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sur 478 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La maison dans laquelle est une plongée dans la psyché des enfants et des adolescents, rendue extrême par l'enfermement des protagonistes dans leur pensionnat.
Il ne faut tout d'abord pas croire,impression première et contresens à mon avis, que les jeunes de cet institut sont livrés à eux-mêmes, que les adultes ne font que passer. Ils sont perpétuellement là, professeurs, éducateurs, directeur, et même, on le comprend peu à peu, parents. Ce n'est pas un orphelinat à la Dickens, c'est juste que, dans l'esprit des enfants et des jeunes adolescents, ils ne comptent pas, ils n'existent pas. Seuls importent leur monde, leurs chambres, leurs couloirs, les salles de classes, abandonnées la nuit, la salle des professeurs, tout l'espace leur appartient, la maison leur appartient, dans leur galaxie parallèle, elle est entièrement à eux.
Dans ce monde, nul adulte ne peut pénétrer, et l'irrationnel, la violence, les sentiments forts d'appartenance à un groupe, la colère,la soif de pouvoir, l'amitié indestructible, la loyauté, les allégeances éternelles, l'amour, règnent en maitre sans aucun frein.
Dans ce monde, vous perdez votre identité civile, et vous gagnez un nouveau nom, vous renaissez, pour le meilleur ou pour le pire. Vous étiez Érik Zimmerman ( le seul personnage dont on connaitra l'État civil, il me semble), vous devenez Fumeur. Il y a aussi Sphinx, l'Aveugle, Chacal Tabaqui, ex Putois, Vautour, GrosLard, Sirène, Rousse, Roux, Loup ... à la mode indienne, votre parrain ou marraine vous rebaptise pour votre existence dans ce huis-clos de plus en plus étouffant.
L'auteure nous entraine et nous enferme dans la maison à la suite de Fumeur, projection du lecteur innocent et ignorant dans ce monde étrange, régi par des lois non écrites, au passé lourd et secret.
Comme Fumeur, nous ne comprenons rien, nous découvrons, nous voudrions poser des questions, mais on ne nous répond pas, ou de façon oblique, en mode Pythie de Delphes. Il faut décrypter les messages cachés des anciens, détecter les anciens, les reconnaitre à leurs dix-huit ans par rapport aux flash-backs d'une histoire plus ancienne, où les personnages principaux ( Aveugle, Sphinx, Noiraud, Vautour, Roux, Rousse) étaient des enfants âgés de 5, 6,7 ans occupés à poser les fondements de l'histoire principale.
L'histoire principale est la marche chaotique vers la sortie, vers l'extérieur, le monde réel. C'est là que le récit prend une dimension universelle et initiatique.
Le roman demande au lecteur une immense participation. Il faut du temps pour le lire, on ne peut pas survoler. Toutes les scènes, les dialogues, sont énigmatiques, et demandent interprétation. Car, j'ai oublié de le dire, ces enfants ne sont pas " normaux", ils sont handicapés moteurs, malades, et pour certains très déséquilibrés psychologiquement...D'où cette impression de perte de contrôle par les adultes. Et cela arrive parfois...Mais il faut voir les gonz auxquels ils ont affaire...
Le secret et la folie forment les fondations de la Maison. Les adolescents vivent une Maison qui n'est pas forcément la réalité, mais une projection de leurs fantasmes, voire de leur folie pour certains ( l'aveugle, le Macédonien, Lord...) le lecteur, comme son guide le pauvre Fumeur, doit constamment démêler le vrai du faux, la réalité des contes que l'on se raconte, et la mort omniprésente, due à quoi ?
Les adolescents vivent dans un univers fantastique. À chacun d'essayer de comprendre ce qu'est un Log ( un messager ? Un attardé léger ? ...) un sauteur ( à mon avis, un capable de sauter dans un monde encore plus lointain, qui n'est ni l'extérieur ni la Maison) un tombant ( ça, j'ai pas compris, peut-être un apprenti sauteur qui n'y arrive pas) ...Mais de nombreuses énigmes demeurent.
Le texte est remarquablement bien écrit. Il est d'une pureté granitique. Tout est en focalisation interne, à quelques passages près, et au lecteur de se débrouiller. Pas une trace de mièvrerie, d'incohérence, tout se répond, sans forcément s'expliquer.
Le handicap n'est pas le sujet du livre. Il est une métaphore de nos faiblesses structurelles, et de la capacité que nous aurons ou non de nous fondre, avec notre folie, notre Maison, notre enfance, dans l'extérieur où nous ne serons plus le prince ou la princesse de notre royaume, où nos lois ne seront plus les lois, et nos vassaux et nos seigneurs des gens rangés- ou pas.
Désolée d'avoir été longue, mais c'est un livre remarquable, rare, et sur lequel je n'ai pas dit le quart de ce que j'aurais voulu.
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" Salut à vous les avortons, les prématurés et les attardés. Salut les laissés-pour-compte, les cabossés et ceux qui n'ont pas réussi à s'envoler salut à vous les enfants - chiendent".
Bienvenue dans " La maison dans laquelle" durant 1 mois j'ai déambulé dans cette maison pas comme les autres, une maison immense faite de couloirs et de chambres et surtout peuplés d'enfants.
Dans " La maison dans laquelle" il y a des groupes, les chiens, les oiseaux, les rats, les faisans et le groupe quatre. La maison est une micro société avec ses règles et ses chefs. Dans " La maison dans laquelle " tout est fait pour oublier la vie d'avant, oublier le monde extérieur. On vous choisit un surnom en rapport avec votre physique ou vos habitudes de vie.
Dans " La maison dans laquelle" il y a des roulants, des marcheurs… les plus forts s'occupent des plus faibles.
Dans " La maison dans laquelle" il y a la nuit des contes où l'on aime se faire peur, ou parler des disparus bref inventer des histoires.
Le livre de Mariam Petrosyan est tellement dense que l'on s'y perd, et moi j'ai aimé m'égarer dans ce labyrinthe de couloirs. J'ai découvert le groupe quatre, peut-être le groupe le plus sain et le plus intéressant. L'aveugle Sphinx, Chacal Tabaqui, Noiraud, Bossu, Lord, Larry, le macédonien, Gros lard, Fumeur.
Ce livre a de quoi intimider mais quelle aventure
Entrer dans " La maison dans laquelle" et perdez-vous.
Joyeux Noël à toutes et tous
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FAS-CI-NANT ! Il y a des romans qui vous habitent, et puis il y a ceux que vous devez vous-même habiter, investir totalement pour les appréhender, les faire vôtres, vous y sentir comme chez vous et prendre plaisir à explorer leurs moindres recoins. Clairement, La Maison dans laquelle vous vous apprêtez à pénétrer est de ceux-là ! Elle héberge déjà un certain nombre de jeunes pensionnaires éclopés et de personnel d'encadrement. Mais de ces derniers nous parlerons peu, tellement l'exploration de l'enfance nous occupera tout entiers. Et désormais, la Maison vous a vous aussi : lecteur, voyeur, explorateur de l'imaginaire sans bornes d'une enfance abimée, bousculée, à reconstruire sur des ruines, des exemples. Des mythes.


Elle semble d'abord accueillante, cette maison. A sa manière. « J'avais encore le dépliant sur lequel on pouvait lire : ‘' Les élèves l'appellent tout simplement La Maison. Ce mot révèle tout ce que notre école représente pour eux : une famille, le réconfort, la compréhension mutuelle, l'attention bienveillante.'' Une fois que j'aurais quitté cet endroit, j'avais bien l'intention de le faire encadrer. » Il faut dire qu'elle accueille un drôle de public : des aveugles, des bossus, des roulants, des manchots… Très vite, La Maison dans laquelle nous entrons nous ensorcelle gentiment, nous laissant entrevoir, de ses pas de portes entrebâillés, les clans qui se forment, les chambrées improbables, les jeux de rôles et les affrontements, les rituels, les alliances et mésententes, les lieux communs et ses recoins les plus secrets… Puis bientôt, La Maison dans laquelle il se passe des choses étranges et fantastiques commence à vous laisser entrevoir sa magie blanche, mais aussi sa magie noire. Tout décor a son envers, tout jour a sa nuit. Et toute nuit, ses monstres.


