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EAN : 9782253142959
190 pages
Le Livre de Poche (02/01/2003)
3.89/5   154 notes
Résumé :
"La concierge toussota avant de frapper, articula en regardant le catalogue de la Belle-Jardinière qu'elle tenait à la main : "C'est une lettre pour vous, monsieur Hire."
Et elle serra son châle sur sa poitrine. On bougea derrière la porte brune. C'était tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt des pas, tantôt un froissement mou de tissu ou un heurt de faïences, et les yeux gris de la concierge semblaient, à travers le panneau, suivre à la piste le bruit invi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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Chronique de la méchanceté ordinaire.
Mr Hire est le genre d'homme qui suscite gêne, méfiance et curiosité. La société adore détester ce type de personnage tout petit, tout rond, tout seul… trop seul et enveloppé de mystères. C'est celui qui provoque les pires commérages. C'est aussi la victime idéale, le coupable rêvé. Surtout quand un crime vient de se dérouler dans le quartier.
Non que Mr Hire soit exempt de tout reproche, mais on le plaint, on a mal pour lui quand il voit les autres ricaner ou fuir à son approche. Il aurait pu ainsi continuer sa petite vie de réprouvé si l'inconscient n'était pas tomber amoureux d'Alice, rousse plantureuse qui n'a pas froid aux yeux. Il l'aime à sa manière, un peu bizarre et malsaine, je le reconnais… Mais pour elle, il irait décrocher la lune ; et il le ferait avec humilité. Il faut le voir faire preuve d'audace, prendre tous les risques pour l'amour de sa belle, et s'imaginer, l'espace d'une nuit, d'une nuit seulement, qu'elle irait le rejoindre. Pauvre naïf qui n'a rien compris à la veulerie et à la cruauté des Hommes !
Simenon n'a pas son pareil pour se faufiler dans ce monde gris et froid de banlieue, où les concierges qui existaient encore cancanaient avec des flics obtus et fatigués ; il n'a pas son pareil pour décrire sans emphase et avec des mots simples la détresse d'un homme, la lâcheté d'un autre, un regard qui brille de perversité ou un coeur qui se prend à espérer.
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Georges Simenon - Les Fiançailles de M. Hire -1933 : Monsieur Hire c'est le juif, l'étranger, le migrant honnis qui vient dans notre pays pour dévoyer les jeunes femmes françaises. Monsieur Hire c'est aussi toute la médiocrité d'une beauferie qui dévore l'hexagone comme un cancer depuis de bien trop longues années et qui pratique sans complexe le délit de sale gueule et la chasse aux sorcières. Cette chasse en meute retombe toujours sur les mêmes, les pas tout a fait claires comme on peut entendre à droite et à gauche pour justifier cette violence primaire. C'est vrai, monsieur Hire observe sa voisine d'en face quand elle se déshabille, il la suit aussi dans la rue, rentre dans les bars ou elle s'arrête mais ce qui le guide ce n'est pas le besoin perverse de la voir mais l'amour timide d'un homme disgracieux pour une femme beaucoup trop belle. Quoiqu'il fasse de toute façon il paraît louche avec sa gueule de métèque, son embonpoint adipeux et ses succès aux bowling qui insultent tous ceux qui se croient supérieurs à lui. L'homme c'est vrai n'est pas tout blanc non plus, il gagne même sa vie en commettant des petites escroqueries mais rien ne peut justifier les soupçons et les accusations proférées contre lui quand une prostituée est découverte égorgée dans un terrain vague du quartier. Vous comprenez bonnes gens, un homme qui offre des bonbons aux petites filles de son escalier ne peut être qu'un dangereux violeur et un criminel. Monsieur Hire est surtout un homme naïf que la belle Alice soutenu par son demi-sel de fiancé séduit en espérant tirer quelques sous de la situation. La rumeur elle de son côté continue à gonfler au point que la population excitée par le sang et la bêtise se livre au véritable lynchage en règle de son bouc émissaire. Simenon dans ce livre décrivait parfaitement le paysage délétère qui se dessinait dans les années 30 à la suite de la montée en puissance des nazis et des intolérances de toute sorte. Ce qu'on pressentait là c'était la nuit de cristal, les pogroms dans les villes bientôt transformées en ghetto, les dénonciations, une police au service des dictateurs, un cataclysme final que le grand écrivain et sa perception pessimiste de la société anticipait dans son roman comme le hors-d'oeuvre du pire. "Les fiançailles de monsieur Hire" dérangeait le lecteur qui s'enfonçait au fur et a mesure de sa lecture dans le monde nauséeux et profondément immoral d'un populisme de masse qui condamnait sans aucun autre procès un innocent pour son image... un insondable malaise
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L'un des 117 romans durs de l'auteur.
Nous sommes à Villejuif en 1933.
Le corps d'une prostituée a été découvert sur un chantier ; on lui a dérobé son sac à main et l'argent de son " travail ". Un chantier situé non loin de l'immeuble où réside Monsieur Hire, un petit homme au physique ingrat, au comportement peu liant ; le portrait type dont Pierre Vassiliu faisait ainsi s'interroger " les braves gens "... vous savez, ceux qui n'aiment pas qu'on suive une autre route qu'eux... :
"Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a, qui c'est
Celui-là?
Complètement toqué, ce mec-là, complètement gaga
Il a une drôle de tête ce type-là
Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a?
Et puis sa bagnole les gars
Elle est drôlement bizarre les gars
ça s'passera pas comme ça."
En ce Paris de l'an 1933, à l'épicentre de ces " braves gens " se trouve un personnage ( pardonnez la redondance ) " central " : la concierge.
Figure sociologique, figure historique, figure politique, littéraire, cinématographique, théâtrale... populaire..., elle est incontournable, on la retrouve partout, et tenez, juste à titre d'exemple, qu'en aurait-il été de la rafle du Vel d'Hiv sans les concierges ?
Car, on parle de la police française collabo, mais on passe sous silence une de leurs meilleures " auxiliaires " : la concierge...
Et puis il y a cette fameuse police, moins flamboyante que celle des Maigret, plus près de celle " grossie " par Romain Slocombe et son inspecteur Sadorski, mais plus en retrait... du moins jusqu'au final.
Si je mentionne Sadorski, c'est que cette police-là voit en Monsieur Hire non pas Monsieur Hire mais Hirovitch, le Juif d'origine russe, l'étranger, le migrant, " l'Autre "... et par conséquent le suspect " désigné " ; désigné parce qu'étranger et désigné par la concierge.
Que faire et que dire à Paris en 1933 lorsque vous êtes juif, que votre père émigré était tailleur et à ce que l'on prétend, pratiquait l'usure ?
Ça sent le Süss, vous ne trouvez pas ?
Que faire et que dire à Paris en 1933 lorsque vous êtes désigné par votre concierge ?
« Je lui ai monté un catalogue et, pendant que la porte était entrouverte, j'ai aperçu une serviette pleine de sang… »
Que faire et que dire à Paris en 1933 lorsque votre casier judiciaire n'est pas tout à fait vierge, que vous avez un travail qui questionne, des revenus plus encore : « C'est un de ces types qui promettent je ne sais combien par jour pour un travail facile et qui, moyennant cinquante ou soixante francs, envoient aux gens une boîte d'aquarelle qui en vaut vingt et six cartes postales à colorier.»
Que faire et que dire à Paris en 1933 lorsque vous avez un peu tâté de la prison... pour une histoire d'atteinte aux bonnes moeurs ?
Il suffit d'une mauvaise association et la vente de revues dont le contenu est, disons... licencieux... eh oui, décidément " les braves gens n'aiment pas qu'on suivre une autre route qu'eux... !
Si en plus vous vivez seul et que vous alliez au bordel une fois de temps en temps... et qu'en plus on trouve à redire sur votre sexualité... vous ne pouvez qu'être qu'un " suspect désigné "...
Le comble c'est d'avoir en face de votre fenêtre, " une fenêtre à ciel ouvert "qui donne sur la chambre de la jeune et belle crémière de dix-neuf ans, Alice. Que vous l'espionniez et qu'elle prenne plaisir à ce que vous le fassiez,
«Il y avait un miroir devant elle, au-dessus d'une toilette en bois tourné. C'est ce miroir qu'elle regardait, qu'elle continua à regarder en tirant de bas en haut sur sa robe pour la faire passer par-dessus sa tête. »
Et le drame serait d'en être amoureux... amoureux jusqu'à la suivre le dimanche lorsqu'elle sort au cinéma ou va voir un match de foot accompagnée d'Émile son béguin.
Émile, une petite frappe, un julot.
« L'amoureux était maigre, mal portant. Son regard ne se posait jamais sans ironie sur M. Hire »
Le tragique serait qu'Alice ait Émile dans la peau.
« L'amoureux avait les mains dans ses poches, le pardessus ouvert. Et la bonne se suspendait à son bras comme une gosse qui craint de se perdre. »
Et qu'Émile se serve d'Alice.
«Tout près d'Alice aussi, il y avait Émile, les mains dans les poches, le visage maladif et froid. Elle le regardait, mais il ne la voyait pas. Il y avait de la fièvre dans ses yeux.»
Et si en plus Émile avait tué la prostituée, volé son sac et les 2000 francs qu'il contenait, qu'Alice le couvre, se lie avec Monsieur Hire, faisant miroiter au pauvre diable des fiançailles... qu'il " fêtera " au milieu de la foule déchaînée...
Foule, personnage aussi central que l'est la concierge.
En ai-je assez dit ?
Non ? Lisez le bouquin...
Avec un sens des décors, de la mise en scène et de l'atmosphère digne d'un Renoir, d'un Carné, d'un Duvivier, d'un Fritz Lang ou d'un Dostoïevski, Simenon nous offre un roman noir, une étude moeurs soignée.
Sont demeurées sans réponses pour moi deux questions.
La première est le style qui m'a paru moins fluide, moins maîtrisé que dans de précédentes lectures de cet auteur... Peut-être ne s'agit-il que d'une impression, juste une sensation ( sourire ) ?
La seconde, c'est que j'ai lu ce roman à travers le prisme de l'année de sa parution ( 1933 ) et d'un Monsieur Hire, bouc émissaire d'une époque qui précède ou qui annonce les grandes persécutions dont vont être victimes les Juifs.
Or Simenon n'est pas connu pour ses sympathies sémites... alors, question ?
Sinon, on ne peut pas passer à côté d'une telle oeuvre !
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Gallerie de personnages parisiens, l'imbuvable concierge qui croit savoir qui a tué la femme du terrain vague, la perverse servante Alice, l'inspecteur et son ego et le petit Mr Hire au physique ingrat prédisposé aux brimades, mais qui, le lundi soir au club de bowling, est accueilli en champion respecté.

