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3,2

sur 790 notes
Oh, le bonheur de retrouver Alice Zeniter après L'art de perdre, ce splendide roman d'une densité et d'une générosité folles. Et le début de Comme un empire dans un empire laisse à penser que ce nouveau livre sera du même tonneau. On y suit, à partir de l'hiver 2019, et avec délectation, les routes parallèles empruntées par les deux personnages principaux du livre : Antoine, assistant parlementaire et L, hackeuse de son état. Il représente le monde du "dehors", elle incarne celui du "dedans'. le roman parle d'aujourd'hui, de la difficulté de faire de la politique dans notre société malade, des limites de l'engagement, bref, c'est assez passionnant, du moins dans le premier tiers du livre. le style de la romancière est toujours brillant : les phrases sont ciselées et les formules affutées. Puis, peu à peu, l'intérêt commence à se diluer, notamment quand Alice Zeniter détaille plus que de raison le fonctionnement et les actions des pirates du web. Nul doute qu'elle a acquis une documentation plus que respectable sur le sujet mais ce n'est pas une raison pour nous l'asséner d'une manière aussi didactique et pesante. le livre ploie sous les explications à n'en plus finir et en perd sa chair humaine qui se résume de plus en plus aux états d'âme et au mal être de ses héros déboussolés. Un peu d'humour aurait peut-être pu desserrer l'étreinte mais non, le livre fait hélas montre d'un sérieux intransigeant. Conséquence : Comme un empire dans un empire, malgré quelques passages enlevés, semble se vider de sa moelle romanesque et le sort de l'et d'Antoine finit par nous indifférer. Et ce n'est pas le dénouement, dans une communauté bretonne, avec ses longues descriptions, qui peut régénérer l'ouvrage. Son démarrage laissait espérer un roman balzacien de la plus belle eau. Son excès de gravité et son caractère outrageusement pédagogique n'ont pas confirmé ces alléchantes prémices.
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Passionnant mais pernicieux ce roman a l'ambition de répondre à la question : que signifie faire de la politique aujourd'hui ?

Hiver 2019, Antoine Madec, l'un des quatre assistants d'un député socialiste, s'active au Palais Bourbon et prépare en parallèle un ouvrage sur la guerre d'Espagne et les légendaires photographes Robert Capa et Gerda Taro. Les gilets jaunes occupent les ronds points et l'espace médiatique. le PS est en crise suite à ses désastres électoraux à la présidentielle de 2017 et aux européennes de mai 2019. le député est désigné par son parti pour participer à une commission sur la cybercriminalité ; il s'y présente sans préparation et révèle une incompétence et une suffisance sidérante. Antoine laisse tomber son ex et se retrouve provisoirement « poor lonesome cowboy ».

L, brillante autodidacte beurette, et Elias, son compagnon allemand, s'activent dans la mouvance hacktiviste, contribuent au projet Chanologie contre l'église de scientologie et à d'autres opérations. l'gagne modestement sa vie en dépannant des particuliers confrontés à des bugs sur leurs PC. La police arrête Elias qui est incarcéré. l'devient « poor lonesome cowgirl ».

Alice Zeniter explique avec beaucoup de pédagogie et de précision les techniques de l'hacktivisme et rend passionnant et limpide ce qui pourrait être ennuyeux et complexe pour le profane. Elle croise astucieusement les deux couloirs narratifs et déploie son style remarquable.

Le lecteur devine, sans peine, que les chemins de l'et Antoine vont se croiser ; l'trouve asile dans l'appartement de l'attaché parlementaire. Selma, militante féministe, et Xavier, une réincarnation bretonne de Robin des Bois accueillant des squatteurs, des SDF, et des asociaux dans le maquis celtique, entrent en scène et l'se réfuge dans cette communauté où « ils dansent et éclatent de rire ».

Conclusion délétère qui masque la toxicité du piratage informatique.

