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sur 4267 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est la tuile !
Forte indécision au moment d'étoiler ce billet. Lumières tamisées. Je me retrouve dans la situation de l'inspecteur du Guide Michelin qui a adoré l'entrée, savouré le plat principal mais qui a vomi le dessert aux toilettes.
Jusqu'à la page 220 (sur 296), j'avais plus d'étoiles dans les yeux que Thomas Pesquet après son 4000ème selfie en orbite.
La description du poids des responsabilités pesant sur Alma Revel, juge antiterroriste, qui doit décider du sort d'un jeune qui revient de Syrie en voyage organisé par l'Etat Islamique, est remarquable. La construction du récit qui alterne le quotidien compliqué de la juge, le travail d'enquête minutieux et les extraits d'interrogatoires m'a tenu en haleine fraîche. Pour corser l'affaire, le mariage de la juge avec un écrivain aigri sent le sapin et elle entretient une liaison avec l'avocat du mis en examen… de conscience.
Karine Tuil, de livres en livres, a le mérite de ne pas végéter dans l'autofiction nombriliste. Elle s'empare de son sujet et on sent son souci de l'exactitude, son immense respect pour ces femmes et ces hommes en charge de la justice dans une société qui déclare coupable par anticipation ou souhaite condamner par précaution. Elle traduit très bien le dévouement de la juge à sa fonction, ses incertitudes et la charge émotionnelle de ses décisions.
Et puis Patatras… ! Fini le réalisme au moment du dénouement. C'est le dénuement, l'éclipse totale au moment du bouquet final. Pétard mouillé et sortez les bougies. On passe d'une approche quasi documentaire et chirurgicale à un effet de manche un peu grossier pour connecter la décision du juge à sa vie personnelle. Pour servir son discours sur sa vision de la justice, l'auteure quitte le domaine du rationnel et oriente son récit autour d'une coïncidence tragique à laquelle je n'ai pas cru une minute. le roman sombre dans la caricature de personnages moins vrais que nature. le mari, juif, qui a un retour de foi tardif, une fille idéaliste dont le compagnon s'appelle Ali, ce qui ne ravit pas beau-papa, l'avocat, qui est un écorché vif qui a honte de ses gènes de grand bourgeois, et Alma qui ne sait pas si elle doit se sentir coupable mais pas responsable, responsable mais pas coupable, ou les deux.
Ce passage du réalisme à une fiction aussi crédible que la probabilité d'acheter le ticket gagnant à l'euro-million sans jouer, ne m'a pas du tout convaincu. J'ai ressenti comme un choc thermique. Bain glacé par temps de canicule.
Dommage, ce roman méritait un meilleur générique de fin. Il a eu le mérite de ne pas me laisser indifférent.
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Après avoir été récompensée par le prix Goncourt des lycéens pour « Les Choses humaines », qui invitait à réfléchir sur le mouvement #MeToo et sur l'ambiguïté de cette frontière à ne pas franchir, Karine Tuil s'intéresse à la menace du terrorisme islamique.

Pour ce faire, l'autrice nous plonge dans la peau d'une juge d'instruction du pôle antiterroriste, un an après les attentats du Bataclan. Outre un mariage qui bat de l'aile, la magistrate Alma Revel, doit également se prononcer sur une affaire particulièrement délicate: le dossier Abdeljalil Kacem. Doit-elle remettre en liberté ce jeune musulman qui avait rejoint la Syrie avec sa femme enceinte et qui affirme s'être fait berné par la propagande de l'Etat islamique et vouloir dorénavant seulement vivre en paix avec sa femme et son fils ?

Les deux décisions que l'héroïne de Karine Tuil doit prendre, l'une privée, l'autre professionnelle, ne sont pas évidentes et pourraient bien faire des sérieux dommages collatéraux. Quel sera l'impact sur ses trois enfants si elle décide de quitter son mari et surtout, quel risque fait-elle courir aux citoyens français si jamais elle libère Abdeljalil Kacem ? le risque zéro existe-t-il… et si oui, à quel prix ?

