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EAN : 9782070385140
224 pages
Gallimard (14/05/1992)
3.99/5   44 notes
Résumé :

A deux heures de l'après-midi, comme un couvercle ouaté, sur le Pelvoux le silence tombe. La cure commence qui porte son nom. Aux balcons, les grands stores sont baissés. Ils protègent contre le vent, la neige, le soleil et les sons. Sur leurs lits, les malades s'allongent immobiles. Ni livres ni jeux. Il faut que le corps et l'esprit, livrés a eux-mêmes, connaissent l'absolu repos. Ils sont tous là, parallèlement ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Toujours sous le charme de l'écriture de Joseph Kessel qui dépeint avec sensibilité et sans pathos la douloureuse et angoissante vie quotidienne de malades atteints de tuberculose qui se font soigner dans un sanatorium au milieu des années 1920.
Un établissement, le Pelvoux, situé en Suisse où un médecin humain et bienveillant envers ses patients essaye de leur apporter la sérénité dans leur combat contre une maladie souvent mortelle à cette époque là.
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Marc Oetilé est un vendeur de voiture prétentieux, hautain, vaguement misogyne (il est si sûr de sa supériorité masculine), qui ruine sa santé dans les cigarettes, l'alcool et les nuits blanches. Il ne s'intéresse à personne, méprise tout le monde à l'exception de son frère (qui n'apparaîtra pas dans le roman) et le monde le lui rend bien puisqu'il n'a aucun ami. Son orgueil en prend un coup un jour qu'il s'aperçoit qu'il est atteint de pneumonie. Quoi ? lui si beau, si maître de son corps, si volontaire serait atteint de cette maladie débilitante qui l'oblige à se réfugier dans un sanatorium, espace clos pour personnes faibles ? Et bien soit ! il ira, il verra et il vaincra cette inflammation, sans se mêler aux autres patients, pauvres créatures méprisables qui se complaisent dans la cure.

Ce personnage détestable va, évidemment, vivre une expérience qui servira de morale au livre. Cependant, cette dernière n'est pas pesante car si l'évolution d'Oetilé est prévisible, le monde décrit n'est pas enrobé de sucre d'orge pour autant. Par ailleurs, Oetilé est un personnage complexe qui se sent changer, refuse le changement, veut aller vers les autres mais les rejette dans le même temps, a si peur de la mort qu'il refuse tout d'abord de la voir, puis l'accepte et s'humanise à son contact. Ces pauvres malades qu'il observe de si haut vont brusquement devenir des combattants à ses yeux : comme ses camarades du front, les patients du Pelvoux se battent quotidiennement pour vivre mais eux n'ont pas la possibilité d'oublier leur mal le temps d'une partie de cartes. Dans ce sanatorium, sous les allures sereines et frivoles, les regards sont anxieux et la joie poussive, les joues se creusent et les malades observent chez les autres l'avancée ou le recul de la maladie. Adultes et enfants luttent quotidiennement pour survivre d'abord, et vivre aussi un peu en reproduisant les gestes et les relations du monde extérieur.

Dans l'espace clos du sanatorium, les malades sont captifs de leur corps qu'ils tentent de soigner le plus rigoureusement possible, ou de détruire en brulant leur angoisse dans de fausses joies, de faux amours. On perçoit les moments de doutes, d'abandon, les sursauts de vie, les moments de bonne humeur, la paranoïa passagère.
Ces malades sont aussi captifs du lieu, des contraintes de la cure et des faibles loisirs proposés.
Enfin, ils sont captifs des conventions sociales et des rôles qu'ils se sont donnés dans la société. le misogyne peut-il accepter d'aimer puis d'être rejeté par une femme qui ne l'aime plus ? La jeune femme de bonne famille peut-elle reconnaître son amour pour un coiffeur miséreux ? L'épouse peut-elle devenir adultère ? L'aviateur frimeur peut-il admettre un amour sincère sans perdre la face ? Pour tous, la maladie est un révélateur qui les aide aussi à se libérer.