La romancière réussit à rendre sympathiques, voire séduisants, les crackers, hackers et racketteurs, en cachant les multiples ravages de ces criminels :
- En 2022, en France, une douzaine d'hôpitaux ont été victimes de cyberattaques et, à Ajaccio, par exemple, les soins de radiologie et d'oncologie ont été compromis et des établissements ont été rançonnés à hauteur d'un million d'euros.
- L'entreprise Camaïeu, victime d'une cyber attaque détruisant son informatique a baissé le rideau le 1 octobre 2022, condamnant ainsi 2600 employés au chômage.
- La députée Raquel Garrido a été la cible d'une affaire de fake news pour laquelle son adversaire, l'ancien député Jean-Christophe Lagarde, un policier et un journaliste sont poursuivis en justice.

Il n'y a pas ni « gentil » hacker, ni « gentil » squatter, mais des délinquants qui menacent la loi et l'ordre et affaiblissent nos démocraties, parfois au profit d'états étrangers. Attaquer l'état, ce n'est pas, à mes yeux, « faire de la politique aujourd'hui », c'est du terrorisme.

D'où ma déception en terminant cet ouvrage qui donne une image préjudiciable de nos parlementaires et fait l'apologie des terroristes en revendiquant l'héritage de Robert Capa et Gerda Taro.
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Alice Zeniter nous convie à un voyage bicéphale : dans le monde des hackers avec L. et sur le territoire d'un assistant au service d'un député socialiste. Ces deux planètes si éloignées l'une de l'autre finiront par se rencontrer en apportant de l'eau au moulin de la théorie des cinq poignée de main, modifiant ainsi l'orbite de leur trajectoire avec plus ou moins d'angle.


L. est une solitaire, naviguant entre le domaine du dedans (les méandres du web) et du dehors, qui, hormis la présence temporaire mais réconfortante d'Elias, activiste sur le darkweb, représente un univers hostile qui incite à la paranoïa. Mais même les paranos ont des ennemis et la menace rode autour de la jeune femme.

Quant à Antoine, son rôle de subalterne après de son député de patron, lui confère un statut de grenade, et même de grenade dégoupillée, étant donné la popularité décroissante du parti politique qu'il a investi. Alors que les émeutes des « Gilets » gagnent en violence ce qu'elles perdent en popularité, Antoine voit sa carrière, construite malgré ses origines modestes, prendre une tournure déclinante, alors que ses rêves d'écriture s'enlisent dans une impasse créative.

Brillante démonstration d'une collecte de documentation bien retranscrite sur le plan littéraire, qui permet, sinon de comprendre au moins de s'immiscer dans le milieu des aficionados du codage, avec suffisamment de pédagogie pour au moins en expliquer sans effet copié-collé le lexique interne.

Un bémol sur le fil rouge qui s'articule autour des délires (ou pas) de persécution de L. . le récit prend des allures de thriller sans qu'il y ait vraiment de lumière sur ce qu'elle a ressenti comme un danger. Un polar sans conclusion…

Cela reste cependant une lecture prenante, et l'on suit avec plaisir et addiction les aventures du couple improbable.
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J'adore les « Cahiers de vacances »… formule taquine, car en l'occurrence il s'agit juste du plaisir de découvrir un texte avant parution…Le dernier ouvrage à venir d'Alice Zeniter, que m'ont prêté gentiment des amis-libraires, avant leur propre lecture [**Librairie Caractères / Issy-Les-
Moulineaux ]

« Il faut que quelque chose change, se répétait-il à l'automne 2019, incapable de savoir si la phrase concernait ses désirs plutôt que l'ordre du monde. Il faut que quelque chose change. » (p. 22)

Une phrase tout simple pour situer l'ouvrage qui va coller à une actualité très, très récente…

Une chronique sociale très fouillée d'une époque, la nôtre, en totale mutation, en complète tempête. le style d'Alice Zeniter est toujours fluide, plaisant… mais pour ma part, au vue de mes goûts, attirances littéraires… cette absence de recul, tous ces faits d'actualité, trop récents m'ont rebutée ; comme si j'étais à nouveau plongée, matraquée dans un quotidien révoltant, oppressant…dans lequel on est nécessairement confronté et saturé par l'omniprésence des médias et des informations (ou « Désinformations » ) journalières...