En alternant le quotidien harassant de cette juge d'instruction avec des retranscriptions d'interrogatoires du prévenu, l'autrice invite intelligemment le lecteur à se faire sa propre idée, tout en l'invitant à se rendre compte de la difficulté du choix qui s'offre à lui.

Si cette plongée dans les coulisses de la justice antiterroriste s'avère très documentée et particulièrement didactique, elle est malheureusement servie par un ton journalistique légèrement trop distant, qui freine l'empathie envers les personnages, privilégiant une narration qui lève certes le voile sur le fonctionnement de l'instruction, mais qui oublie de venir cueillir nos émotions… malgré une conclusion plus humaine, qui tente de corriger le tir.
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Alma Revel est juge antiterroriste. En cette année 2016, elle doit prendre deux décisions majeures : l'une quant au sort d'un jeune homme suspecté d'avoir rejoint l'État islamique en Syrie ; l'autre pour sortir du conflit d'intérêt auquel l'expose sa liaison avec l'avocat de la défense.


Endossant le « je », Karine Tuil se glisse – et nous aussi, par la même occasion – dans la tête de la coordinatrice du pôle antiterroriste de Paris. Cette femme, campée de façon très humaine dans le contexte compliqué de sa vie privée et sentimentale qui nous la rend particulièrement proche dans ses doutes et ses déchirements, est face à un choix cornélien : maintenir un jeune en détention, sur la seule base de suspicions après son séjour en Syrie, ou prendre le risque de libérer un terroriste en puissance. Autrement dit, juger ce garçon pour la crainte qu'il inspire, ou strictement pour ce qu'il a fait.


Directement confronté à ce bien délicat cas de conscience, le lecteur, frappé d'un effroi mêlé d'admiration et de respect, découvre l'éprouvant quotidien des juges du « terro », amenés à prendre des décisions écrasantes de conséquences, sous la pression politique et médiatique, mais aussi sous les menaces qui les contraignent à vivre sous protection constante. Karine Tuil a mené une enquête minutieuse pour nous faire toucher du doigt les réalités de cette profession méconnue, exigeante et dangereuse, n'occultant rien de la violence et de la haine auxquelles elle se retrouve confrontée, et explicitant les différents points de vue adoptés par les uns ou les autres selon leurs convictions et sensibilités.


L'écriture est remarquable, et le récit, captivant, ne laissera personne indifférent. Peu importe si l'intrigue construit son paroxysme sur un jeu de circonstances peut-être improbable, elle excelle à embrasser toute la complexité de son sujet, à nous plonger dans un questionnement dérangeant, à remuer nos consciences et à interroger nos valeurs profondes. Un livre brillant.

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Roman courageux, sincère et déstabilisant, « La Décision » s'inscrit dans la lignée de « Soumission », l'anticipation de Michel Houellebecq, en dénonçant l'offensive menée par les islamistes contre la civilisation.

Courageux, ce roman alterne les compte rendus d'auditions judiciaires et les observations des magistrats du pôle antiterroriste , nous partageons leurs convictions, leurs valeurs, leurs doutes et nous subissons les agressions verbales (voire physiques) endurées. Karine Tuil détaille la menace mortelle du fondamentalisme islamique et ses plans de conquête mondiale. Elle rappelle les liens de complicité avec les trafiquants de drogue et d'armes.

Sincère, la rédactrice écrit JE, et le juge Alma Revel devient ainsi un alias de Karine Tuil puis au fil des pages un double du lecteur. Ce qui nous amène, en notre for interne, à nous poser finalement la question : quelle serait MA décision ? dois je mettre en liberté conditionnelle Abdeljalil Kacem, franco algérien parti rejoindre les réseaux de l'Etat Islamique ou dois je le maintenir en détention en risquant d'accroitre les risques de contamination ?

