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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
— Une affaire de bon goût —

Évocation en bande dessinée très réussie du pavé (dans la mare) de Pierre Bourdieu, La distinction (critique sociale du jugement), qui entreprend en 1979 d'établir « les conditions dans lesquelles sont produits les consommateurs de biens culturel et leur goût. »

Évocation, plutôt qu'adaptation, parce que livre éponyme fait facile 600 pages bien serrées, avec tableaux, graphiques, enquêtes et analyses (dans le style peu aimable de Bourdieu) démontant « l'idéologie charismatique qui tient les goûts en matière de culture légitime pour un don de la nature. »

Dans un raccourci impudent, disons que les classiques voyaient dans le beau l'incarnation sensible de la vérité, les empiristes une expérience sensorielle partagée, puis Kant l'a distingué de l'agréable, séparant le goût pur de la réflexion (contemplation esthétique) de celui des sens, « de la langue, du palais et du gosier ».

Bourdieu montre que (tous) les goûts ne sont pas dans la nature, mais dans la culture, qu'ils sont des expressions du monde social, qu'à cet égard il n'y en a pas de meilleurs, ni purs ni impurs, mais que les goûts et les pratiques de consommation (du repas de famille à la visite au musée) sont plus ou moins légitimes selon qu'ils sont ceux des mieux dotés, en capital économique ou culturel.

La BD explique avec beaucoup de clarté comment l'idée-même de goût est une vision des classes dominantes car elle suppose la liberté du choix, au contraire du goût de nécessité des classes populaires, amenées par exemple à préférer la fonction à la forme, à répondre au « parti de sublimation » par un parti-pris de réduction, de dégradation.

Non seulement nos pratiques de consommation nous révèlent, mais l'affirmation de nos goûts et dégoûts nous distingue et nous permet de nous classer. Stratégies de distinction, mais aussi de conservation, les transgressions n'ayant jamais pour but des transformations sociales en profondeur, les aspirants à la légitimité n'en ayant pas le luxe !

Dans tous les milieux, la bande dessinée illustre la violence de la vérité sociologique qui montre à quel point nous sommes les pantins de rapports sociaux. le regard des lycéens dessillé après les cours dispensés par leur jeune prof pique méchamment les parents, remis en question dans les choix qu'ils estiment les plus personnels… Ce qui se paie d'une bonne baffe.

« Le petit-bourgeois est un prolétaire que se fait petit pour devenir bourgeois. » Aïe !

Ce pourrait être un pensum, or c'est drôle, brillamment dialogué (« La femme Quechua, elle me dirait qu'elle vit dans un rayon Décathlon je serais pas étonné »), joliment dessiné, d'une ligne claire qui excelle à rendre les mouvements.
Le prof, les lycéens, les parents… Tous les personnages sonnent justes, ne sont pas les pantins de la démonstration. On les sent la vivre et s'y confronter. Bien sûr, même en près de 300 pages, il faut un peu (beaucoup) forcer la représentation du monde social pour que les personnages exemplaires parviennent à se croiser. Si la BD force le trait, c'est donc dans la représentation euphémisée d'une société française hélas encore davantage cloisonnée.

Seul bémol : une fin un peu abrupte qui fait rêver d'un tome 2.

Mon coup de coeur pour cette bande dessinée n'est bien sûr pas fortuit, ni mon choix de l'acheter, ni celui d'en faire l'article sur Babelio où certains rapports à la culture et à la lecture nous réunissent et nous distinguent, etc.

Non, on ne se refait pas (ou même si…). J'aime à cet égard cette anecdote rapportée je crois par Stravinski :