Mes envies et mes choix en Littérature sont attirés vers un minimum « D Ailleurs » , d'évasion, de recul, des sujets nouveaux m'instruisant, m'ouvrant de nouveaux domaines, à la fois de la fantaisie, de la documentation…solide [ qui donne envie de prolonger la recherche], un style , le choix des mots …Et surtout un « Elargissement » de mon horizon (de grâce !!..)
Après m'être expliquée sur mes choix littéraires, vous comprendrez mieux mes résistances involontaires quant à cette fiction sociale…qui, pourtant a tout pour plaire…et faire réfléchir !

J'ai persisté, mais sans grand succès ; décidément ce roman trop ancré dans les problématiques du temps, de notre présent immédiat, m'ont complètement bloquée.J'en suis fort chagrinée… car la plume est alerte, virulente, acerbe…lucide, présentant des analyses fouillées, des interrogations brutes envers notre société « malade » de toutes parts !

« Il [le journaliste] évoquait aussi les "casseurs" qui avaient entaché la manifestation du jour (...) Antoine aurait voulu qu'il n'aborde pas la question (...)Antoine croyait savoir, depuis l'intérieur, que ça ne se passait pas comme ça : au milieu d'une foule rassemblée pour une revendication précise surgissait parfois une impression de puissance, ou au contraire de totale impuissance, qui pouvait donner l'envie soudaine de ravager quelque chose. (p. 51)”

L'ouvrage d'Alice Zeniter est de qualité… mais ne me correspond pas à mes accointances littéraires…du moment !!
Envie d'horizons ou plus légers ou surtout différents de ce que nous vivons et de ce qui nous interpelle dans l'immédiateté…Comment réfléchir, agir, vivre autrement sur une planète malade de tous nos excès et de notre narcissisme de « bipède » !!. ..

Alice Zeniter décortique tout de notre société à travers deux personnages qu'elle fait se rencontrer : Antoine, assistant parlementaire, mal à l'aise dans ces coulisses du dit-Pouvoir, lui qui ne rêve que d'écrire un vrai Livre, où « Il parlerait de la guerre d'Espagne ;(où) il y aurait des points-virgules »… Et Elle, qui se fait appeler L, ; elle est hackeuse ; sa vie bascule, est remise en cause à partir de l'arrestation de son compagnon qui a piraté une importante société de surveillance informatique, ce dont elle l'avait pourtant dissuader de le faire… Questions universelles (toutefois) : jusqu'où va-ton pour changer le monde ? Jusqu'où les engagements politiques, sociaux , individuels peuvent-ils mener..?

Une gêne constante dans ma lecture m'a franchement freinée, les thématiques collant vraiment trop à tout notre quotidien, plus qu'imparfait et nous saturant déjà les uns et les autres…lorsqu'on se lève le matin !! Je relirai sans doute plus tard, avec plus de distance… cette fiction des plus réalistes, miroir déformant de tous « nos » travers, et dysfonctionnements, injustices, régressions de notre univers journalier !!

- Les Réseaux sociaux, les dysfonctionnements de la Toile, les faces sombres du web,
L'omniprésence du Net dans nos vies, nos sphères intimes…
- - Les ravages du capitalisme mondialisé
- le Factice des engagements politiques
- - la méfiance généralisée envers les Politiques
- - Les guerres du Pouvoir
- - La violence , la pauvreté, les précarités allant toujours croissants…
- - le mouvement des Gilets jaunes, reflet de ce « casse social » généralisé etc.
En quelques mots, et ce que nous ressentons tous, ou du moins un très grand nombre d'entre nous, la nécessité absolue de changer notre monde, nos comportements, nos manières de penser, de reconstruire sur d'autres valeurs !...