Déstabilisant, Karine Tuil met le doigt où ça fait mal, très mal. Ainsi ce propos effarant de la fille du juge, brillante future cadre de la nation, revendiquant haut et fort son appartenance à la gauche progressiste, lors d'un examen :
« — Si un jour vous travaillez au sein d'un cabinet ministériel et qu'on vous demande de faire une chose à laquelle vous êtes foncièrement opposée, vous faites quoi ?
Elle a eu un moment d'hésitation, puis elle a dit :
— On est une démocratie, c'est le peuple qui décide, le ministre a une légitimité populaire, moi J'apporte seulement mon expertise technique donc J'exécute. »

Propos entendu lors des procès de la Libération dans la bouche de tous les miliciens et des membres de la Gestapo … Mais logique quand l'éducation nationale privilégie aujourd'hui l'éducation sexuelle à l'étude d'Antigone. Hélas.

Dérangeant également l'eugénisme de la famille Forest, dynastie républicaine installée au sommet du pouvoir, qui efface un enfant handicapé pour ne pas « salir » son image de « race supérieure ».

Comment défendre notre civilisation héritière de Jérusalem, Athènes et Rome contre la barbarie islamique si le respect des droits de l'homme n'est pas le socle du droit ?

La tragédie se déroule en trois actes :
1) L'enquête n'ayant découvert aucune preuve irréfutable de la culpabilité du prévenu, « la décision » est prise ; nous sortons de « la zone de sécurité » en page 220
2) « La rage et la violence » nous prennent à la gorge dans un déchainement de haine et de violence en 80 pages ; « Dans le cadre de mes fonctions de juge antiterroriste, j'ai pris une décision qui m'a semblé juste mais qui a eu des conséquences dramatiques. Pour moi, ma famille. Pour mon pays. »
3) « La manifestation de la vérité » bâcle en dix pages une conclusion « feel good » que Françoise Bourdin aurait pu écrire (en mieux sans aucun doute) et que le lecteur pourra éviter à mon humble avis car cette fin improbable achève en farce ce qui est et reste une tragédie que j'ai, par ailleurs, beaucoup appréciée. J'observe d'ailleurs que « Les choses humaines » ont également une conclusion navrante.

Oublions le dernier chapitre et reconnaissons que « La décision » est incontestablement l'un des meilleurs romans 2022 et que Karine Tuil rejoint ainsi Salman Rushdie et Michel Houellebecq en première ligne des lanceurs d'alerte qui dénoncent l'obscurantisme et la barbarie islamique.