Vous l'aurez compris, on entre dans ce chef-d'oeuvre comme dans un roman-maison. Avec sa porte d'entrée officielle, ses couloirs secrets, ses escaliers dérobés… et ses fenêtres condamnées : celles qui donnent sur l'Extérieur, l'inconnu, là où ceux qui sortent d'ici disparaissent, comme morts à jamais pour ceux qui restent, les survivants, les habitants. Eux continuent d'y vivre avec cette force et cette résilience propre aux enfants, qu'ils puisent en grande partie dans cette magie de l'enfance où tout est possible, crédible, imaginable. du moment qu'on y croit, que ça nous protège, que ça nous permet de fuir, littéralement, les difficultés que la vie a placé trop tôt sur nos chemins. C'est pourquoi La maison dans laquelle vous allez vous inviter ne se visite que de l'intérieur, à travers les yeux de ses habitants nous plongeant dans leur univers de contes, rêves et cauchemars qui fondent les mythes de ces enfants, que nous avons tous été un jour. C'est ce qui rend cette lecture palpable et universelle, gommant les différences apparentes. Cette lecture nous fait retrouver le chemin de ces mondes parallèles que nous nous sommes créés ou avons explorés, que ce soit dans nos lectures, nos amitiés, nos refuges, nos nuits ensorcelées… Comme tout groupe d'enfants, celui-ci s'invente son propre univers qui l'occupe tout entier, et qui relègue les adultes au rôle de figurants. Chaque personnage est attachant car profondément humain, avec ses qualités et ses défauts, parfois cette cruauté propre à l'enfance. Mais toujours, la maison leur fait prendre conscience que leur complémentarité transcende leurs difficultés et notamment leurs handicaps. Plus qu'un refuge, elle est donc aussi une ode à la tolérance.


Grâce à différents narrateurs, nous aurons diverses entrées dans la maison : Tout d'abord, celle des nouveaux arrivants qui, comme nous, débarquent dans ce lieu mystérieux, peuplé d'inconnus, obéissant à ses lois propres. Fumeur, par exemple, nouveau roulant, aura les mêmes réactions et questionnements que le lecteur sur tout ce qui se passe et se dit ici ; il nous permettra de nous intégrer, d'essayer de comprendre ; Sceptique, il gardera les pieds sur terre.
Ensuite, nous verrons aussi la maison avec les yeux des pensionnaires de longue date, qui nous font sombrer dans leur univers clos et rodé, peuplé de légendes mêlées de vérités. Nos plus étranges moments seront ceux passés avec ce mélange d'enfants handicapés, malades ou mourants. Avec eux, tout un imaginaire s'imbrique dans la réalité à tel point que nous-mêmes, adultes, doutons de la raison et croyons à l'incroyable.
Enfin, les points de vue de l'encadrement viendront parfois éclairer autrement les scènes et raisonnements auxquels nous prenons part. Car sous nos yeux s'anime et s'agite tout un imaginaire dans lequel s'ancrent ces enfants pour survivre aux réalités difficiles de leur vie, peuplé de monstres et de gentils fantômes, de passages secrets jusqu'à un « autre monde », de Sauteurs qui les provoquent et de Tombeurs qui les suivent, d'ombres nocturnes et de contes effrayants qui font office de mythes fondateurs. Des événements se déroulent dans la maison qui flirtent avec le fantastique. Est-ce réel ou l'imagination des enfants, les drogues, les cachets ? Mais le fait d'y croire, n'est-ce pas déjà faire exister cet autre monde, qui les attire et les effraie…?


Si, pour s'adapter, les nouveau pensionnaires doivent se fondre dans l'univers légendaire que les anciens ont déjà créé, l'encadrement doit alors gérer ces petits monstres persuadés que la maison dans laquelle on les a placés est magique : qu'elle leur parle, veille sur eux ou les punit, qu'elle est l'entité refuge et que la seule Loi qu'ils doivent suivre est la sienne, qui leur murmure menaces ou encouragements, des histoires dignes de contes les plus sombres et les plus fous, pendant leur sommeil, leurs séances de fumette en douce ou leurs douces nuits alcoolisées qui berceront leur séjour longue durée dans ce lieu enchanté, parmi les désenchantés… Pendant sept ans ils vivent les uns sur les autres, s'habituent, s'en réfèrent entièrement à la hiérarchie qui se forge, parfois avec les manières extrêmement brutales et violentes des convictions de l'enfance. Mais que se passe-t-il au bout de ses sept ans ? La Maison dans laquelle ils ont vécu est tout pour eux, comme ses autres habitants. L'extérieur n'existe pas, dehors il n'y a rien. de leur attachement pour la maison naît la crainte du dehors, du vide, du néant. de la mort. Alors ce déchirement, ce moment où l'on voit les gens partir mais jamais revenir, est un traumatisme de plus. L'inconnu effrayant. Qu'y a-t-il après l'enfance ? Ne peut-on y rester coincés, lorsqu'on a peur de grandir ? Et avec quoi comble-t-on les lacunes de la compréhension ou du savoir ? Avec l'imagination, très fertile à cet âge où la sensibilité est exacerbées, où chaque sensation est une aventure à elle toute seule, où la magie lie le vraisemblable à l'invraisemblable.


Et puis surtout, il y a les surnoms. On touche ici au coeur de la maison dans laquelle nous allons passer des heures d'errances délicieuses. Chaque nouvel arrivant se voit attribuer un Surnom qui forgera son identité au sein du groupe, surnom plus ou moins terrible en fonction de ce qu'il inspire aux autres…! Si tu entres ici, lecteur, tu devras donc accepter de vivre avec des Oiseaux en deuil, un Lord et un Vautour, des Crevards Pestiférés, un Fumeur et un Chacal, une Sauterelle, un Loup et une sorcière, et bien d'autres habitants hallucinants qui vont t'en faire voire de toutes les couleurs… Mais n'aie crainte, lecteur assidu et curieux, pour peu que tu n'aies pas encore perdu ton âme d'enfant, la Maison finira par te délivrer tous ses secrets. Sous ses airs impénétrables et hermétiques au premier venu, elle finit toujours par parler et s'ouvrir à ceux qui savent écouter ses murmures, lire sur ses murs, chuchoter des secrets… Peut-être même auras-tu un surnom, toi-aussi. Une chose est sûre, La maison dans laquelle on passe de l'enfance à l'âge adulte est difficile à quitter - même pour le lecteur. Comme l'enfance, que certains sont prêts à tout pour ne pas franchir, faute de se sentir armés pour affronter le monde réel des adultes qui les ont « abandonné », pour les parquer dans cette cour des Miracles. La maison est ce passage métaphorique de l'enfance à l'âge adulte. C'est aussi elle le refuge immuable qui remplace les parents, tandis que les éducateurs changent. Elle est donc grandement personnifiée, et devient le personnage principal du livre et du titre.


« Plus tard, il remarqua que la maison était vivante et qu'elle était capable d'aimer, elle aussi. D'un amour unique en son genre ; inquiétant parfois, jamais terrifiant. »
Comme on le ferait des parents, on se demande comme ces enfants : la maison laissera-t-elle ses Oisillons quitter Le Nid…? Leur apprend-elle l'indépendance, la débrouillardise, ou son cocon est-il trop confortable ? Tout dépend du caractère de chacun, mais elle les marquera tous.


«La maison exige une forme d'attachement mêlé d'inquiétude. du mystère. du respect et de la vénération. Elle accueille ou elle rejette, gratifie ou dépouille, inspire aussi bien des contes que des cauchemars, tue, fait vieillir, donne des ailes... C'est une divinité puissante et capricieuse, et s'il y a bien quelque chose qu'elle n'aime pas, c'est qu'on cherche à la simplifier avec des mots. Ce genre de comportement se paie toujours. »