Je remercie encore les amis-libraires de m'avoir prêté ce texte d'Alice Zeniter, avant publication ; Cela m'intéressait vivement ; cet avis n'est qu'un ressenti à un moment sans doute pas adéquat pour l'apprécier à sa juste mesure , surtout que je connais très peu cette auteure, dont je n'ai lu (d'ailleurs très récemment) qu'un texte très personnel, vivement apprécié, situé dans une autre sphère, « L'Art de perdre »… Mais les « fans » plus familiers de son oeuvre auront sûrement un avis plus subtil, plus affiné , que le mien…!

[*** toutes mes excuses pour les trop nombreuses redondances... devant s'expliquer par une sorte de rancune envers moi-même de ne pas avoir su apprécier ce texte... d'être passée à côté ! ...]


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Prenez deux personnages principaux.
Prenez un assistant parlementaire, prénommez-le Antoine et décrivez sa vie (à vous dégoûter pour toujours de postuler sur ce genre de fonction).
Prenez une hackeuse, ne lui donnez pas de prénom, seulement la première lettre d'un prénom – l'– (elle ?).
Faites- les se rencontrer. Mais pas trop vite (attendez la page 122 pour qu'ils se croisent à une soirée) et ensuite la page 230 pour qu'ils se voient à nouveau dans un bar.
Essayez de tisser un roman avec tout ça.

Chacun a un « dedans » : l'vit essentiellement au travers d'Internet, et fuit le monde du « dehors ». Antoine vit dans le monde du politique, tout aussi enfermant.
Qu'est-ce qui les relie ? Un âge similaire – ce sont des trentenaires – et sans doute un milieu parisien, même si ni l'un ni l'autre n'en sont issus. Mais aussi une forme de désillusion (plus d'idéaux dans lesquels s'engager aujourd'hui) et surtout une profonde lassitude, même si l'a rencontré Elias, son double hacker. Mais celui-ci s'est fait arrêter et il lui manque profondément. Une forme de dépression les unit donc tous les deux.
Quant à Antoine, il se rêve écrivain – bien sûr, parce que comme de très nombreux Français (on les estime à 10% de la population, ce qui fait tout de même près de 6 Millions de Français) il voit en rêve son nom en tête de gondole de toutes les bonnes librairies parisiennes. Mais il peine à écrire.
Tout le problème provient du choix de ces deux personnages : si, comme moi, vous n'êtes pas très au fait du monde du dedans d'un hacker, l'auteur va bien devoir vous expliquer comment ça fonctionne. D'où un long développement plutôt didactique pour qu'on arrive à suivre les aventures de L.
Un peu plus facile pour le monde politique, l'auteur va tout de même passer un bon bout de temps à nous expliquer ce que fait un Assistant parlementaire, profession dont on ne saurait presque rien si un candidat à la Présidentielle n'avait pas fait irruption sur la scène médiatique au sujet de sa prétendue assistante parlementaire qui n'était autre que son épouse.

Sur le plan sociologique, tout y est : on se replonge aussi dans une période très proche du point de vue du calendrier (tiens, Nuit Debout! ah oui on avait un peu oublié) ou la révolte des Gilets jaunes, mais lointaine depuis de nos préoccupations quotidiennes. La question du déterminisme social est aussi très bien traitée (Antoine n'en sortira pas si facilement, à l'image de « Leurs enfants après eux », Goncourt 2019).
C'est documenté, il n'y a rien à dire de ce côté.

Mais alors ? D'où vient cette sensation d'avoir devant soi un ouvrage studieux, laborieux, mais qui ne fonctionne pas d'un point de vue du tempo ? Il nous est dit que ce roman avait pour thème l'engagement : « Comment continuer le combat quand l'ennemi semble trop grand pour être défait » ?
Peut-on encore agir dans ce monde post 68 ? le mot « engagement » a-t-il encore un sens ? Quelque chose est-il possible pour cette génération « désenchantée » ?

Heureusement il y a les personnages secondaires, tels Selma qui milite au sein d'une association féministe ou Xavier qui essaie de faire revivre une ferme au milieu de nulle part, en Bretagne.
J'avais beaucoup apprécié Alice Zeniter, dès « Sombre dimanche » que j'avais chroniqué à l'époque. J'avais été très enthousiaste à la lecture de « L'art de perdre » que j'avais aussi chroniquée.