Un livre à diffuser largement donc.
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Un peu déçue je dois l'avouer, alors que le sujet était très intéressant : la vie d'Alma Revel, juge anti-terroriste.
À travers l'histoire de l'arrestation à son retour en France d'un jeune couple parti en Syrie, le lecteur apprend beaucoup de choses sur les procédures, le quotidien des juges, les techniques de négociation avec les terroristes, ...
Le traitement m'a moins emballé : le ton est sans empathie, fortement journalistique. Il m'a manqué de l'émotion, je suis restée très à distance, et je ne me suis pas attachée aux personnages.
Les interrogatoires s'ils sont intéressants au début, ont fini par me lasser, il y a beaucoup de redites. La fin ne m'a pas convaincue non plus ; j'ai retrouvé un travers du livre L'embuscade d'Émilie Guillaumin, avec un rebondissement qui ne m'a pas paru crédible, d'autant que j'ai trouvé qu'il n'apportait rien à l'histoire, si ce n'est d'essayer de fournir la dose d'émotion qui manque tant… Mais l'objectif n'a pas été atteint en ce qui me concerne, et a plutôt eu l'effet de m'agacer tant la ficelle était grosse.
J'ai également trouvé les trois derniers chapitres superflus, j'aurais préféré que le livre s'arrête page 284. le chapitre 16 fait penser à un clin d'oeil à l'Anomalie, je n'ai pas compris ce que ça venait faire là. le dernier chapitre clôt le livre sur une fin un peu mièvre à mon goût, dissonante …
Un livre enrichissant sur le fond, mais qui ne m'a pas convaincue par sa forme. Je lirai plus tard Les choses humaines de cette auteure, qui a suscité beaucoup d'enthousiasme, j'espère être plus séduite la prochaine fois.
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En cette année 2016, Alma n'a pas 1 décision à prendre, mais 2. Et elles sont loin d'être anodines.
Une décision personnelle : va-t-elle divorcer, alors que deux de ses enfants n'ont que onze ans, ou supporter encore quelques années des compromis dans ce couple bancal ?
Une décision professionnelle : en tant que juge antiterroriste, elle a une responsabilité dans le sort d'un homme rentré de Syrie et fortement suspecté de sympathie avec l'EI. Les interrogatoires montrent un jeune adulte inoffensif, repenti ; il s'est planté, il avait mal compris, on l'a berné. Maintenant, il a une épouse, un bébé, l'avenir lui appartient si on le libère.
C'est un cas de conscience considérable, Alma et ses pairs de la cellule antiterro ont le sentiment d'être sur une poudrière, et chaque nouvel attentat les malmène : est-ce un de leurs 'clients', et si oui, comment auraient-ils pu éviter le drame ?
Bref, Alma est dans la tourmente, dort mal, néglige ses enfants, "oublie" certaines règles déontologiques - mais le coeur & le corps ont leurs raisons que la raison ne connaît pas, bla bla bla...
.
Ce que j'aime chez Karine Tuil : ses personnages sont confrontés à des cas de conscience, des conflits internes, leurs convictions sont ébranlées. Et le lecteur est interpellé à travers ce qui leur arrive et les choix qu'ils doivent faire (cf. la mère dans 'Les choses humaines').
Ici, ma bien-pensance a été secouée, contrariée, et j'étais d'autant plus à vif sur le sujet que je venais de lire le dernier Charlie Hebdo (un numéro 'anniversaire', honte à moi, je n'y avais pas pensé en l'achetant), qui m'a semblé totalement à charge contre l'Islam (et pas seulement contre l'islamisme). Hep, les gens, la laïcité, c'est davantage le respect des religions, que le droit de tirer sur toutes avec des amalgames & des raccourcis (mais ça me va mal de dire ça : je suis remontée contre les cathos intégristes qui entendent régenter notre vie sexuelle, entre autre, et contre les Jehovah intrusifs qui racolent dans les rues...).
Mais je suis peut-être naïve et en-deça de la réalité du 'problème', sur l'islamisme.
J'ai quand même peur que cet ouvrage apporte de l'eau au moulin foireux de quelques 'ultra' dont on entend déjà beaucoup trop les délires haineux ces temps-ci.
.
Bref, grâce à cet ouvrage, j'ai cogité, et tant mieux.
J'ai été agacée, aussi : Alma, en pleine crise conjugale & existentielle manque drôlement de jugeote. Mais elle est épuisée.
La façon dont elle néglige ses enfants au profit de sa carrière m'interroge, également. Née à la fin des années 60, je garde ce schéma en tête : si l'un des parents doit être souvent absent, que ça soit plutôt le père...
Autre sujet d'étonnement :

Ce roman est aussi intéressant que dérangeant. Je me suis empressée de le lire à sa sortie pour ne RIEN savoir avant, parce que j'ai apprécié presque tous les ouvrages de cette auteur. Si j'avais connu le sujet, j'aurais peut-être zappé, et cela aurait été dommage.
.
• lire également 'Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte', de Thierry Jonquet (publié en 2006, mais tellement d'actualité !)
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Karine Tuil s'est spécialisée dans les fictions romanesques explorant les violences qui nous effraient, les failles qui menacent notre Etat de droit et les dilemmes auxquels nous expose notre société démocratique. Son dernier roman, La décision, ne déroge pas à cette ligne.

La narratrice, Alma Revel, est coordinatrice du pôle d'instruction antiterroriste de Paris, un poste de magistrat exigeant, stressant, parfois bouleversant, qui la fait vivre à un rythme trépidant. Son rôle, son comportement et les décisions qu'elle prend en surmontant ses émotions l'exposent souvent à la colère des accusés, des victimes et des observateurs ; des colères qui peuvent se traduire par des insultes, des menaces et dans le cas de la condamnation de certains criminels, par des violences concrètes. Elle est contrainte de vivre sous protection policière.

