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EAN : 9782070370412
248 pages
Gallimard (19/07/1978)
3.87/5   371 notes
Résumé :
Comme tous les héros de Marguerite Yourcenar, Alexis s'interroge pour mieux comprendre le monde et mieux se comprendre lui même. Il cherche à sortir d'une situation fausse qui est l'échec de son mariage. Une longue lettre forme tout le récit où il prend sa femme à témoin du vain combat qu'il a mené contre son penchant naturel et sa vocation véritable. Le Coup de Grâce se situe dans les Pays baltes en 1919-1920. Par-delà l'anecdote de la fille qui s'offre et du garço... >Voir plus
Que lire après Alexis ou le traité du vain combat - Le coup de grâceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (45) Voir plus Ajouter une critique
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Ses mots sont des flèches qui jamais ne manquent leur cible. Sous sa plume, d'une grande précision, se dessine un véritable atlas des sentiments. Sans jamais verser dans le sentimentalisme.

Le coup de grâce, pris en étau entre le front bolchevik et celui de la baltique, renoue avec les thèmes chers à Yourcenar. de même que dans le vain combat que perd le jeune Alexis au coeur de la capitale austro-hongroise corsetée de la belle époque, Il y est question d'amour non partagé, d'amitiés particulières et de tragique.

Le personnage principal et narrateur instruit le lecteur d'une période révolue et les efforts d'objectivation du lecteur doivent être constants. Dans sa Préface, Yourcenar prévient qu'il appartient au lecteur de reconstituer, de mettre en doute, de traquer les indices au-delà de l'intermédiation du narrateur, de ses omissions qui sont des vérités et de ses aveux qui sont des mensonges.

Le style, classique, est économe, janséniste même, selon le mot de Bernard Pivot. Pas la moindre surabondance dans la syntaxe de celle qui écrit Alexis, son premier roman paru en 1928, à moins de trente ans. Les penchants, les pulsions et les pudeurs, leurs imbrications inexprimables, leurs ombres et lumières, leurs versants et leurs élans sont disséqués à coeur ouvert par cette chirurgienne des âmes avec froideur et justesse.

« Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour ». C'est ce qui fait à la fois son magnétisme, son alchimie ou à l'inverse, le manque de chaleur, le propos définitif et le sérieux vertigineux de sa plume que peuvent ressentir certains lecteurs. Cependant, une lecture attentive révèlera, tissées dans la dentelle du style, quelques pointes d'ironie.

En outre, il faut bien reconnaître que les personnages de ces deux romans ne sont pas des plus lumineux. Eric, officier allemand et balte, prisonnier de sa roideur, ne se veut pas capable d'émoi pour Sophie et tous deux finissent par s'infliger des souffrances aux accents kunderiennes ; quant au frêle Alexis, je me le figure livide, les yeux gris et les lèvres à peine rosées, ses veines bleues coulant en filigrane sous sa peau si fine (la première de couverture folio poche, une peinture d'Egon Schiele, lui offre un visage).

Si pour Eric l'histoire s'écrit désormais au passé, pour Alexis le jeu reste ouvert, et l'auteur de souligner, en songeant à une suite pour la longue lettre du vaincu, que la vie est beaucoup plus souple qu'on ne le pense lorsqu'on a vingt-quatre ans.

Mais il y a toujours chez ces personnages la volonté, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, de faire preuve d'honnêteté dans leur introspection ; c'est cette petite musique de Yourcenar qui fait vibrer une à une les cordes de nos émotions.
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[Préface au Coup de Grâce]

"Le récit est écrit à la première personne, et mis dans la bouche du principal personnage, procédé auquel j'ai souvent eu recours parce qu'il élimine du livre le point de vue de l'auteur, ou du moins ses commentaires, et parce qu'il permet de montrer un être humain faisant face à sa vie, et s'efforçant plus ou moins honnêtement de l'expliquer, et d'abord de s'en souvenir."

L'empathie est reine sous la plume de Marguerite Yourcenar.
On emploie ce terme un peu trop facilement dès qu'il s'agit de "partager" les émotions d'autrui et souvent l'on fait erreur.
Empathie n'est pas sympathie.
Ce glissement de sens est "vital", nous ne sommes pas censés y penser quand il a lieu (parce qu'il a ses propres raisons)
Mais s'il a lieu en littérature, c'est que le discours devient politique (très sciemment ou malgré soi)

Ce que ne fait pas du tout, Marguerite Yourcenar, c'est de la politique ; et ce qu'elle fait scrupuleusement, c'est de la littérature.
De celle qui n'ignore pas ses pouvoirs et ne veut pas en abuser.

