« J'avais toujours su qu'il y avait quelque chose de différent en moi, mais ce jour-là, pour la première fois, j'ai compris que c'était un truc dangereux. Ce fut aussi le jour où, alors que j'émergeais de la cabane en titubant, accueillie par les violacées d'un long crépuscule, je posai les yeux sur la lisière des bois et vis mon premier loup. Qui me vit également. »
Depuis toute petite, Inti Flynn est fascinée par les loups. Elle en a d'ailleurs fait son métier, puisqu'elle est responsable de leur réintroduction dans différentes régions du monde. Cette fois, c'est dans les Highlands écossais qu'elle va devoir menée à bien sa mission. Un retour du loup qui inquiète dans la région et suscite l'hostilité de certains, en particulier celle des éleveurs de moutons qui craignent pour leurs troupeaux.
L'opposition entre pro et anti-loups, assez habituel et compréhensible lorsqu'il s'agit de réintroduire des animaux prédateurs, est décrite de manière subtile et sans jugement de la part de l'autrice. Chacun à ses arguments à faire valoir et je trouve intéressant que même Inti soit aussi confrontée à des situations qui lui feront revoir certaines de ses positions.
Dès les premières lignes du roman, on apprend qu'Inti a une affection neurologique, la synesthésie visuo-tactile, et a donc la particularité de ressentir les expériences sensorielles des êtres vivants qu'elle voit : « Quand je vois, je ressens, et pendant quelques instants, je suis les autres, eux et moi ne faisons qu'un et leur douleur ou leur plaisir est le mien. »
Une singularité que
Charlotte McConaghy exploite parfaitement dans le roman puisque cette synesthésie exacerbe les émotions que peut ressentir Inti. Les interactions avec les loups sont ainsi décrites avec beaucoup de justesse et de sensibilité, et cela nous permet de comprendre aussi la relation toute particulière qu'Inti entretient avec la nature de manière générale. Les très belles descriptions de la nature, véritable explosion de couleurs, m'ont particulièrement plu.
« Notre trio se met en route et les arbres nous enveloppent rapidement. La mousse recouvre le sol d'un tapis vert citron. Certaines espèces de fougères m'arrivent aux épaules. Je caresse des troncs rugueux et des ramures lisses, glisse les doigts entre des feuilles veloutées, effleure des aiguilles pointues. Mes pieds s'enfoncent légèrement dans le sol spongieux. La canopée laisse entrevoir le gris du ciel, sa lumière souligne les contours de chaque chose, éclairant les couleurs de l'intérieur. »
L'autrice vient en revanche greffer sur son récit d'autres intrigues, dont certaines flirtent avec le thriller, et qui m'ont semblé desservir le roman en s'écartant du sujet principal. Les réactions et agissements d'Inti sont aussi parfois difficiles à comprendre et à mesure que l'histoire progresse mon intérêt pour le récit a fini par faiblir.
Lecture donc en demi-teinte, mais je retiendrai la plume sensible et poétique de
Charlotte McConaghy, ainsi que les très beaux passages de nature-writing.