Toujours avoir un Kourkov en réserve ! Quand on a un petit moral, quand l'actu pète les plombs, on farfouille dans son tas de livres à lire, et Ô Zana, on se fait requinquer par sa plume.
Pas qu'il nous présente un monde merveilleux non. D'ailleurs, me disais-je, pour ce livre publié en France en 2012, comme pour ceux que j'ai déjà lus, qui se passent à Kiev et parfois se baladent aux alentours,
son monde du petit quotidien est désormais révolu. Fini, tout ça. La guerre de l'autre, là, est en train de tout hachurer.
Ça fout un coup.
Et ça ne remonte pas le moral.
Et pourtant, ça marche. Sur moi en tous cas. Voilà pas que Nikolaï, le héros, trouve un manuscrit qui sent la cannelle, qui n'est pas
De La Fontaine.
et qui dit :
"Un poète ukrainien, sentant sa mort prochaine,
Ecrivit à ses enfants, en les pages d'un cahier :
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous a laissé Chevchtchenko en le désert de Mangychlak.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout."
Sur cette base, notre célibataire sans pingouin décide de s'y rendre, pour des raisons que je vous laisse découvrir. On fait notre baluchon avec Niko qui prend ses boites de lait pour bébé sous le bras, et on s'engouffre dans le long voyage.
Et cette fois, j'ai pris mon Atlas et j'ai regardé la carte de la région.
Il y a une trotte entre Kiev, lieu de départ du rodmouvi kourkovien, et cette presqu'île qu'il nomme Mangychlak, un coin de désert à peu près pas peuplé, sinon par quelques nomades. Notre héros, Niko, qui est d'origine russe mais vit à Kiyv et aime sa ville (une sorte de Kourkov, quoi) traverse l'Ukraine en filant à l'Est du Dniepr, vous savez, le Dniepr, LE fleuve d'Ukraine.
Dniepropetrovsk, sus à l'Est, Lougansk, mais si, vous ne connaissez que ça, c'est en zone grise depuis 2014, et en zone occupée par le over-célèbre Grand Voisin depuis le 24 (en Ukraine on ne dit pas 24 février 2022, on dit "le 24"). le Grand Voisin, suivez mon regard, vous l'avez ? mais si, la Russie !!! La Russie toute mignonne qui se sent fragilisée par la puissante et méchante Ukraine qui fait rien qu'à draguer l'Occident tchto takoï blat', rhô c'est trop ballot. Eh ben en 2012 tout ça c'était des contrées libres, avec certes parfois un peu de tension ici ou là, mais rien de grave, quand j'y pense, vojé moï…
Lougansk et hop, pénétration sur les saintes terres de la Sainte Russie, jusqu'à Volvograd. Là on est dans le sud de la Fédération - eh oui, c'est une Fédération d'états, la Russie, peuplée par 13% de Russes et 87% de plein d'autres peuples dont on ne connait que la Kalmoukie de Iouri Jorkaiev et les Nenets de Charlotte de Turckheim en terre inconnue…
A Volvograd, savez-vous quoi ki nia ? Mais pardi bien sûr, la Volga. de l'ample du puissant du vaste fleuve, un peu comme le Dniepr, ça en fleuve, c'est pas les derniers, les Slaves. Et la Volga descend majestueusement jusqu'à la mer Caspienne.
C'est une mer fermée, la Caspienne, mais c'est vaste, quand même. Autant la pauvre mer d'Aral, coupée en trois, se dessèche et disparait par endroits, autant la Caspienne est fidèle au poste. Á Astrakhan, terminus des trains, fin de la Russie, commencement de la toque en courte fourrure frisée et du caviar qu'on lape à même la main, et ouverture vers la presque-île de Mangychlak par bateau.
Embarquement immédiat. Vers l'inconnu, avec ce foufou de Nikolaï qui fait ce qu'on aimerait tous faire un jour sans trop oser parce que quand même : se laisser guider par les évènements.
Le Kazakhstan. J'ai pris l'Atlas, on le voit, et l'encyclowikipédie aussi. Qui connait le Kazakhstan ?
C'est un pays immense, genre en Asie c'est le 4ème après la Russie la Chine et l'Inde, pour dire. Grand, et parmi les moins peuplés du monde, en gros 7 habitants au mètre carré. C'est un pays de nomades. Ah ! Comme tout pays partageant une frontière avec la Russie, est-ce que le Kazakhstan a eu quelques petits problèmes avec le Grand Voisin ? Ben voyons : "À la suite de tentatives de sédentarisation des populations nomades qui peuplaient historiquement ce vaste territoire et de la politique de collectivisation forcée, une famine décime un grand nombre d'habitants durant les années 1929-1933. Environ un quart de la population kazakhe, soit près d'1,5 million de personnes, périt des suites de ces événements".
Vouaaaala.
Staline, après "J'apprend le russe par le viol" (
Sofi Oksanen "
Purge"), nous propose "J'apprends le russe en crevant de faim" (l'Holodomor en Ukraine, 1932-33, environ 6 millions de morts, et maintenant le Kazakhstan). Toujours plein de facéties, le petit père des peuples, dans l'Art de se faire des amis.
Et cette presque'île alors ?
Son nom signifie : pays des mille nomades.
Et ça a l'air bien beau. Dans le genre grands espaces américains des westerns, voyez, mais version Asie Centrale.
Et si on en croit le roman : plutôt désert de sable. Avec quelques belles traditions, si on a la chance de rencontrer des petits bouts de familles pleines de sagesse.
J'ai suivi l'intrigue, en confiance avec mon Kourkov fraternel, c'est foutraque, avec toujours un peu de tendresse même dans les moments tendus, et un peu de tension même dans les moments tendres. Ça m'a l'air d'être le menu coutumier de la Slavie en général, on sait vaguement d'où on vient, on ne sait pas vraiment où on va, et dans le fond, rien n'est grave. Soit. J'avoue même que je n'ai pas tout compris dans qui était qui et pourquoi. Mais rien n'est grave. le voyage, qu'il soit en bateau-usine ou en train de marchandise, c'est ça qui vaut le coup.
Reste l'envie de découvrir le Mangychlak.
Je vous raconterai.