Simenon, décrivant des scènes parisiennes sous la pluie et la grisaille crée l'atmosphère lourde qui convient.
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Simenon nommait « durs » ses romans, le plus souvent policiers, où Maigret n'apparaissait pas. Il y en eut, excusez du peu, 117 entre 1931 et 1972. « Les Fiançailles de Monsieur Hire » est l'un d'eux et date de 1933. Les services de police n'y ont qu'un rôle de maigre importance. L'enquête, dont le lecteur ne saura presque rien, se limite à l'épilogue dramatique et à quelques planques et filatures. Mr. Hire n'ignore pas l'attention constante dont il est l'objet. Il la subit et quelquefois s'en amuse comme à cache-cache, en déjoue la prévisibilité, résigné mais plein d'espoirs : Alice va-t-elle le suivre en Suisse ? le propos central, au-delà du roman de procédure policière devenue accessoire, est ailleurs. Il s'efface derrière le portrait d'un être singulier, prisonnier d'une rumeur de voisinage tenace que tous espèrent fondée. Ce roman « dur » est d'une noirceur absolue, dense, insondable, sans la moindre lueur d'espoir ; il restitue la force aveugle du nombre face à la singularité incomprise et rejetée d'un être solitaire et marginal. On y parle de haine de ce qui n'est pas dans la norme, de trahison par amour et d'attrait morbide pour le spectacle de la mort des autres.

