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EAN : 9782266339193
128 pages
Pocket (07/03/2024)
3.81/5   195 notes
Résumé :
Années soixante, quelque part dans la France profonde. Célestine, orpheline dès sa naissance, est élevée par de lointains parents qui n’avaient jamais voulu d’enfants. Dix-sept ans plus tard, l’adolescente se retrouve devant la Cour d’assises des mineurs. Mais que s’est-il donc passé pour que la ravissante et douce Célestine, dont l’avenir était plus que prometteur, soit jugée pour un crime dont tout semble l’accuser ?
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Critiques, Analyses et Avis (73) Voir plus Ajouter une critique
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sur 195 notes
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Si l'on apprend dès les premières lignes les circonstances de la naissance de Célestine, orpheline avant même le premier cri qu'elle ne poussa jamais, née par césarienne en urgence grâce au savoir faire détourné d'un vétérinaire, on la retrouve dix-sept ans plus tard à la cour d'assises des mineurs.

Pour connaître le parcours qu'il l'a conduite dans le box des accusés, il faudra se plonger dans le récit de sa vie, auprès de son oncle et de sa tante, pas malheureuse, pas heureuse non plus. Sa vie monotone et ses rêves de devenir journaliste sont son quotidien, dans ce petit village rural coupé des bruits de la ville. L'arrivée de parisiens soucieux de se ressourcer changera la donne, en lui ouvrant des perspectives d'avenir plus glorieux, et en lui faisant découvrir l'amour.


On s'accroche vite à l'histoire, en raison de la construction qui ne laisse pas d'indices sur ce qui s'est passé réellement et qui a conduit au jugement.

On apprécie également la description dumilieu rural, à une époque où il était aisé de comprendre en quelques regards et peu de mots l'origine d'un interlocuteur. le texte est une chronique des années soixante, avec l'arrivée de la télévision dans les foyers, l'évocation du vainqueur du tour de France ou, l'assassinat de Kennedy.

Les personnages sont analysés avec finesse et la spirale infernale qui conduit au drame est bien amenée.

Un premier roman intéressant et agréable

132 pages Hervé Chopin 5 janvier 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Être née un 14 juillet 56, mais quelle chance ! … Un 14 juillet ! Vous vous rendez compte ! Quelle chance ! Enfin, peut-être pas tant que ça dans le fond… Ses parents, dans leur « Deux Chevaux », ont percuté un arbre. C'est Brunard, le vétérinaire qui pratiqua en urgence une césarienne sur la mère décédée pour délivrer l'enfant. Pour les parents, il n'y avait plus rien à faire. A la naissance, cette gamine ne versa même pas une larme… Brrr… Voilà qui n'augurait rien de bon. C'est le véhicule du laitier qui servit d'ambulance pour ramener le bébé au village. Mais à qui la confier ? Que lui reste-t-il comme famille ? Un couple de paysans qui ne voulait pas d'enfant…

Critique :

Mais quelle belle écriture que celle de Sophie Wauters ! Un régal ! Et quelles descriptions : « Aristide avait trois passions : ses champs, sa collection de papillons et son âne, Gaspard. Une quatrième s'imposa après la mort de ce dernier : le vin rouge et ses enivrants bienfaits. Et lorsqu'il arrivait que cet alcool le prenne tout entier, Berthe avait pris pour simple habitude d'envoyer ses ronflements et ses effluves sur le divan fleuri du salon pour la nuit. »

Quant à Berthe : « Berthe, contrairement à son mari, n'avait qu'une seule et unique passion : le Ghota. Sans doute que celle-ci avait pris naissance dans son goût pour l'ordre établi. »

En quelques mots, elle dépeint un personnage : « Loïc, aussi loin que sa mémoire pouvait remonter, avait toujours vomi ses parents. Il les trouvait minables. Il considérait aussi les femmes comme des objets et les villageois comme des gros cons. Il n'avait rien pour lui mais s'était pourtant toujours cru au-dessus de la mêlée. »

