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Paul Petit (II) (Traducteur)
EAN : 9782020307055
180 pages
Seuil (02/11/1996)
3.69/5   36 notes
Résumé :
Les deux premiers ouvrages ont été écrits en 1844, la même année où Marx rédigeait ses fameux Manuscrits de Paris : cette année est le symbole de la réaction antihégélienne, c'est-à-dire de la réaction antiphilosophique au sein de laquelle nous sommes encore plongés.
Le Traité du désespoir date de 1849. Ces textes préparent la critique nietzschéenne, car ils manient la même ironie, prêtent la même attention au style philosophique, attaquent de front la tradit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Kierkegaard prend le pain du système, serre son poing et des phalanges broie la grosse croûte bien sèche. Il ouvre la main et répand ses miettes philosophiques à terre. Il en fait plusieurs petits tas : ce sont des pensées éparpillées qu'il goûte les unes après les autres, sans préférence. Sa thèse : ne pas en avoir. Son opinion : c'est qu'elle n'en est pas une. Au moins un qui ne nous prendra pas trop la tête avec son orgueil.


Il en résulte un drôle de mouvement de bascule qui passe du plus sérieux à la dérision. Chaque chapitre signant le moment d'intéressement autour d'une idée se termine par la même rengaine ; l'idée, exposée avec rigueur et précision philosophiques, ne provient en fait de nulle part ou de si loin qu'on en oublie ses précédents. Passée en un instant, elle fut saisie, bien vite jetée aux ordures en riant après s'être laissée embrasser du regard. « […] Me servant de l'arbitraire illimité d'une hypothèse, j'ai supposé que le tout n'était qu'une idée burlesque de mon cru, que je n'ai pourtant pas voulu abandonner avant de l'avoir examinée à fond ».


Kierkegaard reprend la méthode socratique pour s'inscrire dans sa continuité. Il souligne son admiration pour ce maître qui ne voulait pas en être un et qui affirmait que si le disciple sortait de sa non-vérité, le mérite n'en revenait qu'à lui-même. le maître n'était ainsi qu'un dispensateur de condition, permettant au disciple de retrouver la mémoire, preuve rétrograde de la préexistence de l'âme. Ici, Kierkegaard fait un peu la gueule car il considère que ce n'est pas la mémoire qui est importante mais l'instant. Alors que tout le pathos de la pensée grecque se concentre sur le souvenir, lui se concentre sur l'instant, moment de la conversion, passage du non-être à l'existence. Il inaugure ainsi une pensée qui propose l'essentiel sous une forme paradoxale : là où l'on pense qu'il n'y a rien, c'est là où se trouve le sujet.


« Aussitôt longtemps que je tiens [la preuve] (c'est-à-dire que je fournis ma démonstration), l'existence n'apparaît pas, ne serait-ce que parce que je suis en train de la prouver, mais, dès que je la lâche, l'existence est là. Mais cet acte de lâcher, il est pourtant bien aussi quelque chose, oui, il est meine Zuthat [mon ingrédient] ».


Aussi longtemps que Kierkegaard ne lâche pas sa pensée, il ne pense pas, et nous non plus. Mais dès qu'il la lâche, la voici qui apparaît. Dès que nous refermons son livre et que nous cessons de penser avec des mots, notre propre ingrédient apparaît, plus souvent dense que futile. Ce n'est même pas le savoir, pas même la foi. Ainsi les yeux et les livres ne servent à rien car « le contemporain peut, malgré sa contemporanéité, être le non-contemporain ; le vrai contemporain ne l'est pas en vertu de l'immédiate contemporanéité, ergo le non-contemporain (au sens immédiat) doit aussi pouvoir être contemporain au moyen de ce que quelque chose d'autre par quoi le contemporain devient le vrai contemporain ». Tout se résume à savoir si l'on est dans le vrai ou non. Prémisses de la mauvaise foi : affirmer avoir fait son chemin alors que le chemin n'apparaît que dans l'instant, qui ne s'exprime pas.


Avec cette idée, Kierkegaard ramène toute la philosophie, de Platon à Hegel, à une position païenne embourbée dans une logique du savoir et de la réminiscence. Il réduit l'hérésie en affirmant que notre identité d'individu ne prendrait place que dans un après-coup. Ainsi, tout ce qui a vraiment de l'importance serait toujours déjà-arrivé.


Précisons quand même que la lecture se montre relativement emmerdante, à la manière de ce torchon.
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Kierkegaard reprend une thématique que l'on retrouve dans bon nombre de dialogues platoniciens en une unique problématique : la vérité peut elle s'apprendre ?