En mars 2016, la clôture d'une instruction l'amène à statuer sur le cas d'un jeune Français arabe musulman. Parti en décembre 2014 en Syrie, il en est reparti en mars 2015, se faisant arrêter à la frontière turque. Ramené en France, il a été aussitôt emprisonné ; cela fait un an. Pour bien situer l'atmosphère qui règne alors, rappelons que les attentats Charlie / Hyper Cacher ont eu lieu les 7 et 9 janvier 2015 et ceux du Bataclan (et autres endroits parisiens) le 13 novembre 2015.

Tout jeune musulman passé par la Syrie est logiquement soupçonné d'être mêlé aux crimes de l'Etat islamique. le parcours est souvent le même : une enfance déstructurée dans une famille à problèmes, la consultation de sites Internet de prosélytisme terroriste, la rencontre de recruteurs salafistes. Si le jeune homme déclare avoir été trompé, qu'il nie toute velléité de violence et argue de son intention de mener une vie régulière en France, vient un moment où le juge d'instruction doit prendre une décision : faut-il le maintenir en détention provisoire, au risque de le voir un jour définitivement perverti par l'extrémisme islamique rampant des prisons ? ou convient-il lui de lui accorder un simple contrôle judiciaire assorti du port d'un bracelet électronique, au risque, s'il a dissimulé ses intentions criminelles, de le voir commettre un attentat sanglant dans les semaines qui suivent ?

La magistrate est aussi une femme comparable à d'autres : à quarante-neuf ans, mère de trois enfants, Alma Revel est en instance d'un divorce qu'elle tient à mener dans de saines conditions. Elle entretient une liaison tumultueuse et passionnelle avec un avocat… le couple, la famille, le désir, le mariage mixte, la séparation, le conflit d'intérêts… cela fait beaucoup de sujets qui s'entremêlent, peut-être trop, avec les responsabilités d'une juge d'instruction antiterroriste. Cela grève un peu la crédibilité du récit. Femme au bord de la crise de nerfs… et même au-delà !

Le livre se lit très rapidement, comme un thriller. L'écriture est nerveuse, survoltée à l'image de la narratrice. A l'inverse, les extraits d'interrogatoires qui mettent fin aux chapitres m'ont paru plats, routiniers. Sont-ils inspirés de la réalité ? Peut-être est-ce l'effet de la Taqiya, la ruse dissimulatrice des terroristes islamistes. le dialogue ultérieur avec le négociateur du Raid est d'un réalisme effrayant.

Il est courageux d'écrire sur la problématique de la décision, car ne la connaissent vraiment que les personnes qui ont la responsabilité d'en prendre, en conscience de toutes les conséquences. Décider – dans les affaires publiques, dans la vie privée ou dans le business – reste un acte personnel solitaire. Décider, ce n'est pas faire voter à la majorité, ce n'est pas procéder à une déduction logique, ce n'est pas compiler des algorithmes ou calculer une somme pondérée de critères. le sujet est d'autant plus courageux, que nombreux sont ceux qui – souvent sous couvert d'anonymat – critiquent à la légère des décisions qui ne sont pas de leur ressort ni de leur niveau. le concept de « bonne décision » n'existe pas. C'est la gestion ultérieure de la solution adoptée, qui fera qu'une décision aura été bonne ou pas.

A noter chez l'auteure, comme dans ses précédents romans, un cocktail de fascination et de distanciation à l'égard du judaïsme orthodoxe, qui occupe un espace accessoire dans la fiction.

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Être juge est un métier difficile ; chacune de vos décisions impacte une personne, une famille ou bien une victime ou la société.
Alors quand on est juge anti-terroriste et que pèse sur vos épaules le choix de libérer ou non un jeune homme qui revient de Syrie en prenant le risque qu'il commette un attentat...
Voici ce que raconte ce roman, la décision que doit prendre Alma.
Et puis, comment cet engagement professionnel impacte sa vie, son couple, ses enfants ; là aussi il faut prendre une décision.
L'écriture est ciselée et percutante.
L'alternance entre les interrogatoires, les pensées de la juge, les pressions de son mari ou son amant font monter la tension crescendo.
Un roman très bien construit, sombre, qui ne tergiverse pas avec les manipulations religieuses mais dont la fin m'a paru "too much" (exactement comme dans son roman "Les choses humaines").
Il n'en reste pas moins que j'ai retenu mon souffle tout au long du récit en sachant que tout cela est très, trop proche d'une réalité qui peut nous toucher à chaque instant.