Avec « Comme un empire dans un empire », le style est toujours là, le sujet est bon, le regard porté sur les trentenaires est juste, le propos intelligent mais … le récit est à la peine et la question du rythme fait perdre son intérêt à la lecture. Je suis déçue.

Dommage, parce que les ingrédients sont les bons, mais peut-être la dépression des deux personnages a-t-elle déteint sur le récit, rejoignant une morosité ambiante – peut-être un ingrédient n'est-il pas suffisamment présent : un peu d'humour nous aurait fait du bien.

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C'est le 19 août, tu as coché la date dans ton agenda, une pluie de nouveautés s'abat ce jour-là sur les tables des librairies mais tu n'en as qu'une en tête, le roman d'Alice Zeniter. Parce que tu la lis depuis longtemps, tu apprécies son intelligence, la clarté de son propos. Même si Sombre dimanche était teinté d'un voile de nostalgie proche de la tristesse, que pour toi Juste avant l'Oubli, dont tu avais admiré la haute densité, ne laissait pas passer l'émotion. Depuis il y a eu L'Art de perdre. Grand roman, qui, à ton avis deviendra un classique d'ici quelques années. Tu l'as qualifié de magistral et, trois ans après tu ne regrettes pas ce mot. Alors tu te hâtes vers la librairie, tu remets à plus tard l'exploration des rayons, de toute façon tu as encore de quoi faire, tes piles sont à marée haute, tu attrapes direct l'objet tant convoité, en fait tu achètes encore une ou deux choses mais c'est un détail. Sur le chemin, tu repenses aux échos que tu as glanés ici et là, paroles de libraires ou de journalistes. le roman est, parait-il, très différent du précédent (tant mieux !) et tout aussi brillant (miam !). Tu le soupèses, tu regardes le nombre de pages, presque 400, ça va, tu anticipes une belle immersion. Et bien sûr, dès que tu arrives chez toi, tu t'installes confortablement, boisson et trucs à grignoter à portée de mains, smartphone relégué dans la pièce d'à-côté. Et c'est parti.

Tu fais donc la connaissance d'Antoine et de L. dont tu as entendu un peu parler, via les pitch qui inondent déjà les médias et les réseaux. Ce sont des trentenaires, ancrés dans notre époque. Antoine est assistant parlementaire d'un député socialiste dont les illusions se sont peu à peu dissoutes dans les débâcles électorales et les compromissions. Il rêve d'écrire un roman, un grand roman bien sûr, autour de la Guerre d'Espagne et des figures de Robert Capa et Gerda Taro ; roman dont il n'a que le plan et une vague idée. En fait, il se rêve en écrivain mais pêche grandement sur la motivation et la réalisation. L. est une hackeuse, plus habituée à la vie "du dedans" comme elle la décrit elle-même pour la distinguer de celle du dehors. Son compagnon vient d'être arrêté et elle tremble des liens qui pourraient faire remonter jusqu'à elle. Antoine et L. vont se rencontrer par l'intermédiaire d'une amie commune, militante associative très active. Les deux représentent deux formes d'engagement différents, l'un visible, au sein des institutions et l'autre sous-terrain et illégal. Pourtant, chacun interroge sa réelle efficacité et sa raison d'être.

