Une pièce comique un peu désuète ? Oui ;
J'ai cependant eu plaisir à la lire pour des raisons personnelles.
Jules Romains est en effet l'auteur d'un de mes livres préférés, Les hommes de Bonne volonté, gigantesque fresque romanesque, politique et sociale qui embrasse un quart de siècle, de 1908 à 1933, véritable Comédie Humaine du vingtième siècle, où il inaugure en outre des procédés narratifs profondément originaux.
Mais il existe cependant des correspondances certaines entre ces deux livres : dans Donogoo, Lamendin entreprend de créer de toutes pièces une ville jusqu'alors inexistante en Amérique du Sud, pour réparer a postériori l'ouvrage monumental d'un professeur de géographie au
Collège de France, où ce dernier avait mentionné par discrétion cette localité alors inexistante ; mais dans Les Hommes de Bonne Volonté, l'homme d'affaires fonde de même de toutes pièces une ville thermale dans une obscure localité d'Ile-de-France, autour d'une source certes existante, mais aux vertus très douteuses, dont il est réellement l'inventeur ; et on constatera avec amusement que, mutatis mutandis, les procédés employés par les deux protagonistes sont identiques, dans un cadre plus léger pour Donogoo, évidemment.
J'ai parlé de Lamendin ; peut-être se souvient- on qu'avec ses camarades Bénin, Lesieur et Broudier, il est aussi le héros d'un petit livre du même auteur,
Les copains, où les quatre compères montent un canular, moins monumental certes que la fondation de Donogoo, dans deux petites villes du Puy-de-Dôme, Ambert et Issoire.
On trouve cependant au moins une passerelle entre les deux: la ville fondée de toutes pièces en Amérique du Sud par Lamandin, dans le but de "couvrir"
l'erreur d'un géographe qui avait mentionné par erreur cette localité inexistante dans l'un de ses livres, rappelle sur un mode plus léger et plus fantaisiste la station thermale que l'homme d'affaires Haverkamp crée en région parisienne, à partir d'une source bien réelle; et il y a un certain parallélisme dans les procédés; mais Donogoo nous rappelle aussi autre chose: le canular de normaliens monté dans
Les Copains par quatre camarades, qu'on retrouve dans la pièce, notamment Lamendin, protagoniste de Donogoo:
Et il y a aussi autre chose, plus surprenante et qui m'a vivement intéressé: Donogoo contient quelques éléments que
Jacques Laurent lui a emprunté pour son chef-d'oeuvre,
Les Corps Tranquilles, qui figure en bonne place dans mon Panthéon Littéraire personnel.
Le « professeur Miguel Rufisque », spécialiste de la lutte contre le suicide de Donoggo rappelle en effet le « milliardaire portugais Goribon », fondateur de l'Institut de Vigilance contre le suicide de l'ouvrage de
Jacques Laurent, mais aussi le « Professeur B. Tayerr » du même livre ; il n'est pas question d'accuser Laurent de plagiat, car il a magnifié ces élément en faisant bien autre chose, et qu'ils ne sont qu'une infime part d'une oeuvre grandiose.
D'autres que moi, qui n'ont pas mes motivations, auront-ils aussi plaisir à lire cette pièce ? Je pense que oui ; après tout, Knock, du même auteur, n'est pas oublié aujourd'hui et a toujours son petit succès ;