Conversation avec l'homme qui prie (1903) :
Si le récit commence comme une autobiographie proustienne, que la rencontre a quelque chose des Carnets du sous-sol de
Dostoïevski ou de ce que sera La Chute de Camus, la conversation reste proprement kafkaïenne, y compris les paroles du conteur qui débordent du contexte voire n'ont plus aucun rapport avec celui-ci. Cette rencontre sort le conteur du réel et l'amène à l'évidence de l'absurde vivant au milieu de tous. On est en 1903 et Kafka pose déjà l'étrangeté des choses du quotidien et des conversations normales, de l'impossible communication, de la vision de soi dans le champ d'observation, thèmes qui seront repris par
Sartre dans
La Nausée ou par Camus dans L'Étranger…
Vacarme (1903-1912) :
Ce très court récit est clairement une scène autobiographique. Si l'auteur a vraisemblablement la vingtaine quand il l'écrit, on y sent un genre de traumatisme d'enfance. Kafka était marqué par ce père qu'il ressentait comme une brute dans son caractère, par des soeurs plus jeunes et futiles. Outre l'impression de bruit, c'est
la métamorphose en serpent qui est significative et annonciatrice. Celle-ci serait une condition d'action dans le monde : l'homme sensible doit perdre son humanité pour intervenir dans le monde.
Le Cavalier au seau (1917)
Raconté comme une farce ou un conte fantastique, ce très court conte exploite la fibre merveilleuse pour cependant mentionner une situation plus sérieuse, la souffrance liée au froid de ces temps de pénurie de charbon de la première guerre. Dès lors, le merveilleux se comprend comme un moyen de transfigurer la vie, ou bien comme le délire du souffrant dont les scènes de refus d'aide se passent comme un cauchemar incompréhensible, la peur de ne plus pouvoir avoir le moindre bout pour se chauffer, ou bien le mal mental lié au mal physique. le seau qui devient un destrier est l'attribut du chevalier du froid.
L'Instituteur de village (ou La Taupe géante) (1915) :
Partant d'un phénomène extraordinaire voire irréaliste, Kafka pose la difficulté d'aider son semblable sans paraître vouloir voler le prestige qu'on lui prête. Plus encore peut-être, il pose l'incompréhension des mondes citadin et villageois. Les différences fondamentales d'organisation de la société, de communication, de relations humaines, font des campagnes des lieux isolés, jaloux et des individus des villes des êtres craintifs, faibles devant la masse…
Le Pont (1917) :
Dans
la métamorphose du conteur, il y a ici une métaphore évidente de l'homme qui par sa sensibilité et par son éducation est monté dans les hauteurs de la connaissance, se retrouvant dès lors au dessus d'un grand vide. L'ambition d'y être solide et utile pour les prochains aventuriers cède sous le premier coup incompréhensible d'un curieux moqueur qui n'est pas l'aventurier attendu. Ce récit très bref est une étrange élaboration, se présente là aussi comme un rêve ou une angoisse matérialisée.
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