Au moujik on demande :
— Que ferais-tu si tu étais Tsar ?
— Je volerais 100 roubles et je me sauverais.
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J'ai acheté cette BD pour ma fille cadette dont c'était l'anniversaire. Elle a commencé des études en sciences économiques et sociales et se passionne pour la sociologie. J'ai lu une critique sur cette BD et je me suis dit que ce sujet version BD pourrait l'intéresser. En tout cas en première approche.
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Je ne pensais pas la lire aussi. En fait je l'ai dévorée. Un sujet passionnant (les classes sociales) expliqué simplement, joliment illustré et pertinent (bon là ce n'est pas illogique ça s'inspire du bouquin de Bourdieu quand même !).
Un lycée, un nouveau prof d'éco, la banlieue parisienne. Plusieurs lycéens et ce sujet de Bourdieu sur les classes sociales, les choix culturels. Au début rétifs, certains lycéens vont s'interroger et nous avec.
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C'est passionnant. Ca m'a donné envie de lire le bouquin d'origine. Mais bon les quelques citations sont quand même arides (ça m'a rappelé Rosanvallon quand j'étais étudiante) et je sais que je n'aurais pas le courage d'affronter le texte d'origine. Un grand merci à l'autrice de m'avoir permis de découvrir ce texte et ses concepts. Pas totalement une découverte mais c'est bien de les voir ainsi réunis, expliqués et illustrés.
Pour moi une très belle synthèse claire et percutante. Simple mais pas simpliste. C'est terrible je me suis reconnue dans certaines vignettes (mes hésitations lors de certaines situations en tant que transfuge de classe : petite-fille de mineurs polonais qui ne parlaient pas français, vivaient dans un coron, j'ai pourtant fait une "grande école").
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Bon je l'avoue je l'ai piqué à ma fille, elle n'a pas encore eu le temps de le lire.... Je ne peux donc pas vous donner l'avis d'une spécialiste (par rapport à moi).
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Un grand bravo à Tiphaine Rivière pour son idée de mettre en BD la distinction de Pierre Bourdieu. S'attaquer à un livre aussi imposant et volumineux que celui-ci pour le transposer, le traduire et le vulgariser en BD c'est vraiment un chouette projet, un pari risqué mais totalement réussi.
C'est très bien fait, les messages passent avec fluidité sans pour autant être un cours.
Un jeune professeur, Monsieur Coëtker, immédiatement rebaptisé par ses élèves monsieur Kekette , issu de milieu agricole va réussir à bousculer les idées bien ancrées de son jeune public. Il veut faire passer un message , qui est d'autant plus important pour lui que c'est un peu son histoire et qu'il aurait aimé avoir ce message lorsque lui même était enfant.
Les fameux habitus sont questionnés, le capital économique et culturel abordé et il amène ces adolescents à prendre conscience des jeux de domination et à s'interroger sur le poids des déterminismes sociaux.
Voir Pierre Bourdieu, mon maître à penser, en bande dessinée et donc accessible à un plus grand nombre me ravi.
Pierre Bourdieu nous manque, il aurait tant à dire sur notre société actuelle et la façon dont notre pays est gouverné...
Donner la possibilité de s'interroger, de bousculer nos idées reçues de façon agréable est un plus et Tiphaine Rivière va permettre à certains d'avoir accès à ce questionnement en se plongeant dans sa BD qui est , il faut le dire, bien plus accessible que les presque 600 pages du livre de Pierre Bourdieu.
Les dessins servent parfaitement le texte de façon simple, explicite.
Une vraie réussite !
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L'objectif de cette bande dessinée était de rendre le célèbre livre de Bourdieu accessible au plus grand nombre. Il me semble parfaitement atteint. A défaut d'être complet il permet à minima d'engager la réflexion sur quelques sujets comme la liberté de nos choix et l'influence de notre milieu social, la sélection des sujets considérés comme culturels et les éléments qui distinguent les gens entre-eux. Les quelques phrases du livre original m'ont montré que j'aurais sans doute très vite décroché. Merci donc à cette BD de permettre un accès large à un Bourdieu qui n'est pas le dernier par la complexité de son écriture à cultiver la distinction des classes. Depuis cette lecture je m'interroge sur mes choix et mon véritable libre-arbitre!
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On aime ou pas le graphisme, je l'ai trouvé assez amusant quand il s'agit d'aborder, même très librement, les idées de Bourdieu.
Cet été, je voulais relire ce pavé culte, au moins en socio, qu'est la Distinction mais cela m'est trop difficile (j'ai abandonné la philo peu après le CAPES car j'ai été nommée sur un poste où l'enseignement de la philo paraissait superfétatoire : pédagogies alternatives pour "déficients intellectuels" mais Bourdieu m'a ouvert les yeux sur le fait que ces enfants venaient de classe sociale inférieure, que le pb n'était pas tant d'intelligence défectueuse que de déterminisme social.
Cette BD réussie m'a aidée à retrouver l'essentiel de manière quasi ludique. le jeune prof, lui-même transfuge de classe (comme Pierre Bourdieu, fils d'agriculteur béarnais) donne des clés aux élèves en leur faisant prendre conscience du déterminisme social à travers leurs parents. C'est délibérément caricatural, drôle et efficace. "Ce n'est pas pour moi" pensent ceux qui n'appartiennent pas à la classe dominante et on leur fait croire qu'ils ne travaillent pas assez; on rogne sur leurs perspectives: la jeune fille qui veut faire médecine est ramenée à la réalité: elle n'aura pas le niveau des grosses têtes; dix ans d'études, ce n'est pas possible. Ceux de la classe dominante connaissent l'existence des grandes écoles depuis l'enfance et savent qu'ils feront des études longues.Les transfuges de classe sont rares mais s'expriment en littérature: Annie Ernaux, Olivier Adam et celui qui fut Eddy Bellegueule etc.