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Une fois encore, après "Les choses humaines", Karine Tuil excelle à ausculter la France du XXIe siècle.
Alma Revel, 49 ans, est juge d'instruction antiterroriste à Paris. Elle doit statuer sur le cas d'un jeune Français revenu de Syrie : doit-il être remis en liberté ou représente-t'il toujours un danger pour la société ? Parallèlement, elle hésite à quitter son époux ou à mettre fin à une liaison extraconjugale. Beaucoup de questions, donc, dans la tête d'une femme perpétuellement sous pression et qui reçoit régulièrement des menaces de mort.

J'ai beaucoup aimé ce roman intelligent et fort bien documenté. Karine Tuil nous plonge dans les arcanes de la justice en période d'attentats terroristes, et c'est passionnant. Elle nous plonge également dans les tourments d'une quinquagénaire qui doute et craint sans cesse le mauvais choix, et ses propos sonnent justes.
Sans chercher à rendre ses personnages sympathiques, l'auteur nous les rend néanmoins attachants, tant ils nous ressemblent finalement. le portrait d'Alma, notamment, m'a touchée : à la fois puissante et vulnérable, elle oscille entre ses responsabilités professionnelles, sa charge familiale, son image sociale, et son désir d'émancipation amoureuse. J'ai vraiment apprécié la finesse avec laquelle Karine Tuil la dépeint.
Par ailleurs, l'auteur propose des pistes de réflexion pertinentes sur ce sujet chaud et actuel qu'est le terrorisme islamiste, en cherchant à expliquer son attrait et son développement, et j'ai aimé sa façon d'aborder clairement une telle thématique.
Enfin, l'écriture est vive, nette, tranchée : c'est Alma qui s'exprime, avec toute la concision et la précision de sa profession, et j'ai été impressionnée par cet exercice de style très réussi.

C'est donc un roman saisissant, tant sur la forme que sur le (double-)fond, qui mérite vraiment d'être lu pour comprendre un peu mieux le monde qui nous entoure -et celui qui s'agite en nous.
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Que dire si ce n'est que ce roman flirte avec une réalité off, le derrière du paravent. L'attentat est commis, les faits avérés, les victimes reconnues. Et puis il y a les suivants dont on doute de l'intégrité ; ils reviennent de Syrie ou du Mali ou … on s'en fout, peu importe, ils reviennent d'un lieu où l'on tue, l'on trucide, où l'on martyrise au nom d'un Dieu et d'un texte dont on certifie le bien-fondé.
Alma est femme, épouse et mère et surtout juge d'instruction anti-terroriste : quatre caractéristiques qui s'imbriquent liant physique et psychisme. Ce n'est pas le sujet du roman dont l'échine tourne autour de deux prises de décision : l'une concernant la libération d'un suspect revenu de Syrie et l'autre se rapportant à sa vie de couple. Pourtant tout s'accorde pour que la décision soit prise.
Méli-mélo de considérations personnelles et professionnelles, « La décision» est un roman qui fracasse et pousse dans l'imbroglio des décisions de ceux et celles qui écoutent, analysent et décident au détriment d'une logique incompréhensible : ils les libèrent – ils tuent.
L'impact de cet écrit est terrible. On s'interroge, on s'investit dans la pratique, on tremble, on doute. Alma devient notre proche ; la voisine, nous, celle qui se prononce.
J'ai fini ce livre bouleversée même si la fin me semblait évidente, même si je voyais où l'auteure voulait me mener. J'ai adhéré et me suis laissée embarquer dans cette histoire plus que crédible. L'incertitude d'Alma fut la mienne, sa peur m'a hantée, sa douleur et sa culpabilité m'ont accompagnée pendant des jours. Ce roman a chahuté la morale et l'éthique, l'intégrité. A porté le doute.
Une lecture d'une grande efficacité et d'une indéniable justesse.

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