Mais revenons à Célestine qui se retrouva en septembre 1973 devant la Cour d'assises des mineurs. Incroyable n'est-ce pas ? Surtout si je vous dis qu'elle est douce, mignonne, et tout ! Et tout ! Bon, mais alors que fabrique-t-elle là ? Nous la retrouvons à la fin de son procès. le Président lui donne la parole. Tout le monde espère qu'elle va enfin sortir de son mutisme et prononcer quelques mots qui pourraient faire pencher la balance en sa faveur. Et des mots vont surgir de sa bouche : « Je n'ai rien à dire. » Grand désespoir de son avocat, maître Baldaquin. Mais qu'est-ce qui lui a pris de vouloir défendre cette gamine ? Hein ? Bon, d'accord, elle est jolie, mais en attendant, sa carrière de jeune avocat est bien mal partie.

Qu'a-t-il bien pu se passer pour que Célestine se retrouve là ? Je pourrais vous dire que… Eh bien, âgée d'à peine neuf ans, le curé fit savoir à Berthe que Célestine ne semblait guère s'intéresser aux voies du Seigneur et que pour y remédier, il était disposé à se charger de l'éducation religieuse de l'enfant… Personnellement… Les progrès de Célestine vont être si rapides que, très vite, elle n'aura plus besoin de ces cours particuliers…

Et puis, il y a ce qu'Adolf Lallemand a vu et a compris de ce déshabillage d'un garçon par ladite Célestine… En pleine rue !

Vous ne voyez toujours pas pourquoi elle se retrouve sur le banc des accusés ? Normal ! L'histoire ne s'arrête pas là, mais comme je ne voudrais pas vous gâcher la surprise, permettez-moi de ne pas poursuivre en divulgâchant, comme diraient des lectrices dont j'apprécie les commentaires.

Sachez que contrairement à ce que vous pourriez croire en lisant ma prose, il s'agit bel et bien d'un drame. Vous ne comprendrez la présence de Célestine devant le tribunal que dans les toutes dernières pages du récit. Préparez vos mouchoirs !
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Cette vérité qu'elle ne dira jamais

Dans un premier roman-choc Sophie Wouters raconte le calvaire d'une orpheline abusée sexuellement. Un drame qui met une nouvelle fois en lumière les ravages de l'emprise et du non-dit.

Dès les premières lignes, le ton de ce court et percutant roman est donné. Un 14 juillet un accident de la route fait deux victimes. le vétérinaire dépêché sur place effectue en urgence une césarienne qui permet de sauver l'enfant de la femme décédée aux côtés de son mari. L'enfant est alors confiée à sa tante Berthe et à son oncle Aristide qui la prénomment Célestine.
Dans ce coin de France profonde, au début des années soixante, la vie est régie par les travaux de la ferme, la morale inculquée par le curé et l'actualité transmise par les journaux et magazines. C'est dans ce contexte que grandit Célestine, dont on va découvrir dès la fin du chapitre initial, qu'elle se retrouvera à 16 ans passés devant la Cour d'assises des mineurs où son mutisme ne plaidera pas en sa faveur.
Les chapitres qui vont suivre, en retraçant la chronologie des faits, permettent au lecteur d'être les témoins privilégiés du drame qui s'est noué.
Alors que la scolarité de Célestine se passait plutôt bien, qu'elle s'était faite une amie pour la vie en la personne d'Édith, sa camarade de classe, elle est envoyée par ses parents adoptifs au cours de catéchisme du curé, l'une des autorités morales du village. C'est durant cette leçon particulière que le piège se referme sur la fillette. L'agression sexuelle dont elle est victime va la marquer durablement. Comment pourrait-il en aller autrement?
Chargée d'un lourd fardeau, Célestine va poursuivre vaille que vaille sa petite vie, mais avec le désir de plus en plus puissant de fuir, de se construire un avenir loin de ce microcosme toxique. Sauf que sa beauté va continuer à vriller l'esprit des hommes, que son calvaire n'est pas terminé, que le tribunal l'attend au bout de son chemin de croix.
C'est un roman fort que nous offre Sophie Wouters, construit de telle manière que son intensité dramatique ne se relâche jamais. Comme le dirait Philippe Besson, Ceci n'est pas un fait divers. C'est la destruction d'une vie par des «personnes dépositaires de l'autorité» et qui laissent leurs pulsions les emporter au-delà des limites. D'une écriture sans fioriture qui renforce encore la violence du propos, ce premier roman publié en 2021 en Belgique mérite effectivement de conquérir un public élargi.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Se lit d'un trait. Petite tragédie Belge. Tragedike?
Désuet à souhait puisque l'intrigue se déroule dans une France des années soixante. Avoir comme premier héros romanesque Georges Pompidou, ce n'est pas commun ! Pour des jeunes, s'extasier devant l'arrivée de la télévision, rêver de devenir speakerine comme Denise Fabre, ce doit être assez difficile à imaginer...
Sorti de ce contexte, l'écriture de cette primo-romancière est agréable, fluide.
Elle réussit à créer un tableau très contrasté, ombre et lumière, du même personnage. Mais également de toute la société qui gravite autour : la France rurale et le modèle grand-bourgeois parisien, les préjugés, les représentations sociales.
Un romanke qui ne laisse pas indifférent et qui en appelle d'autres .