Nous sommes bien, pour chaque histoire, dans la tête de son narrateur ; nous pouvons réfléchir, comprendre son ressenti mais ne sommes jamais réellement entraînés sur la pente du jugement ou de l'affection.
Nous sommes à la distance nécessaire pour ne jamais oublier qu'il s'agit d'êtres humains, au fond, non seulement de papier (à chiffonner)

Finalement, cette distance même (cette sorte de mise en garde inconsciente) nous oblige à plus de respect qu'envers ceux dont on partage le sort, inéluctablement.

Dans chacune de ces narrations, ce qui n'est jamais explicite ne cesse de se dire ailleurs..
Alexis est très différent d'Éric (et là encore, on ne peut qu'admirer cette faculté de l'autrice à prendre corps en ignorant toute vanité démonstrative, toute manifestation d'écrivain..) mais ils se ressemblent sur un point qui les rend coupables à leurs yeux et à ceux d'un monde inconscient, hypocrite ou mensonger

S'il faut lire Yourcenar dans son oeuvre de fiction, je la trouve presque plus remarquable encore, quand c'est elle qui écrit à son sujet ; sa troublante lucidité n'a d'égal que son souci d'écrire au plus près de la vérité de son personnage.

"On n'a peut-être pas assez remarqué que le problème de la liberté sensuelle sous toutes ses formes est en grande partie un problème de liberté d'expression. Il semble bien que, de génération en génération, les tendances et les actes varient peu, ce qui change au contraire est autour d'eux l'étendue de la zone de silence ou l'épaisseur des couches de mensonge."

"Comme tout récit à la première personne, Alexis est le portait d'une voix. Il fallait laisser à cette voix son propre registre, son propre timbre [...]
Il fallait aussi laisser au personnage certaines opinions qui à l'auteur paraissent aujourd'hui douteuses, mais qui gardent leur valeur de caractérisation."
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Etonnante cette facilité de Marguerite Yourcenar à se glisser dans la peau de ses personnages, surtout masculins : Hadrien, Zénon, Alexis dans cet ouvrage ou Eric von Lhomond encore dans le coup de grâce.

Etonnant aussi chez elle cette faculté d'autopsier le processus de pensée de l'homme, au sens de mâle de l'espèce humaine, dans sa relation au monde, dans sa relation à l'autre. L'autre étant souvent féminin naturellement, mais pas seulement, tel Antinous pour Hadrien.

Son approche des sentiments est très intellectualisée, un peu trop même. Elle lui confère une froideur presque scientifique. Cette maîtrise imposée ôte à mon sens à l'expression du sentiment sa spontanéité, sa sensualité qui donne de la chaleur à l'épanchement amoureux. Comme elle le dit elle-même : "Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour".

Il est beaucoup question d'états d'âme de la part de ses héros dans l'évocation de ce combat qu'est la vie, en quête de plénitude plus que du bonheur, estampillé trop convenu. Ces personnages évoluent dans un univers écartelé entre les aspirations du corps, certes bien gouvernées, les convenances imposées par le milieu social et l'élévation intellectuelle, seule à pouvoir supprimer les barrières qui cloisonnent nos sociétés. On verse toutefois peu dans les croyances. le spirituel est trop hasardeux.

Mais la maîtrise de la langue vient au secours de cette analyse quelque peu déprimante. Pas un mot superflu, chacun est lourd de signification. Pas une phrase creuse. Pas un paragraphe qui ne soit construit. La syntaxe de Marguerite Yourcenar, qu'elle façonne en orfèvre, est l'escabeau qu'elle place sous nos pieds pour accéder à la puissance de son univers sémantique.
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Ce livre débute par un roman intitulé « Alexis ou le traité du vain combat », celui que Marguerite Yourcenar a écrit à vingt-quatre ans, soit le même âge que le personnage éponyme, Alexis. Ne comptabilisant qu'une centaine de pages, il est représentatif de la retenue, de la sobriété mais également de la finesse dont est empreinte l'écriture du narrateur.

Car lorsqu'il entreprend d'écrire une lettre explicative après son départ, c'est bien Alexis le narrateur ; quant au destinataire, Monique, il s'agit de la femme avec laquelle il est uni par ce qui n'est pas un mariage d'amour ; Alexis étant homosexuel. Dans cette lettre, Alexis reconstitue son histoire personnelle en commençant naturellement par le passé ; il raconte alors qu'il est entouré de la présence rassurante des femmes, celles-ci occupant une place privilégiée dans son éducation. On apprend ensuite qu'il combat ses désirs qu'il juge criminels et que, « contaminés par eux », il choisit de quitter le domicile familial afin de ne pas les révéler à sa mère, pieuse de surcroît. L'action de fuir le domicile va donc de pair avec l'action de fuir ses « désirs malsains ».

