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EAN : 9782370490957
400 pages
La Volte (18/06/2020)
4.58/5   18 notes
Résumé :
À l'origine fut un manuscrit du Xe siècle. Apocryphe, peut-être pas. À l'origine furent huit femmes, chacune venue d'un lointain horizon, unies dans une grotte au coeur de la forêt. Ensemble, elles racontent ou taisent leur vie de recluses, leur destinée loin du monde et pourtant si proche de lui. Elles parlent mille langues en une seule, mêlant leur âme en un poème morcelé que l'autrice ensuite cimente d'or et de miel. Et de cette tresse de mots naîtra l'apocalypse... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Comment aborder un ensemble de textes du Xe siècle parlant d'une communauté de femmes disparue, celle d'Adsagsonae Fons ?

J'avais peur que ça soit décousu, il n'en est rien. Ce texte (cet ensemble de textes plutôt) est obsédant, parfois difficile à remettre en contexte, mais on a envie d'y revenir sans cesse pour comprendre. L'autrice nous propose de partager son expérience en trois temps et en ayant pris le parti de garder certains mots en latin ou en germanique, en indiquant quand les mots traduits étaient à peine lisibles, voire illisibles. Elle nous transmet ces fragments qui bout à bout forment une histoire. Si j'ai pris quelques notes au début pour me rappeler qui était qui, je les ai bien vite laissées n'en ayant plus besoin.

La beauté du texte réside dans la possibilité de se faire sa propre expérience du sens des mots : celui qu'ils portent intrinsèquement en eux, par leur choix ou par leur sonorité, ou encore par la façon dont ils ont évolué jusqu'à nous. le lien entre les humains, les animaux et le sacré est différent de ce qu'on connaît ou de ce qu'on fantasme de cette époque. Cette communauté de femmes a sa propre voix autant par ce qu'elle raconte dans ces écrits que par ce qui n'est pas consigné.

Agrapha est un texte sujet à interprétation, à imagination même, dans les creux et les vides qui se forment dans l'histoire de ses femmes. Par sa nature, ce livre s'approche vraiment d'une démarche de recherche et constitue un corpus à la fois cohérent, mais où l'essentiel se trouve en dehors des lignes pour se trouver dans la colonne vertébrale : l'articulation des textes. Pour cela c'est, croyez-moi, une expérience bien plus intéressante que La Mâchoire de Caïn : ce soi-disant livre-énigme qu'il faut découper pour le remettre dans l'ordre et qui se veut volontairement incompréhensible. Ici aussi, il faut remettre chaque pièce à sa place mais progressivement et le voyage est plaisant grâce à l'autrice qui nous prend la main pour nous accompagner dans cette découverte.

C'est un texte assez charnel, par son message comme par sa forme et il coule dans notre esprit comme une liqueur sirupeuse. Il ne faut pas tenter de le retenir ni d'interpréter chaque phrase, mais plutôt le laisser s'insinuer dans les failles et venir tapisser notre esprit. Il y a une partie de cette histoire qui parle d'obsession. On veut savoir, on veut comprendre et on revit par là-même une partie de l'expérience de l'autrice. Les lieux manquent, les personnalités insaisissables subjuguent. Qui sont ses femmes ? Quelle était leur vie ?
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MANUSCRIT ANCIEN - RELIGIEUSES - METALITTÉRATURE 


Résumé : Agrapha raconte l'histoire d'un groupe de religieuses par le biais d'un manuscrit apocryphe (l'est-il vraiment ?) du Xe siecle. Livre-objet métalitteraire, plongez dans les abîmes de cette traduction où émotions, Histoire, mysticismes linguistique, poésie et silence se mêlent.


Mon avis : 


Voici une lecture que je ne risque pas d'oublier, je vous présente aujourd'hui un coup de coeur et je sais déjà que mes mots ne rendront pas grâce au travail colossal de Luvan. D'emblée, je vous recommande vivement ce livre ! 


D'abord, ce livre est original par sa forme et sa mise en page car il est divisé en 4 parties et s'amuse avec l'objet livre : il y a le manuscrit, le cahier de la traductrice, la retranscription d'un parchemin et les notes de traduction. Ici, tout fait partie de l'histoire et contribue à sa richesse ! 


Ensuite, le travail de recherches réalisé par l'autrice est exceptionnel et riche. Au niveau linguistique, des termes anciens sont conservés, cela rend la lecture difficile mais tellement enrichissante et credible ! le lecteur est poussé dans ses retranchements pour saisir le sens des non-dits et des termes anciens, touchant à certains moments le mysticisme. 