En effet que ce soit dans le Théétète, le Ménon ou même le Gorgias, Platon se demandait si la vérité était une connaissance dont on devait se ressouvenir ou que l'on apprenait par acquisition. On le note précisément grâce à la théorie de la réminiscence si cher au fondateur de l'Académie.
Kierkegaard se base précisément sur la pensée platonicienne pour s'y opposer.

Pour Platon et Socrate dans le dialogue, le maître est celui qui va servir à révéler une vérité déjà sue mais inconsciente au disciple. Il passe de maître à accident déclencheur du savoir.
Pour Kierkegaard, il faut voir le maître comme celui qui transmet un savoir que le disciple ignore réellement car il ne peut chercher ce qu'il sait déjà, et ne peut savoir qu'il faut chercher quelque chose s'il ignore qu'il ne le sait pas.
A l'image du Christ, le maître est celui qui montre au disciple ce qu'il ignore et l'expérience qu'il faut vivre pour apprendre et comprendre.

Dans la conception socratique, la vérité est figée, éternelle, tandis que celle de Kierkegaard est évolutive, se transmet.

C'est un pas important pour la philosophie car davantage que la vérité était holistique chez les Grecs elle est individualiste et constitue l'existence même de l'individu, son rapport au monde, sa place, son essence.

A vous de lire pour en savoir plus Smile .

Le style est sublime, il existe une portée artistique en plus d'une importance philosophique. Simple et accessible Kierkegaard n'en demeure pas moins érudit et le montre par l'utilisation du grec antique dans le texte et quelques références savamment choisies.
Il demeure une fluidité incontestable et on ressent que le philosophe est aussi un homme de lettres.
Une oeuvre importante pour une philosophie indispensable.
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Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
[Selon Socrate]

Si [le maître] se donne et donne son enseignement de quelque autre manière [qu’en étant un point de départ contingent], alors il ne donne pas, mais prend, alors il n’est même pas ami de l’élève, encore moins son maître. Là est la profondeur de la pensée socratique, cette humanité si noble, si accomplie, qui fut la sienne, qui ne recherche pas vainement la compagnie de la clique des intellectuels mais se sent tout aussi proche d’un peaussier […].
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Avoir une opinion, c’est pour moi à la fois trop et trop peu, cela présuppose sécurité et bien-être, tout comme dans cette vie terrestre d’avoir femme et enfants, ce qui n’est pas accordé à celui qui doit se débattre jour et nuit sans pourtant avoir sa subsistance assurée. […]
Si, par contre, quelqu’un veut être assez courtois pour croire que j’ai une opinion, s’il pousse la galanterie jusqu’à l’adopter parce que c’est la mienne, je suis aux regrets, pour sa courtoisie, qu’il la place si mal, et pour son opinion, s’il n’en a pas d’autre que la mienne ; ma vie, en effet, je peux bien la risquer, je peux en toute gravité badiner avec elle, -mais pas avec celle d’un autre.
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Ce qui est dialectique sous le rapport du temps a, en soi, une ambiguïté : celle de pouvoir, après avoir été présent, subsister comme passé. Ce qui est à proprement parler historique est toujours le passé […] et, en tant que passé, est réel ; car il est sûr et certain que c’est arrivé […]. Comprise autrement, l’intellection du passé se méprend sur elle-même (qu’elle est intellection) et sur son objet (qu’un quelque chose de ce genre puisse devenir un objet d’intellection).
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[…] Socrate attire l’attention […] qu’il est impossible à un homme de chercher ce qu’il sait et tout aussi impossible de chercher ce qu’il ne sait pas ; car ce qu’il sait, il ne peut le chercher puisqu’il le sait, et ce qu’il ne sait pas, il ne peut le chercher, car il ne sait même pas ce qu’il doit chercher. Socrate élucide la difficulté par l’idée que toute étude, toute recherche, n’est que souvenir, en sorte que l’ignorant n’a besoin que de se rappeler pour se rendre compte par lui-même de ce qu’il sait.
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Comment […] l’élève devient-il croyant ou disciple ? Quand l’intelligence est congédiée et qu’il reçoit la condition. Quand la reçoit-il ? Dans l’Instant ? Qu’est-ce qui conditionne cette condition ? Qu’il comprenne l’Eternel. Mais une telle condition ne doit-elle pas être une condition éternelle ? –Ainsi il reçoit dans l’instant la condition éternelle, et il sait qu’il l’a reçue dans l’instant, car autrement, il ne fait que se rappeler qu’il l’avait de toute éternité.
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