[Les grands entretiens] Entretien avec Alex Mahoudeau, auteur de « La Panique woke ». Il montre comment des militants pour davantage de justice font l'objet de polémiques apparemment absurdes, dont la nature et les conséquences sont extrêmement politiques. Les manières de les affronter sont multiples, assure-t-il.
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Merci à toutes les personnes qui, des mois après, continuent à faire des plaisanteries sur les poeles à frire chaque fois que je leur parle de ce livre.
Les discours constitutifs de la panique wok s'appuient en fin de compte sur l'idée qu'il n'y a en effet « qu'une seule politique possible », mélange de libéralisme économique (notamment orienté sur la défense d'un ensemble de « valeurs » dont la définition varie au gré des besoins), de suffisamment de filets de sécurité sociale pour justifier de son existence, tout en ayant définitivement intégré le modèle de la pénalisation des « assistés », de solutions policières aux problèmes sociaux et du fait que c'est aux individus d'assumer la charge de la mobilité sociale en s'élevant individuellement par leur travail, plutôt que collectivement par leurs luttes. Au-delà du maintien de l'existant, le camp politique conservateur n'a, fondamentalement, rien à proposer, à part des ricanements cyniques et davantage de réformes précarisant le travail et rognant sur les filets de sécurité sociale.
Les termes employés pour le décrire sont d'ailleurs à l'avenant : il "contamine", "infiltre", "pervertit" ou "verrouille", plus qu'il ne convainc ou décrit. C'est "une religion", "un millénarisme", "une dérive", "une pulsion de mort", "un cancer", pas une idée ou un système de réflexion. Les "wokes" sont très parlés, mais parlent peu : les livres les décortiquant citent peu, et leurs auteurs ne mènent généralement pas d'entretiens avec ceux et celles censés y adhérer. Il s'agit de tableaux à charge plus que d'analyses.
Il y a une histoire à écrire de la façon dont des termes issus de l'expression de groupes minoritaires font l'objet d'une forme de cooptation et de retournement, et dont le terme woke est un très bon exemple, son sens original étant progressivement remplacé par une métaphore religieuse à mesure qu'il est approprié par des acteurs conservateurs pour combattre le genre de politiques défendues par ceux-là même qui l'ont conçu. Ce n'est pas l'objet du présent ouvrage, mais je lirais un tel travail avec grand intérêt. (11)
Pour contrer la panique woke, il s’agit de ramener sur le terrain des mesures politiques concrètes ce qui est actuellement traité sous l’angle de la morale et de l’indignation"
Même s’il est porté par les acteurs directement responsables d’une grande partie des griefs qu’il représente (la néolibéralisation de l’université, l’amoindrissement des budgets de recherche, la précarisation de l’emploi, un rapport de clientèle à l’enseignement supérieur, qui sont tous des effets des politiques néolibérales et conservatrices), le scandale du politiquement correct connaît un franc succès tout en permettant de diaboliser la gauche. [années 1990, Usa]
Emmanuel Macron craint ainsi, d'après Le Monde, la prolifération de « discours racisés » qui conduiraient au risque de voir des statuts déboulonnées en France (2020). C'est attribuer un pouvoir bien excessif aux sciences sociales que de penser qu'elles seraient capables, hors de toute réalité empirique, de provoquer de telles lames de fond dans l'opinion publique, et refuser, comme le dit Laure Murat, de prendre au sérieux le sens politique de ces épisodes (2022).
le fait que les départements de Lettres seraient des « usines à chômeurs » est également un lieu commun de la critique qu’en font les conservateurs
Quel est le rapport entre plusieurs mois de manifestations liées au meurtre d’un homme par la police, des décisions relevant du marketing de grandes entreprises, [et] des controverses durant parfois plusieurs années autour de monuments [...] toutes ont été étiquetées comme relevant du « wokisme »
Les paniques morales ne sont ni manufacturées par en haut, au service d’une élite monolithique et malveillante, ni un effet de l’irrationalité des foules. Ce sont avant tout des phénomènes politiques, caractérisés par la construction de problèmes publics.