Je vous invite donc à découvrir avec délice sa construction osée, cette architecture unique, sombre et brillante, étouffante et joyeuse, mystérieuse et universelle. Une certaine réalité s'esquisse doucement au fil des pages, mais un léger doute s'obstine à planer en nous, relique de nos croyances enfantines. En dévoiler plus serait trahir la Maison dans laquelle… Dans laquelle quoi ? Tout le plaisir du lecteur réside dans cette question, celle que les nouveaux venus se posent et qui tiendra le lecteur en haleine pendant plus de mille pages. N'ayez pas peur de vous y perdre, car le but n'est pas l'arrivée mais le chemin, celui qui mène de l'enfance à l'âge adulte. « il faut parfois se perdre pour trouver l'introuvable, sinon tout le monde trouverait l'introuvable. » (Pirates des Caraïbes^^). Ce livre d'ambiance et d'humanité enfantine, truculente à souhait, est l'un des romans les plus marquants que j'ai lu. C'est un texte véritablement onirique d'une puissance incroyable, que l'auteure a mis dix années à écrire - en commençant par dessiner son univers et ses personnages. Et le plus dingue, c'est que je ne suis allée voir les dessins qu'après ma lecture, et c'est exactement l'univers que j'avais imaginé (lien ci-dessous) ! Ce roman redessine l'enfance sur les murs de votre mémoire. Je l'ai fini mais les images dont il m'a abreuvée à chaque page demeurent et me hanteront longtemps.
Lien : https://www.ecosia.org/image..
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La Maison dans laquelle, déjà l'étrangeté vertigineuse du titre ressemble à une symphonie inachevée, un chemin qui retient son souffre au bord du précipice, un peu comme ces routes emportées par l'eau tumultueuse des crues...
C'est un titre amputé, avec un trou béant laissé devant nous et qu'il reste à combler, à contourner peut-être pour ne pas tomber dedans... Un titre avorté, cabossé, fracturé, piétiné, qu'il reste à reconstruire, imaginer, habiter peut-être...
Avortés, cabossés, fracturés, piétinés, ils le sont aussi les pensionnaires de cette Maison, des enfants, - les petits, et des adolescents, - les grands, qui sont entrés un jour dans cette Maison parce qu'ils étaient tous handicapés... Bienvenue les gosses !
La Maison dans laquelle je suis entré à mon tour, en poussant les premières pages, m'a envouté, pour ne pas dire ensorcelé.
Je sais bien qu'elle choisit qui laissait entrer... Je ne sais pas si elle était faite pour moi puisqu'elle accueille des éclopés, des laissés-pour-compte, ceux qui n'ont pas réussi à s'envoler... Et si j'y ai trouvé ma place, mon chemin en quelque sorte, c'est peut-être que je leur ressemble un peu...
Elle arbore fièrement à son entrée « Hospice pour orphelins abandonnés ».
La Maison dans laquelle j'ai été absorbé est une sorte de ruche géante qui grouille sans cesse. Même la nuit... J'ai aimé les respirations, les stridulations de ce roman.
" La Maison a étalé devant moi tous ces possibles, elle a ouvert ses portes et ses chemins infinis. "
On leur donne des surnoms à ceux qui arrivent ici pour la première fois. Parfois en grandissant ils changent de surnoms...
Le Fumeur, Cheval, Vautour, Rousse, Sirène, les Siamois, Sauterelle, Sphinx, l'Aveugle, Putois, Bossu, le Macédonien, Gros Lard, Crâne, Sorcière, Noiraud, Roux, Grand-Duc, Gnome ou même Ralph...
Les éducateurs aussi ont des surnoms. Même le directeur...
Il y a des batailles de chefs, des luttes et des passations de pouvoir, des guerres de gangs, ça ferraille entre groupes, c'est parfois violent.
Il y a cependant des grands qui protègent les petits.
Ils créent leur monde, ils ont leurs propres codes qu'ils ont inventé de manière instinctive.
Parfois ils s'enivrent en écoutant des contes, pleurant de bonheur avec des histoires pleines de neiges, de dragons...
Pleines de monstres comme eux peut-être... Voulant leur ressembler.
Oui, on pourrait croire au premier abord que ces enfants sont livrés à eux-mêmes, dans une violence parfois extrême... N'en croyez rien...
Brusquement, j'étais avec eux, j'étais comme eux, j'étais eux...
La Maison dans laquelle je me trouve pour vous écrire, respire, vit, caresse, effraie, protège peut-être, rejette aussi... Protège de l'Extérieur. Car il y a un Extérieur qui est le monde des adultes, tandis que la Maison est l'univers qui appartient aux enfants. Il arrive que des couloirs se transforment en Forêt toute proche, emportant les angoisses, les peurs... Derrière les miroirs, il y a aussi un endroit qui est l'autre côté de la Maison, l'envers du décor, sans doute le plus beau... Voilà pour l'état des lieux. Maintenant, je vous laisse regarder par le trou de la serrure...
C'est comme un double abîme : l'Extérieur qui est enfermement et la Maison qui est ouverture sur un autre monde.
La Maison dans laquelle je me suis perdu, est immense, me paraît chaque jour plus grande, comme si elle engloutissait le silence autour d'elle.
Cette Maison m'échappe. Elle semble obéir à tant de choses complexes...
Et si quelqu'un, à un moment donné, avait sorti de son imagination cette Maison, conçu ce système, inventé une trame, un scénario, créé des personnages, attribué des rôles, une place et enlevé toutes les montres, toutes les horloges... ?
Et si tout ceci n'était qu'une vaste comédie ? Et si la puissance littéraire de Mariam Petrosyan m'avait ensorcelé dans ses espaces mystérieux et ses fulgurances poétiques ? Et si les écrivains étaient des personnes capables de nous faire perdre la tête ?
La Maison dans laquelle je suis entré est aux confins d'une ville. N'avez-vous jamais remarqué que les vies cabossées sont aux confins des villes ? Elle est à la frontière entre deux mondes. Celui que nous connaissons, maîtrisons, - du moins pensons le maîtriser, et puis l'autre et son étrangeté, sa différence, celui où le temps n'a plus de prise.
La Maison dans laquelle je prends le temps de vous écrire, ne possède ni horloges ni montres. C'est comme si elle imposait son propre temps...
C'est l'éloge de la différence, des bras cassés, des failles, des blessures, de ce qui est peut-être invisible et le restera à jamais. C'est l'éloge de l'enfance dont on ne voudrait jamais revenir. C'est l'éloge du temps déréglé, tordu dans tous les sens, puisqu'il est question de l'enfance et de l'adolescence...
La Maison dans laquelle je questionne les murs, les portes, les couloirs, les labyrinthes, me fait peur car j'entrevois à chaque page la possibilité d'obtenir des réponses.
Ce livre est un précipice. Vouloir comprendre est la meilleure manière de perdre pied à jamais... Comme il est parfois heureux de ne pas être maître des choses...
La Maison dans laquelle je me suis laissé consumer, page après page, était en lisière d'un monde peuplé de sortilèges, en lisière de nos vies et je le soupçonnais si peu jusqu'à présent.
La Maison dans laquelle... Finalement ce trou abyssal, laissé par une lame de fond qui aurait arraché la fin du titre, n'était rien d'autre peut-être que le temps qui passe...

« Je n'aime que les anomalies et les fêlures chez les êtres, les déchirures et les failles, car c'est par là que s'engouffre la vie, que la lumière passe. Ce qu'on appelle normalité me fait peur. J'y vois un renoncement qui ne ressemble en rien à ce qui me fait aimer l'existence - son galop, ses loupés, ses défis. il y a une droiture chez les fêlés, ils ne font que chercher dans le quotidien ce qui n'est pas visible à l'oeil nu. »
Simonetta Greggio

Dans cette lecture commune qui fut pour moi un vrai coup de coeur, je remercie quelques fidèles pensionnaires de cette Maison, Chrystèle (HordeDuContrevent), Diana (DianaAuzou), Doriane (Yaena) et Sandrine (HundredDreams). Sans elles, mes mots ne seraient rien.
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En septembre 1962, je me retrouve à l'entrée du pensionnat avec mon petit cartable dans une main et la main de ma maman dans l'autre. Je rentre dans une vieille bâtisse où le temps semble s'être arrêté. J'ai 6 ans et je me demande ce que je fais là. En juin 1974, je ressors du même établissement avec le Bac en poche pour bondir dans le monde extérieur. Mariam Petrosyan aura mis 10 ans pour écrire «La Maison dans laquelle». C'est le seul roman de cette auteure russe. Selon ses propres dires, elle ne l'a pas écrit ; elle y a vécu et j'y ai vécu moi aussi…Entre la critique de mon amie Chrystèle et celle de mon copain Berni, je me devais de faire une place pour un livre que j'ai mis deux mois à lire sur cet épisode de pension qui a tenu 12 ans de ma vie.

