AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782260056003
240 pages
Julliard (14/03/2024)
4.4/5   48 notes
Résumé :
A la brigade criminelle, Héloïse écoute chaque jour des femmes raconter qu'elles ont été violées et consigne leur douleur dans des procès-verbaux mais la majorité de ces plaintes sont classées sans suite. Lorsque Laura est violée et laissée pour morte, elle s'enflamme et enquête sous l'œil de sa stagiaire Ophélie, jeune sociologue qui fait sa thèse sur l'accueil des victimes. Premier roman.
Que lire après Celles qui peuvent encore marcher et sourireVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
4,4

sur 48 notes
5
15 avis
4
12 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
[Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle 2024]

Tous les chapitres de Celles qui peuvent encore marcher et sourire sauf le dernier, le huitième, sont construits de la même façon. D'abord « tu » parle à Héloïse. Par cet artifice, on entend les pensées d'Héloïse, ses peurs, ses certitudes et ses doutes, ses regrets, les reproches qu'elle se fait, etc. Elle s'avoue souvent les déconvenues de son boulot de flic. Elle travaille au groupe Violences et, quand elle n'est pas sur le terrain pour enquêter, elle recueille les témoignages de victimes qui ont subi agressions sexuelles ou viols. Un travail exigeant, difficile et parfois déprimant pour elle, la seule femme de l'équipe, comme pour ses collègues masculins. La deuxième narratrice est un « je », Ophélie, doctorante en sociologie, qui fait un stage de trois mois dans ce service afin de recueillir des données pour sa thèse. Elle joue le rôle de la profane, celle à qui on explique comment ça se passe, ce qu'elle doit savoir pour comprendre la situation. Ces éléments lui serviront pour sa thèse et le lecteur profite de ces mises au point, bien sûr. La dernière narratrice, « vous », est une victime qui explique dès le premier chapitre ce qui lui est arrivé. On connaîtra son identité au dernier chapitre seulement. Chaque chapitre est titré du nom d'un agresseur : X pour le premier puisqu'on ne sait pas qui il est, suivi de Dylan, Babacar, etc. le dernier chapitre est intitulé « Vous ». Si ce n'était ce travail sur la narration, on pourrait croire qu'on lit un documentaire sur les violences faites aux femmes…
***
Le regard que posent Héloïse et Ophélie sur le travail du groupe diffère souvent. Héloïse vit les difficultés de l'intérieur. Elle connaît les faiblesses et les forces de ses collègues. Ophélie découvre ce milieu : si les hommes du groupe Violences sont sensibilisés aux horreurs que subissent les femmes, ce n'est pas le cas des autres groupes, par exemple les CRS ou la BAC avec leurs indécrottables machos, « surtout les vieux » lui confie Héloïse. C'est l'occasion pour Océane Perona de réutiliser certains des aspects de sa propre thèse de sociologie qui portait sur « la place du consentement dans les enquêtes policières pour violences sexuelles ». Elle est donc parfaitement au fait de ce qu'elle met en scène. Son roman nous plonge avec réalisme dans ces moments particulièrement délicats, incroyablement difficiles à aborder qu'elle traite avec une grande sensibilité tout en collant au plus près à la réalité : elle a sans doute assisté à certaines de ces rencontres et, bien qu'elle prenne la peine de signaler que « Toute ressemblance avec… » etc., on comprend que c'est du vécu. le fictionnel n'est pas absent de ce récit. L'autrice embarque le lecteur dans plusieurs quêtes : l'identité du « vous », celle du X du premier chapitre, et puis l'explication du départ d'Anaïs, l'autre femme du groupe qui est partie du jour au lendemain sans que quiconque parmi les policiers qu'Ophélie côtoie n'ait envie de lui expliquer pourquoi… J'ai bien aimé ce texte dont les deux aspects, documentaire et fiction, sont très maîtrisés, ce qui s'avère d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'un premier roman.
Commenter  J’apprécie          340
Nous sommes dans un commissariat, pendant une semaine, au sein du groupe Violences, chargé d'enquêter sur les agressions sexuelles et les viols. Héloïse, 31 ans, est la seule femme du groupe mise à part Ophélie, qui est en stage pour trois mois, afin de préparer sa thèse en sociologie. Héloïse se sent particulièrement concernée par le cas de Laura, violée et laissée pour morte.
Ce primo-roman est remarquable à bien des égards. Catégorisé polar, il se présente plus comme une sorte d'enquête journalistique que comme un roman. Nous sommes immergés au milieu des policiers, des victimes et des présumés agresseurs. Nous entendons tous les points de vue, sans filtre.
Personne n'est idéalisé, c'est la réalité brute et sordide des agressions sexuelles mais aussi des policiers, pour certains blasés, écoeurés, misogynes, compatissants. L'auteure nous offre une variété de situations violentes pour montrer qu'il n'y a pas qu'un type clairement identifié de viols. D'ailleurs, l'auteure fait poser aux agresseurs par les policiers et indirectement nous fait poser à nous lecteurs/trices la question : "qu'est-ce qu'un viol?" et les réponses prêtent à réflexion. A travers la multitude de ses personnages, elle nous fait prendre conscience qu'il n'y a pas non plus un type de victimes (épouse violée par son mari, étudiante violée par un copain d'université, femme jeune seule dans la rue, femme plus âgée dans un bar...).
Ce roman est également remarquable par sa construction narrative qui est un peu déstabilisante au début mais qui nous happe très vite : un "tu" qui s'adresse à Héloïse, le "je" d'Ophélie qui raconte ce qu'elle découvre avec son oeil extérieur et un "vous" qui s'intercale à intervalles réguliers sans que l'on sache à qui il s'adresse (on ne le découvrira qu'à la fin).
Remarquable par les thèmes abordés, sans sensationnalisme, sans voyeurisme, sans langue de bois, avec franchise : les violences faites aux femmes bien sûr mais également le nombre très élevé de plaintes classées sans suite, la place des femmes dans la police, les réflexions racistes ou misogynes de certains policiers, le manque criant de moyens (fuite dans les WC, ascenseur en panne, des ordinateurs antédiluviens, un logiciel spécifique qui "plante" en permanence).
Remarquable enfin par le style brut, cash, parfois orduriers de tous les acteurs, victimes, agresseurs, policiers et par cette ironie mordante, cette sorte d'humour noir qui irriguent tout le roman; le rythme est tendu, vif comme doit l'être probablement la vie dans un "comico".
L'auteure est sociologue et a rédigé une thèse, en 2017, sur la place du consentement dans les enquêtes policières ce qui explique probablement que ce roman soit d'une vérité criante.
Un primo-roman remarquable, singulier et très maîtrisé, sortant des sentiers battus. Bravo à Océane Pérona que je ne manquerai pas de suivre si elle continue dans cette voie.

