Escroquerie ou mystification ?
J'ai ouvert ce livre à la seule vue de sa couverture, sans avoir pris de renseignements préalables à son propos.
Vierge j'étais par rapport à cette histoire, vierge je voulais rester !
J'entamais donc un ouvrage qui allait me restituer un ancien fait divers suisse, de moi inconnu, qui avait eu la particularité de ‘fasciner'
Truman Capote à en croire le marketing bandeau rouge qui en barre la couverture et qui contraste avec la belle photo noir et blanc d'époque qui la constitue.
Le préambule m'emmène au salon du livre de Genève en 2001 où une esclandre entre une visiteuse scandalisée et une autrice exposante donne le déclic à l'auteur témoin des faits pour s'engloutir au plus profond de cette ancienne histoire judiciaire des années 60 qui avait secoué la glaciale confédération helvétique, l'autrice ici alpaguée en étant la principale protagoniste.
Alors l'histoire démarre, les faits comme les personnages me sont racontés de façon mi romanesque mi journalistique et inégale quant au style.
Une jeune femme de bonne famille pour qui l'argent file entre les doigts aurait fomenté l'assassinat de son père, son bras armé étant celui de son terme mari.
Quelques pages plus tard, surprise, changement de ton, c'est la correspondance de
Truman Capote qui occupe les pages que je tourne avidement. Un papotage chichiteux adressé à ses intimes ou, depuis ses différentes adresses, il manifeste son vif intérêt grandissant pour l'histoire de cette scandaleuse condamnée comme instigatrice d'un parricide, évadée de prison et depuis propulsée malgré elle dans le trafic de drogue international, maillon faible de ce qui allait devenir la french connection. Il envisage même sérieusement d'en faire le sujet de son prochain ouvrage.
Le roman se déroule ainsi, alternant récit qui nous mènera de la Suisse aux Etats-Unis en passant par la France, l'Algérie ou l'Espagne et correspondance privée (qui s'avèrera être une biographie du romancier finalement) jusqu'à ce que, faute de pouvoir rencontrer son héroïne future, lui qui a inventé le récit vérité et qui tient à obtenir ses informations de première main, Truman ne fasse capoter son projet littéraire.
L'itinéraire aventureux de
la scandaleuse madame B se déroule cependant, jalonné de faits d'actualité internationale qui permettent de le situer dans le temps et le contexte géopolitique qui ont de l'importance dans son parcours.
La biographie d'une enfant du siècle au destin semé d'embûches comme il en existe tant.
Seulement, ce n'est que dans les notes de fin de livre que l'auteur nous avoue avoir inventé de toute pièces la correspondance 'vraisemblance' qui occupe la moitié de son ouvrage, note que j'aurais pu ignorer comme je le fais souvent des remerciements ou compléments de fin de bouquin.
Ma première impression fut alors de me sentir floué d'avoir marché à l'aveugle et à fond en suivant un récit factice totalement inventé par un auteur manipulateur avec la complicité vénale d'un éditeur .
Ha, cette couverture, que diable !
Mais n'est-ce pas le propos d'un roman que de nous trimballer finalement ?
Ensuite, je me suis interrogé sur la pertinence de ce propos, nulle part n'apparaît trace de l'intérêt de Capote pour cette histoire si ce n'est dans les mémoires que la fameuse scandaleuse à publiées, si j'en crois les renseignements pris ultérieurement à ma lecture, alors pourquoi cette affabulation ? Pour se prêter à l'exercice de style de pasticher (admirablement bien cela dit) la correspondance de l'écrivain mondain publiée par ailleurs ?
Mais alors justement, pourquoi ne présenter ce réellement virtuose exercice d'imitation que comme un simple travail de sélection et de compilation, minimisant ainsi son implication dans l'écriture, d'autant que ce style bavard et ampoulé de commère caricaturalement auto-maniérée risque de rebuter le lecteur peu enclin à ce verbiage de boudoirs.
Lecture et réflexions terminées, j'en suis toujours à me demander si je me suis laissé emporté par un fabuleux mysticisme d'auteur particulièrement inspiré ou si, au contraire, je n'ai été que la victime (consentante) d'une escroquerie littéraire (terme excessif) qui met en scène de façon fictive le créateur du roman de non-fiction. Drôle de paradoxe, d'oxymore ? !!
Après tout, il est écrit ‘roman' sur la couverture !
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