D'ordinaire Simenon s'immerge, via un cadavre, dans un microcosme social ou professionnel particulier. Il l'amène au jour et le dissèque peu à peu, taillant dans sa spécificité, ses forces et ses faiblesses. L'auteur y va de l'étude croisée et patiente de celles et ceux qui le compose. Il resserre enfin son propos autour d'une personnalité cible, le plus souvent un assassin qu'il décrit jusqu'à ce qu'il nomme « l'homme nu », celui qui au point de rupture a donné la mort et qui, maintenant, avouera.

Dans « Les fiançailles de Monsieur Hire », si le cadavre est là, comme à l'ordinaire, le background géographique et social est flou ou du moins passe-partout (peu importe le lieu, les hommes y seront toujours les mêmes). Ce sera Villejuif … et Mr Hire, ce pourrait être, hélas, vous ou moi, selon la loi du nombre, celle de la majorité, du mauvais côté ou pas de la gifle et des coups.

Une femme poignardée sur un terrain vague à la nuit tombée. Un sac à main disparu. de l'argent envolé. Des soupçons rapidement portés à la suite du témoignage d'une concierge : elle a tiré le cordon à un de ses locataires pressé qui d'ordinaire ne rentre jamais si tard, elle a entrevu chez lui une serviette de bain ensanglantée derrière une porte entrebâillée, accrochée à une patère d'entrée où elle n'avait rien à faire …

Un quartier du Villejuif des années 20 ou 30. Un banal carrefour entre grande ville et campagne. Une artère principale ; des tramways en terminus qui ferraillent de l'aube au crépuscule ; des autos anonymes, des charrettes pour Paris, simplement de passage, en aller le matin et de retour le soir.