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Célestine est un joli brin de fille. Née orpheline, elle se retrouve seule dès qu'elle ouvre les yeux sur ce monde. Élevée par des parents lointains, c'est entre Berthe et Aristide qu'elle pousse. C'est aussi l'amie d'Edith et l'amoureuse d'Aurélien. Dans cette campagne, bercée par le poste de télévision, elle se rêve speakrine puis journaliste. Mais pourquoi se retrouve-t-elle devant une cour d'assise pour mineurs ? Que s'est-il passé ? Qu'est-ce qui a dérapé ?

Célestine de Sophie Wouters est un premier roman très réussi. En quelques pages, on s'attache à cette jeune fille, à sa vie, à ce quotidien qui l'entoure.
On apprend dès les premières lignes qu'elle est fasse à un juge, qu'elle se mure dans le silence malgré les questions, les supplications, les larmes… Et on lit avec impatience et passion ce qui l'a mis dans cette situation.

L'écriture est fluide, au plus proche des personnages, et la tension n'est pas palpable. Il ne s'agit pas d'un thriller, ni d'une enquête. C'est une histoire très simple, une jeune fille dont la beauté tourne les têtes. C'est la vie d'une orpheline qui rêve, qui aime, qui croit en un avenir plus grand.

Célestine est l'histoire d'une âme qui bascule dans l'obscurité, sans crier gare, sans qu'aucun d'entre nous ne puisse la sauver. C'est une petite orpheline qui a sombré par la faute des hommes, de leur violence, de leurs vils désirs… C'est une triste petite flamme qui se meurt… malgré tout l'éclat qu'elle portait en elle…
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critiques presse (1)
LeSoir
21 juin 2021
Amélie Nothomb à propos de ce premier roman : « Cette nuit, j’ai lu Célestine. Ton texte m’a bouleversée, je n’ai pas pu m’arrêter. Je te dois une nuit blanche. »
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
— La Célestine avait tout de suite commencé par faire fort !
La journaliste, les pieds dans la paille, s’approcha encore un peu plus de Marcel avec son microphone.
— Venir au monde après le décès de ses parents… Vous n’allez quand même pas m’dire que c’est la façon d’faire du commun des mortels ! marmonna-t-il, assis à califourchon sur son petit tabouret, en tirant plus énergiquement sur les mamelles de la vache qui s’était mise à beugler.
Et c’est sans se faire prier, cette fois, qu’il se mit à raconter la naissance de l’enfant :
— C’était au retour de la fête du 14 juillet 56. La 2 CV de ses parents était en train de fumer contre un arbre… Et c’est à quelques pas de là, le long de la départementale, parmi les coquelicots, sous un ciel sans nuages, qu’elle a vu l’jour. Je me rappelle qu’il était d’une chaleur agréable et douce, comme celle d’un beau d’printemps. On m’a rapporté qu’elle ne pleura pas un seul instant. Brunard, le vétérinaire qui venait de faire en grande urgence une césarienne à cette pauv’mère décédée, s’en était inquiété.
Puis, après avoir retiré une mèche rebelle qui lui barrait le front, il s’était levé et avait conclu :
— Mais moi, j’vous l’dis, déjà une sans-cœur, la p’tite !