Dans ce contexte où il est en proie à un sentiment de culpabilité toujours plus fort, Alexis trouve néanmoins une échappatoire dans son activité de musicien ; en effet, la musique lui permet d'exprimer les sentiments complexes sur lesquels il ne saurait mettre de mots ou, plus exactement dans son cas, les sentiments qu'il réprime au quotidien.

Au final, par le biais D Alexis, nous apprenons les conséquences multiples qu'entraînaient le fait d'être homosexuel au début du XXème ; en l'occurrence, Alexis se voit contraint d'abandonner une femme admirable pour laquelle il a beaucoup d'affection, mais qu'il perçoit davantage comme sa mère que comme une vraie épouse. En découle à nouveau un sentiment de culpabilité, même si Alexis se justifie par une phrase pertinente vers la fin : « j'aime encore mieux la faute (si c'en est une) qu'un déni de soi si proche de la démence ».

Quant au deuxième roman, le sujet n'est pas aussi original (pour l'époque) et même assez éculé (une tragédie amoureuse) : dans le cadre de la guerre civile russe, une jeune femme s'appelant Sophie va être prise d'une passion Racinienne pour Eric, un officier qui, en comparaison du feu que symbolise la passion de Sophie, semble avoir un coeur de glace. Par rapport à Alexis, on a bien un fil rouge avec la thématique de l'homosexualité, puisqu'Eric incarne un militaire proche de son compagnon de guerre, Conrad qui est aussi le frère de Sophie. Aussitôt, la frontière entre la camaraderie entre guerriers et l'amour est ténue, comme le veut la tradition de l'antiquité grecque avec Achille et Patrocle par exemple. Par ailleurs, chez Yourcenar, cela rappelle un peu la relation d'Hadrien et d'Antinoüs dans les mémoires d'Hadrien.

Enfin, voilà, ce livre ne témoigne pas autant de l'érudition de Yourcenar que « les mémoires d'Hadrien », mais il s'avère néanmoins intelligent dans la façon dont il traite de la condition de l'homosexuel au XXème.
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Une PLUIE d'étoiles pour cette oeuvre de haute volée.

Yourcenar, unique, offre ici son premier roman. Elle a une vingtaine d'années lorsque lui vient ce récit, Alexis en est le narrateur. Il rédige une lettre d'une centaine de feuillets où il livre ses secrets sans jamais les nommer.

L'attachement à cette pudeur trouve probablement son explication dans la préface de Yourcenar quand elle affirme :"l'obscénité s'use vite, forçant l'auteur qui l'utilise à des surenchères plus dangereuses encore pour la vérité que les sous entendus d'autrefois. La brutalité du langage trompe sur la banalité de la pensée, et reste facilement compatible avec un certain conformisme ". A méditer !

Alexis, jeune époux et jeune père, livre une lettre d'adieux à sa tendre épouse Monique, qu'il considère d'ailleurs plutôt comme une soeur. Il reprend le fil de son enfance, de sa jeunesse, puis de sa vie de jeune homme pour expliquer à sa femme la raison de son départ (son homosexualité) sans jamais la nommer, et annoncer la forme de son départ (sans jamais l'expliciter).

Ce roman est merveilleusement écrit: tout en douceur, sans colère, avec une humanité à l'opposé de la mièvrerie. le personnage d'Alexis, est une pierre précieuse défait de sa gangue de violence.

Il demande pardon, non pas pour son départ mais d'être resté trop longtemps !!!

De la littérature comme on en lit TRES rarement. Yourcenar honore l'humanité, répare, même si la tragédie se dessine parfois sous sa plume.

Yourcenar, en reine de la littérature, dans mon panthéon. ASSURÉMENT ! .

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Citations et extraits (121) Voir plus Ajouter une citation
[Le Coup de Grâce]

Nous étions tous les deux trop jeunes pour être tout à fait simples, mais il y avait chez Sophie une droiture déconcertante qui multipliait les chances d'erreur.
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[...] car les vérités sensuelles échappent au langage, et ne sont faites que pour les balbutiements de bouche à bouche.
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Ce sont nos imaginations qui s'efforcent d'habiller les choses, mais les choses sont divinement nues.
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J'ignorais que le dégoût est une des formes de l'obsession, et que, si l'on désire quelque chose, il est plus facile d'y penser avec horreur que de n'y pas penser. J'y pensais continuellement.
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On ose tout dire à une jeune fille.
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Vidéo de Marguerite Yourcenar
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : _La poudre de sourire : le témoignage de Marie Métrailler,_ recueilli par Marie-Magdeleine Brumagne, précédé de _lettres de Marguerite Yourcenar de l'Académie française à Marie-Magdeleine Brumagne,_ Lausanne, L'Âge d'Homme, 2014, pp. 179-180, « Poche suisse ».
#MarieMétrailler #LaPoudreDeSourire #LittératureSuisse
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