Des petites gens, toujours les mêmes à se croiser et se saluer, employés, ouvriers, commerçants (bistrotiers, crémiers …) ; des concierges revêches régnant sur des immeubles hauts et étroits, des porches obscurs donnant sur la Grande Rue, des cours étriquées et profondes comme des abysses. Une population aux vies chiches, claquemurées, confinées par l'hiver, la pluie et le froid, resserrées autour du poêle dans des petits appartement humides.

Et voici Mr Hire que Simenon ne décriera que par ses actes, créant volontairement un flou autour de sa personnalité, une distance difficile à combler, un jugement que chaque lecteur portera seul en son âme et conscience, comme une fin ouverte sur un drame bel et bien clos. Mr Hire est une ombre portée sur la grisaille d'une vie, la sienne. Un pauvre type, cadenassé par son passé, replié sur lui-même, rendu aigri et solitaire, désabusé et craintif, peu ouvert à l'amour si ce n'est à celui rémunéré. Les gens ne l'aiment pas, sans trop savoir pourquoi, et il le leur rend bien. Il vit seul, n'a de contact avec personne si ce n'est au bowling où il est un as et se prétend policier, vit d'expédients qui cousinent avec l'escroquerie. Fenètre sur cour, le soir, caché dans l'ombre de son petit appartement, il observe sa jeune voisine Alice, chez elle, derrière sa fenêtre sans rideau, qui ne semble rien ignorer de son manège et en rajoute. Il la suit chaque dimanche après-midi alors, qu'accompagnée par son petit ami, ils se rendent au cinéma ou à Colombes pour un match de foot. Et derrière lui, toujours, depuis quelques temps un policier en filature … le piège se referme. Mr Hire doit faire vite.

La suite appartient au roman … jusqu'à la force dramatique suffocante d'un final grandiose.

Le roman pose clairement le problème de la différence, de la perception qu'en fait la majorité et du traitement qu'elle y applique, hélas, quelques fois. Simenon ne s'embarrasse pas de détails, en un peu plus de 100 pages il nous livre le diagnostic et, pour traitement, nous renvoie l'image du miroir. Son style comme à l'habitude est limpide, concis, taillé au scalpel fin dans tout excès de gras ; rien d'inutile ne sort du rang, aucune tête ne dépasse. L'essentiel seul est nécessaire.

En 1989, Patrice Leconte adapte le roman (Michel Blanc et Sandrine Bonnaire), supprime « Les fiançailles » du titre et donne de Mr Hire, me semble t'il, une vision encore plus dure que celle du roman, celle d'un être persécuté, méfiant, calculateur et froid, cruellement compliqué et énigmatique, mais toujours en quête d'un amour simple et éternel … le jeu au faciès figé, presque de cire, de Michel Blanc touche coeur de cible et effraie ; celui de Bonnaire, plus ouvert oscille brillamment entre sincérité et calcul. le final n'a pas la force du roman, de l'homme seul face aux autres, trop compliqué à mettre brièvement en scène sans doute

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Il respirait si fort qu'on voyait vibrer les poils rêches des moustaches. Il ne regardait rien. Il avait eu toutes les peines du monde à dire :
" Entrez ! "
Et il sentait de tout près l'odeur de la servante, la même odeur que, dans les tribunes de Bois-Colombes, il ne faisait que deviner au passage de la bise. C'était une odeur chaude où il y avait des fadeurs de poudre de riz, la pointe plus aiguë d'un parfum, mais surtout son odeur à elle, l'odeur de sa chair, de ses muqueuses, de sa transpiration.
Elle respirait fort elle aussi. Elle reniflait, faisait des yeux le tour du logement, et trouvait enfin M. Hire près de la porte qu'il venait de refermer.
Elle ne savait plus que dire. D'abord, elle essaya de sourire, pensa même à lui tendre la main, mais c'était impossible de tendre la main à un homme aussi immobile, aussi lointain.
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La clef dans sa poche, il s'engagea dans l'escalier qui craquait, car c'était une maison neuve, pas très solide. Pas gaie non plus, parce qu'on avait choisi pour les peintures des gris-fer et des bruns sombres. Le sapin des marches ne voulait pas se patiner. Au milieu, il était sali, presque noir, mais sur les côtés, où l'on ne marchait pas, il restait d'un blanc pauvre. Les murs, au lieu de se culotter, perdaient par-ci par-là des morceaux de plâtre.
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Comment faire pour décrire la petite boutique de la rue des Francs-Bourgeois où cela sentait le drap et la craie de tailleur, l'unique pièce de derrière où il fallait vivre, le gaz allumé toute la journée et le père Hire surtout, si brave, si digne, qui s'astreignait à suivre scrupuleusement les rites de la religion juive? S'il n'était pas Français, il n'était pas Russe non plus. Il ne parlait que le yiddish, et la grasse Arménienne de maman, jaune comme un coing, n'avait jamais pu le comprendre tout à fait.
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[...] ... Deux hommes marchaient derrière lui, si près qu'ils semblaient le soutenir. Et M. Hire, comme pour leur échapper, agitait ses petites jambes.