* * *
Cour d’assises des mineurs – Septembre 1973
— Accusée, levez-vous.
Célestine se leva lentement, le regard absent.
— Pour la dernière fois, nous vous prions de vous exprimer ! Sans cela, mademoiselle, nous ne pourrons rien faire pour vous !
Sa bouche s’entrouvrit et la petite assemblée stupéfaite se suspendit à ses lèvres.
— Je n’ai rien à dire, murmura-t-elle.
Mais pourquoi donc avait-il accepté de prendre sa défense ? « Aussi jolie qu’elle soit, elle met décidément bien de l’ombre sur mon avenir ! », rumina le très jeune maître Baldaquin, dont les manches connurent un léger envol désappointé.
Le président, tout aussi désabusé, avait saisi sa cloche et, après l’avoir soulevée d’une main molle, la maintint quelques secondes dans l’air. Puis, à contrecœur, il se mit à l’actionner.
— La Cour va se retirer aux fins de délibérer.

* * *
Transportée dans le cliquetis des bouteilles de la fourgonnette du laitier, c’est déjà escortée par deux motards que Célestine avait fait, sous les banderoles et en grande pompe, une première entrée très remarquée au village. Même les confettis qui jonchaient la rue principale semblaient y avoir été parsemés aux fins de l’accueillir.
Bien vite, après cette fête nationale, elle fut confiée aux bons soins d’une vieille tante.
Berthe et son mari Aristide avaient en effet, bon gré, mais surtout mal gré, accepté de prendre cette « enfant tombée du ciel » sous leur aile et c’est ainsi qu’ils lui attribuèrent, non sans une pointe d’ironie, ce doux et désuet prénom.
Les gosses, ce n’était pas leur truc. Ils n’en avaient jamais voulu et s’étaient toujours arrangés pour ne jamais en avoir. Enfin, surtout Berthe. « Encombrants ! », criait-elle à qui voulait bien l’entendre.
Mais en souvenir de sa mère qui avait adoré sa cousine, la grand-mère de Célestine, elle avait démenti ses propos. Cela n’avait jamais été le qu’en-dira-t-on qui l’avait arrêtée.
Berthe était ce genre de femme opulente dont on pouvait se demander comment des jambes aussi fines ne s’effondraient pas sous le poids d’un tel buste. Elle vivait avec son tablier et ne le retirait que pour la messe du dimanche ou quelque autre rare occasion. Elle faisait partie de ce que l’on appelle les maîtresses femmes qui mènent énergiquement leur petit monde à la baguette… en l’occurrence, ici, son mari.
Aristide avait trois passions : ses champs, sa collection de papillons et son âne, Gaspard. Une quatrième s’imposa vite après la mort de ce dernier : le vin rouge et ses enivrants bienfaits. Et lorsqu’il arrivait que cet alcool le prenne tout entier, Berthe avait pris pour simple habitude d’envoyer ses ronflements et ses effluves sur le divan fleuri du salon pour la nuit.
Sinon, tant que le travail de son époux était fait et bien fait, qu’il ne l’emmerdait pas, qu’il continuait à lui obéir sans broncher et que cela ne réveillait pas en lui des désirs charnels, la Berthe le laissait bien souvent tranquille avec son énervante compagne. Elle avait d’autres choses à penser.