C'est un livre de 1000 pages pour des lecteurs avertis. le nombre de personnages, de lieux, de temps vous entraînent dans un maelström d'histoires et d'aventures. Dans cette maison, on apprend à jouer aux échecs, à dessiner et à écrire sur les murs (moi j'y ai appris à graver sur les pupitres en bois de nos bureaux d'écoliers), à faire des amulettes et des gris-gris, à tricoter, à écouter du Led Zeppelin (Eh oui mon Paulo), à tomber amoureux, à se battre et aussi à soigner. Les chapitres s'entrechoquent en représentant soit le point de vue d'un personnage ou une année écoulée. On passe ainsi du « je » au « il »sans aucune transition, du passé au présent, du jour à la nuit, de l'été à l'hiver. Mais c'est surtout grâce à l'écriture juste et vraie de Mariam Petrosyan que l'on peut évoluer à l'intérieur du livre sans s'épuiser ou pire se perdre.

« Les murs étaient leurs journaux à eux, leurs magazines, leurs panneaux de signalisation, leur téléphone, leur musée. le principe était simple : on y notait ce qu'on avait à dire, après quoi il ne restait qu'à attendre. Ce qui en découlait ne dépendait plus de l'auteur. Un surnom pouvait aussi bien être oublié et recouvert d'un autre gribouillis, qu'adopté et employé sur le champ. »

Le roman raconte l'histoire de ces jeunes enfants qui rentrent dans un pensionnat. Ils sont handicapés, manchots, aveugles ou en fauteuil. On les suit de la rentrée dans l'établissement jusqu'à leur dernière année. Dans la Maison, des clans se forment : les rats, les oiseaux, les chiens, chacun avec leur propre chef et leurs propres règles. Dans ce milieu clos, on y fantasme sur l'extérieur. La solitude de chacun permet à tous d'imaginer un univers fantastique qui se mêle au train-train quotidien. Dans cette maison, il y a des nuits très longues ou l'on se raconte des histoires à faire peur (Mes amies Nicola et Sandrine vont comprendre le plaisir que j'ai eu à perpétuer cette tradition). Les enfants grandissent et deviennent des ados avec leurs premières cigarettes, leurs premières gouttes d'alcool et leurs premiers émois amoureux. Un même établissement où l'on reste entre copains de l'école primaire, au collège et enfin au lycée.

« Salut à vous les avortons, les prématurés et les attardés. Salut, les laissés-pour-compte, les cabossés et ceux qui n'ont pas réussi à s'envoler ! Salut à vous, enfants-chiendent ! »

Et les personnages me direz-vous ? J'y arrive. Il faut faire un effort pour retenir et suivre la centaine de pensionnaires qui habitent cette maison. Mais il y a aussi les directeurs, les éducateurs sans oublier les enseignants et le personnel soignant, les parents, et même certains animaux de compagnie. Il n'est pas facile de comprendre qui est qui dans un premier temps. Heureusement l'histoire tourne autour d'un noyau dur d'élèves qui vont vous permettre de vous accrocher et de rester dans la lecture (et dans la maison par la même occasion). Chez ces pensionnaires il y a l'Aveugle, chef incontesté et incontestable de la Maison et ami d'enfance de Sphinx. A eux d'eux ils vont être les piliers du roman. Viennent ensuite les Chenu, Fumeur, Roux, Vautour, Chacal (mon préféré), Noiraud, Lord, Larry, le Macédonien et Loup. Grace à Mariam Petrosyan, ils deviennent tous réels et attachants. On finit par habiter et vivre avec eux. Les adultes ne sont pas oubliés. Il y a Requin le directeur, Elan et Ralf les éducateurs. Les rivalités entre petits et des grands sont bien présentes avec la complexité du passage au monde des ados qui les accompagne. Les relations avec les adultes ne sont pas oubliées mais c'est la sortie vers le monde extérieur qui est traitée de façon magistrale.

« le monde de l'adolescence est moins agréable que celui de l'enfance, mais beaucoup plus intense et plus riche en émotions et en sentiments que celui des adultes. le monde des adultes est ennuyeux. Les adolescents ont hâte de grandir, parce qu'ils croient que l'indépendance va leur apporter la liberté. Alors qu'en réalité, ils vont se retrouver dans une espèce de prison à vie, faite d'obligations et d'interdictions dont ils ne pourront sortir que lorsqu'ils auront atteint la vieillesse – pour les plus chanceux. »

Et la Maison me direz-vous…Je m'y perds mes amis. Il existe un lien magique entre celle-ci et ses occupants. Elle est enfermée sur elle-même, ses fenêtres sont noircies à la peinture car… elles ne doivent pas donner sur l'extérieur! Elle est immense pour les yeux des petits mais aussi dans l'imaginaire des grands. Elle est composée d'une multitude de dortoirs et de chambres. Il y a un réfectoire et aussi une cafétéria (la cafetière). L'infirmerie (le Sépulcre) y est aussi présente comme le mystérieux croisement situé au coeur de la maison. On y trouve aussi accessoirement les salles de classes. le bureau de directeur est de la partie sans oublier la fameuse cour de récréation. Et enfin, il y a la Forêt, celle qui n'apparait que certaine nuit et pour les avertis. Reste l'extérieur que l'on doit éviter sous peine d'attraper la «maladie des égarés».

« Car la Maison exige une forme d'attachement mêlé d'inquiétude. du mystère. du respect et de la vénération. Elle accueille ou elle rejette, gratifie ou dépouille, inspire aussi bien des contes que des cauchemars, tue fait vieillir, donne des ailes… C'est une divinité puissante et capricieuse, et s'il y a bien une chose qu'elle n'aime pas, c'est qu'on cherche à la simplifier avec des mots. Ce genre de comportement se paie toujours. »

Un roman envoutant et marginal, difficile et exigeant pour tout lecteur. Dans un monde magique où les situations sont incroyablement proches de notre réalité. Elles représentent une expérience que nous avons tous vécue car elle marque le passage de notre enfance à l'âge adulte. Une écriture exceptionnelle qui enrichit et sublime cette métamorphose. Je me suis perdu dans cette maison plus d'une fois comme tous les protagonistes. J'ai erré dans les couloirs avec Sphinx et Lord. J'ai humé l'odeur de la Foret avec Aveugle. Je me suis frotté comme eux à cette « Nouvelle Loi » qui autorise la mixité entre les filles et les garçons. Permettant aux Rousse, Sirène, Rate, Aiguille Chimère, Gaby de rentrer dans la danse et bouleverser le monde des garçons pour le meilleur et pour le pire. Bravo Madame pour votre beau roman qui ma permit de revivre ces belles pages de mon adolescence. Et encore merci à Dori, Sandrine, Diana, Onee pour cette belle découverte commune.

« Tous les types de démences réunis en un seul et même Nid. Les spécialistes n'avaient qu'à se munir de leurs encyclopédies pour s'amuser à les pointer un par un. Des psychopathes, ici, il y en avait pour tous les goûts »
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En pénétrant dans La Maison j'ai tout de suite ressenti sa présence. J'ai caressé ses murs au plâtre effrité et cherché à sonder son âme. Mais la maison ne se laisse pas apprivoiser si facilement, elle a tenté de me perdre dans ses méandres, m'attirant dans ses mystères et ses dédales, me présentant un visage maléfique puis protecteur.
Alors, je me suis dirigée vers ses enfants, véritables prolongements de la bâtisse au point d'imprégner les murs de leur essence et de se fondre en elle coeurs et âmes. Ces enfants rebus d'une société qui préfère les oublier, les dissimuler, eux les inadaptés, physiques, mentaux, psychologiques, ont fait de la maison leur carapace contre ce monde cruel. Véritable société dans la société. Car intégrer La Maison c'est renaître et ça commence par être rebaptisé. Ici ils se nomment Chacal, Sphinx, l'Aveugle, Gros Lard, Lord, Fumeur, Bossu, Crabe, Cheval, Roux, Vautour …et ont abandonné leur première peau dans le monde d'avant. Ici ils font partie d'un groupe dont ils adoptent les codes, mais surtout ils vivent selon les règles de la Maison, transmises des anciens aux nouveaux. Intégrées, digérées, non dites, connues de tous et omni- présentes.

Dans La Maison il y a des rites, des amulettes, des traditions, des sortilèges, des Logs, des punks, Led Zepplin, des blousons en cuir, des gothiques, des gilets à strass et des baskets qui changent votre destin. Il y a des Tombants, des Sauteurs, des Virevoltants, des Irrationnels, et même du personnel soignant et des éducs. Il y a des amitiés indéfectibles, de l'entraide, de la solidarité, des ennemis jurés, des rivalités, des luttes de pouvoir, des tourments d'adolescents et de l'amour sous toutes ses formes.

