Mars 1943, îles Solovetskij. Si les monastères de ces îles ne sont plus un goulag mais une base militaire, certains prisonniers y sont encore enfermés afin d'y creuser des fosses et construire des baraquements. Fuchs, un Allemand, est l'un d'eux. Ne supportant plus les lamentations, le vent sifflant et désireux de voir le ciel et de marcher, il décide, sur un coup de tête, de s'enfuir. Ayant mis de côté de la nourriture pendant des jours, échangé une paire de chaussures avec un jeune fraîchement arrivé, c'est en pleine nuit qu'il s'échappe, avant que la fonte des glaces ne ramène les îles Solovetskij à leur isolement. Après avoir tué quelques gardes, pourtant sur le qui-vive, il ne remarque pas qu'un autre prisonnier le suit. Attilio, un Italien, veut que Fuchs l'emmène avec lui, sinon il jure qu'il se met à hurler. Bien malgré lui, il n'a d'autre choix que d'accepter. Ce n'est qu'une fois sortis enfin du monastère que les deux hommes tombent nez à nez avec un autre garde. Si Attilio empêche Fuchs de le tuer, par peur que les autres n'entendent le coup de feu, ils le font alors prisonnier et le contraignent à les suivre dans leur fuite...
Attilio, Fuchs et Ivàn, un Italien, un Allemand et un Russe. Trois compagnons d'infortune qui, bien que n'ayant rien en commun, vont devoir s'unir s'ils veulent retrouver la liberté et rejoindre le village du soldat russe, tout en tentant d'échapper aux patrouilles lancées à leur recherche. Ne parlant pas la même langue (
Teresa Radice n'ayant, d'ailleurs, pas traduit les propos en russe et en allemand pour bien mettre en avant la barrière de la langue), soupçonneux et méfiants les uns à l'égard des autres, ces trois hommes vont, au fil de leur longue marche à travers les forêts enneigées, s'unir et s'apprivoiser alors que l'on pressent le danger qui rode et la tension monter. Ce récit de survie, cette quête de liberté, fort, émouvant, éprouvant parfois, fait montre d'une rare sensibilité et d'une force insoupçonnables. La voix off d'Attilio se révèle immersive et prégnante. L'auteure met magnifiquement en avant les valeurs humaines et fraternelles et l'entraide. En flashback, l'on découvre peu à peu la vie passée d'Attilio, empreinte de bonheur mais aussi de blessures. Un album fort bien rythmé, profond, parfois poétique, qui laisse les silences s'exprimer. Graphiquement, tout en aquarelle,
Stefano Turconi nous offre de magnifiques planches enneigées en Carélie mais aussi ensoleillées et radieuses en Italie. Son travail, délicat et fin, apporte force et poésie à ce riche et puissant souffle narratif...