En outre, l'histoire est d'une grande qualité notamment grâce au style littéraire envoûtant de Luvan. Ce que l'on ne sait pas, ce que l'on ne voit pas, on le ressent : les émotions, la foi, la puissance de la nature, la sororité. Rien n'est évident et dans Agrapha le lecteur est invité à interpréter, à creuser pour comprendre les silences. J'ai souvent été déboussolée par ma lecture mais j'ai aussi sentie, au fil des pages, un lien avec ce livre : il me donnait des pistes mais je devais être une lectrice éveillée pour chercher plus loin. 


Enfin, ce que j'ai le plus aimé est l'omniprésence de la nature dans toute sa puissance : nourricière et dangereuse. Les descriptions et les interactions des religieuses avec la Terre est vraiment sublime. J'ai été transportée et plongée au coeur de ces temps et lieux anciens, agarée dans cette histoire comme la traductrice du manuscrit.

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Une lecture aux textures singulières. Agrapha nous entraîne dans un Moyen-Âge de femmes, parmi des femmes saintes qui vivent en communauté isolée. Mais le roman nous entraîne dans un jeu de traductions, entre rêve et réalité. J'ai beaucoup aimé le mélange de langues dans le texte, qui donne aux écrits un rythme et une identité unique. C'est magnifiquement écrit, onirique et mystérieux, mais aussi difficilement descriptible. D'où le titre, Agrapha, ce qui ne s'écrit pas, qui n'est pas écrit ou qui ne doit pas être écrit. Les textes jouent beaucoup sur la multiplicité des sens, mais aussi sur les non-dits. Ce qui est visible à travers la forme, puisque le roman se plaît à retranscrire les matières des parchemins, joue avec les ratures, les réécritures, pour fournir un curieux objet, sur le fond comme sur la forme.


Lien : https://lageekosophe.com/202..
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C'est un livre étrange comme je les aime mais qui du coup sont très difficiles à critiquer. Cette une expérience intime et spirituelle et l'on reste sans réponses à la fin. L'objet livre est superbe. Un très beau cadeau à faire et à se faire.
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« Agrapha » commence avec le topos un peu usé d'un manuscrit retrouvé, mais se transforme lentement en une expérience de lecture assez étrange. L'autrice joue durant toute la première partie avec le lecteur sur l'ambiguïté du statut du récit, donnant à son texte toutes les apparences de l'exégèse d'un manuscrit. Puis, petit à petit, le récit bascule dans un fantastique qui repose tout entier sur l'ellipse et le non-dit, mais également sur le formidable travail réalisé par l'éditeur autour des polices, de la mise en page, et même de l'impression de pages entièrement noires. Impossible de résumer l'histoire, ou même de dire sur quoi repose le charme des voix entremêlées, racontant un quotidien aussi banal qu'extra-ordinaire. Mais au terme de cette traversée, j'affirme que Luvan est une sorcière puissante, qui ensorcelle la littérature.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
la torpeur des jeunes arbres est en vérité une attente.
l'attente qu'une arbre plus vénérable arrive au terme de sa vie. que sa crinière se clairsème et s'étiole et disparaisse.
que sa sève au flot puissant se tarisse sans plus pouvoir mouiller sa teste couronnée de mille oiseaux.
alors l'une de ces minces arbricululae comblera le vide laissé par l'ancêtre et viendra à son tour magnifier de sa vie foisonnante la forest tout entière.
ainsi en va-t-il de l'existence humaine.
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La solution n'est ni dans l'amour ni dans l'odium. Elle est dans l'errance / l'erreur (error).
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au commencement
À l’origine de ce travail de recherche et d’édition, une tablette de plomb trouvée dans une grotte sous-marine : […]
Je m’occupais alors, pour un projet d’écriture créative académique commandité par l’université de Haute-Alsace, de defixiones (tablettes magiques) gauloises. La personne qui m’a confié cette trouvaille – elle a souhaité garder l’anonymat – pouvait de bonne foi se figurer qu’il s’agissait justement de cela. En effet, le mobilier retrouvé avec l’artéfact, bien que mêlé à des débris contemporains, prédatait de beaucoup l’ère chrétienne. La graphie partiellement grecque ; l’emploi d’un mélange de termes latins, celtes et germaniques ; l’utilisation du plomb ; la formule cultuelle polythéiste « iae iao » ; l’invocation de Niske, déesse de l’eau gauloise… Tout concordait.
Quand j’ai compris que Volusiana était une sainte chrétienne du Xe siècle, ma curiosité m’a poussé à approfondir. Volusiana fut ermite puis abbesse d’Adsagsonæ Fons (Source d’Adsagsona), une communauté comptant huit femmes religieuses.
Je ne me doutais pas des rivages où cette curiosité me conduirait. Ni à quel point cette exploration m’affecterait.