Kessel rend compte de tous ces états d'âme sans sombrer dans l'excès de bons sentiments ou dans une pitié déplacée pour ces hommes et ces femmes qui sont décrits dans toute leur complexité. Comme Oetilé regardant, dans une mise en abyme, ce romancier qui observe la jeune Michelle à la toute fin du livre, clin d'oeil au réalisme des événements, on pourrait se demander ce que des lecteurs en bonne santé pourraient comprendre à ces malades ? Peut-être que ce qu'il y a à retenir de ce livre, ce n'est pas le pathétique de ces personnages mais leur courage.
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Le roman "Les captifs" fut écrit par Kessel en 1926 et dédié à sa première épouse Sandi alors déjà malade depuis plusieurs années et soignée en sanatorium en Suisse depuis 1926. Nul doute que les visites et séjours qu'il y effectua furent à l'origine de ce roman.
Le lieu du sanatorium, le Pelvoux, est un endroit retiré en altitude. C'est un point où convergent des malades de tous pays, plutôt aisés et par nature, dissemblables. le roman est donc un huis-clos où les gens, les captifs, s'observent et observent, cohabitent par force et dont les seules possibilités d'évasion, de retour vers une vie normale sont soit les rares guérisons soit la mort.
Une phrase résume le livre :
"Il ne pouvait plus oublier que ces gens qui riaient, jouaient, flirtaient, iraient tout à l'heure regagner leur terrasse pour y défendre leur vie, qu'ils économisaient leurs mouvements, leurs paroles, qu'un impitoyable rappel suivait toute imprudence et qu'ils étaient plus prisonniers de leurs corps amoindris que du sanatorium lui-même.."
Celui qui parle est Marc, un homme, vendeur de voitures de son état, fêtard, jouisseur, antipathique parce qu'arrogant et méprisant. Son comportement avec ses semblables qu'ils soient hommes ou femmes relève de la goujaterie. Son orgueil en prend un coup le jour où il apprend qu'il est malade et doit se soigner en sanatorium s'il veut survivre. Il sera le fil rouge du roman et comme on peut s'en douter, vivra peu à peu une sorte de rédemption.
Face à lui, trois beaux portraits de femmes Edith, Syngie et Thérèse. On ressent à la lecture du roman que Kessel a apporté toute son empathie pour ces trois personnages. Et il me plait de penser que son épouse Sindy était un peu dans chacune de ces trois femmes.
De même, je ne peux m'empêcher de rapprocher ces trois personnages du sublime portrait de Pat dans "les camarades" de EM Remarque. Comme chez Remarque, en toile de fond, la Grande Guerre et ses tranchées et sa boue ne sont jamais bien loin.
Il n'y a aucun pathos dans ce roman qui rend hommage au courage individuel de chacun de ces patients face à leur destin.
J'ai aimé ce roman et le courage intérieur de ses personnages et j'ai aimé la mise en abyme à la toute fin à propos d'un "romancier" qui se trouve là à observer un malade poussant Marc à dire : "mais que pouvait-il donc y comprendre ?"
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J'ai découvert un peu par hasard ce roman de Joseph KESSEL.
Outre le fait que je me suis délecté de son écriture, de la beauté de ses tournures de phrases, je suis obligé de reconnaître que l'empathie est totale avec cet écrivain. Il me fait rêver. Qu'est ce que cela fait du bien de lire un roman d'un auteur, un vrai, qui vous fait partager la passion de ses mots et de la vie.

