qu'il faisait, et il le faisait bien. J'entends encore sa voix, une voix que je ne lui avais jamais connue, Pour retirer la peau qui enveloppe l'intestin, tu fais une petite incision au couteau à l'une des extrémités du boyau, puis tu attrapes entre les doigts un morceau de cette peau que tu retournes comme un gant pour libérer la partie charnue qui se trouve en dessous. Une fois pelé, tu coupes le boyau en morceaux de vingt centimètres environ, tu le plies en boucles et tu couds chaque morceau avec de la ficelle de cuisine, ça empêchera l'intérieur du boyau de se disperser en cours de cuisson. Et tu vas voir, ça va réduire. Après, tu mets du lard séché et de l'huile d'olive dans une casserole à fond épais, tu y fais revenir un soffritto, tu ajoutes le piment et les abats, tu remues avec une spatule en bois, tu mets le sel et le poivre fraîchement moulu, tu fais dorer à petit feu. Tu verses le vin blanc, tu le fais évaporer en surveillant qu'il n'y a pas de croûte qui se forme sur le dessus. S'il y en a, tu la retires doucement avec une petite cuillère, comme ça. Tu verses le coulis de tomates, tu baisses le feu, tu couvres et tu laisses cuire à feu très doux deux heures environ, en vérifiant que ça n'attache pas. Tu cuis tes rigatonis, tu les égouttes, et tu sers chaque assiette de pâtes avec au moins deux pièces de pagliata.
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Malheureusement il n’y a pas de raccourci. A la fin, il s’agit toujours de deviner, décider, lire entre les lignes, traduire, essayer. Même si je sais qu’on doit accepter la réalité comme elle est, je ne l’ai jamais fait. La liberté qu’on a abandonnée autrefois et qu’on ne nous rendra pas, il faudra la prendre.

C’est tout.
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Nous avions mangé nos sorbets, et puis il m'avait demandé :
- Est-ce que tu connais le poème qui dit Je veux te faire ce que le printemps fait aux cerisiers ?
- Non, j'avais répondu parce que c'était vrai, mais en silence j'avais pensé Je crois que je voudrais te faire l'amour comme sur mon plan de travail. Je verse la farine, je creuse un puits, je casse un jaune d'œuf au milieu et je remue avec ma main nue jusqu'à ce que ça ne soit plus qu'une seule et même chose, je veux te faire ce que le jaune d'œuf fait à la farine, ce que la farine fait au jaune d'œuf, je veux te faire le poivre dur sur la langue, je veux te faire le crépitement du lard dans la poêle, les éclaboussures, je veux te faire les orecchiettes minuscules et mystérieusement émouvantes sous la dent, je veux te faire le lait, le café brûlant, je veux te faire le caramel dur qui colle au fond des cuivres et blesse les mains, je veux te faire ce que le printemps fait aux cerisiers, oui, bien sûr, mais surtout je veux te faire la cuisine du lundi soir, la cuisine des fins de mois, et puis je veux te tenir dans ma main comme la pâte à pizza tournant au ralenti sur mon index, souple, mouillée, je veux déverser des litres de sauce sur ta tête, être avalée comme un oursin, lèvres collées à la coquille, cerveau éteint.
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Je ne savais pas comment te dire que je voulais te revoir, que je ne voulais pas que ma vie continue sans toi. Ça semblait une chose imbécile à dire à la femme de quelqu'un d'autre, mais je ne voyais pas comment faire autrement. Tu étais tout ce que je voulais.
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Quand j'avais le temps, c'était moi qui lui rendais visite à la maison, souvent avec un des garçons que je fréquentais. Au début de cette année-là, l'année suivant le départ de Cassio, j'ai amené des hommes à mon père comme les chats ramènent des oiseaux morts sur les terrasses de leurs propriétaires.
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J'avais trois ans de plus que Matilda, mais dès qu'elle avait su parler elle m'avait dit :
"C'est une erreur. En vrai, c'est moi l'aînée".
Elle était logique, sensible, courageuse. Elle était protectrice, futée, avec une grande croyance dans la justice. Le monde et ses rouages lui apparaissaient avec clarté, elle savait toujours ce qu'il convenait de faire, elle se tirait de toutes les situations le front haut.
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