Disparue dans des circonstances mystérieuses, la communauté d’Adsagsonæ Fons est connue par ses écrits.
Je suis entrée dans la source par ces textes, conservés à l’Österreichische Nationalbibliothek, à Vienne, en Autriche.
Le corpus canonique est constitué des manuscrits suivants :
Confessio Volusianæ, par Volusiana – Cod. N. F. 128-AFcv
Gesta Aiæ, par Oda – Cod. N. F. 131-AFga
Gesta Liutgardis, par Aia – Cod. N. F. 138-AFgli
Gesta Ludmillæ, par Volusiana – Cod. N. F. 147-AFglu
Gesta Odæ, par Liutgard – Cod. N. F. 150-AFgo
Gesta Sigridis, par Aia – Cod. N. F. 159-AFgsig
Gesta Silviæ, par Oda – Cod. N. F. 206-AFgsil
Gesta Utæ, par Liutgard – Cod. N. F. 208-AGgu
Le corpus apocryphe – considéré comme canonique jusqu’en 1862 – est constitué des manuscrits suivants :
Confessio Silviæ, par Silvia – Cod. N. F. 221-AFcs
Confessio Ludmillæ, par Ludmilla – Cod. N. F. 222-AFcl
Confessio Utæ, par Uta – Cod. N. F. 229 – AFcu
Je ne vous souhaite pas de voyager aussi loin que moi.
Pourtant, il y eut un chemin.
Et ce chemin, je veux bien le partager.
Je vous propose de le suivre en commençant par la porte : une nouvelle traduction de ces textes, canoniques comme apocryphes.
Ensemble, ils forment la matière adsagsonienne. Où chacune parle sur soi, sur l’autre et sur ce qu’il y a tout autour. De su et de non-su.
Une matière véritable. Qui se goûte, se touche et se sent. Parcellaire, entre-maillée. Comme le sommeil de la raison. Ces instants avant la reprise de conscience, lorsqu’on a le corps lent et les yeux ailleurs.
Car l’essentiel de ce corpus repose dans ce qu’il ne dit pas.
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confession utæ // uta
je ne me souviens pas de volusiana enfant. pourtant elle
a connu ma modar et ma modarmodar.
la seconde se nommait hrotsvita. elle était herbaria.
la première se nommait bertilla. elle tuait le svin. c’est ainsi
qu’on se souvient d’elles.
je ne suis pas née au bord de l’eau. notre sippe était déjà
réfugiée loin des northmannon lorsque bertilla m’a portée.
j’ai grandi loin de læ meer. dans les terres et en susreté.
ce n’est que modar que je suis revenue sur la coste.
j’ai élevé ma dohtar vendelgard à novus vicus. entre la source
lisse et læ meer aux remous. entre deux eaux. des enfants
et petits-enfants de la gente d’asagsonæ os nous ont
imitées. des colons neufs sont venus d’ailleurs. nous étions
toutes libres et vulnérables comme je l’étais. aucune serve
protégée des caprices du sors n’a voulu s’aventurer à læ meer.
les northmannon partis tout était vide et triste et beau.
certains de nos parents s’étaient battus. c’est le cas d’æmilius
le père de mon époux. d’autres comme riculf mon père
peu aimé des armes avaient fui. les unes comme les autres
nous aimons ces vieilles terres désertes purifiées
par le fer et le feu.
nous défrichons et nettoyons et binons et semons
et récoltons. tout est si neuf tout est si vieux. mais personne
n’a le cœur de retourner au bord de l’eau pour rebastir
l’ancien havan d’adsagsonæ os.
des cadavres y flottent encore. des esprits y demandent
leur tribut martial. certaines les disent faits de boue et d’ombre.
nous sommes assises dans les hauteurs. novus vicus
s’appelle notre pagus et nous vivons ensemble.
mon nom est uta. je suis revenue. je porte en moi læ cor
de ces lieux.
sar mon man est mort et ma dohtar vendelgard apte à faire
croistre les semailles.
sar libérée de mes devoirs familiaux je descends du pagus
à la source afin de servir le ciel.
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confessio silviae // apocryphe
quand on m’indique un chemin on ajoute plus personne
ne passe par là. quand je demande une direction on me dit
plus personne n’y va. on me répond toujours mais jamais
on ne me demande pourquoi je veux m’y rendre.
au puits, à la crique, à la muraille.
je ne suis jamais questionnée dans mes intentions.
et si je suis jugée folle personne ne s’en ouvre à moi.
la gente d’ici aime me parler. et j’aime leur parler. nous nous
comprenons mal pourtant. je connais peu de mots celtiques.
ils n’entendent pas la faczon dont je tourne le latin.
nous apprenons. un jour j’aurai perdu mon accent de terre
et j’aurai gagné leur accent de mer.
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