L’arrivée de Célestine n’opéra qu’un tout petit changement dans la vie d’Aristide.
Berthe avait en effet décidé de donner à la petite une éducation à l’image même de celle qu’elle avait reçue, trop heureuse de ce qu’elle était devenue grâce à elle, et donc, tout comme sa mère, ne mit qu’une exception à l’ordre établi. C’est ainsi que Célestine se vit exonérée de la clause « pas d’enfants dans la chambre à coucher des parents » en cas de maladie infantile, et qu’Aristide passa plus de nuits encore sur le canapé.
Célestine faisait partie de ces bébés qui réveillent en nous l’instinct cannibale.
Quand Berthe se rendait au village, il y en avait toujours pour se pencher sur le landau et s’exclamer, après avoir ouvert grand la bouche et des yeux ronds comme des billes : « Ooh ! Mais elle est à bouffer ! »
Un jour, agacée, elle avait tiré d’un coup sec vers elle le petit véhicule et en avait remonté rapidement les soufflets.
— Vous n’croyez pas qu’elle en a déjà assez vu, la p’tite !? avait-elle alors grommelé en levant les yeux vers le ciel.
— Mais on n’peut quand même pas lui dire « ses parents doivent être tellement fiers ! », avait le soir même ironisé Alfred, le garagiste, en trinquant avec ses clients et acolytes au Café de la Poste.
Le cas « Célestine » était donc devenu le sujet de conversation des habitants de la bourgade et sa place presque aussi centrale que celle de son bistrot.
— Pour une fois qu’il s’est passé quelque chose d’extraordinaire dans notre campagne… Il n’y aurait aucune raison de s’en priver ! disait toujours le même Alfred à son épouse avant son coucher alcoolisé.
— On dirait une poupée ! Je serais à votre place, Berthe, je l’inscrirais sans hésiter au concours « Bébé Cadum », lui avait fait remarquer Mme Morel, la femme de Jacky, le laitier, l’ambulancier d’un jour. Avec des yeux aussi magnifiques, ce sourire si plein de malice, ce teint rose qui respire la santé et cette bouille d’angelot joufflu, elle a vraiment tout pour le remporter ! lui avait-elle assuré.
Et c’est après s’être renseignée sur cette compétition organisée pour désigner le plus beau bébé de France que Berthe, de retour chez Vachalait, s’était écriée :
— Être le symbole national de l’hygiène, oui ! Mais les fesses en l’air sur une couverture, moi vivante, jamais !
Elle avait ensuite payé son dû et s’était retournée en concluant :
— Et puis, on ne peut pas dire qu’il ait porté chance à son premier lauréat… Avoir été envoyé dans les camps dix-sept ans plus tard avec toute sa famille et en avoir été le seul survivant, vous n’allez quand même pas me…
La porte avait claqué si fort qu’elle avait rendu la fin de sa phrase inaudible et que les bouteilles déjà blanches s’en étaient mises à trembler.
« Raté ! », avait alors pensé Mme Morel.
Elle avait espéré que l’histoire de Célestine avec sa très probable victoire eût pu apporter quelque lumière sur son village et, qui sait, sur son mari.