Commenter  J’apprécie          2011
Plusieurs voix dans ce roman qui ne donne pas du tout l'impression d'en être un. Ophélie est une doctorante en sociologie qui pour sa thèse, va passer trois mois au sein de la police, avec le groupe Violences dédié à prendre en charge les victimes de viol. Il y aura aussi une personne s'adressant à Héloïse, la seule femme du groupe. Est-ce elle qui se parle ou quelqu'un d'autre qui s'adresse à elle ? Il est possible que ce soit plus clair pour d'autres lectrices et lecteurs mais de mon côté, le doute a subsisté jusqu'à la fin. Et pour finir, une troisième personne sans nom mais avec une histoire terrible que je vais découvrir au fil des pages.

Le roman est principalement écrit en utilisant le « tu » et même si l'autrice ne s'adresse pas à nous personnellement, cela donne une écriture vive et percutante qui m'a attrapée tout le long de ma lecture. Ce livre a été un coup de coeur et pourtant, il m'a plus lacéré le coeur qu'adouci avec du baume. Une fiction qui a sacrément le goût de vrai, au point que j'ai parfois été à la frontière des deux. Les faits sont inventés mais les histoires qu'ils racontent sont celles de milliers de personnes. de femmes.

« Celles qui peuvent encore marcher et sourire » c'est un monde de nuances. Des membres de la police qui peuvent être abjects, manquant d'empathie et dans un même temps, d'autres avec une écoute sans faille et une détermination pour éclaircir les affaires confiées. Ce sont aussi des victimes différentes dont le comportement peut susciter un étonnement, sans pour autant qu'il faille douter de leur parole. Jamais. La nuance peut être aussi dans la familiarité qui unit les membres de ce groupe pas comme les autres face à ces témoignages et ces crimes qui glacent le sang.

C'est un roman qui ne donne pas confiance en l'humanité, qui n'a fait que conforter les doutes et la colère que je ressentais déjà face à la violence, l'absence d'écoute, le manque de considération ainsi que face à cet abominable et détestable besoin de domination. Mais ce roman, c'est avant tout celui qui souligne la force de « celles qui peuvent encore marcher et sourire ». Et en ça, il est nécessaire et je remercie l'autrice de le faire exister.
Commenter  J’apprécie          142
Ce titre, que l'on doit à la grande prêtresse du roman policier, Agatha Christie, donne le ton. Celles qui, blessées, un couteau dans le coeur, font comme si tout allait bien. Toutes celles qui violées, bafouées, brutalisées , se relèvent, marchent et sourient, vont se retrouver dans le roman d'Océane Perona. Parce qu'elles vont passer dans le bureau d'un commissariat de police.

Et c'est toute la force et le charme du roman, cette immersion au coeur d'une brigade. C'est Ophélie, doctorante en sociologie, qui en pousse la porte. Et on se retrouve comme dans Polisse de Maïwenn. C'est cru, ça vit fort, c'est finalement un lieu de travail comme un autre, le café dégueulasse, les blagues des collègues, les fous rires malgré la dureté du quotidien. Les flics aussi doivent apprendre à marcher et sourire.
Pour autant, si cette brigade est intéressante et crédible, je ne me suis pas attachée aux protagonistes. Quelque chose dans le style qui me laisse un peu à côté. Quand bien même j'avais envie de connaître l'identité du violeur je restais à distance. Sûrement l'utilisation de la deuxième personne dans les chapitres consacrés à Héloïse.