Dans La Maison il y a des mystères, des réalités pour lesquelles vous n'êtes pas prêt, de la violence, de la tristesse, des morts et de la vie. de la vie qui déborde, qui s'échappe, s'enfuie, se rebelle, se cache, crie, hurle, murmure, se réveille et se rendort.

La Maison c'est celle dans laquelle vous aurez envie de rester pour comprendre l'Aveugle, cerner Sphinx, percer le mystère du Macédonien, rester auprès de Chacal, ce Peter Pan des temps modernes à l'aura incroyable. C'est l'endroit où vous aurez envie de prendre chacun des habitants dans vos bras et de leur dire que l'Extérieur ne les mérite pas.

Un livre monde, un livre puzzle, un conte onirique et cauchemardesque bourrée de références, à l'analyse complexe intellectuellement mais dont chaque mot va droit au coeur.

Perdue dans l'entrelacement des époques ; bercée par l'ambiance ensorcelante de cette vieille bâtisse, je suis devenue une habitante de cette étrange demeure. Au moment de la quitter je m'aperçois qu'elle aussi me hante et désormais fait partie de moi.

Debout dans la quatrième chambre mon sac sur le dos, je me rends compte que je suis moi aussi membre des pestiférés, que leurs réflexions ne sont pas si alambiquées que ça, et que la folie et la réalité m'apparaissent relatives. Alors je pose mon sac pour m'en faire un oreiller. Callée entre Sphinx et Chacal je sens au loin la présence de Lord, de Bossu, de l'Aveugle, et tous les autres. Rassurée, je tends l'oreille pour cette ultime nuit des contes en respirant au rythme de la maison.


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« Salut à vous les avortons, les prématurés et les attardés. Salut, les laissés-pour-compte, les cabossés et ceux qui n'ont pas réussi à s'envoler ! Salut à vous, enfants-chiendent ! »

« La maison dans laquelle » est un roman étonnant, comme j'en ai rarement lu.
C'est une expérience de lecture incroyable, dans laquelle le lecteur fluctue entre rêves et cauchemars, réalité et imaginaire.
Comme un papillon de nuit attiré par la lumière du feu, je me suis laissée prendre au piège de cette Maison tentaculaire qui vous enserre de ses bras, vous lie et vous emmure. Et lorsque finalement, elle vous libère, vous vous rendez compte que vous ne pouvez pas la quitter vraiment, que vous aimeriez y rester encore un peu pour pénétrer encore davantage dans ses entrailles et recevoir d'autres confidences.

« Tu sais quelle est la signification de ce que tu as vécu ? ... Ça veut dire que la Maison t'a choisi, qu'elle t'a laissé entrer. Où que tu ailles, tu fais désormais partie d'elle. Et la Maison n'aime pas être morcelée, elle n'aime pas que ses fragments s'éloignent. Elle s'arrange pour les attirer à elle. Ce qui veut dire que tout n'est pas perdu. »

*
Cette Maison est un pensionnat qui accueille des enfants et des adolescents, tous handicapés physiques, certains ayant également des troubles du comportement ou des maladies psychiatriques. Ils se classent eux-mêmes en plusieurs catégories : les « roulants » en fauteuil, les « marcheurs » sans bras, les sauteurs, les irrationnels.
Ces élèves ne retrouvent leur famille qu'au parloir ou aux vacances d'été pour une durée d'un mois.

Totalement déconnectés de l'extérieur, ils abandonnent jusqu'à leur prénom et s'appellent désormais Sphinx, Chacal Tabaqui, l'Aveugle, Lord, Vautour, Gros Lard, Roux, Fumeur, Noiraud, …
Leur surnom reflète des personnalités très marquées. Ils sont obéissants, discrets, soumis, rebelles, bienveillants, intelligents, sournois, ingénieux, étonnants, étranges, sensibles, émouvants, querelleurs, bagarreurs, imprévisibles, incontrôlables, ou effrayant.

Tous les sept ans, le moment tant redouté arrive : les plus grands, alors âgés de dix-huit ans, doivent quitter le pensionnat pour « l'extérieur », un monde sans repère et source d'angoisse.

« L'année de la sortie, c'est vraiment un sale moment à passer. C'est comme s'apprêter à sauter dans l'inconnu, et tout le monde n'en est pas capable. C'est l'année de l'angoisse, des fous et des suicidés, des psychopathes et des hystériques, de la peur contagieuse et des infections qu'elle répand. Il n'y a rien de pire. Mieux vaut éviter d'assister à tout ça, si on peut. »

*
Ces enfants « rafistolés » ont tous des allures insolites, déroutantes, extravagantes, voire grotesques. Ils sont si singuliers et surprenants que parfois j'en ai oublié qu'ils n'étaient que des enfants et qu'ils avaient une infirmité.
En effet, si le monde extérieur les rejette du fait de leur handicap, dans la Maison, cette différence devient une force, une originalité qui les distinguent des autres. Les adultes responsables apparaissent négligents, parents démissionnaires, directeur retranché dans son bureau, professeurs effrayés ou éducateurs impuissants. Ils semblent livrés à eux-mêmes, mais contrairement aux apparences, ils vivent dans leur monde et se sont organisés en groupes, avec à leur tête, un leader charismatique, un chef de meute.
On y retrouve une forme de solidarité, d'entraide, de camaraderie, mais c'est aussi un monde sans pitié, hostile, extrêmement violent gouverné par un ensemble complexe de règles de vie, de hiérarchies qu'ils ont eux-mêmes élaborées au fil du temps. C'est dans cette maison qu'ils construisent leur identité, leurs rêves, leurs espoirs. Mais la mort s'invite parfois au milieu de toutes les rivalités.

« … ils modelaient petit à petit leur monde, un monde visible et invisible, à la fois ici et ailleurs, obéissant à ses propres lois… »

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Avec beaucoup de justesse et une certaine dose d'humour noir, l'auteure a su décrire cette période délicate qu'est la transition entre l'enfance et l'âge adulte. Elle a su poser les mots pour exprimer la fragilité de ces adolescents « abimés » par la vie, les signes de leur mal-être : repli sur soi, mutisme, impulsivité, agressivité, violence, consommation excessive d'alcool et de tabac, anorexie et boulimie, tendance suicidaire, grossesse, …
Je me suis attachée à ses enfants. Leurs maladresses, leurs imperfections, leurs doutes, leurs peurs, leurs épreuves m'ont touchées. J'ai aimé les voir grandir et voir pour certains les adultes qu'ils deviendraient.

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L'intrigue est centrée sur les enfants du quatrième groupe, notamment l'énigmatique Aveugle, le charismatique Sphinx, l'exubérant Chacal Tabaqui, l'elfique Lord, ou encore l'impénétrable Macédonien.
Alternant passé et présent en un temps déstructuré soumis à ses propres règles, le récit, centré sur leurs temps libres, nous entraîne, par ses flashbacks, dans leurs premières années avant de revenir au présent et se rapprocher du jour où ils devront quitter la Maison pour toujours.

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Le roman est construit comme un échiquier géant en perpétuel mouvement dont chaque pièce déplacée, soulève de nouveaux questionnements, de nouveaux secrets.
Et la détentrice de tous ces secrets, la pièce maîtresse de ce récit, est sans aucun doute la Maison.

Mariam Petrosyan la dépeint avec une telle minutie qu'elle en a fait le personnage clé de cette histoire. Elle garde en mémoire dans ses murs, tous les pensionnaires qui s'y sont succédés, leurs souvenirs, leurs amitiés, leurs jeux, leurs peurs, leur violence.

« Aussitôt je me retrouvai dans un autre monde. Autour de moi, une explosion de couleurs, un véritable feu d'artifice… le couloir n'était qu'une immense fresque. Les dessins étaient gigantesques, de taille humaine, parfois plus grands encore. Fascinants, ils serpentaient et suintaient, s'enchevêtraient, éclaboussaient et bondissaient, s'étiraient jusqu'au plafond pour enfin conquérir le mur opposé. On aurait dit que les parois avaient enflé sous l'effet des peintures, donnant à ceux qui l'empruntaient l'impression de progresser dans un espace de plus en plus exigu. J'avançais bouche bée, comme plongé dans les délires d'un fou… Chaque pan de mur était une voie d'accès à leur vie, une carte sans laquelle on ne pouvait y accéder, fût-ce en secret. »

Malgré son aspect délabré et crasseux, elle apparaît imposante, majestueuse, vivante, protectrice, prédatrice, « à la fois un piège, une maison et l'univers ». Elle semble changer de forme, d'aspect, dévoilant sa face cachée pour devenir tout à tour, végétale et se transformer en forêt, animale telle une araignée qui apporterait soin et nourriture à sa progéniture ou au contraire, la dévorerait.