J'ai revécu des moments mémorables lors de cette lecture et j'ai beaucoup apprécié. Attention, il ne s'agit pas d'une "adaptation" qui me parait impossible mais d'un texte très librement inspiré de la Distinction de Bourdieu, lui qui ne se souciait pas trop d'être accessible.
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Très belle initiative que cette adaptation du livre de Pierre Bourdieu, que je n'ai d'ailleurs pas lu. Cela me donne envie de lire l'oeuvre d'origine mais en même temps les extraits qui sont repris dans la BD sont quelque peu "complexes" !

J'avais entendu beaucoup de bien de cette adaptation, et franchement je l'ai dévoré en 24 heures. J'ai trouvé très pertinent de l'aborder par le biais d'un jeune enseignant intervenant dans un lycée de banlieue.
Les concepts sont très bien expliqués et permettent de comprendre l'oeuvre tout en s'intéressant à une histoire qui fait écho à une fracture sociale de plus en plus évidente dans notre société.

C'est une BD à mettre entre toutes les mains ! Juste un petit reproche me concernant : j'ai un peu de mal à lire des BD en noir et blanc. J'aurais préféré un peu plus de couleur, mais ce n'est que mon avis ;-)
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C'était il y a presque 10 ans (aïe).
Je passais un oral d'anglais pour intégrer une école d'ingénieur.

Tout se déroulait - à peu près - bien.
Jusqu'à LA question.
« Que s'est-il déroulé de majeur dans le milieu anglophone dans les jours précédents ? ».
(Dit en anglais, avec le plus bel accent, forcément 🤗).

Blanc.
Je n'avais rien.
Nada.
Dire que je ne suivais pas l'actualité durant ce mois de juillet parisien à enchaîner les oraux est un doux euphémisme.

« Non mais comment c'est possible que vous ne soyez pas au courant de cela ?! »
Regard discret sur ma montre pour savoir combien de temps ce cauchemar allait encore durer.
(Se faire engueuler en anglais n'est étrangement pas plus agréable qu'en français 🤔).

Je suis ressortie dépitée.
Ce n'était pas supposé être une épreuve de culture, seulement de niveau d'anglais.

Le temps a passé,
D'autres souvenirs sont venus peupler mes insomnies,
Et j'ai oublié.

Jusqu'à ce que j'ouvre ce superbe roman graphique de presque 300 pages qui porte le même nom que l'oeuvre majeure de Pierre Bourdieu, l'un des plus grands sociologues du XXe siècle, que Tiphaine Rivière vulgarise.
C'est passionnant, et c'est avec humour que la BD met la lumière sur des comportements du quotidien qui disent beaucoup sur nous, et sur la société,
Tout en distillant ça et là des extraits bien choisis du livre de Pierre Bourdieu.
La culture, et tout ce qu'elle implique comme différence, y est notamment abordée.

J'ai compris,
Qu'il y 10 ans,
Ce n'était pas à un oral d'anglais que j'avais participé.
Mais bien à cours de sociologie !

——

(Ce roman graphique un parfait cadeau. Pour un lycéen légalement !)
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Bande dessinée hyper informative ! Pierre Bourdieu fait partie de ces grands noms dont on connaît vaguement les concepts, qu'on emploie un peu à tout-va pour expliquer que si notre camarade de classe Jean-Louis DE La Fontenay est devenu médecin c'est parce que son père est médecin, etcetera.

Mais voilà, autant l'avouer tout de suite, je n'avais jamais lu cet ouvrage. Pour être honnête, il me faisait peur et voilà qu'une BD se propose de le vulgariser. J'ai donc sauté sur l'occasion.

