Nous sommes au tout début des années 80. Ridley Scott vient d'adapter le célèbre roman de
Philip K. Dick sur grand écran avec Blade Runner. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, le film tourne autour des réplicants - androïdes. 1984,
Donna Haraway publie le Manifeste cyborg, dont il sera question ici, et que ïan Larue, professeure de lettres, historienne de l'art, autrice de nombreux ouvrages, analyse et remet au goût du jour, tout en gardant la ligne directrice : qu'est-ce que la SF des années 70 a pu apporter au féminisme ?
Donc, la cyborg ? Version femelle, voire non-binaire ou transgenre du Mâle-cyborg, largement vu et revu dans bien des livres et films de science-fiction, le soldat du patriarcat et des États privilégiés. ïan Larue se gausse du patriarcat et du SuperMec et fait étalage des livres cités par Haraway, écrits principalement par des femmes, qui exploraient des nouvelles façons d'aborder le futur, le genre, la sexualité, la société, le patriarcat, la spiritualité... Larue va plus loin, en imaginant que la cyborg est déjà en train de se lever et de s'insurger, de redéfinir une nouvelle vision de l'individu•e. Elle fait également honneur à toutes les femmes, oubliées de l'histoire, qui ont contribué à nous propulser vers le futur, le progrès technologiques, bref, la culture cyborg.
Engagée dans un militantisme féministe inclusif, ïan Larue en appelle également à
Sam Bourcier, auteur - entre autres - de Homo inc.orporated, dans un interlude en quelques pages pour célébrer le mouvement LGBTI et parler écriture inclusive. le féminisme dont elle parle n'est donc pas le féminisme exclusif de LaFemmeBlanche. Et c'est assez chouette. Bien que si je doive noter un seul regret, c'est de n'avoir pas vu aborder plus les personnes handicapées, qui s'insèrent pourtant bien dans la lignée cyborg également.
Et, bien sûr, la question de la cyborg-déesse-sorcière a toute sa place ici. La sorcière, l'indépendante, celle qui fait fuir les hommes, celle qui honore les divinités féminines, celle qui fait fi du patriarcat, celle qui délivre les femmes, celle qui soigne, connaît, comprend, décide, crée, invente, réinvente... Et la déesse, hors des normes, à la fois jeune et vieille, sage et folle, celle qui est si énorme qu'elle remplit
L Univers, celle qui n'a pas besoin de s'unifier car elle veut être tout à la fois, celle qui aime et qui fait la guerre... bref, celle qui rappelle "Thunder, perfect mind" (pour celleux qui connaissent). Un peu plus loin, d'ailleurs ïan Larue en appellera à se défaire du besoin d'unité, d'une définition unique, de la binarité, donc, de l'incitation à faire partie des standards bien normés.
Je suis vraiment contente d'être tombée sur un livre comme celui-ci, que je trouve d'importance capitale, et qui soulève le problème majeur de la science-fiction qui est d'être, même encore aujourd'hui, presque 40 ans après, un genre destiné majoritairement au Mec, écrit par des Mecs, avec dedans des SuperMec. On remercie donc les autrices de SF qui ont inspiré le Manifeste Cyborg (comme Octavia Butler,
Vonda McIntyre, Alice Sheldon aka James Tiptree Jr...) et celles qui ont pris la relève par la suite - et l'autrice d'avoir fourni une bibliographie de ressources importante. Je ne connaissais pas ïan Larue mais je suis bien décidée à aller faire un tour ou sept dans sa bibliographie bien fournie. Et merci encore - et encore - à la collection Sorcière des éditions Cambourakis, de fournir du contenu de qualité, inclusif et militant.
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