Une femme se penche sur son passé ! Avec
1979,
Val McDermid convoque ses souvenirs et revient sur ses débuts professionnels en créant Allie Burns, une jeune femme qui lui ressemble étrangement. Comme Val, Allie démarre une carrière de journaliste dans un quotidien écossais, ainsi défini : « un écossais sur deux lit le Clarion et un sur deux ne sait pas lire ». Comme Val, Allie est chargée d'apporter une touche féminine, plus légère, en salle de rédaction où la virilité règne, sous toutes ses formes rétrogrades, sexisme et homophobie en tête. Comme Val, Alllie ne veut plus être traitée comme une secrétaire mais comme une reporter, et ne supporte plus d'être, avec condescendance, appelée « ma belle ».
Elle se lie d'amitié avec
Danny Sullivan, un jeune confrère. Tous deux contaminés par le virus du journalisme, ils ne peuvent résister à l'attrait d'une bonne histoire, et décident de mutualiser leurs compétences et leurs difficultés. Ensemble, ils découvrent l'envers du décor : course effrénée au scoop, tuyaux chèrement monnayés par leurs confrères, objectivité à géométrie variable, pressions et menaces. Mais grâce à leur humour utilisé comme moyen de survie dans le métier et à leurs incorruptibles investigations, les deux amis espèrent passer du statut de journaleux à celui de journaliste reconnu.
Allie s'intéresse au futur referendum sur la dévolution ou l'indépendance de l'Ecosse, et met le nez dans un nid de crotales ultra-nationalistes ; Danny quant à lui enquête sur des citoyens au-dessus de tout soupçon, chefs d'entreprise connus et respectables cherchant à se soustraire à leurs obligations fiscales. En guest star, l'IRA dont la présence est toujours possiblement explosive.
J'ai beaucoup apprécié mes retrouvailles avec
Val McDermid. Dans cet opus en forme de rétrospective, j'ai retrouvé intacte la romancière engagée et la femme de convictions qui met son talent et sa notoriété au service de causes justes et défend des idées progressistes.
Val McDermid n'oublie pas ses origines et ne perd jamais une occasion de saluer ses deux grands-pères mineurs ; elle critique sans relâche la politique de la grande girafe, alias TINA (There Is No Alternative), alias
Thatcher, exterminatrice de la classe ouvrière ; elle rappelle sans faiblir toutes les discriminations auxquelles sont soumis les homosexuels. Allie, sa nouvelle héroïne est – c'est mon avis – le double littéraire de Val. Elle rafraîchit salutairement notre mémoire, en appuyant là où il y a lieu d'être vigilants. En
1979, en Grande-Bretagne, l'homosexualité entre hommes est toujours criminalisée et certains hommes politiques brassent tellement de vent qu'ils risquent de s'envoler. Les références de la romancière sont parfois discrètes mais éloquentes comme avec cette citation absconse « Illegitimi non carborundum » qui évoque subrepticement La servante écarlate. Et puis Allie, lit
Ruth Rendell, Toilettes pour Femmes, étendard du Women's Lib,
William McIlvanney à qui elle rend hommage (à ne pas confondre avec
Liam McIlvanney, son fils) ; elle écoute Pink Floyd. Rien que pour ça, elle a toute ma sympathie. Vivement 1989 !