* * *
Aristide chercha de temps à autre à prendre l’enfant dans ses bras, mais à chaque fois il s’était heurté à un mur de hurlements.
— Je n’comprends pas ! Je l’aime pourtant bien la Célestine ! avait-il fini par dire, dépité, un jour à son épouse.
— Avec la gueule que tu as, tu dois certainement lui faire peur ! Redépose-la donc, cette petite ! Les bébés n’aiment pas les moches ! lui avait-elle répondu en épluchant ses pommes de terre.
Il l’avait remise dans son berceau, avait été rejoindre ses fioles et ses lépidoptères, et ne fit plus aucune tentative avec le nourrisson.
Berthe était le genre de femme, vous l’aurez compris, qui allait droit au but. Elle ne cacha donc jamais à l’orpheline les prémices de sa vie. Mais comme la très jeune Célestine avait pu voir, tout aussi précocement, un bon nombre de bêtes le ventre ouvert pour mettre leur petit au monde, elle n’en fut dès lors jamais choquée. Et puis, il est certain que la notion de mort n’avait pas encore eu le temps d’arriver dans sa sphère de compréhension.
Ce n’est que plus tard, en relevant que poulains, veaux, poussins et porcelets avaient encore leur mère, que la chose s’était mise doucement à la titiller et seulement après sa rentrée scolaire à la perturber. Surtout quand la grande question « Tu préfères ton père ou ta mère ? », qui se chuchotait parmi les enfants, semblait bien lui être épargnée.
Elle attendit cependant l’âge de raison pour être un peu plus éclairée. Berthe, les mains dans la pâte, lui avait alors rétorqué :
— Mais je te l’ai déjà expliqué, Célestine ! Va donc prendre ton bain ! Le repas est bientôt prêt.
Et comme elle en avait l’habitude, la petite s’était exécutée.
— Pas trop d’eau ! lui avait encore crié Berthe de la cuisine.
C’est donc sur cette rengaine que Célestine alla se noyer dans un océan d’interrogations et qu’elle en redescendit toute pimpante dans la cuisine.
Berthe et Aristide y étaient assis là, étrangement côte à côte, médusés, les coudes sur la toile cirée, les yeux exorbités devant le téléviseur. Un certain Kennedy était mort assassiné.

* * *
Berthe, contrairement à son mari, n’avait qu’une seule et unique passion : le Gotha. Sans doute que celle-ci avait pris naissance dans son goût pour l’ordre établi.
Et une fois par semaine, telle une répétition pour la messe du dimanche, elle enlevait méticuleusement son tablier puis, dans un second geste de bienséance, défroissait quelque peu sa robe pour aller s’installer dans son rocking-chair acheté pour l’occasion. Et c’est là, dans ce fauteuil dont une partie pouvait survoler le sol, qu’elle ouvrait religieusement son Point de vue.
Célestine avait été, dès son plus jeune âge, mise au parfum des familles royales et avait appris prématurément ce que l’étiquette « point rou
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Venir au monde après le décès de ses parents, vous n’allez quand même pas m’dire que c’est la façon d’faire du commun des mortels ! marmonna-t-il, assis sur son petit tabouret, en tirant plus énergiquement sur les mamelles de la vache qui s’était mise à beugler.
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Elle prit dans sa table de nuit la photo de Pompidou qui avait remplacé celle de ses parents quelque peu effacée avec le temps. Elle fixa le visage de ce Premier ministre qui représentait tant le grand-père qu’elle aurait aimé avoir, le colla ensuite contre son cœur et se mit en boule en enfonçant sa tête dans l’oreiller.
Mais pourquoi donc s’intéressait-on autant à l’intérieur de sa petite culotte ? Elle repensa à cette visite médicale où le docteur y avait mis aussi un instant la main avant de murmurer avec un doigt devant la bouche :
— Chut ! Ça, c’est un secret professionnel ! »
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Comme dans ses rêves nocturnes où elle parvenait en battant ses bras dans l'air, tel un oiseau le fait avec ses ailes, à quitter le sol et survoler la pièce où elle se trouvait, elle était arrivée à le faire en cette église. Elle s'y était parfois retrouvée sur un nuage où elle flânait dans un champ de coquelicots avec Pompidou, Sébastien et sa chienne Belle, et d'autres fois, elle en était redescendue pour suivre ses petits camarades et répéter sagement leurs paroles.
Comme elle le faisait aussi merveilleusement bien à la marelle, elle était donc arrivée à se balader avec une grande habilité entre ciel et terre.
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- Avec la gueule que tu as, tu dois certainement lui faire peur ! Redépose-la donc, cette petite ! Les bébés n'aiment pas les moches !
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