« … la Maison exige une forme d'attachement mêlé d'inquiétude. du mystère. du respect et de la vénération. Elle accueille ou elle rejette, gratifie ou dépouille, inspire aussi bien des contes que des cauchemars, tue, fait vieillir, donne des ailes… C'est une divinité puissante et capricieuse, et s'il y a bien quelque chose qu'elle n'aime pas, c'est qu'on cherche à la simplifier avec des mots. Ce genre de comportement se paie toujours. »

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Mariam Petrosyan décrit un univers sombre, poétique, mystérieux, magique, angoissant, claustrophobe qui se dévoilent au fur et à mesure, sans explication.
Le côté déstructuré est assez déroutant au départ, obligeant le lecteur à être attentif aux nombreux indices semés tout au long du récit pour faire des liens entre les différentes époques, les différents points de vue, les différents protagonistes qui pour certains changent de surnom en grandissant !

Mais si je reconnais qu'une grande partie du roman est vraiment brillante, je me suis aussi perdue dans cette Maison, par manque de repères. J'ai bien failli m'y noyer et puis, j'ai repris pied, j'ai commencé à comprendre les liens qui les unissaient à cette Maison.
L'auteure a su également relancer mon intérêt et proposer un épilogue ouvert totalement inattendu qui m'a poussée à me questionner à nouveau et à remettre en question l'ensemble de l'histoire.

*
Pour conclure, « La maison dans laquelle » est un récit unique, complexe, à la fois envoûtant et onirique, angoissant, et cauchemardesque. C'est un roman-labyrinthe extrêmement dense et foisonnant dans lequel on aime se perdre et se retrouver.
Mariam Petrosyan a su créer un univers mystérieux et sombre autour de cette maison-refuge. En entrant dans ce roman, on entre également dans cette maison. Elle est un monde à elle toute seule et en même temps une porte vers d'autres univers.

J'aurais aimé y rester un peu plus longtemps, explorer davantage cette forêt pour pouvoir trouver des réponses aux questions qui subsistaient. Je suis bien consciente que cette maison garde encore pour elle de nombreux secrets qu'une seule lecture ne peut révéler. Une relecture s'imposerait afin de « prendre du recul pour avoir une vue d'ensemble », explorer la maison avec un nouveau regard plus rétrospectif et réfléchi.

Un premier roman d'apprentissage brillant, impressionnant, érudit, traversé de nombreuses références littéraires, teinté d'un réalisme magique captivant sur plus de mille pages.
Un coup de coeur, un roman à explorer.

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Ce roman me faisait envie depuis la superbe critique d'Onee que je vous recommande, mais le nombre de pages particulièrement effrayant retardait ma lecture. Je suis donc contente de l'avoir lu dans le cadre d'une lecture partagée avec Chrystèle (HordeDuContrevent), Doriane (Yaena), Diana (DianaAuzou), Bernard (Berni_29). Je les remercie pour ces moments de partage qui ont permis de confronter nos regards et faire des liens pour mieux percer les mystères que renferme cette maison.
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J'y suis entrée à pas prudents, attirée par sa légende et craignant qu'elle ne déçoive mes attentes.

Sur la première de couv', ses murs -palimpseste ont d'abord capté mon regard et bientôt ses enfants étranges, comme échappés d'un film de Tim Burton, m'ont intriguée : roulants et marcheurs, tombants et sauteurs...où étais-je venue me perdre? Dans quelle contrée aux confins du réel et du rêve ? quelle sorte de Poudlard pour ados névrosés, quel huis clos nostalgique et malfaisant pour adultes en mal de leur adolescence?

Puis, très vite, le sortilège a opéré : plus moyen de faire demi-tour, les grilles de la Grise se sont refermées sur moi. J'ai été happée par son mystère, ses codes, ses groupes, ses rituels, son temps immobile, ses personnages emblématiques aux sobriquets étranges et changeants.

J'ai dévoré cette énorme brique en trois jours et attendu presque une semaine pour pouvoir tenter de vous en parler, tant l'emprise reste grande, une fois la dernière page tournée.

La Maison dans laquelle, avec son titre boîteux, est à l'image de ceux qui la peuplent: des enfants et des adolescents cabossés par la vie , à qui mère Nature non plus n'a pas fait de cadeau : "roulants" en fauteuils, "marcheurs" sans bras, rebelles sans passé, voyants sans regard, enfants sans famille, sans raison ou sans espoir, La Maison est le refuge et la somme, parfois effrayante, de toutes ces pertes.

Des groupes, des hiérarchies, des sujétions, des brimades mais aussi des amitiés, des solidarités, de folles puissances se font et se défont entre ses murs couverts de paroles énigmatiques.

Les adultes -profs, parents, directeurs, soignants, éducateurs- sont là aussi, mais à la marge: le jeu pour les "Rats", les "Chiens," les "Faisans", les "Oiseaux "et le fascinant "groupe 4 " né de la Chambre des Pestiférés- il y a 6 groupes, mais quel est donc le 5ème ? - le jeu, donc, pour tous les pensionnaires de la Grise consiste à déjouer les règles des adultes, à y substituer les leurs, à maintenir le plus longtemps possible et comme suspendu , le temps délicieux, vénéneux et violent de l'enfance.

Quitte à tuer, quitte à muter, quitte à mourir.

La lecture est addictive, mais se doit d'être attentive :dialogues à double détente, narrateurs qui changent et changent aussi de noms, totems souvent empruntés à Kipling comme dans une meute de louveteaux déviants, et revêtant des sens à décrypter.

Même si la mort guette, les corps atrophiés sont animés d'une vie sauvage: il faut conjurer le péril de l'infirmerie, appelée le Sépulcre, la fuir à toute force! Les fauteuils deviennent alors des destriers plein de fougue, les toits, des miradors ouverts sur le Danger Extérieur, les arbres, des mâts de cocagne, des colonnes pour stylites ou des fourches patibulaires.

Mais le pire danger n'est-il pas le temps égrené aux cadrans des montres et des horloges, qui fait de l'irrésistible Sauterelle un Sphinx impénétrable, et du pauvre Fumeur , auquel s'identifie le lecteur, un Candide pas toujours clairvoyant, mais de plus en plus sceptique et hésitant ?

Le temps qui mutile et aveugle chasse du paradis des laissés-pour-compte ceux qui rêvent de normalité: le temps vous rejette dans le néant ou dans la vie, sauf si vous êtes un Chacal Tabaqui -ex Putois- aussi éternellement juvénile que ses gilets colorés !

Fable métaphorique sur une Enfance très rimbaldienne, sorte d'Illumination de 900 pages, de Bildungsroman poétique, méditation philosophique sur la différence qui isole et l'instinct clanique qui unit, La Maison dans laquelle est une plongée en apnée dans un univers puissamment original et totalement envoûtant !

En suis-je vraiment sortie? Parfois j'ai l'impression de hanter encore ses couloirs labyrinthiques en clopinant derrière le Mustang de Tabaqui...

Je recommande chaudement!
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Commençons par le commencement, les remerciements. Pour ceux que ça n'intéresse pas, je vous invite à faire une pause-café, thé, chocolat, bref ce que vous voulez, ou de simplement avancez de cinq paragraphes. Eh ouais, c'est qu'elles sont nombreuses les personnes à remercier.

Onee, je te suis extrêmement reconnaissant de m'avoir choisi pour le collier de perle de Sonia. Grâce à toi, j'ai eu la chance de découvrir cet énorme coup de coeur qu'est "La Maison dans laquelle". C'est une pépite littéraire qui n'aurait probablement jamais croisé mon chemin. Par la même occasion, je remercie indimoon d'avoir eu l'idée de créer ce challenge, mais quelle belle idée que tu as eue. J'espère être digne de la treizième perles, nous sommes le treize du mois c'est bon signe. Je vous dis à toutes les deux, 1000 MERCIS ;-)

Je remercie également Mariam Petrosyan d'avoir créé une aussi magnifique histoire sortie de son esprit. Et dire que si le manuscrit initial n'avait pas voyagé de main en main pour atterrir dans les bonnes afin d'être édité, nous n'aurions jamais eu la chance d'avoir ce chef-d'oeuvre à dévorer. C'est l'oeuvre de toute une vie (dix ans d'écriture), son seul roman et probablement l'unique qu'il nous sera possible de lire. Elle-même dit ne pas l'avoir écrit mais y avoir vécu, s'y être réfugiée soir après soir, et ressentir un grand vide depuis sa parution. Ce grand vide, oh comme je peux la comprendre, je le ressens aussi aujourd'hui.