A la lecture, j'ai été emballée mais je m'attendais à ce que soient expliqués plus de concepts. Ce n'est qu'en le renfermant et en parlant à mes proches que je me suis rendue compte de la masse et de la richesse des informations que cette BD m'avait permise de retenir.

Alors bien sûr, j'ignore encore le fourmillement d'informations et concepts théorisés par Bourdieu dans son ouvrage mais je pense pouvoir mieux me saisir de cette référence culturelle et en avoir mieux compris les enjeux.

Pour faire court, non, tous les goûts ne sont pas dans la nature mais dans la culture. Tous nos goûts sont façonnés par notre classe sociale selon Bourdieu. La classe dominante a le goût de la liberté ; quand celle dominée a le goût de la nécessité. Si le prolétaire n'aime pas les restaurants gastronomiques et rit de la classe bourgeoise prête à payer 100 balles pour une mini carotte sur son lit de purée, ce n'est en réalité pas parce qu'il ne les aime pas, mais parce qu'il ne peut et ne pourra pas faire le choix d'y aller. Mécanisme de protection du cerveau sans doute, il se convainc donc qu'il n'aime pas ça et préfère mille fois manger chez lui.

Et pour revenir à mon ami Jean-Louis, la reproduction, ce n'est pas seulement des médecins qui donnent naissance à des médecins, des avocats à des avocats, des ouvriers aux ouvriers ; la reproduction serait le jeu de la classe dominante et de l'école. Pierre Bourdieu explique que l'école ne fait que valider les acquis des enfants issus des classes bourgeoises, acquis tirés d'ailleurs de la culture dominante, elle-même validée par la classe sociale aisée.
Par exemple, je reprends, Jean-Louis est féru d'histoire -élément culturel validé par la classe dominante-, il connaît avant même que l'école ne les lui apprenne, tous les rois de France. Ses parents l'emmènent au musée et ils ont fait un tour de France des châteaux.
En revanche, ma copine Alice, fille d'ouvriers, adore la mécanique, elle est capable de changer le moteur d'une voiture et en connaît un paquet sur celles-ci.
A quel moment, la culture d'Alice lui servira-t-elle ? A quel moment, Alice sera-t-elle félicitée, obtiendra-t-elle des bons points pour cette culture qu'elle s'est forgée ?
Bref, vous l'aurez compris, l'interro de lundi porte sur les rois de France et non sur les bagnoles. Jean-Louis n'a pas trop eu à réviser ; Alice en revanche, a redoublé d'efforts pour réussir l'interro.

Bref, cette BD est truffée de ce genre d'exemples qui permettent véritablement de se saisir des concepts, de les réemployer, de les expliquer. Les dessins sont explicites et servent avec brio ce texte. Tout en noir et blanc, ils ne surchargent pas. La ligne est épurée. Une absence de couleurs et de traits tranchés pour, à mon sens, éviter la caricature. Une BD très pertinente, bravo !
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Très belle adaptation en roman graphique de l'ouvrage phare de Bourdieu.
En tant que professeure de sociologie ce livre m'a particulièrement touchée. La mise en scène d'un jeune professeur aux prises avec ses étudiants à qui il tente de faire passer le message bourdieusien m'a fait sourire. J'utiliserai très certainement quelques planches de l'ouvrage dans mes prochains cours et sans doute que j'inviterai les étudiants à aller faire quelques interviews dans leurs familles et cercles d'amis pour voir si eux aussi sont confrontés à ces différences dans la possession de capitaux culturels, économiques, symboliques ou sociaux.
Ce roman graphique se lit aussi avec beaucoup de plaisir même sans arrière pensée utilitariste :-)
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Je n'ai encore jamais lu Bourdieu et cette bande dessinée m'a vraiment plu car elle aborde d'une belle façon quelques concepts qui donne envie d'en savoir plus. le dessin m'a un peu surpris au début, mais j'ai trouvé l'histoire de ce jeune prof et de ses élèves très attachante et très bien amenée pour illustrer la pensée de Bourdieu. J'imagine bien que l'autrice a simplifié son propos mais elle l'a fait avec brio. Je sors de cette lecture avec l'envie :
- de lire d'autres oeuvres de l'autrice
- de lire (au moins essayer) un livre de Bourdieu.
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