Tu voudrais vraiment aimer ce roman, mais ton esprit a du mal à rester captivé, tu te surprends à rêvasser en plein milieu d'une page, ce n'est jamais bon signe. Ton cerveau rationnel fait un peu le job, tu notes quelques passages hyper bien sentis, l'évocation des décors urbains ou de ces zones commerciales qui entourent désormais les villes, tu te dis que ce roman est terriblement bien ancré dans la réalité du terrain, sur fond de gilets jaunes, de précarité et de désillusion. Tu reconnais Antoine, issu de la classe moyenne, décidé à quitter la Bretagne pour un avenir parisien qu'il entrevoyait plus brillant mais qui se résume à quelques signes extérieurs de "réussite". Tu es beaucoup plus curieuse de L. qui s'est glissée dans le codage informatique comme dans un dernier refuge, et s'attache viscéralement à son anonymat au point de ne garder que l'initiale de son prénom pour ne donner aucune indication sur ses origines ou son profil socio-culturel. L. qui navigue dans un monde parallèle, a connu les débuts et la fin des Anonymous et qui, à ses heures perdues donne des coups de main aux femmes qui craignent d'être pistées par leur compagnon. Personnage intéressant. Pour lequel néanmoins tu peines à ressentir de l'empathie, peut-être à cause de la masse de documentation sur le milieu des hackers. Tu observes Antoine et L. se débattre, se rencontrer, s'entraider. Tu guettes le message politique, tu en perçois des bribes, effectivement, la photographie sociétale est bien faite, c'est la galère tout ça. Dehors et dedans. Pourtant, tu peines encore à t'accrocher au texte. Ultra documenté. Parfois écrit avec une sorte de rage que l'on imagine être celle du spectateur impuissant, ce qu'est certainement l'écrivain, témoin, reporter, narrateur mais pas acteur.

Tu peux l'avouer, tu ne prends pas de plaisir à lire ce roman. Tu cherches en vain la lumière qui avait éclairé ta lecture de L'Art de perdre. Tu cherches en vain la chair derrière l'avalanche de mots. Tu dois reconnaitre que certaines phrases te semblent toujours absconses malgré plusieurs lectures. Même pour toi qui aimes le jus de cerveau, là, c'est un échec. Tu vas au bout, bien sûr, parce que le boulot de l'auteure est intelligent, fouillé, certainement très ambitieux. Mais, même dans la Vieille Ferme, auprès de cette communauté de marginaux et de laissés pour compte qui tentent un autre mode vie, non, même là, tu ne vibres pas. Tu retrouves un peu de cette tristesse accrochée aux pages de Sombre dimanche, tu te demandes si la France des années 2020 est semblable à la Hongrie des années 1980. Et puis tu arrêtes de te demander quoi que ce soit, tu refermes le livre, tu es déçue, ça arrive.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Je serais tentée de dire qu'il n'y a pas d'intrigue. Les deux protagonistes, Antoine et L. se contentent de se rencontrer. Antoine est un jeune assistant parlementaire d'un député socialiste. Issu d'un milieu populaire, il se pose beaucoup de questions sans apporter de réponses. L., qu'on prononce « elle » est hacker.
Antoine aide L., même s'il ne comprend rien à sa vie.
Pourtant des thèmes, il y en a :
— les hackers et les lanceurs d'alerte. Au beau milieu du livre, une page vient nous raconter l'histoire des Anonymous. Ou alors, l'auteur fait des allusions à Barett Brown, Jeremy Hammond ou Chelsea Manning. Si ces noms vous disent vaguement quelque chose ou si vous n'en avez jamais entendu parler, il ne vous reste plus qu'à consulter Wikipédia et regretter que l'auteur se soit arrêté là.
— les logiciels espions que certains hommes utilisent pour surveiller leurs compagnes, avec des conséquences désastreuses. Une des amies de L. en est victime. On n'en saura pas plus.
— Les difficultés à communiquer pour les gens qui ne possèdent pas le jargon des nantis.
Malgré tout ce potentiel dramatique (et tout ce que j'aurais aimé savoir), il ne se passe pas grand-chose dans le livre et je n'attendais rien du dénouement, un pétard mouillé.
Heureusement, il reste la belle écriture d'Alice Zeniter.

