Très intéressante et érudite lecture, emplie de modernité et d'humanisme.
Deux histoires de vie contemporaines qui vont s'enchevêtrer.
Une rencontre entre Antoine, assistant parlementaire et L., hackeuse, à un moment où les doutes et les angoisses se sont immiscés dans leur vie. Ils sont tous deux insatisfaits du système et se battent pour leurs idéaux. Antoine dans la "viandosphère" (le monde réel selon L.) et L. "au-dedans" (le monde virtuel). D'autres personnages portés par leur engagement gravitent autour d'Antoine et L. : il y a Xavier, propriétaire d'un terrain communautaire alternatif ouvert à tout le monde, Salma, aux commandes d'une association féministe Grenade(s), Élias, très engagé dans le "dedans" à l'origine de cyberattaques.
Je retiens une lecture réaliste et très dense, quelque peu hachée cependant par de denses descriptions techniques sur le hacking et parsemée de nombreuses réflexions politiques.
« C'était ce qu'avait écrit Simmel dès 1907, est-ce qu'il avait lu Simmel ? le système des aides sociales, c'était le moyen de faire taire les classes laborieuses qui prenaient par ailleurs de plein fouet les ravages du capitalisme mondialisé. »
J'ai aimé l'analyse psychologique poussée des protagonistes, la description de leur engagement et de leur force, j'ai aimé le regard et les réflexions de l'autrice sur l'actualité récente (Gilets jaunes, Marches pour le climat...), j'ai beaucoup appris sur le hacking, sur le dynamique et protestataire mouvement Anonymous, défenseur de la liberté d'expression, des Robins des bois du darknet.
« Ils avaient développé un langage commun, fait de blagues et de références qui n'étaient qu'à eux, et ils avaient donné un nom à ça, à l'ensemble des images, des blagues, des références et des phonèmes, ils avaient appelé ça le lulz. l'se sentait à sa place parmi eux. »
Un beau portrait d'une jeunesse militante en plein questionnement face à un système qui s'essouffle.
« Internet, tu dois y penser comme à une ville qui se gentrifie. Nous, on était les premiers habitants, ceux qui pouvaient et savaient se déplacer à l'intérieur. Ensuite les riches sont arrivés et ils ont voulu que les quartiers soient sûrs. Alors les uniformes sont arrivés aussi. Pour pouvoir continuer à exister, on a occupé les égouts, les terrains vagues, les ruines. Ce n'est pas par choix, c'est parce qu'on est traqués. À partir du moment où il y a eu des cyberagents, ce qu'on faisait est devenu une cybercriminalité, alors qu'avant, c'était simplement une manière d'habiter Internet et tout le monde s'en foutait. Ils ont fait le ménage à coups de procès, à coups d'amendes mais pourquoi est-ce qu'Internet obéirait aux lois de tel ou tel pays ? Internet, c'est pas un pays, c'est rien de terrestre. C'est un monde totalement différent. »
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