un Janus de la Renaissance qui ressemble à Arlequin, avec «son grand manteau de cuir multicolore» dont il se drape pour cacher sa véritable identité.
Lorsqu'on fait sa connaissance, il prétend se nommer «Mogor dell'Amore». Il vient de quitter Florence - nous sommes au mitan du XVIe siècle - et il navigue vers les Indes lointaines avec, dans ses bagages, une lettre volée, écrite par Elisabeth Tudor: ce parchemin sera son sésame, la clé qui lui donnera accès à la cour du Grand Moghol Jalaluddin Muhammad Akbar.
En débarquant à Sikri, la capitale impériale, le Florentin découvre une citadelle envoûtante, un diadème de palais et de mirages. «Le soleil montait vers son zénith et la chaleur du jour faisait trembler l'air comme une antilope effrayée, en effaçant presque la frontière entre raison et folie, imaginaire et réel.»
C'est là que règne Akbar, un musulman bienveillant, ouvert et éclairé, tout le contraire de ceux qui ont lancé leur fatwa contre
Rushdie... A Sikri, la cité radieuse qui «n'appartient ni à une religion ni à une tribu», le Grand Moghol laisse souffler les vents de la liberté: il a fait édifier une maison de tolérance où chacun peut s'exprimer sans la moindre censure, boire du vin sans offenser les prêtres et «même nier l'existence de Dieu ou réclamer l'abolition de la monarchie».
La rencontre entre le souverain et Mogor dell'Amore - qui se fera bientôt appeler Niccolo Vespucci - pourrait sortir d'un conte oriental.
Un festival de raffinements, avant que le Florentin ne soit frappé de disgrâce: il devra alors subir la pire des épreuves, un affrontement avec un éléphant aveugle, redoutable, qu'il saura apprivoiser grâce à un parfum magique.
Protégé par le ciel, il ne tardera pas à recevoir de nouveau les faveurs du Grand Moghol.
Lequel rebondit au moment où Niccolo Vespucci, alias Mogor dell'Amore, fait à Akbar la plus troublante des confidences: il prétend être son oncle, une révélation rocambolesque mais plausible, car chacun sait à la cour que la famille du souverain est une inextricable forêt de mystères.
Autre révélation: le Florentin dit être le fils de la divine Qara Köz, une princesse aux yeux d'ébène, une enchanteresse toujours accompagnée d'une esclave «aussi resplendissante qu'elle»...
Les deux héros de
Rushdie descendent-ils de la même femme?
La magicienne Qara Köz leur a-t-elle transmis les secrets de son prodigieux pouvoir sur les humains?
Le royaume d'Akbar sera-t-il ébranlé par les confidences de son hôte si singulier?
Et que dira l'enchanteresse au Grand Moghol lorsque, sous sa tente de brocart, elle surgira soudain dans ses rêves, «belle comme une flamme»?
C'est sur ces énigmes que se noue le roman, qui fait magistralement revivre l'Orient et l'Occident du XVIe siècle, entre bordels et harems, palais et gondoles, complots et épidémies de peste.
Avec des ombres célèbres qui se faufilent dans les coulisses, Machiavel, les Médicis, Dracula ou Savonarole.
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