Citations de Tess Corsac (54)
Je le vois. Ce lambeau de brume, ce nuage trapu qui galope entre les broussailles, tapi dans mes angles morts. Le monstre brouillardeux est revenu. Rien d'étonnant : il fait sombre et j'ai trop peur. J'essaie de ne pas le regarder. Il faut que je me concentre sur les lumières du village, au sommet du coteau. Je dois oublier le nébuleux, il n'existe pas. C'est le fruit de mon imagination.
Pour la première fois depuis des années, mon regard porte loin, sans obstacle. On dirait que toutes les étoiles du ciel sont tombées par terre, à mes pieds.
On a pas perdu tout ce qui nous vient de dehors. Si c’était le cas, on se ressemblerait tous. On serait un régiment de fantômes identiques. Tu as des valeurs, tu as des objectifs, tu as des rêves. Ils ne te viennent pas de nulle part : tu n’es pas vide.
On ne peut pas ressusciter le bonheur ! Ça ne sert à rien d'essayer de reproduire un passé disparu. Il y a d'autres choses à créer, d'autres amours à découvrir.
Nous faisons partie de l’ordre du monde.
Au contraire, c'est un acte d'une grande puissance, par lequel tu te débarrasses des mauvais sentiments vis-à-vis de la personne qui a pu te faire du mal. Quand tu pardonnes, c'est toi qui as l'ascendant.
Hurler face aux tempêtes n'a jamais protégé des déluges.
Il y a, dans la vie, des orages qu'on n'évite pas...
Nous voilà de nouveau piégés par notre rôle de pionniers. C'est à nous de théoriser sur les maux qui nous travaillent car personne n'était là avant nous pour les étudier. Nos naufrages et nos erreurs serviront sûrement aux prochaines générations d'assermentés, si on parvient à sauvegarder assez de santé mentale pour leur laisser un témoignage.
On n'accepte pas la mort de sa mère, de son frère ou de sa propre enfance. On la subit, tandis qu'elle arrache à pleine gueule des lambeaux de bonheur. On survit malgré elle, parce qu'on n'a pas d'autre choix.
Tu sais, ce n'est pas à moi de juger mon propre passé. Je n'ai foi qu'en un seul juge, et c'est à Lui que je m'en remets. Notre vie ne tient pas à notre passé, Natt. Il faut... il faut regarder devant.
- C'est très difficile de se pardonner soi-même, glisse la Chouette. Les gens l'oublient souvent.
C’est l’espoir d’oublier qui vous a fait venir ici. On vous a promis qu’on gommerait vos souffrances de votre mémoire. C’est ce qu’ils ont fait Natt. Vous êtes là parce que vous étiez prêt à quitter parents, amis et vie sociale pour une amnésie.
Pour lui, ma rencontre avec madame Navarro n'était qu'un rêve. Pour moi, c'était bien plus que ça. J'aimerais expliquer tout ce que sont ces petits vieux que l'on console à l'orée de leur fin. Mais personne ne comprendrait, bien sûr. Ce qu'on vit dans la tête de nos rêveurs n'a cette intensité que pour nous.
C'est fréquent, de s'oublier soi-même à force d'aider les autres.
On est maudits, Eole ! Notre métier nous abîme et nous transforme. Mais on continue, parce qu'on est accros, tout simplement. Accros à ces mondes dans lesquels on peut tout faire.
Pour me consoler, ma mère m’expliquait que le deuil, c’était de l’amour qui ne savait plus où aller.
- C'est comme si on était dans un rêve, murmure Yann.
- Pourquoi? je demande.
- Cette manie qu'on a de pas se poser des questions. De ne pas s'interroger sur notre environnement. On prend ce qu'on voit pour une réalité indiscutable. Sans chercher... plus loin. Je ne sais pas ce qu'ils ont pu nous faire, mais ici, on a la même naïveté que dans nos rêves. On est persuadés que tout est acquis et on ne s'aperçoit des incohérences que lorsqu'on y réfléchit vraiment...
La seule chose qui m'angoisse, c'est la perspective de ne jamais comprendre ce qu'il nous arrive.
L’oubli. Notre motivation à tous.
Ma mémoire est un océan gigantesque. Je suis un poisson dans un aquarium, flottant sur les vagues et, quand j’essaie de fouiller dans mes souvenirs, je me heurte au verre. Il y a une cage dans ma cervelle.