Découvert dans le Ki-Oon Mag, ce titre avait d'emblée attiré mon regard grâce à ces superbes compositions graphiques qui n'étaient pas sans me rappeler, de loin, le travail de
Kamome Shirahama dans
L Atelier des sorciers. J'attendais donc de pied ferme le premier tome relié de cette création originale et je remercie Ki-Oon de me l'avoir envoyé.
L'Eden des sorcières est donc une création originale de Yumeji pour Ki-Oon. Ceux-ci l'ont directement débauchée au Japon séduit par son style graphique déjà très marqué et l'ambiance de son titre qui n'était pas sans rappeler certains autres titres de l'éditeur. Je n'ai donc pas été surprise de retrouver la même charte-objet que pour Bride Stories, Magus of the Library ou Isabella Bird dans son format et la forme prise par le livre. On sent vraiment qu'on est dans la même gamme de titres et c'est plutôt bon signe vu que j'adore ces derniers.
Le titre s'ouvre comme un vieux grimoire ou un vieux livre de contes et nous plonge directement dans le récit d'un ancien mythe qui sera ensuite la base de tout l'univers que nous allons suivre. Avec cette ambiance rétro fantastique teintée de fantasy, l'autrice nous embarque dans un très beau voyage, mais un voyage âpre et douloureux parfois, dont on sent que le cheminement n'aura rien de simple.
Tout commence sur une Terre ravagée. Les humains se sont tellement mal comportés qu'ils ont fait fuir la nature et les créatures qui la peuplaient. La terre est donc désormais désertique et les humains ont du mal à survivre. Mais au milieu de tout ça, il y a des femmes qui sont parvenues à survivre grâce à leurs liens privilégiés avec la nature : ce sont les sorcières. Celles-ci sont cependant pourchassées pour être éliminées ou étudiées. le jour où Pilly, une jeune apprentie, voit sa maîtresse malade, elle n'a d'autre choix que d'aller dans la ville des hommes chercher de l'aide, mais sa grande naïveté va malheureusement lui jouer des tours et elle va se faire remarquer par les mauvais individus. S'en suit une brève mais violente chasse aux sorcières dont sa maîtresse et elle seront victimes.
J'ai beaucoup aimé le ton un peu post-apocalyptique du récit. Cela donnait d'emblée une teinte sombre et rude au récit. La suite de l'histoire n'a fait que le confirmer avec cette chasse aux sorcières dont l'héroïne est victime. Nous sommes dans un univers âpre où la terre désolée n'est pas la seule épreuve que l'héroïne devra surmontée.
J'ai donc été ravie de voir également un peu d'espoir poindre avec la quête dans laquelle elle se jette d'emblée à la fin du deuxième chapitre et qui reprend le titre de la série. En effet, avec un familier né d'une graine, elle se lance à la recherche de l'Eden des sorcières, cette terre promise où elle pourra enfin être en symbiose avec sa nature profonde et la nature tout court. Pour cela, elle se lance sur les routes dans un périple qui lui fera découvrir le monde qui l'entoure, ceux qui le peuple, et sûrement bien plus.
Ce premier tome n'est donc qu'une belle mise en bouche. L'autrice pose d'abord les bases de la mythologie de son univers avec la terre ravagée, les sorcières, les graines, les inquisiteurs, etc. Elle expose le drame qui sera à l'origine de la quête de l'héroïne et on voit les premiers pas et premières rencontres de celle-ci sur les routes.
Tout cela, du dessin jusqu'à la mise en scène et l'ambiance, m'a rappelé de célèbres titres que j'ai beaucoup aimés comme
L Atelier des sorciers (pour son héroïne naïve, le basculement dans le fantastique et bien sûr les dessins), mais Nausicaa aussi (pour le côté aventure et rapport à la nature) ou encore To your eternity (avec le voyage de l'héroïne et son rapport à son familier ainsi que les rencontres qu'elle fait). de très bonnes références.
Les dessins avec leur aura d'anciennes gravures sont vraiment l'atout charme du titre en plus de son univers décrit plus haut. J'adore la finesse et la richesse du trait qui semble être fait à la plume. C'est moins prodigieux que sous la plume de
Kamome Shirahama mais cela reste superbe, plein de poésie et de mélancolie avec une touche de noirceur saisissante et enivrante parfois. le titre mélange en plus ambiance occidentale et orientale avec ce rapport shintoïste à la nature qu'on retrouve fortement dans Oak, le familier de l'héroïne. La peinture de celle-ci est fabuleuse, la nature coure de partout et semble nous envelopper autant que nous étouffer, cherchant à se venger de ce qu'on lui a fait subir.
Voici donc une belle première incursion dans ce titre qui a le mérite de révisiter avec une jolie dose d'originalité le mythe de la sorcière et le récit post-apocalyptique avec voyage initiatique. L'autrice semble avoir pris plein de choses qui lui plaisaient pour les secouer et les mélanger afin de faire ressortir cette oeuvre très humaine dont l'âpreté pique mais stimule aussi l'imagination et la réflexion. Je demande juste à ce que la suite prenne le bon chemin comme ce fut le cas pour To your eternity qui démarrait tout aussi mystérieusement et timidement et qui a produit une superbe fresque philosophique.
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