Je tiens à remercier également la traductrice Raphaëlle Pache pour son travail de qualité. Je n'ai remarqué à aucun moment un passage hasardeux et cela sur quasiment 1000 pages. Elle a tout mon admiration et ma reconnaissance pour cette prouesse.

Une fois n'est pas coutume, je remercie la maison d'Éditions Monsieur Toussaint Louverture qui à chaque fois choisit des ouvrages de qualité. Elle dit du livre « l'univers qu'il contient n'a absolument aucune limite », c'est tellement vrai et juste ! Venant d'elle, je suis prêt à lire n'importe quel livre sans en connaître le sujet.

Enfin, je remercie Stephen King pour l'ensemble de son oeuvre littéraire. Certains disent de toi que tu as changé, je dis baliverne, tu as juste su évoluer avec ton temps et ça c'est vraiment cool. Bon par contre, tu n'as pas été sympa en mettant mal à l'aise ma soeur de plume Magali avec ton recueil de nouvelle différentes saisons, mais je sais qu'elle t'aimera toujours autant que… Quoi !!! Wopunaise, mais oui la Maison dans laquelle. PARDON ! Arrêt de digresser Nick tu vas tous les faire fuir dès le début. Pense à la perle… mais… que dire de plus…


Allez bonne lecture à vous et bonne nuit ^_^


Euhhh !!! je vous ai peut-être un poil (beaucoup) trop enfumé là !

Bon ok, je n'ai rien dis sur le livre et je pense que la perle paraitrait terne, bien mal lustrée, un oui Sonia, je serais recalé, direct au placard à archives des perlouses désastreuse et probablement le seul à jamais. de plus je me dois d'être à la hauteur (au moins à la cheville) de tes critiques Onee.

Alors, cette Maison… Très rapidement celle-ci m'a agrippé, oh que oui, qu'il m'a été difficile de lâcher le live tellement la lecture fut immersive. Je ne pensais pas possible de ressentir aussi rapidement un gros coup de coeur comparable au livre Zephyr Alabama de Robert McCammon, mais dans cette Maison ce n'était pas un seul petit Cory (le personnage principal du livre cité) mais plusieurs qui m'ont profondément ému par leurs belles personnalités.

Pendant cette lecture j'ai eu la panoplie complète d'émotion, vraiment de tout mais principalement des rires et des pleurs. Ce n'était pas des pleurs de tristesse, ni de joie mais plutôt une sorte de décharge émotionnel mélangé à de l'admiration pour les personnages créés et donc la plume de l'auteure. J'ai trouvé remarquable comment Mariam Petrosyan intègre le handicap avec bonhomie. Dans le livre il n'y a à aucun moment un passage malaisant, elle a fait paraître cela tout simplement naturel, pour moi ça en dit beaucoup sur la belle personne qu'est l'auteure.

Cela m'a fait penser directement à quatre mots d'un poème de l'excellent livre de Violaine Bérot "Comme des bêtes" (dont je vous conseille la lecture) qui sont les suivants "certains normaux anormalement normés", comme ils sont lourds de sens. Je souhaite de tout mon coeur vivre dans un monde où la différence, quelle qu'elle soit, serait considérée comme banal !

La Maison dans laquelle ben c'est un roman qui se passe dans une maison. Houlala, comment je vous ai fait un gros spoil bien honteux. Allez un deuxième temps que je suis sur ma lancée, il n'y a aucune note en bas de page sur les quasis 1000 pages d'où mon admiration pour le travail remarquable de traduction. Ah ! Vous voyez comment je ne suis pas très sympa de vous spoiler… Ok, j'arrête mes bêtises, je vais enfin vous parler du livre, cela uniquement parce que je vous aime bien les z'amies.

C'est un roman principalement de style initiatique avec une pointe de fantastique. le livre est tellement dense qu'une seconde lecture me semble presque obligatoire afin d'en découvrir les éléments m'ayant échappé. Si vous vous attendez à du rocambolesque avec comme seuls sauveurs les Avangers, du suspens avec des explosions dans tous les sens, BABOUM !!!, un thriller avec des cadavres à la pelle enterrés dans le jardin ou stockés dans le congèle de CatF, juste à côté de la glace au chocolat (hein Cat meurtre et chocolat, j'ai bien retenu les deux mots qui te définissent;-)) ou encore de la sciences fictions avec des petites bonhommes M&M's envahisseur cherchant à nous voler nos ressources en cacahuètes, NON !!! pitié tous sauf les cacahuètes… ben je vous le déconseille.

Ok, ok, je vous en dis un peu plus. Nous avons ici à faire à des jeunes pensionnaires vivant en communauté dans cette bâtisse jusqu'à l'âge de leur majorité. Chaque nouvel arrivant se voit affublé d'un surnom, peu souvent flatteur, et se trouve obligé d'intégrer un groupe que j'ai plutôt envie de qualifier de clan. Nous avons à faire à une société hiérarchisée où chaque habitant trouve sa place et joue un rôle, propre à chacun, afin de faire tourner convenablement la maison. Alors parfois il y a des passages difficiles, des conflits d'intérêts, une vraie société. Heureusement certains éducateurs veillent dans l'ombre sur ses résidents…


Nos chemins peuvent se séparer à l'instant si vous désirez, je vous souhaite une (potentielle) bonne lecture. Pour les plus téméraire, vous pouvez me suivre encore le temps de vous emmener avec moi faire un tour rapide de cette propriété. Pas de souci particulier à avoir, je ne fais aucune révélation aussi honteuse que précédemment et puis ça serait mal connaitre la maison (ma caboche, j'entends). Je me permets également certaines libertés par rapport à l'histoire (chut, ne dites rien ceux qui l'ont lu).



Me voici arrivé devant le perron de cette grande demeure, haute de trois étages, on ne voit qu'elle, posée sur son terrain vague, sa couleur grisonnante lui donne un air austère et mystérieux à la fois. Je ressens derrière moi le regard de certains habitants des maisons voisines, ils me paraissent terriblement pesant. Qu'ont-ils contre moi, est-ce cette maison qui les a rendues hostiles ? Serait-ce ses occupent ? Ou suis-je pour eux tout simplement une curiosité peu coutumière ? Je suis venu en connaissance de cause, Onee m'a invitée à découvrir les occupants des lieux et je suis plus qu'impatient de les rencontrer.

Sur la porte il est écrit "Ne pas frapper, Ne pas entrer" pourquoi ? Me sachant attendu, je prends la liberté de m'introduire à l'intérieur sans prévenir. Etant dans ses lieux pendant plusieurs jours autant me mettre à l'aise, j'entreprends la recherche dans le fourbi qu'est mon sac de mes pantoufles favorites afin de…. Wopunaise, mais non ce n'est pas possible ai-je vraiment fait cela, partir ce matin obnubilé par cette Maison en les gardant…. à mes pieds… Oh malheur, comment est-ce possible !!! Un flashback me revient d'une histoire similaire d'une Babelpote s'en étant rendu compte à la moitié de son trajet jusqu'à son travail... Quel est son nom déjà… je pense à chaque fois à une chanson la concernant… M m m my Sharona (et hop dans la tête Colette (oups j'ai divulgué ton identité mais t'inquiète ton pseudo LetCo (oups, oups, oups, ma touche Suppr est cassée, je ne peux plus revenir en arrière… ;-))))


J'avance dans un couloir constellé de dessin, d'écriture, je contemple cette fresque plutôt jolie et probablement riche d'une histoire qui m'échappe. M'arrêtant à la première porte que je vois, un écriteau mention « Requin - Directeur », un nom comme celui provoque en moi un léger frisson, je prends l'initiative de poursuivre mon chemin, après tout je suis venu pour rencontrer les pensionnaires.

J'arrive enfin devant une autre porte affichant le nom Crevards Pestiférés ! Cette fois une certaine courtoisie s'impose, je frappe, c'est un jeune homme qui m'accueille clope au bec. Il se présente à moi sous le nom de fumeur, quel nom étrange me dis-je. Instantanément, je comprends conscience de l'intérêt d'avoir amené des cigarettes sous la recommandation d'Onee. Les lui offrant, fumeur commence à m'expliquer le fonctionnement de la Maison… J'en resterais là avec vous, je ne vous donnerais pas plus d'éléments que ceux cités auparavant afin de vous préserver le plaisir de les découvrir par vous-mêmes.