il nous fait partager à travers ce roman ce qu'a pu être le combat de nombreuses personnes qui au début du XXème siècle, luttaient contre cette maladie que nous ne connaissons plus, la tuberculose.
L'action se situe dans les années 1925 1926 et le héros est un homme d'une trentaine, voire d'une quarantaine d'années.
Arrogant au début du livre, dénué de tout sentiments, Marc Oetilé se retrouve dans un sanatorium un peu comme dans un paquebot à effectuer un voyage ou les différentes "escales" ne sont pas aussi merveilleuses que ce que l'on peut imaginer.
Et comme ses compagnons de route, il se retrouve "captif" de ce sanatorium jusqu'à sa guérison.
Il va se trouver confronté à des gens, qui un peu comme dans une croisière, essaient d'occulter la maladie, la mort, à travers leurs activités. ce qui dénote l'absurdité de la situation.
Il va changer, lui qui a connu la grande guerre, et va peu à peu s'ouvrir à ce que la vie réserve de meilleur, même si la souffrance et la mort en sont des étapes.
A vous de le découvrir lorsque vous partagerez ce roman.
J'ai aimé. mais je dois avouer que je suis un fan inconditionnel de KESSEL. Ce n'est donc pas objectif.
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Marc Oetile, prospère entrepreneur parisien, orgueilleux, sûr de lui, imbu de sa personne, va devoir faire l'expérience d'un séjour en sanatorium.
Petit à petit, sa dure carapace va se fendiller et il va s'ouvrir aux autres et à d'autres valeurs.
On croise de nombreux personnages, eux aussi malades, en tête à tête avec la mort, l'accrochement à des futilités (Thérèse Geranne, le commandant Stream, Antoinette de Verneuil, Edith Lane, Syngie, Victor Louvier, Pierre Lemerre, Marthe Desfeuilles, la jeune Michelle).
Et aussi, en filigrane, d'anciens malades installés au village. Chacun a sa propre histoire, souvent malheureuse.
J'ai particulièrement aimé l'analyse psychologique des personnages, la façon qu'a chacun de gérer la mort si proche.
Très bien écrit, très fin, très subtil.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Que lui rappelait donc cette existence où la mort sans répit insinuait son mufle ? N'était-ce pas le front ? Sans doute rien, apparemment, n'était semblable. Là-bas, la tranchée, la vermine, ici tout le confort. Là-bas, des hommes ensauvagés et le vol ululant des obus ; ici, le raffinement, l'amour et la douce mitraille de la neige. Mais sur l'Yser ou à Verdun, l'on ne pensait pas tout le temps à la balle qui frappe. La vie s'organisait dans les boyaux, les abris. Il y avait des amitiés, des joies, le repos. Quant on emportait un camarade, c'était comme par hasard. On y songeait un peu et l'on se remettait à la tâche d'exister…. N'en allait-il pas de même au Pelvoux ? C'était un combat plus veule, plus secret mais aussi périlleux. Si la forme de vie et de mort y était différente, le rythme profond était le même dans ce cirque abrité que dans les petits postes.
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Au printemps, en été, le long de la voie, poussent des boutons d'or, des pervenches, des soldanelles. L'herbe est très grasse et très verte. De petits champs de roses éclatent soudain. L'odeur des sapins chauffés entre dans les voitures.
Mais, dès l'automne, des nuages capturent à mi-chemin le funiculaire et c'est à travers eux qu'il avance. La brume glacée couvre les champs, estompe les arbres. Elle dérobe le monde aux regards, enferme les corps dans son inconsistante prison. A mesure que monte le funiculaire, elle se fait plus serrée et plus froide. Il semble qu'elle ne permettra point de retour.
Quelquefois, avant de toucher à son terme, le train perce la couche de brouillard. Alors le ciel, le soleil resplendissent sur le cirque de montagnes qui enferme la ville des malades. Un monde lumineux, clos, repose entre la blancheur des nuages et celle des cimes.
Ce fut par un de ces matins magnifiques et désolés que Mar arriva.
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Autour de lui, tout, également, était comme enchainé : les lignes rigides de la maison, les arbres chargés de neige cotonneuse, les grands monts arrêtés dans leur élan de vague, l'air même, fixe et pur. Cette torpeur était pour Marc la pire épreuve.
Combien eût-il préféré la table d'opération où, par trois fois, la guerre l'avait étendu ! Les muscles déchirés, les nuits de feu toute souffrance était plus facile à supporter que celle de ne ressentir aucun malaise et d'attendre indéfiniment sur une chaise longue.
Il avait besoin de toute sa volonté pour vaincre l'impatience de son corps actif. Il lui fallait le maîtriser sans cesse, le forcer à la molle et insipide station dont on lui promettait tant de bienfaits. Mais n'était pas au Pelvoux pour guérir et guérir vite ?
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Ainsi s'établissaient entre eux de fausses images. Elle lui croyait ses propres goûts et certaines qualités de son âme, alors qu'il ne cherchait en elle qu'un élément physique. Et Marc supposait à Thérèse une gaieté constante, une humeur facile, qui, en réalité, venaient seulement de sa présence et de ce que, par erreur, elle lui prêtait d'elle-même. Mais ce malentendu les avait déjà liés mieux qu'un accord.
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Oetilé essaya de considérer la vie du Pelvoux avec les yeux qu'il avait en arrivant. C'était pourtant le même air de luxe, d'insouciance, les mêmes figures qui semblaient reposées, les mêmes fleurs sur les tables, le même orchestre. Mais, à présent, Marc, trop clairvoyant, perçait le masque. Il ne pouvait plus oublier que ces gens qui raient, jouaient, flirtaient, iraient tout à l'heure regagner leur terrasse pour y défendre leur vie, qu'ils économisaient leurs mouvements, leurs paroles, qu'un impitoyable rappel suivait toute imprudence et qu'ils étaient plus prisonniers de leurs corps amoindris que du sanatorium lui-même.
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Jusqu'où peut nous entrainer l'amitié avec un animal ? Surtout quand cet animal est farouche : ici, il s'agit du roi des animaux. le lion.
« le Lion », de Joseph Kessel, c'est à lire et à relire en poche chez Folio.
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