Il avait aperçu le rassemblement. Il ne pouvait pas ne pas l'avoir aperçu à cette heure où les passants étaient rares. Il s'arrêta au bord du trottoir. Il était tout seul à vouloir traverser, avec les deux policiers sur ses talons, et pourtant l'agent de la circulation donna un coup de sifflet et arrêta, du bâton, la file des véhicules.

Il s'avança. Il marchait dans un nuage, dans une matière molle, impalpable, invisible. Il n'y avait sur sa rétine que le seuil de la maison, et des gens groupés qui regardaient tous du même côté. Et il n'entendait que le pas des deux hommes derrière lui.

Ils étaient soudain plus nombreux, sur le trottoir. Il en venait de l'intérieur et du dehors, des hommes et des femmes, et même des enfants qu'on refoulait vers l'arrière.

- "Reste là, tu m'entends ?"

Et M. Hire marchait toujours, sans oser regarder la crémerie, ce qui ne l'empêchait pas de deviner la silhouette penchée d'Alice qui promenait son torchon sur le seuil. Il bombait la poitrine. Il allait s'expliquer. Il avait une narine bouchée par un rhume et il respirait mal, mais c'était sans importance.

Ce qu'il fallait, c'était passer, et il y avait un vide étroit entre les gens et la porte. Il lui suffisait de presser le pas.

Il en fit dix, il en fit quinze, de pas. Puis tout à coup, il vit un geste tout près de lui et en même temps son chapeau melon vola de sa tête tandis que des ricanements montaient du groupe. ... [...]
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[...] ... La concierge toussota avant de frapper, articula en regardant le catalogue de La Belle Jardinière qu'elle tenait à la main :

- "C'est une lettre pour vous, monsieur Hire."

Et elle serra son châle sur sa poitrine. On bougea derrière la porte brune. C'était tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt des pas, tantôt un froissement mou de tissu ou un heurt de faïences, et les yeux gris de la concierge semblaient, à travers le panneau, suivre à la piste le bruit invisible. Celui-ci se rapprocha enfin. La clef tourna. Un rectangle de lumière apparut, une tapisserie à fleurs jaunes, le marbre d'un lavabo. Un homme tendit la main, mais la concierge ne le vit pas, ou le vit mal, en tous cas n'y prit garde parce que son regard fureteur s'était accroché à un autre objet : une serviette imbibée de sang dont le rouge sombre tranchait sur le froid du marbre.

Le battant de la porte la refoulait doucement. La clef tourna encore et la concierge descendit les quatre étages en s'arrêtant de temps en temps pour réfléchir. Elle était maigre. Ses vêtements pendaient autour d'elle comme autour des bâtons en croix qui servent de squelette aux épouvantails et son nez était humide, ses paupières rougies, ses mains gercées par le froid.

Au-delà de la porte vitrée de la loge, une petite fille en combinaison de flanelle, était debout devant une chaise qui supportait une cuvette d'eau. Son frère, déjà habillé, s'amusait à l'éclabousser et, près d'eux, la table n'était pas desservie.

Il y eut le bruit net de la porte ouverte. Le gamin se retourna. La fillette montra un visage mouillé de larmes.

- "Attendez voir ..."

Une gifle pour le garçon, que sa mère poussa dehors.

- "Toi, file à l'école. Et toi, si tu pleures encore ..." ... [...]
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Dans ce polar, l'auteur ne nous parle pas de Maigret, mais d'un homme qui prend une mauvaise décision un soir à Dieppe. de fil en aiguille, le lecteur parcourt les rues de la ville dans une haletante chasse à l'homme.
Un entretien mené à Dieppe, à la librairie La Grande Ourse.
Vidéo réalisée par Paris Normandie.
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