Et puis il y a quelque chose qui m'a gêné dans le discours porté par l'autrice autour de la consommation d'alcool des jeunes filles. A trop vouloir dénoncer les réactions culpabilisantes des enquêteurs, on n'entend que cette voix. Alors, à la fin, on comprend bien que l'autrice ne se place pas du côté des moralisateurs. Pour autant, on frôle parfois le discours de prévention. Et il est toujours bon de rappeler que ce n'est pas l'alcool le problème, mais bien les hommes qui profitent de l'ivresse des femmes pour les abuser.

Des bémols donc, que j'attribue bien volontiers au fait que ce soit un premier roman. Mais bémols qui ne m'empêchent pas de considérer ce texte comme prometteur et bien plus mesuré et pertinent qu'un bon nombre de romans policiers. Je le recommande bien volontiers aux amateurs de polar, comme à ceux qui ne le sont pas. On est à la frontière entre littérature noire et littérature blanche. Et ça donne une nuance intéressante.
Commenter  J’apprécie          60
L'actualité nous montre que beaucoup de femmes qui portent plainte pour viols sont une part infime de réelle de victimes. On dit aussi que souvent les victimes sont peu ou pas entendues, qu'il y a finalement peu de cas où les auteurs de ces faits sont arrêtés, pour faute de preuve ou autres.

Dans ce roman, l'autrice nous amène au sein d'un commissariat dans le service où sont traités les plaintes et où sont entendus les victimes et les suspects. Et là, on est dans le dur, on est dans la réalité. Pas de sentiments, d'émotions, tout est purement administratif, il faut prendre du recul pour pouvoir entendre chacun d'entre eux, sans parti pris.

L'autrice nous présente plusieurs affaires ou en tout cas, plusieurs cas où ces victimes et suspects sont entendus : en les écoutant tour à tour, je reconnais qu'il est difficile de savoir qui dit vrai, qui dit faux. La parole de chacun doit être écouté, autant de la victime que du suspect. On ne peut pas généraliser : tous les hommes ne sont pas des violeurs ou des agresseurs.
Ce service a la particularité de n'avoir qu'une seule femme : les autres intervenants sont des hommes. J'avoue qu'en lisant ce livre, cela ne m'a pas choqué plus que ça mais en réalité, Héloïse, la seule enquêtrice femme, intervient pour écouter la victime, sauf quand les femmes veulent être écouté par un homme (et a priori, ça arrive). Elle est une figure forte du service, dans le sens où elle dit ce qu'elle pense à ses collègues, même s'ils ne sont pas d'accord avec elle.

L'autrice alterne chapitre après chapitre des histoires parallèles : les auditions au commissariat, le mal-être de Héloïse et une histoire d'une femme qui a été victime de viols. le premier chapitre est d'ailleurs assez perturbant car il s'agit de la vie quotidienne de Héloïse : l'écriture est surprenante car les phrases sont longues, comme débitées, comme parlées. le mystère du mal-être de Héloïse nous est donné, là encore, de manière brute. Ce mal-être qu'elle ne semble avoir que dans sa vie privée et non au travail, comme s'il s'agissait pour elle d'une échappatoire.

Le roman se lit très vite. Une fois prise dedans, les témoignages m'ont emportée et je l'ai terminé en 2 jours à peine. C'est un livre marquant pour ce sujet très sensible, c'est un roman coup de poing, dont on ne peut que se souvenir.

Je remercie les éditions Julliard et Netgalley pour cette lecture.

#Cellesquipeuventencoremarcheretsourire #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          100

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Elle convoquait le chant du merle, la plainte du chat-huant, le glapissement du renard, les stridulations des grillons ; tous les bruit, les odeurs et les images du monde sauvage derrière la fenêtre de sa chambre, des plus majestueuses des créatures vivantes aux plus infimes. elle a lutté pour trouver de la beauté jusque dans le monde à l'envers, puisqu'elle ne pouvait pas y trouver de l'amour. c'est ce qui l'a empêchée de devenir folle.
Commenter  J’apprécie          40
Comment expliquer aux victimes qu'on doit enquêter à charge et à décharge, qu'en tant que policier, on a le soupçon chevillé au corps, c'est ce qu'on appelle une disposition professionnelle, le flic est un être disposé à se montrer soupçonneux. Elles ne le comprennent pas toujours, les victimes, elles sont trop occupées à se fuir, à se couper d'elles-mêmes, à faire comme si le viol n'était jamais arrivé, mais c'est arrivé, et elles doivent vivre avec leur peur, avec leur honte, avec le sentiment d'avoir été dépossédées de leur corps...
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Océane Perona (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Océane Perona
À l'occasion de la 20ème édition du festival "Quais du Polar", à Lyon, Océane Perona vous présente son ouvrage "Celles qui peuvent encore marcher et sourire" aux éditions Julliard.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3042165/oceane-perona-celles-qui-peuvent-encore-marcher-et-sourire
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : premier romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus

Lecteurs (142) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3710 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..