Lien : https://dequoilire.com/comme..
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C'es un exercice assez casse-gueule d'écrire un roman ultra-contemporain en prise directe avec l'actualité, ce n'est pas pour rien que le grand Philip Roth disait avoir besoin d'un laps de temps de vingt ans avant d'écrire sur une époque.
J'étais donc curieuse de voir comment s'en sortait Alice Zeniter, que j'avais découverte et beaucoup appréciée dans L'art de perdre.
Sur la peinture de l'air du temps, rien à redire. D'une manière ou d'une autre, chacun trouvera des échos dans le désenchantement de l'un, la perte de repères de l'autre, la frustration de tous devant un monde qui s'est emballé et sur lequel plus personne n'a de prise et qui donne envie de reprendre la maîtrise de sa vie en lui donnant du sens.
Sur le récit lui-même, c'est un peu moins bien réussi. Même si les deux personnages sont convaincants, tant L. aux allures de Lisbeth Salander qu'Antoine le provincial "monté" à Paris et de plus en plus perdu dans son triangle fierté/colère/déférence, le roman manque de souffle et on n'échappe pas aux figures attendues du député professionnel d'une gauche moribonde ni à celle du militant investi dans sa ZAC bretonne.
Toujours est-il que le regard de l'auteur est juste, le propos souvent d'une grande pertinence et que la mélancolie de l'époque est bien là, balançant entre envies contradictoires de sortir de l'empire et de s'y faire sa place, ou encore de se refermer sur son propre empire quand tout s'écroule.
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Voilà un roman ambitieux sur notre monde d'aujourd'hui à travers le portrait deux personnages : L, jeune hackeuse qui ressent une menace (réelle, imaginée ?) depuis l'arrestation de son compagnon et Antoine, jeune assistant parlementaire qui tente d'écrire un premier roman. Forte de ses deux protagonistes, elle déroule un récit parfois complexe, lorsqu'il s'agit de parler du monde virtuel de ses codes, de sa part sombre et cachée. le texte sonde avec plus ou moins de bonheur deux mondes qui vont bien sûr se rencontrer. Avec des thèmes très contemporains comme l'engagement politique, social, amoureux.
Le roman d'Alice Zéniter dont jamais aimé (comme beaucoup) le roman précédent, m'a laissé un sentiment mitigé, en cause certainement le peu d'intérêt que l'on ressent pour l'comme pour Antoine,. Certes la réflexion sur notre époque est assez passionnante et juste mais l'intérêt se délite par moment et l'on peine à être emballé par ce récit très dense mais qui m'a perdu plusieurs fois en route. L'émotion est absente du récit, j'aurai aimé être plus près de l'et d'Antoine, ressentir leurs questionnements au lieu de les découvrir de façon aussi distante. Même l'épilogue nous laisse sur notre faim.
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Pour avoir adoré "Sombre dimanche" et "L'art de perdre" (notés tous les deux 5/5), j'attendais beaucoup de ce livre et j'ai été déçu. Rompant avec ces deux romans où le contexte historique (la Hongrie lors du dégel soviétique pour l'un, la guerre d'Algérie et ses conséquences vécues par une famille kabyle pour l'autre) ainsi que les liens familiaux prenaient une place importante dans le récit, l'auteure nous raconte cette fois la rencontre de deux jeunes de notre époque, presque sans lien avec leur passé. Antoine est l'assistant parlementaire d'un député socialiste; "L", qu'on ne connait que sous cette initiale, est une jeune femme qui fait partie de la communauté des hackers, autrefois réunis par la signature "Anonymous".

Une grande partie du roman m'a semblé être un documentaire sans âme où Alice Zeniter nous décrit l'univers dans lequel évolue ces deux personnages au prix d'explications souvent laborieuses : Antoine et "L" m'ont paru être ces sortes d'avatars qui accompagnent parfois les clips vidéos censés nous expliquer comment fonctionne une société ou bien le mode d'emploi d'un dispositif. Cela m'a semblé très artificiel et très loin de ce que j'avais pu lire jusqu'à présent sous la plume de l'auteure.

Je n'ai retrouvé du plaisir que lorsque "L" est emmenée par Antoine en Bretagne dans la ferme achetée par son ami d'enfance, Xavier, et où vit ensemble une douzaine de personnes dans une sorte de communauté libertaire. Soudain, un souffle de vie a traversé le roman mais cela n'a hélas duré que quelques pages. "Comme un empire dans un empire" était à mes yeux un titre prometteur. Après lecture, il me semble juste une promesse non tenue.
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