Pendant ce long et savoureux mille-feuille, j'ai découvert de nombreux personnages, secrets, pièces, couloirs, ou je mis suis parfois perdu mais il y avait toujours l'un de ses pensionnaires pour veiller sur moi et me guider.

L'un d'entre eux a particulièrement retenu toute mon attention. Il s'agit de Chacal Tabaqui, mon chouchou (je sais ce n'est pas bien d'avoir ses préférés), quel coup de coeur pour ce personnage haut en couleur, un vrai chic type, un Gaston comme pourrait dire mon ami Jipih (je vous invite à aller voir son excellent critique sur la BD « Gaston (2005), tome 12 : le gang des gaffeurs »). Mais qu'est-ce que j'ai ri en lisant ses logorrhées, ses divagations et son talent hors pair de conteur. Cette verve, qui lui est propre (chapeau à Mariam Petrosyan) m'a fait penser à un personnage d'un autre talentueux auteur.

Qui ça ? Vous voulez le savoir ? Non, pas vraiment ! Ben j'vais tout de même vous le dire. Il s'agit d'un personnage se nommant Fermín. Ça vous fait une belle jambe, je sais, et je vous vois perplexe sauf une personne (hein Magali ;-)). Firmin est un personnage décoiffant (même avec vivelle dop je vous assure) issu du livre "L'ombre du vent". Encore une pépite (ou perle pour les amateurs de collier) littéraire provenant de notre regretté Carlos Ruiz Zafón. Un auteur que je vous recommande de découvrir de toute urgence (1 Zafón par mois Onee pour adoucir les maux ^_^).


Bon, si vous voulez bien me laisser deux minutes le temps de leur dire un au revoir. Ils m'ont bien accompagné ces derniers jours et je ne veux pas les abandonnées sauvagement.


Il est venu pour moi le temps de partir et de vous dire comment vous allez terriblement me manquer. Mon âme d'enfant que j'ai trop souvent délaissée a repris du service grâce à vous. Votre Maman Mariam peut-être très fière de vous et de ce que vous m'avez montré de vous comme vous pouvez être fière d'elle et de ce qu'elle a fait de vous. Je n'ai pas cessé de l'admirer tout au long de ses déambulations à vos côtés. Ne soyez pas impatient de passer ces portes, mon monde parfois me révolte et j'aimerais qu'il soit plus souvent à votre image.

Sachez que je sais déjà que vous aurez rapidement de la visite. Il s'agit de Dominique (domm33), vous verrez elle est adorable, je vous demande de lui réserver le même accueil qu'à moi. L'Aveugle (c'est un des personnages), elle pourra te décrire lors de vos balades en forêt la magnificence de notre nature, les petites orchidées sauvages qui sont en pleine floraison en ce mois de mai… Peut-être aurais-je réussi à faire venir Sonia (indimoon) avec elle…

Je sais aussi que m'a nouvelle babelamie Anne-Sophie (dannso) qui aime bien les lustreurs de perle (^_^) attendais de voir ce que je j'allais dire de vous. Bon, j'ai bien peur de l'avoir perdu en cours de route avec ma critique partant dans tous les sens, mon côté intranquille a pris le dessus… Désolé Anne-Sophie si tel est le cas.

Oh, il y une surtout une autre personne que je souhaite de tout mon coeur avoir convaincu de venir à votre rencontre. C'est Magali (Mag3375), ma soeur de plume, je l'admire beaucoup, beaucoup comme vous et elle me fait terriblement rire, Chacal tu risques de te fendre la poire avec elle, montre-lui que tu n'es pas en reste sur la plaisanterie.

Je vous dis à toutes et tous au revoir et non un adieu, je vous adore. Une partie de vous part avec moi, elle restera dans mon coeur et je vous laisse également volontiers une partie de moi. Je reviendrai vous revoir avec plaisir l'année prochaine et qui sait, cette fois, peut-être je pourrais rester avec vous…


C'est bon vous pouvez revenir. J'espère ne pas avoir été trop abracadabrantesque pendant c'est quelques minutes (quelques pages pour toi Magali ;-) Je vous trouve extrêmement courageux de m'avoir lu, MERCI. Sachez seulement que je garderai un souvenir encré profondément en moi de ce chef-d'oeuvre qui mérite d'être lu par toutes les personnes voulant retrouver un moment l'insouciance de son enfance.


Je souhaite dédier ma critique à toutes les personnes handicapés, malades, aidantes et soignantes, les membres des familles concernées, les personnes se sentant incomprises et/ou en mal être quotidiennement, … Je pense à vous et ma messagerie babelio vous est ouverte.


Je vous souhaite à toutes et tous une belle soirée (ou journée) et de belles lectures évasives et distrayantes.


Tchuss ^_^
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Je viens d'achever ma première lecture de ce roman après une immersion de près de 15 jours. Je dis bien ma première lecture car il y en aura d'autres.

Je ne vais pas faire de suspense, je crois que je n'ai jamais rien lu d'aussi incroyable depuis des années et je ne pensais plus me retrouver dans un tel état à cause d'un roman. Pendant 15 jours j'ai eu deux vies, mettant presque ma vie réelle entre parenthèses pour rêver ce roman quand je ne le lisais pas. J'ai tenté d'être un peu adulte en le dégustant petit à petit, en essayant de ne pas le gober d'un coup d'un seul et peut être aussi de me préserver car je savais qu'il n'y avait pas de suite.

Je voudrais parler du livre, l'objet. C'est quand même quelque chose cette couverture! Cette texture, cette écriture à craie et tout le mystère qui est fait autour. le papier est spécial, l'odeur est peu commune de même que les typographies. Tout est fait dès le départ pour qu'on se dise bien qu'on est pas face à un quelconque roman fantastico-jeunesse. Je l'ai gardé sur mes genoux au moins une heure avant d'oser l'ouvrir et le lire. Je me suis surprise plusieurs vois à juste en caresser la couverture, à renifler les pages en lisant, presque à vouloir plonger littéralement dans ce livre et en faire ma maison.

Puis j'ai osé l'ouvrir, le lire et dès la première page d'étais foutue.
Foutue parce que c'est exactement la lecture dont j'avais besoin à ce moment précis et que par conséquent, j'ai envoyé valdinguer tout le reste.
L'auteur a un don pour fabriquer des personnages plus charismatiques les uns que les autres. Je les ai tous aimés comme des amis proches. Peut être avec une mention spéciale pour Chacal Tabaqui, personnage que j'ai trouvé particulièrement délicieux et haut en couleurs. Chaque nom a une raison tout comme chaque détail est étudié.
Les thèmes de fond abordés sont souvent difficiles: handicap, adolescence, la mort, le suicide... Mais ils sont abordé avec une vision neuve et fraîche, avec convictions sans tabou mais sans impudeur pour autant.
Les ambiances et décors sont propices à l'imagination, à la création.
Dans une seule bâtisse, Mariam Petrosyan a créé un monde, que dis-je, un univers entier.Un univers fait de contes, de croyances, de violences, de rites initiatiques, d'amitiés sincères, de folie, de peine...Un univers d'une réelle complexité, répondant à ses propres codes.

Je peux concevoir qu'il est un peu difficile d'entrer dans ce monde mais l'immersion est assez progressive: l'auteur nous mets dans la peau d'un nouvel arrivant puis nous donne des images du passé, puis retour dans la peau de personnages un peu plus important...de sorte qu'au fil du livre on se sent toujours plus familier avec la maison, ses occupants et l'intrigue. Pour autant, reste une grande part de mystère propices aux divagations des imaginations fertiles. Pour moi c'est du pain béni.
C'est ce qui rend ce livre infini, car au delà des 960 pages, reste le souvenir et les questionnements qui maintiennent le roman en vie dans mon esprit.

Peut êtres vous, qui lisez ma critique, me trouverez un peu extravagante dans ma manière de retranscrire mon expérience. Mais vraiment, j'ai rarement été autant prise par un roman.

A ce titre je voudrais adresser mille mercis à Babelio et aux édition de Monsieur Toussaint Louverture pour l'envoi de ce roman magnifique, que je n'aurais probablement jamais acheté de moi-même. Vous m'avez offert l'une de mes plus belles expériences de lecture depuis bien des années.
Merci merci merci!
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